GRANDE BRETAGNE ET IRLANDE GîP BRETAGNE PAR SIR WALTER ARMSTRONG DIRECTEUR DE LA NATIONAL GALLERY D'IRLANDE Deuxième Édition LIBRAIRIE HACHETTE 79, Saint-Germain, Paris CET ouvrage est publie simultanément : en France, par la Librairie Hachette ; en Allemagne, par M. Julius Hoffmann, Stuttgart ; en Amérique, far MM. Charles Scribner's Sons. New-York ; en Angleterre, par M. William Heinemam, Londres ; en Espagne, par la Librería Gutenberg de José Ruiz, Madrid ; en Italie, tar /'IsTiTUTo Italiano d'Arti Grafiche, Bergante. NOTE DE L'AUTEUR ET DES ÉDITEURS et les Editeurs désirent exprimer leur gratitude L'AUTauExUpRropriétaires d'ouvrages d'art, aux titulaires de droits d'auteur, dont les noms suivent ; c'est grâce à leur obligeance que beaucoup de gravures, parmi les six cents illustrations de ce livre, peuvent aujourd'hui être mises sous les yeux du lecteur : La Royale Académie des Arts; Sir William Quiller Orchardson; Sir Francis Seymour Haden ; M. George Salting ; Mrs Seeker ; Mrs Joseph; M. J. C. Alexander; Mlles Percy; M. M. H. Spielmann ; M. Reginald Blomfield ; M. E. S. Prior ; M. R. H. Benson; MM. Hook; Mrs Charles Furse; Col. Hutcheson Poë ; C. B. ; M. John Murray : M. C. J. Longman; le Directeur de la Cambridge University Press "; MM. Cassell et Cie ; Thos. Agnew et fils ; Dowdeswell et Dowdeswells ; Sulley et Cie ; " P. et D. Colnaghi ; Durlacher Bros. ; la Fine Art Society ; et les Directeurs des différentes collections publiques auxquelles de nombreux sujets ont été empruntés, surtout pour ce qui est des peintres et sculpteurs vivants, dont les œuvres sont reproduites dans les derniers chapitres. r IVOIRE SCULPTÉ : L*ADORATION DES MAGES XII® SIÈCLE (Victoria and Albert Museum.) GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE CHAPITRE PREMIER L'art primitif dans les iles britanniques. — les ibères. — les celtes. - caractères de l'art celtique; leur persistance iles britanniques n'ont pas fourni d'œuvres d'art compa- Lesrabies aux os gravés et sculptés par les chasseurs de rennes du Sud de la France, ou aux peintures des grottes d'Altamira, dans le Nord de — l'Espagne. Assurément, les couches de l'âgeFdeigpie.rrei. Stonehenge. nous ont rendu une quantité d'objets, d'armes et d'ustensiles, (oCù liché Spooner.) paraît du moms ce goût de la symétrie, qui marque le début de toute tendance artistique ; mais rien qui trahisse le désir d'imiter, de décorer ou de marier harmonieusement les formes. Le présent manuel concerne uniquement les beaux-arts; nous devons donc commencer notre exposé à une date relativement récente. La période de la pierre polie est celle des stations lacustres de la Suisse, des dolmens, des menhirs et des cromlechs. Le seul spéci- men de cette architecture où l'on puisse reconnaître un caractère d'art, une ambition artistique, si l'on peut dire, est le monument de Stonehenge (fig. 1 à 3). Ce monument ne remonte, semble-t-il, qu'au début de l'âge du bronze (2000-1500 avant J-.C.). Les énormes blocs qui le composent ne sont pas bruts, mais dégrossis, et témoignent, par leur position, d'un sentiment de symétrie et d'une I ^ ^ GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE subordination des parties à l'ensemble qui attestent déjà une certaine culture intellectuelle. Après Stonehenge, il faut attendre longtemps avant de trouver un autre monument d'architecture. Fig. 2. — Stonehenge restauré. En Grande - Bretagne, comme dans toute l'Europe occidentale, les seules constructions de pierre élevées pendant plusieurs siècles furent des murs de défense ; toutes les autres constructions, religieuses ou civiles, étaient de bois. L'art de l'âge du bronze doit donc être étudié dans les oeuvres de petite dimension qu'il nous a laissées. D'après les auteurs les plus compétents, cet âge a duré, en Grande-Bretagne, de 1500 â 300 environ avant J.-C. Le bronze est un alliage de neuf parties environ de cuivre et d'une partie d'étain. C'est le bronze qui a été la base matérielle de la civilisation, tant en Europe que dans plusieurs régions de l'Asie et de l'Afrique, pendant une période dont la longueur est différem- ment estimée. La civilisation de l'ancienne Egypte appartient surtout â l'âge du bronze. Les mines de cuivre de l'isthme de Suez ont été exploitées dés l'an 4000 avant J.-C. Le fer n'est devenu d'un usage courant que vers 1500. En Grèce, le bronze est le métal le plus employé jusque vers l'an 800. L'âge du bronze, dans cette partie de l'Europe qui s'étend comme un éventail du Caucase â la Grande-Bretagne et â l'Ouest de la France, n'a pris fin qu'entre le VF et le IV° siècle avant J.-C. Bien qu'il soit presque certain que le berceau de l'industrie du bronze ait été le Caucase, nos idées sur la chronologie des premiers âges sont si incessamment modifiées par de nouvelles découvertes, qu'il est sage de ne rien affirmer. Au premier abord, il semble logique d'admettre que le cuivre et l'étain ont dû, â l'origine, être utilisés dans les pays mêmes qui les produisaient. Il n'est pas déraisonnable de supposer que, partout où l'on a trouvé ces deux métaux en abondance, existait aussi une mise en oeuvre qui a cor- respondu, le moment venu, aux besoins des civilisations locales. En quelque heu qu'on découvre des objets de bronze, la similitude de leurs formes s'explique plus souvent qu'on ne croit par les propriétés caractéristiques de la matière employée. Notre tendance 2 L'ART PRIMITIF à simplifier les origines, à bâtir des théories, nous porte peut- être à négliger outre mesure les forces qui amènent certai- nés coïncidences dans l'œuvre de l'activité humaine. Aucun chercheur, aucun travailleur ne disconviendra qu'une même idée puisse se manifester à la fois sur plusieurs points, — sans Fig. 3. Stonehenge. un dessin de qu'on doive l'attribuer néces- (D'après Constable.) sairement à la copie servile ou au simple hasard, '^ette comci- dence est l'œuvre de quelque force créatrice inconnue, qui résulte elle-même des circonstances du moment. On compare souvent l'expansion d'un art autour de son point d'origine aux ondulations concentriques que l'on obtient en jetant une pierre dans l'eau. On la comparerait plus exactement à ces myriades de petits cercles qu'y fait la pluie. Là où l'averse a le plus de violence, les cercles sont plus denses ; mais partout où tombe une goutte, un anneau se forme, qui vient se combiner avec les autres et concourt, avec eux, à rider la surface de l'eau. Cette image s'appliquerait cer- tainement mieux aux civilisations avancées, où les communications sont faciles et rapides, qu'à celles des temps primitifs ; mais elle n'en reste pas moins vraie pour l'âge du bronze et pour les âges qui l'ont précédé. En aucun pays du monde, les premiers ou- vners du bronze ne sont parvenus à une plus grande perfection que dans les Iles Britanni- ques. Les gisements de cuivre et surtout -d'étain que ces îles possèdent étaient riches et d'un facile accès. Ils tombèrent, avec la première invasion celtique, sinon plus tôt, entre les mains d'une race qui les exploita remarqua- blement. Qui étaient les Celtes ? Les Celtes (Celtae, KsXtoî) étaient une race d'hommes belliqueux, de grande taille, à la peau blanche, aux yeux bleus, aux cheveux Fig. 4. blonds tirant sur le roux. Ils furent aussi connus Fibule celtique. (British Museum.) des Grecs et des Romains sous les noms de 3 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Galates {Galatae, PaAaTa'.) et de Gaulois {Galli, PaAAO'.), qu'Us attribuèrent, dans le principe, à toutes les populations, de race non ibérique, de l'Ouest de l'Europe et du Nord des Alpes. Ce n'est qu'à partir de Jules César que le nom de Celtes ou de Gaulois fut réservé aux habitants de la seule région comprise entre le Rhin et les Pyrénées, Les Celtes semblent avoir été originaires des hautes vallées du Danube et du Rhône et du pays qui les sépare. Vers la fin du IV® siècle avant notre ère, ils conquirent le pays des Etrusques du Nord de l'Italie et s'emparèrent de Rome, sous la conduite de Brennus. Cent-dix ans plus tard, tandis qu'une de leurs bandes sacca- geait les temples de Delphes et colonisait la contrée de l'Asie Mi- neure qui, de leur nom, s'est appelée la Calatie, une autre se répandait sur la plus grande partie de la France actuelle. Dans leurs progrés à l'Ouest et au Nord, les Celtes de cette seconde bande refoulèrent en partie les premières populations ibères, en partie aussi se mêlèrent à elles, perdant ainsi, dans une certaine mesure, quelques-uns des traits saillants de leur propre caractère. Aucune mention de la Celtique ou des Celtes ne nous est par- venue qui soit antérieure à la fin du VI® siècle avant notre ère. Le plus ancien témoignage est celui d'Hécatée de Milet, qui fait de la Celtique une contrée voisine de Marseille et de la Ligurie. Plus tard, Hérodote, Aristote, Platon, Xé- nophon et d'autres auteurs, s'ils parlent de la Celtique ou des Celtes, ne le font jamais que d'une manière vague. Il faut descendre jusqu'à Polybe, mort vers 123 avant J.-C., pour avoir des renseignements quelque peu détaillés. Il ressort des chapitres XIV et XV du second livre de son His- toire que les Celtes de la Haute- Italie y sont venus de la vallée du Danube et plus particulièrement de la contrée qui porta le nom de No- rique. Nous savons aussi, par Polybe, que ces 5. Celtes se Fig. — Miroir divisaient de Birdlip. primitive- Comté de Gloucester. ment en Cisalpins et en Transalpins, (Cliché Dugdale.) c'est-à-dire en Celtes du Midi et en 4 L'ART PRIMITIF Celtes du Nord des Alpes. Ceux-là formaient une population d'agriculteurs, vivant dans l'abondance et le luxe ; ceux-ci, à demi nomades, étaient toujours prêts à coloniser n'importe quelle terre que leur épée de fer pouvait conquérir. On admet que les aborigènes de Grande- Bretagne, refoulés ou absorbés par les Celtes, appartenaient à la race ibérique, dont les Basques, les habitants du Sud-Ouest de l'ir- lande, les Gallois non celtiques et quelques autres peuplades de l'Europe, de petite taille et de teint brun, seraient les descendants. L'invasion des Celtes se fit en deux vagues. La première fut celle des Goidels, représentés, Fig. 6. — Bouclier de nos jours par les Ecossais des hautes terres, celtique. les Irlandais celtiques et les habitants de l'île de (British Museum.) Man. La seconde, plus tardive, qui couvrit la majeure partie de l'Angleterre, amena les frétons. Les Celtes du pays de Galles, les habitants de la Cornouailles et les Bretons pro- prement dits s'y rattachent. Quelquefois, les deux familles sont distinguées en Celtes P et Celtes Q, d'après une différence des mots équivalents de leur langage qui font emploi de l'une ou de l'autre consonne. Le Gallois, par exemple, se sert du mot ap, et le Gaël du mot mac, pour dire fils de. Une distinction plus profonde résulte de ce fait que les premiers envahisseurs, les Goidels, appartenaient à la civilisation de l'âge du bronze, tandis que leurs successeurs, les Bretons, étaient déjà parvenus à l'âge du fer. L'art britannique, à l'époque du bronze, se manifeste par la forme élé- gante des objets utiles. Les épées, les lances, les boucliers, les casques, les Fig. 7- — Collier d'or colliers, les bracelets, les fibules (fig. 4), de Limavady. les vases, sont ornés de combinaisons (Musée de Dublin.) fort ingénieuses, qui approchent de la perfection. Nos artistes modernes ont remis en honneur, pendant ces vingt dernières années, les principes d'art de l'âge du bronze. Même avec les ressources de notre civilisation, leurs œuvres ne 5 ^ GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE dépassent point celles des Celtes, Le torques d'or du Musée britan- nique est un exemple du bel art celtique. On pourrait en citer beaucoup d'autres dans les musées du Royaume-Uni, Mais il est remarquable que leurs ornements, qu'ils soient gravés ou repous- sés, ne reproduisent jamais d'êtres vivants. M, Salomon Remach " a dit à ce sujet : C'est toujours et exclusivement l'ornement li- néaire qui prévaut, comme si quelque loi religieuse, quelque crainte de maléfices magiques avait interdit de représenter des hommes ou " des animaux, 11 est en effet fort possible que l'immuabilité de la forme d'art des Celtes n'ait pas tenu à d'autres causes ; que le Celte n'ait pas eu besoin, pour progresser, des idées venues de dehors. On ne peut oublier l'influence considérable qu'a exercée l'interdiction de nature religieuse, désignée, aujourd'hui, par le mot tabou, sur l'art des Sarrasins, Cependant, peut-être aussi faut-il tenir un certain compte d une qualité qui semble inhérente à la race cel- tique, et qu'elle a possédée depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours. L'élément constitutif le plus simple de l'art Fig. 8. — Collier celtique est la ligne ; c'est sur elle que tout se de bronze de wrAXALL . ¿ (Musée de Bristol.) 1 • • la ba1se - 1 meme de i 1 ses conceptions. Lui seul, parmi les races européennes, a su développer la valeur expressive de la ligne, dans toutes ses combinaisons, et quelquefois sans recourir à d'autres moyens, pour produire le beau. En peinture, le sens de la ligne conduit d'ailleurs aux qualités que nous appelons le dessin, la composition, le rythme ; en sculpture, la ligne devient la condition de toute harmonie ; en architecture, son rôle est peut- être encore plus capital. On ne peut donc pas s'attendre à ce qu'une race douée d'une pareille tendance vers la création linéaire ait pu trouver beaucoup d'intérêt à l'imitation des formes naturelles, avant une période relativement récente de son his- toire. Les simples aspects de la ligne et leurs combinaisons, qui peuvent être si éloignées de la simplicité, auraient été épuisés avant que l'artiste celte, en cela tout différent du chasseur de rennes, éprouvât le besoin de compliquer sa tâche par des imitations réa- listes d'objets extérieurs. En un mot, c'est par le sens de la ligne et de tous ses dérivés que l'esprit de l 'cirt celtique peut être suivi â travers les siècles ; c'est grâce â lui que l'architecture, la sculpture, 6 - L'ART PRIMITIF la peinture et jusqu'à la littérature des Celtes se classent à part parmi celles des autres peuples, y comprises celles des Grecs, dont elles se rapprochent le plus. Dans les Iles Britanniques comme en France, les traces de l'art celtique à l'âge du bronze sont des pierres sculptées, des débris provenant de lieux habités, quelques trésors et des objets per- dus par leurs possesseurs ou rencontrés dans des sépultures. Leur décoration linéaire est faite de chevrons, de triangles, de zigzags, de zones poin- tillées, de cercles concentriques et d'autres com- Fig. 9. — Anse binaisons tout aussi ingénieuses. L'Irlande ayant de vase antique, fourni les meilleurs exemples de l'art celtique, (Mayer Museum, on Liverpool.) a cru pouvoir en conclure que certaines de ces combinaisons y prirent naissance. L'hypothèse est mal fondée, car on a découvert, en d'autres lieux, des exemples plus anciens des mêmes formes. Les plus belles pierres sculptées des tumulus sont celles de New-Grange, près de Drogheda, et de Shath-na-Calliaghe, près de Oldcastle, dans le comté de Meath, en Irlande. Le motif dominant de leurs gravures est la spireJe. Elle se complique, à New-Grange, de lignes diagonales, de chevrons et de points ronds ; à Sliath-na- Calliaghe, de roues et de dessins en forme d'étoiles. Il n'est pas impossible que la décoration de ces tumulus résulte d'un mélange de sang et d'idées entre les conquérants celtes de l'âge du bronze et les Ibères néolithiques parmi lesquels ils s'établirent. La spirale ne se rencontre pas sur les menus objets de l'âge du bronze trouvés dans les lies Britan- niques. On la croit originaire de Mycènes, d'où elle serait arrivée en Ecosse, dans le Nord de l'An- gleterre et en Irlande, par le Nord- Est de l'Europe et la Scandinavie. C'est toutefois un moyen si naturel d'orner une surface qu'il ne faut pas attacher plus d'importance qu'elle n'en mérite â la théorie de sa filia- tion. Les Maoris ont fait un grand de la on ne rFp ig ;' peut pas ^ . 10. — Disque usag°e s^pirale celtique. . iv/r - • (British Museum.) dire qu ils la tenaient des Mycéniens. 7 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Comme nous l'avons vu plus haut, la civilisation de l'âge du fer fut apportée pro- bablement, dans les lies Britanniques, par les Celtes bretons, au m" siècle avant notre ère. On la connaît également par des objets perdus ou recueillis dans des sépultures. A l'âge du fer, les coutumes funéraires n'étaient point celles de l'âge du bronze. Les progrès de la civilisation avaient déjà commencé â les modifier. Parmi toutes les tombes de l'âge du fer, les plus anciennes sont probablement les tertres artificiels, ou mounds, des dunes du comté de York, près d'Arras. On trouva dans un de ces mounds un squelette de femme, des grains de verre, deux bracelets, des anneaux en or Fig. ii. — High Cross et en ambre et une paire de petites pinces. a Monasterboice. Un autre contenait le corps d'un homme (Irlande.) couché sur le dos, avec les débris de son char, les squelettes de deux chevaux complètement harnachés et ceux de deux sangliers. D'un troisième mound, on retira les os d'un guerrier et les débris d'un bouclier, d'un char et du harna- chement de deux chevaux, ainsi que les défenses d'un sanglier. Le savant Greenwell, dont les explorations ont contribué si puissamment â faire connaître l'âge du fer, en Grande-Bretagne, a trouvé dans une tombe, près d'Arras, un squelette de femme joint aux squelettes de deux sangliers. Cette même tombe contenait, de plus, un miroir en fer et les débris d'un char. D'une manière géné- raie, d'ailleurs, les sépultures de l'âge du fer contiennent presque tou- jours des ossements de sanglier. De toutes ces découvertes, celle que l'on fit en 1879, dans les collines de Cotswold, â 7 milles environ de Gloucester, est peut-être la plus précieuse pour l'étude de l'art â l'âge du fer. En réparant une route, près de Birdlip, les ouvriers mirent au jour deux squelettes d'homme et un squelette de femme, contenus dans des tombeaux construits avec de larges dalles peu épaisses, disposées en forme de cercueil. Au squelette de femme étaient joints une coupe de bronze, une fibule en argent plaqué d'or, un collier de perles, un bracelet creux en bronze, un bout de clef, un manche de couteau en bronze décoré d'une tête d'animal cornu, et le beau miroir de 8 L'ART PRIMITIF bronze qui est ici représenté (fig. 5). II serait difficile de montrer un objet d'art d'usage domestique d'une exécution plus parfaite que celle de ce miroir. Quoique moins importantes, des découvertes analogues ont eu lieu dans les comtés de Derby, de Stafford, de Devon, dans la Cornouailles et, à l'Est, dans le comté de Kent. Mais le nombre des tombes qui remontent à l'âge primitif du fer ou du dernier âge celtique est relativement peu élevé, en comparaison de celles des âges du bronze et de la pierre, ce qui sem- ble indiquer qu'il ne s'est écoulé qu'une courte période — entre l'introduction du fer Fig. 12. Oratoire de Gallerus. (Comté de Kerry.) par les Celtes bretons et la première apparition des Romains. Une importante série de décou- vertes fut faite, en 1886, près de Aylesford, dans le comté de Kent. Ce sont de nombreuses urnes et des objets qui démontrent l'existence d'une parenté étroite entre l'art de la Bretagne au com- mencement de l'âge du fer et celui de la période correspondante du Continent. C'est aussi la preuve que les rapports entre la Ere- tagne et la partie occidentale de l'Europe, dans les temps pré- romains, furent beaucoup plus fréquents qu'on ne l'a cru tout d'abord. D'autre part, les restes trouvés sur des emplacements de lieux habités font supposer que les derniers habitants cel- tiques pratiquèrent les arts de Fig. i3. — Porte a Maghera. la paix. On a bien rencontré (Irlande.) quelques fourreaux d'armes, mais surtout des outils, des objets personnels ou domestiques, de la poterie et des monnaies. La plus ancienne monnaie britannique est de l'âge du fer ; elle doit dater de lan 200 â l'an 150 environ avant notre ère. On croit que son usage a été limité à la partie de l'Angleterre qui est 9 ARMSTRONG. GRANDE BRETAGNE ET IRLANDE. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE au Sud de la Tyne et à l'Est de la Severn. Le bouclier le plus remarquable a été trouvé dans la Tamise, à Battersea ; il est con- servé au British Museum (fig. 6). D'autres oeuvres de haute valeur sont le poignard avec manche et fourreau de bronze, ren- contré dans la Witham, près de Lincoln, et les casques d'Abbots- ford et du British Museum. Le premier de ces casques a été découvert à Torrs, dans le comté de Kircudbright ; le second a été retiré de la Tamise. Les trouvailles de harnachements, faites dans les Iles Britanniques, sont fort nombreuses. Le British Museum et les Musées d'Edimbourg et de Dublin possèdent quatre mors débridé d'une très grande richesse. Des objets personnels, les plus précieux, pour l'étude de l'art celtique, sont les torques ou colliers, les bracelets et les fibules. A cet égard, les musées britanniques sont tout particulièrement favorisés. Outre le torques d'or du Musée de Dublin (fig. 7), dont la beauté l'emporte sur tous les autres, on peut encore citer le collier de bronze de Wraxall (fig. 8), au Musée de Bristol, et celui du Lo- char Moss, au British Museum. Un bracelet particulièrement soigné est à Altyre ; on l'a trouvé dans le voisinage F1G.14.-P0KTE A K11.CRONEY. j (Irlande.) l r i • comptent plus. La décoration i des objets d'usage domestique a le même caractère que celle des bijoux dont nous venons de parler (fig. 9) ; il n'y a pas lieu de nous y arrêter. Mais une forme de l'art celtique que l'on ne peut passer sous silence est l'émaillure. Les Celtes, avant l'arrivée des Romains, la portèrent à un haut degré de perfection. Auguste Franks a donné le nom d'opus brîtànnicum aux émaux des Celtes britanniques. Il les Considère comme les plus anciens de toute l'Europe occi- dentale. Ce sont les émailleurs celtes, et non point, comme on l'a cru, les enlumineurs irlandais du Vll® siècle qui ont inventé la spirale divergente. Un fait digne de remarque est le caractère invariable des œuvres celtiques. L'ouvrier celte, comme nous l'avons dit, est toujours et exclusivement linéariste. La forme de ses œuvres ne dépend plus ensuite que de son imagination et de la nature de : 10 — L'ART PRIMITIF — - - la matière qu'il emploie. On peut dire du Celte qu'il a été synthétique plutôt qu'ana- lytique. Son désir a été de créer et non d'apprendre, de produire et non de repro- duire. L'art des Celtes se perdit, en Grande- Bretagne, sous le poids de la conquête romaine. Mais il se maintint en Irlande, où il accumula des œuvres qui ont fait de cette île la plus riche de tous les pays en souvenirs celtiques. Pour la période pré- chrétienne, l'art des Celtes d'Irlande n'a rien qui le distingue de celui des Celtes d'Angleterre. Il serait superflu de nous y arrêter. Nous constaterons seulement que sa durée plus longue lui a donné une har- diesse plus grande que partout ailleurs. Un disque en bronze du British Museum Fig. i5. — Tour (fig. 10), de Bréchin. une foule d'objets du Musée de Dublin en fournissent des exemples. Le christianisme fit son appa- rition, dans les Iles, vers la fin du IV" siècle ou au commencement du V«. De la Gaule occidentale, il se répandit dans la Gor- nouailles, le pays de Galles et l'extrémité Sud-Ouest de l'Ecosse. Entré en Irlande, par le comté de Wigtow^n, vers l'an 430 de notre ère, il y prospéra remarquablement. Au bout de très peu de générations, lona, à l'Ouest de l'Ecosse, et Lindisfarne, à l'Est de l'Angleterre, eurent des églises créées par des mission- naires irlandais. Toutefois, la religion nouvelle mit du temps pour réaliser une forme d'art que l'on puisse dire chrétienne. Elle n'y parvint d'ail- leurs que par l'évolution de l'art païen. L'art irlandais de la décoration y a ga- gné de conserver, jusqu'au XIIP siècle, une homogénéité qui n'existe nulle autre part au même degré. Les chrétiens celtiques de l'Irlande ont excellé dans la taille de la pierre, l'architecture, le travail sur métal, l'écri- Fig. i6. — Pied de calice d'Ardagh. ture et l'enluminure des manuscrits. Les (Musée de Dublin.) high crosses (hautes croix), dont il existe — il GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE de fort beaux spécimens à Monasterboice (fig. 11), Clonmacnoise, Durrow et Tuam, sont les plus importantes des oeuvres de pierre sorties de leurs mains. Leur art, autant du moins que le per- mettait la différence de matière em- ployée, correspond à celui des œuvres sur métal. Leur décoration est purement celtique. La ligne en est toujours la base, avec la recherche des combinaisons qu'elle peut produire. On y trouve bien des figures animées ; les croix de Muirdach et de Monasterboice en sont même très abondamment pourvues. Mais ces Fig. 17. — Crosse. figures, purement ornementales, ne (Musée de Dublin.) sont jamais que le complément des pan- neaux décoratifs. En architecture, le Celte irlandais n'innove rien. Les qualités dont il fait preuve sont toujours les mêmes. Ce qu'il construit n'est nullement ambitieux, mais parfaitement approprié au but qu'il se propose. Les plus an- ciens travaux, dans cet art, sont les forts, ou duns, que l'on trouve en nombre considérable dans les comtés de Kerry, de Galway, de Mayo, de Sligo, de Donégal et d'Antrim. Ce sont des enceintes dont la maçonnerie en pierres sèches est souvent d'une perfection ache- vée. Elles contiennent des chambres dans l'épaisseur de leurs murailles et enclosent des huttes de petites dimensions, qui rappellent, par leur forme, les ruches d'abeilles et les nacelles. Les premiers monastères sont peu vastes. Celui de Skellig Michael, construit sur un rocher, dans l'Atlantique, à 12 milles du littoral de Kerry, mérite plus particulièrement d'être cité. 11 occupe, à 213 mètres au- dessus du niveau des eaux, un plateau de 55 mètres de long sur 30 mètres de large, où l'on accède par plusieurs cen- • d1 • — taines e march1 es . -Il Fig- 18. taillees 1 1 Chasse de la dans le roc. ... cloche de Saint-Patrick. Les premiers oratoires isolés tiennent (Musée de Dublin.) 12 L'ART PRIMITIF aussi des duns. Nous donnons ici celui de Gallerus (fig. 12), situé sur la côte Nord de la baie de Dingle, dans le comté de Kerry. L'état extraordinaire de sa conser- vation en fait le plus bel exemple de cet art. Entre le Vl" siècle et le VIII®, on cesse de recourir à des ma- çonneries cyclopéennes. Peu à peu, la pierre et le mortier devien- nent d'usage courant. Mais, durant cette période, où les constructions j gagnent en harmonie, l'esthétique Fig. 19. — Figures sur la n'apparaît que dans la forme des chasse de Sa INT-Magwe. portes et le percement de quelques fenêtres (fig. 13 et 14). A la période primitive de l'architecture irlandaise, se rattachent les tours rondes, en pierres non équarries, avec joints remplis de mortier grossier, dont la destination est encore mystérieuse, et qui sont moins exclusivement irlandaises qu'on ne croit. Essayer d'éclaircir cette destination serait sortir des limites de ce manuel. Tout au plus pouvons-nous dire que l'opinion qui nous paraît la plus fondée considère ces tours comme des refuges contre les attaques des pirates Scandinaves. Au com- mencement du dernier siècle, les restes de cent dix-huit monuments de cette sorte existaient encore en Irlande. L'Angleterre et l'Ecosse en ont vingt- deux. La tour la plus connue, en dehors des tours irlandaises, est en Ecosse, celle de Bréchin (fig. 15). Les œuvres sur métal produites par les chrétiens irlandais l'emportent en richesse sur celles des temps antérieurs (fig. 16, 17, 18 et 19). Leur décoration se complète par des motifs importés. Mais jusqu'à la croix de Cong (fig. 20), où l'on peut voir l'expression suprême de l'art celtique, le „ caractère original ne ^Fig. 20. — Croix de Gong. x , -, (Musée de Dublin.) c,hangc pas. La meme remarque doit i3 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE être faite pour les manuscrits avec enlumi- nures, dont aucun ne remonte à une date plus ancienne que l'an 650 de notre ère. Le livre de Kells qui est le plus célèbre de tous, se distingue autant les par conceptions de son dessinateur que par l'habileté surprenante dont il a fait preuve. Malgré tout, les motifs qu'il con- tient résument ce que l'art celtique a accompli jusqu'à cette époque, plutôt qu'ils ne témoignent d'un véritable pro- grés. 11 est vrai que la vie s'y manifeste ; mais les formes des objets naturels y sont tellement conventionnelles qu'elles finis- Fig. 21. — Ornements sent par ne plus constituer durrow. que des motifs du livre de (Trinity College, Dublin.) linéaires, cornme tout le reste. Deux (Cliché Lawrence.) autres manuscrits, le livre de Durrow " (fig. 21) " et le livre d'un plus sobre. d'Armagh ", sont goût Le second, qui est aussi le plus beau, remonte aux environs de l'année 840. BIBLIOGRAPHIE. — J. Alexandre Anderson, Scotland in — Bertrand Salomon Pagan and et Christian Reinach, Early Les Times. 1894. Cartailhac Celtes dans les — oallées et Breuil, du Altamira Pô et du Urgeschichte (dans der bildenden Kunst l'Anthropologie, Danube, 1904, — p. 625). M. in 1898. Hoernes, — Bronzezeit, 1900. Europa, O. Charles Montelius, — H. 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Nous venons de voir l'un ; il nous reste à parler des deux autres. L'art anglo-saxon, qui se développa en Angleterre parallèlement à l'art celtique de l'Irlande, ne nous est guere connu que par des restes d'édifices. On a cru que les Saxons ne construisirent qu'en bois, leur architecture en pierre était tout élémentaire et que négligeable. Des travaux récents ont modifié cette opinion. Telles constructions réputées romano-britanniques ou normandes se sont ré- vélées saxonnes. De plus en plus, les caractères comme particuliers de l'architecture saxonne sont devenus manifestes. L'architecture anglo-normande lui doit peut-être plus qu'on ne suppose. Les de l'architecture saxonne sont surtout des monuments églises. Mais, contrairement à ce qui se produisit en France, où la cité survécu dans le diocèse, ces églises furent de romaine a préfé- rence placées à l'écart des centres de population les plus impor- tants, comme à Crediton, Ramsbury, Saint-Germans, Wells et i5 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Lichfield. Cette remarque que Tor- ganisation ecclésiastique fut, en Angleterre, entièrement distincte des cités romaines a, du reste, déjà été faite par M. Baldwin Brown. Elle peut fournir un argument de plus pour considérer les œuvres saxonnes comme un nouveau point de départ dans l'histoire de l'art britannique. Les premiers Saxons détruisi- Fig. 23. — Église de Greenstead. rent (Comté le d'Essex.) christianisme romano-bri- tannique partout où ils tèrent. L'Ouest le s'implan- et Nord, où il entra en contact plus intime paravant avec le qu'au- christianisme celtique de la l'Irlande Cornouailles, de et de l'Ecosse, en recueillirent les débris. Son tion n'en devint organisa- que plus solide, loin de la tache d'ombre produite l'invasion. qu'avait Vers la fin du VI« siècle, les Saxons eux-mêmes se firent chrétiens. Ils eurent à leur tour des églises, dont les fondations nous restent seules et qu'ils construisirent en s'inspirant de l'archi- tecture romaine. A Silchester, on a trouvé les traces des fondations dun petit édifice en forme de basilique, qui fut sans doute une église saxonne. Mais l'art des Saxons ne tarda pas à se former en se dégageant de toute tradition locale. Le cadre de ce manuel ne nous permet pas d'en détailler les différentes suffira d'en phases. Il nous exposer les grandes lignes et de citer les œuvres les plus importantes que cet art nous a laissées. Le Saxon différait du Celte par un moindre goût. Il n'avait fort que peu le sentiment de l'harmonie ; son esthétique était rudimen- taire. Le Celte jouait avec la ligne ; il fut un grand artiste linéaire dès les temps les plus reculés. Le Saxon ne possédait point les mê- mes qualités. L'ingéniosité lui faisait défaut. Tandis que le Celte avait le talent d'é- conomiser les matériaux, de ne concentrer la puissance Fig. 24. — église de Barton-on-Humber . que là où elle est nécesseiire. 16 L'ART ANGLO-SAXON le Saxon restait insensible au jeu de forces qui se manifeste dans toute construction. Il se contentait de faire tenir debout ses édifices. Le charme de ses œuvres nappa- raît que dans les détails. On a dit que les Saxons construisirent en pierre comme ils l'avaient fait en bois. Cette théorie n'est plus soutenable. Que les Saxons aient fait, à l'origine, un large emploi du bois, dans un pays où il est très abondant, je ne saurais y contredire. Mais il ne faut pas oublier que l'on bâtissait en pierre depuis fort longtemps, quand les Saxons Fig. 25. — Tourde l'Eglise vin- d'Earls Barton. rent (Comté de Northampton.) les Iles Britanniques, constructions saxonnes, l'on cite habituellement comme dérivant d'édifices en bois, ne sont pas du reste les plus anciennes ; quelques- unes, comme les tours de Earls Barton (fig. 25) et de Bar- Fig. 26. — Crypte saxonne, a Repto.n. comté de Northampton, et la tour de Barton- on-Humber (fig. 24), dans le comté de Lin- coin, sont, au contraire, de date relativement récente. Que ces tours elles-mêmes soient inspirées de formes où le bois entrait pour une bonne part, cela ne paraît point douteux. Mais les constructions qui les accompagnent n'offrent pas la moindre trace d'un tel mélange. Il est même assez curieux de constater que l'église de Greenstead (fig. 23), dans le comté d'Essex, où se voient les seuls restes que nous possé- Fig. 27. — Tour dions d'une construction en bois de l'époque de Saint-Benet, a Cambridge. saxonne, n'est pas un édifice mixte. Elle est 17 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE faite entièrement de troncs de chêne fen- dus, juxtaposés verticalement sur une semelle de même bois : l'église de Greenstead a l'apparence d'un blockhaus (fig. 23), Si, dans le principe, l'art saxon s'inspira de l'art romain ou de la tradition celtique, peu de temps lui suffit pour s'en dégager. Graduellement, les Saxons se firent un style, dont ils empruntèrent les éléments soit à des traditions germaniques, soit à ce qu'ils savaient des constructions Fxg. 28. romaines. — Fonts de • Ils le l'Église si Saint-Martjn, perfectionnèrent bien, qu'à la fin de a Canterbury. leur domination, dont la durée a été de prés de cinq siècles, on n'arrive presque pas à distinguer leurs œuvres des premiers travaux faits les Normands. par La chronologie des églises saxonnes devient, fort par cela même, difficile. M. Baldwin Brown a tenté de l'établir : on a de lui une liste, qui pourrait être discutée, de 173 églises avec traces de constructions saxonnes. Il les répartit en le cinq périodes ; pour but que nous nous proposons, deux seulement sont nécessaires. La plus ancienne se distingue par la modestie du plan et la mo- notonie des murs. Les églises qui datent de cette période, où la forme romaine prédo- mine, sont comparables à des boîtes. Leurs architectes se sont servis fréquemment, "9- - pour église Saint-Martin, • 1i9 1 1 ^ ornement, de de'1bns Canterbury. em- pruntés à des constructions romano-britanniques. La seconde est caractérisée période par un effort marqué vers l'élégance. L'alternance des pleins et des vides gagne en harmonie. Les proportions rela- tives de la hauteur et de la largeur sont mieux observées. Par contre, la solidité devient moindre. Les faibles restes de l'église saxonne à l'abbaye de Westminster, les piliers de la (fig. 26), crypte de la Repton partie supérieure de la tour de Saint-Benet à Cam- bridge (fig. 27), témoignent surtout de ce raffinement, où l'on trouver le premier indice peut d'une qualité particulière à l'art national. i8 L'ART ANGLO-SAXON Une des églises primitives les plus nettement saxonnes est celle de Saint-Pancras, à Canterbury, dont on vient de retrouver les fondations. Autant que l'on en puisse juger, cette église se compo- sait d'une nef allongée de 14 mètres environ sur 8 m. 75, et de deux porches, l'un à l'Ouest, l'autre au Sud. Une Fig. 3o. — Église de Brixworth. abside semi-circulaire s'ou- vrait peut-être vers l'Est ; quelques pans de mur paraissent s'y celle de Saint- rapporter. Une autre église de Canterbury, la Martin (fig. 28 et 29), que Brown appelle l'église paroissiale plus célèbre de toute l'Angleterre, offre aussi des restes fort inté- ressauts. On se ter- y remarque un très grand sanctuaire saxon, qui mine carré, uné nef en partie saxonne et une tour occidentale en plus récénte. Aussi bien à Saint-Pancras qu'à Samt-Martin, la technique est surtout romaine; la brique remployée y joue un grand rôle. On peut encore citer, parmi d'autres églises de la première pé- riode saxonne, celles de Stone, près de Faversham, et de Corbridge, dans le Northumberland ; d'Escomb, de Jarrow et de Monkwear- mouth, dans le comté de Durham. Les restes de Lyminge, de Rochester et de Reculver dans le comté de Kent, les cryptes de Ripon et d'Hexham, et l'église de Brixworth dans le comté de Northampton s'y ratta- chent aussi. Bien que très remaniée, notamment par la suppres- sion de ses bas côtés et l'ouverture de nombreuses fenêtres, l'église de Brix- worth (fig. 30) est même doublement intéressante : par sa masse d'abord, en- Église Branston. suite par ses accroissements Fig. 3i. — de (Comté de Lincoln.) successifs. Sa construction. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE par le supérieur de l'abbaye de date Péterborougb, du dernier quart du Vil" siècle. On y trouve, en grande quantité, des briques romai- nés remployées. Brixworth se composait, à l'ori- gine, d'un sanctuaire absidal, qui s'ouvrait dans un chœur carré de 9 m. 75 de côté, communi- quant à son tour, par un arc d'environ 9 mètres d'ouverture, avec une nef de 18 mètres de long sur 9 m. 75 de large. Vers l'Ouest, on ajouta plus tard, mais encore peut-être à l'époque saxonne, une tour carrée flanquée d'une tou" relie, qui s'élève jusqu'au niveau d*". toit de l'église et contient un large escalier tournant. Les monuments de la seconde Fig. 32. — Entrek période saxonne, depuis l'an 800 de tour. a Market environ jusqu'à la i conquête Overton normande, . sont t. eililement i nombreux '-i quil est impossible d'en donner la liste dans ce classent, manuel. Ils se sous le rapport chronologique, entre les (comté de Wilts), églises de d'Avebury Bishopstone (comté de de (comté de Sussex), York) Bardsey et de Lydd (comté de Kent) ; celles de on-Avon (comté Bradford- de Wilts) (fig. 37), de Barton-on-Humber Lincoln) (fig. 24), (comté de d'Earls-Barton (fig. 25) et de Barnack Northampton), (comté de et l'église de Branston (comté de dans Lincoln) laquelle l'art (fig. normand 31), et l'art saxon sont combinés manière de la la plus étroite (fig. 32, 33, 34, 35 et 36). Les églises de Earls Barton (fig. 25), de Barnack et de on-Humber (fig. Barton- 24), sont celles qui ofl-rent les meilleurs de bandes de pierre décoratives, exemples où l'on a voulu trouver des l'influence constructions en bois sur l'architecture des Saxons. Il est bien possible, en effet, que cette invention peu heureuse, qui ne serait ja- mais venue à l'idée d'un peuple celtique, leur soit due ; mais elle n'a que de lointains rapportá avec le développement de leur art, du reste déjà parvenu vers sa fig. 33. - fin., nu lorsque église ces églises furent GhYte^ de Douvres. 20 L'ART ANGLO-SAXON bâties. A Bradford-on-Avon (fig. 37), la décoration des murailles vaut beaucoup mieux. Une arcature légère, ayant presque l'apparence d'un triforium, y fait le tour de l'église, soutenue par des pilastres plats, sans chapiteaux m soubassements, qui par- tagent la paroi en panneaux bien propor- tionnés. L'église d'Oxford (fig. 22), dont la con- nexité avec l'architecture pré-normande ne fait de doute, est encore plus intéres- pas santé à étu- dier. Due à — Ethelr ed Fig. 34. Entrée de la tour de la petite l'Irrésolu, à église de SaXHAM . la suite d'un vœu qu'il avait fait après le mas- sacre des Danois, en 1002, cette église fut à l'origine une recons- truction de celle de Saint-Fridesw^i- de. Quelques archéologues, dont l'opinion pourrait être fondée, pen- sent qu'une partie de l'œuvre d'E- thelred existe encore Fig. 35. — Église de Clapham. dans (Comté de Bedford.) Christ Church. Et comme les fondations de l'abside de l'église primitive de Saint- Frideswide ont été retrouvées depuis peu, au nord du chœur actuel, ils sup- posent qu'Ethelred respecta l'autel qu'avaient construit ses devanciers. Sa propre église aurait été bâtie plus au Sud. L'arcade et les murailles du chœur actuel, certaines parties de la nef et des transepts de Christ Church seraient saxonnes, mais fortement déna- Fig. 36. — Église de Saint- turées par des additions postérieures. Regulus, a Saint-Andrew. 21 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE La question est beaucoup trop technique pour être discutée ici. BIBLIOGRAPHIE. — G. Bal- dwin Brown, The Arts in Early En- gland, t. I ; The Life of Saxon En- gland in ils Relation to the Arts ; t. II : Ecclesiastical Architecture in England from the Conversion of the Saxons to the Normar Conquest, 1903. Bell's Series of Handboo\s to the English Cathedrals. — J. Fergusson, History of Architecture, t. II, I87Â — J. Park Fig. Église Harrisson, The 37. — Saxonne, pre-Norman date of the Design and some of the a Bradford-on Avon. Stonework of Oxford Cathedral ; Dis- coüery of the Remains of three Apses at Window Oxford Cathedral in Oxford, 1874. ; A — King, Handbooks pre-Norman to the — Notes on the Earlier English Cathedrals. 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A une époque où les routes étaient rares, où de précaires moyens de locomotion constituaient un luxe, les eaux rendirent possibles des relations que l'on ne pouvait avoir sur terre à d'aussi grandes distances. Dans la pratique, la Norman- die était moins éloignée de l'Angleterre quede Paris. Les Normands eurent plus de rapports avec les Anglais qu'avec les Français. Même de nos jours, l'analogie est frappante entre certaines coutumes des deux côtés de la Manche. Il est, par suite, nécessaire, quand on étudie le style anglo-normand, qui correspond, en France, au style roman, de tenir compte de l'influence permanente d'un pays sur l'autre, des derniers constructeurs saxons déjà raffinés sur les Normands plus jeunes, de ceux-ci plus vigoureux sur ceux-là plus 23 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE élégants. On peut ajouter que chaque race y vit pareille- ment, comme l'a dit Mathieu Paris, un novum genus campo- sitionis sorti de sa pensee. Le style anglo-nor- mand tire en grande partie sa stabilité de l'épaisseur même et Fig. Sg. — Le rocher de Cashel. du poids des murs. Il fait de l'arc demi-cercle usage en et en segments de cercle, d'où découleront des l'économie matériaux et l'allongement des ouvertures que pratiquèrent, avec tant d'habileté, les architectes du Xlll" siècle. Il les archivoltes subdivise et proportionne le nombre des colonnes de à celui des support voussures. La technique saxonne, très principes soignée sur des vicieux, fait place à un appareil plus mis au de meilleurs grossier service principes. Les nefs des églises normandes sont basses, plus plus courtes et plus la'·ges que celles des saxonnes. Une églises sorte d'encorbellement fait le tour de l'édifice et lui donne l'apparence d'une forteresse. Les fenêtres se réduisent à de simp'es ouvertures, à sommet cintré, plus ou moins décoré (fig. 46, 55, etc.). Les pignons reçoivent des rosaces. De fausses arcades, qui se pénètrent désa- gréablement, garnissent les murailles. Tout l'effort décoratif se manifeste dans l'ornementation des portails. On y accumule autant de sujets qu'ils en peuvent recevoir (fig. 40 et 41). Les chapiteaux évoluent, pour ainsi dire sans interruption, depuis une forme comparable à celle du chapiteau dit cubique, jusqu'aux conceptions plus délicates, inspirées des plantes, de l'architecture ogivale primitive. Les — voûtes, d'ailleurs Fig. 40. Chapelle rares, sont de tous de COR.viack, a GaSHEL . 24 ARCHITECTURE ANGLO-NORMANDE les types, depuis le plein+dnlre jus- qu'à la voûte d'arêtes (fig. 46 et 56). Quelques églises ont des plafonds en bois. Pendant la première moitié du XIP siècle, les fornies se perfection- nent, les murs s'amincissent, les joints, d'abord très larges, deviennent plus serrés, les colonnes perdent de leur épaisseur, les contreforts prennent plus de saillie, la sculpture est plus fouillée. Les Normands ne cessent point d'être de mauvais ouvriers ; leurs murs, d'une solidité relative, sont toujours faits d'un Fig. 41. — Portail blocage parementé ; mais les dernières Chapitre de la Cathédrale r li • i de rormes Durham. saxonnes, comparables a des boîtes, disparaissent^ L'esprit dominant n'est plus la décoration d'un tout, conçu simplement comme une clôture. La structure, l'articu- lation, le développement de l'édifice préoccupent bien davantage les constructeurs. Une relation plus étroite s'établit entre chaque partie et celle qui l'avoisine. La cathédrale est comme un arbre où tout se subdivise harmo- nieusement, depuis le tronc et les racines jusqu'à la dernière feuille du plus petit rameau. Cette unité de structure est eñcore mieux observée en Normandie qu'en Angleterre. Le mélange des Celtes et des Scandinaves lui fut plus favorable que celui des Normands avec les Anglo-Saxons. En définitive, on peut dire du style anglo-normand qu'il s'est acheminé, dès son apparition, vers le style ogival. L'architecture normande dut beaucoup à la prodi- gieuse activité qui suivit l'an mille. Elle prenait à peine son essor quand les Normands subjuguèrent les Saxons. En Angleterre, le premier exemple sans mélange de cette architecture nous est fourni par quelques parties de la cathédrale de Can- terbury. Un exemple anté- armstrong. — grande bretagne et irlande. 3 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE rieur, datant d'Edouard le Confesseur, a bien existé sur l'emplacement devenu si célèbre de Westminster; mais il a disparu en ne laissant que peu de traces. Autant que nous puissions en juger par les parties que nous en pos- sédons, l'église bâtie par Edouard le confesseur couvrait, ou à peu près, tout le terrain de l'abbaye actuelle. Ses restes sont d'une certaine délicatesse. On y saisit parfaitement l'influence de Fig. Petite église la 43. vieille tradition seixonne sur la ru- — de Saxham. desse du nouveau style. La cathédrale de Canterbury (fig. 45) fut l'œuvre del'abbé Lanfranc, du monastère de Saint-Etienne, à Caen. Appelé en 1070, par Guillaume le Conquérant, au siège épiscopal de Canterbury, Lanfranc fit, dès la même année, rebâtir l'église de cette ville sur les plans de l'église, alors â peine commencée, de l'abbaye qu'il venait de quitter. La cathédrale de Canterbury fut même terminée la première. Elle était de forme absidale et comportait des bas côtés avec chapelles, des tribunes, peut-être voûtées, dans lesquelles s'ouvraient aussi des chapelles, une tour centrale et deux tours â l'Ouest. L'une des caractéristiques de la cathédrale normande primitive est le nombre de ses absides, toujours placées du côté de l'Est. On en comptait trois â Norwich (fig. 52 et 53) et â Bury Saint-Edmunds, sept â Saint-Albans (fig. 50). Le plus ancien spécimen d'un édifice de style anglo-normand est la chapelle de Saint-John, à la Tour de Londres (fig. 46 et 47). Les arcs de l'abside sont guindés et maladroits, mais le nombre des piliers, la dé- coration de leurs chapiteaux, la combinaison du plein cintre de la nef avec les voûtes d'arêtes des bas côtés témoignent déjà d'un progrès considérable sur 1 art normand. Un second édi- — Chapelle Saint-Joseph, fice plus important est 1 antique de l'abbaye de Glastonbury. — 26 ARCHITECTURE ANGLO-NORMANDE abbaye, aujourd'hui cathé- drale, de Saint-Albans (fig. 49 et 50). Commencée par un autre religieux de Caen, le moine Paul, parent de Lan- franc, cette construction était de même style que l'édifice de Canterbury, mais de di- mensions bien plus vastes. Elle mesurait, à ce qu'il sem- ble, environ 150 mètres de FIG 45. — Crypte de la Cathédrale long sur 68 de large au tran- de Canterbury. sept et 50 sur le front Ouest. Tous ses matériaux, où la brique ro- maine comptait pour beaucoup, prove- naient des ruines de Verulamium, situées dans le voisinage. Une couche de plâtre les recouvrait. Le moine Paul, qui ne vit pas l'achèvement complet de son église, avait eu le temps de faire décorer de peintures la demi-coupole qui couvre l'abside, derrière le grand autel. La toi- ture de Saint-Albans comportait des pla- fonds en bois. Les succès- seurs du moine Fig. 46. — Chapelle Saint- Jgg John, a la Tour de Londres. firent peindre ainsi que tout le reste. A l'intérieur de l'édifice, l'effet décoratif ne tenait, par suite, qu'à la polychromie et à la disposition adoptée pour les piliers et les arcs. York a possédé aussi une cathédrale normande commencée entre 1070 et 1080; le plan ne nous en est plus connu que par de vagues Fig. 47. — Chapelle Saint-John, indications. La cathédrale de Win- a la Tour de Londres. (Plan.) 27 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE chester date de 1080. Elle était en- tièrement construite en pierre et me- surait 172 mètres de long sur 73 de large au transept. De nos jours, ce transept et la partie orientale de la crypte sont seuls apparents ; mais d'autres restes sont cachés par des maçonne- ries plus ré- centes (fig. 48). Win- Chester dif- Fig. 48. — Transformation férait de de la nef de winchester. Saint-Al- bans, non seulement par ses proportions, mais aussi par une harmonie plus grande de ses parties. Les lignes mai- tresses de ces deux cathé- drales se re- trouvent Fig. 49. — Tour dans de la le Cathédrale plan de Saint-Albans. de l'église d'Ely, commencée, vers la même épo- que, par l'abbé Syméon, alors presque centenaire (fig. 51). Toutefois, ce plan avait une originalité propre, due à la présence, vers l'Ouest, d'un beau tran- sept, dont s'inspirèrent aussitôt les ar- chitectes de Bury Saint-Edmunds. A peine travaillait-on à l'église d'Ely que l'évéque Maurice entreprit la re- construction de Saint-Paul. Les dimen- sions qu'il lui donna, en 1083, en ont fait, jusqu'à l'incendie de 1666, l'un des caractères distinctifs ^de la cathédrale Fig. 5o. — Saint-Albans de Londres. L'architecture de Saint- en ■ 1090. (Plan.) Paul ressemblait à-èélle de Winches- ARCHITECTURE ANGLO-NORMANDE ter ; mais elle était plus élégante. La cathédrale de Rochester est aussi de la fin du xf siècle. Elle fut l'œuvre de l'évéque Gundulph, qui construisit éga- lement le château de Roches- ter, la Tour Blanche de la Tour de Londres et d'autres édifices. En 1096, l'évéque Herbert deLosinga, qui venait d'acheter le siège épiscopal de Norwich à Guillaume II au prix de 1900 livres, fit aussi bâtir. La splendide cathédrale qu'on lui doit se com- pose d'une nef de quatorze tra- vées, d'un transept de 62 mètres et d'un sanctuaire (fig. 52 et 53). Fig. 5i. — Nef de la On peut encore citer, parmi tant Cathédrale d'Ely. d'autres édifices d'une période (xp siècle et début du XII") où l'activité des constructeurs ne connut aucun repos, les cathédrales de Worcester, de Chichester (fig. 54), de Gloucester et de Durham ; les abbayes et les églises de Tewkesbury (fig. 55), de Waltham, de Christ Church (Hants) et de Bury Saint-Edmunds. C'est â Durham que l'architecture anglo- normande atteignit son apogée (fig. 56, 57 et 41). Le plan de cette cathédrale a une originalité que l'on ne rencontre pas toujours dans le style. Sa nef n'est point, comme â Saint-Albans, et aussi, peut-on dire, à Norwich, la répétition monotone d'un même motif. On l'a divisée en sections symétriques, cha- cune de deux travées, dont l'aspect est des plus heureux. Si cette compa- raison était permise, on pourrait dire de la cathédrale de Durham qu'elle constitue un livre dont tous les cha- pitres sont bien ordonnés, de celle Saint-Albans qu'elle est un récit non Fig. 52. — Nef de la -.Cathédrale de Norwich . coupé et diffus. Durham est entière- 29 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE ment voûtée. Ses tribunes, qui sont Fort vastes, lui permettent d'abriter sous son toit les arcs-boutants de la nef. La ca- thédrale y perd extérieurement ; mais il faut observer, avec Sir G. G. Scott, que les bas côtés de la construction primitive avaient des toits à pignons d'un arrangement meilleur. En résumé, la fin du Xl" siècle et le commencement du XIP ont été, en Angleterre, l'époque du plein épanouis- sement de l'architecture religieuse. A peine en possession de la part de butin Fig. 53. — Chœur lui de la qui re- Cathédrale de Norwich. venait, le clergé nor- mand s'est mis à bâtir. Il l'a fait avec une telle hâte qu'une génération lui a suffi pour couvrir tout le pays de cathé- drales et d'églises. En France, il y eut un effort analogue ; mais il fut plus tardif. Des guerres incessantes le re- culèrent Fig. jusqu'à Philippe 54. — Nef de la - Auguste. Cathédrale de Le Chichester clergé normand avait anticipé sur les belles productions de l'architecture ogivale. Quand le clergé français l'imita dans son zèle, cette architecture avait déjà pris son essor et produit des chefs-d'œuvre où il trouva des modèles precieux. Pour la période nor- mande primitive, les restes d'architecture civile nous font complètement défaut. Ce Fig. 55. — Abbaye de Tewkesbury. n'est que par le raisonne- — 3o ARCHITECTURE ANGLO-NORMÀNDE ment et les enluminures de manuscrits que l'on peut se former une opinion à cet égard. La villa romaine a été le prototype de la maison anglaise, pen- dant la période saxonne et celle qui suivit. En Italie, hors de Rome, elle se composait, en substance, d'un atrium à ciel ouvert, entouré de chambres. Eri Angleterre, à cause du climat, cet atrium fut couvert et devint le hall. Mais il resta, pendant longtemps, l'uni- que grande pièce de la demeure. La cuisine, quand il en existait, se trouvait Fig. 56. — Nef de la à part. En général, la cuisson des ali- Cathédrale de Durham. ments se faisait en plein air. Dans le principe, une seule chambre était jointe au hall. C'était la pièce privée, où couchaient le maître de la maison et sa famille ; elle répondait au solarium de la villa romaine. Graduellement, d'autres chambres, ou hovels, le plus souvent sans fenêtres, Fig. 57. — Cathédrale de Durham. s'y ajoutèrent. Avant la tin de la période normande. le hall, élégamment construit, était devenu fort vaste. Déjà toute l'habitation aspirait à ce confortable qui est le propre des civilisations mûres. En An- gleterresurtout, ce confortable est devenu de bonne heure un caractère des constructions privées, au point de susciter, au XIX® siècle, des imitations qui se sont produites et se renou- vellent sous nos yeux dans les cinq parties du monde. Fig. 58. — Église de Leuchab, GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE BIBLIOGRAPHIE.— Archœologia, 1773-1908. — J. Britton, Architectural Great 1807-1835. Anltqutltes of Britain, — G. Baldwin Brown, The arts in Early England, 1903. — A. Hill, Ancient Irish Architecture, 1870 ; Monograph of Cormac's Chapel, Cashel, 1874- — R. J. King, Handbooks to the English Cathedrals. — W. Longman, The Three Cathedrals dedicated to Saint Paul, 1873. — J. Neale, The Abbey Church of Saint Alban, Herts, 1878. — J. H. Parker, Glossary of Terms used in Grecian, Roman, Italian and Gothic Architecture, 1850. — G. Patrie, Ecclesiastical Architecture of Ireland, 1845. — V. M. C. Ruprich-Robert, L'architecture normande aux XI' et XII' siècles, 1884 et suiv- — Sir G. Gilbert Scott, Lectures on the Rise and Development of Medioeval Architecture, 1879. — J. Spanton, When was my Parish Church built y 1900. — B. Winkles, Cathedrals 1836-1842. of England and Wales, *32 Fig. 59. — Cathédrale de Lincoln. (Façade sud.) CHAPITRE ¡V ARCHITECTURE GOTHIQUE PRIMITIVE OU PREMIER STYLE OGIVAL n'est encore parvenu à établir rorigine de l'ogive ; N pas le problème est bien plus complexe qu'il ne paraît. En Angle- terre, on la trouve en germe dans l'arc brisé des constructions romanes ou normandes. Ce ne fut d'abord qu'un expédient. On l'arc brisé, dans des cas particuliers, quelquefois d'une employa façon décorative. Puis l'idée vint de s'arrêter davantage à un système d'une souplesse remarquable, d'en étudier plus à fond la puissance et les ressources. Le style gothique en est résulté. Son avantage d'économiser notablement les matériaux, d'alléger les édifices. est Entre les mains de constructeurs qui avaient amené les derniers 1 évolution n en travaux normands au point où nous les trouvons, pouvait être que rapide. Les Cisterciens sont les premiers qui aient fait usage, en Angle- terre, de l'art ogival. Ils ne l'employèrent, il est vrai, que dans sa forme la plus simple et la moins ornée, mais avec une singulière intelligence. Leurs abbayes, — les cloîtres de Fountains notamment (fig. 42 et 60), — en sont des exemples remarquables. Les bas côtés de l'église de Fountains témoignent, d'autre part, du soin des architectes cisterciens en matière de construction. Chaque travée y est constituée, d'abord, par sa propre voûte, ensuite par des arcs 33 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE qui portent d'un côté sur les piliers de la nef, de l'autre sur des corbeaux du mur extérieur. Par là, les poussées les plus dangereuses sont réduites à leur mini- mum ; mais ce n'est qu'au détriment de l'esthétique. L'histoire de l'architecture Fig. 6o. — Cloître de l'Abbaye ogivale a été dénaturée par de Fountains. l'esprit de parti. Rickman, suivi par d'autres affirmé auteurs, a que cette architecture s'était formée en et mé- ritait le Angleterre nom de style anglais. D'autres ont d prétendu qu'elle était origine purement française et que partout ailleurs on n'avait fait que l'imiter. Les deux thèses sont également fausses. La seconde pourrait trouver quelque crédit si l'on avait des anglais exemples de monu- ments qui fussent des copies de monuments français ; s'il y avait, par exemple, entre l'abbaye de Westminster et telle française, les église rapports qu'on constate entre l'ancienne Canterbury église de et le monastère de Saint- Etienne à Caen. Mais ces exemples n existent pas. En réalité, l'art gothique français et l'art gothique anglais ont bien une source commune ; mais ils se sont dé- veloppés chacun de son côté. Nous avons déjà dit que l'Angleterre et le Nord de la France constituaient à peine deux nations à l'époque des Plantagenets. La des fréquence rapports entre les Normands et les Anglais devait conduire tout naturellement à des échanges d'idées. Ce qui se faisait dans un pays ne pouvait être ignoré de l'autre. Mais, dans chaque pays, les idées étaient appliquées d'une manière différente, suivant le génie propre de ses habitants. Westminster en est une preuve (fig. 61 et 62). L'influence française s'y fait sentir dans le plan (fig. 78) et dans certains détails de 1 élévation, mais ^ tout le reste nous peiraît de Westminster 34 ARCHITECTURE GOTHIQUE PRIMITIVE anglais. Il nous semble que les proportions moins impor- tantes, les dessins des arcs et des fenêtres, les moulures, les chapiteaux, les abaques, la décoration des surfaces sont caractéristiques à cet égard. Si une comparaison nous était permise, nous di- rions de Westminster qu'elle est comme une nouvelle qui serait écrite en anglais sur des données françaises. L'ab- baye doit être l'œuvre d'un architecte anglais inconnu, doué d'une très grande fa- cuité de sélection, ce qui était rare au Moyen Age, et dont le talent nous a laissé Fig. 62. — Nef de l'Abbaye le spécimen le plus parfait de Westminster. peut-être de tout ce qu'a produit l'art ogival. Dès le début du XIP siècle, les formes de la construction normande se sont affinées. Les murs sont devenus plus minces, les ouvertures plus larges, les ordres plus nombreux, les motifs de décora- tion plus riches et plus variés. Cette trans- formation, où l'on peut trouver, nous l'avons dit, comme une tendance vers l'art gothique, progressa très vite quand on sut se servir de l'ogive. Il fut alors possible à ceux qui l'employèrent de résoudre, notamment pour les voûtes, une foule de problèmes dont la solution avait beaucoup embarrassé les constructeurs normands. Le meilleur exemple de cette transition entre le cintre et l'ogive nous est fourni peut-être par la cathédrale de Chichester (fig. 54), où la nef est normande, alors que dans une des travées du chœur les Fig. 63. Transept deux systèmes sont très heureusement com- — Lincoln. binés. Ce chœur, toutefois, n'est nullement oriental de GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE l'exemple le plus ancien, car il ne fut bâti qu'après l'incendie de 1 186, qui consuma une grande partie de la ca- thédrale. En Angleterre, le passage du cintre à l'ogive n'a pas été brus- que. Pendant un certain temps, les constructeurs anglais se servirent, suivant leurs préférences, de l'un ou de l'autre des deux styles. En France, il n'en fut pas de même. L'invention s'y développa avec beau- coup plus de rapidité et de logique que partout ailleurs ; mais il n'en demeure pas moins que c'est l'An- Fig. 64. gleterre — Façade qui possède, avec Durham occidentale de la Cathédrale de Lincoln. (fig. 57), la plus vieille construction de style ogival. Les mêmes auteurs, qui veulent que tout ce de qui est beau vienne France, ont affirmé gratuitement que le chœur et le oriental de 1 église de Lincoln transept étaient français (fig. 59 et 63). En réalité, tous les détails y sont anglais ; il n'y a en France seule pas une église qui les fournisse. L'opinion de Viollet-le-Duc, dont on connaît la compétence en matière d'art, est la réponse la significative 1 plus que on puisse faire à ces anglais contempteurs de l'art : Après un examen approfondi, dit-il, je ne trouver dans le plan puis général, m dans aucune des parties de la cathédreJe de Lincoln, quoi que ce soit qui rappelle l'école du XI1° siècle (de 1170 française à 1220), qui caractérise si complète- ment les cathédrales de Paris, de Noyon, de Senlis, de Chartres, de Sens et même de Rouen. La con- struction de Lincoln est an- glaise ; les profils de ses moulures sont anglais ; ses ornements sont anglais ; Lin- coin est l'œuvre exclusive d'ouvriers anglais du com-r " mencement du Xlll* siècle. 36 ARCHITECTURE GOTHIQUE PRIMITIVE Viollet-le-Ducétait d'ailleurs si bien con- vaincu de l'origine anglaise du chœur de Lincoln qu'il ne vou- lut pas accepter la date de 1190 donnée pour sa construction. Il lui paraissait impos- sible que des archi- tectes anglais aient pu anticiper à tel point sur ceux de son pays. Mais l'authenticité de Fig. 66. —Cathédrale de Salisbury. cette date ne semble contestable. Rien ne s'oppose à ce que l'on admette pas que les principes de l'architecture gothique aient été suivis, en France, avec beau- coup plus de rigueur qu'en Angleterre ; il en a été de même pour les principes de toutes les formes d'art. Mais il ne faut pas en conclure que la France ait toujours eu le mérite de la sponta- néité et qu'elle n'ait jamais subi l'in- fluence du dehors. La partie contestée de la cathédrale de Lincoln n'est d'ailleurs exceptionnelle que par sa date. Elle s'adapte pleinement, par son caractère, au style anglais. Elle n'a rien qui soit de nature à nous faire croire, Fig. 67. — Salle capitulaire comme en présence de la cathédra- de la Cathédrale le de Salisbury. de Canterbury, par exemple, que nous soyons sur les confins du domaine royal français. Le transept de Lincoln marque un grand pas sur tout ce que l'on avait fait jusque-là en Fig. 68. — Plan de la Cathédrale Angleterre ; mais ce pas est de Salisbury. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE dirigé vers l'idéal anglais. Le gothi- que anglais et le gothique français sont deux dialectes d'une même langue. Les disciples de l'un ne pou- valent pas plus pratiquer celui de l'autre que les habitants du Berk- shire ne sé servent du dialecte du comté d'Aberdeen pour exprimer une idée commune. Quand nous constatons, en Angleterre, la pré- sence des Français dans une con- struction, nous voyons aussi que leur travail est purement français. Le chœur de Canterbury, par exemple, est une œuvre française jusque dans ses moindres Fig. 6g. — Transept Sud et tour détails. Si le centrale de la cathédrale chœur de de York. Lincoln de- vait quelque chose à des architectes de l'Ile- de-France, il porterait en soi la marque de son origine. Il ne pourrait que ressembler aux grandes cathédrales françaises de la même époque ou d'une epoque anterieu- re ; pr, nous le répétons, aucune comparaison de ce genre n'est possible. Il Fig. " — semble donc 70. Les Cinq Sœurs a York. que l'on doive aborder plus franchement qu'on ne l'a fait jusqu'ici la question des rapports entre le gothique français et le gothique anglais. Nous ne disposons pas d'une place suffisante pour nous livrer à cette Fig. Chapelle étude ; mais 71. — une des simple esquisse, telle neuf autels ", a l'Abbaye que la nôtre, voulait que l'on essayât de de Fountains. signaler les principaux points où des — 38 ARCHITECTURE GOTHIQUE PRIMITIVE ■ erreurs, des idées contestables tout au moins, se sont glissées. D'une manière générale, ce que nous constatons, en Angleterre, c'est un dévelop- pement architec- tural qui date de l'invasion nor - mande et témoi- gne de la somme Fig. — Façade occidentale de la cathédrale d'énergie 72. appor- de Wells. tée dans l'Ile par les conquérants. Ceux-ci commencèrent à bâtir comme ils l'avaient fait en Normandie, quelle que soit d'ailleurs la part qui revienne, dans leurs travaux, à l'influence anglo-saxonne. Puis, progressivement, le genius loci s'affirma, à mesure que le sang normand se mêla à celui des Anglo-Saxons. La manière normande évolua en s'éloignant des conceptions continentales. Et quand le plein cintre céda la place à l'arc brisé, il y avait une telle différence entre les deux méthodes qu'on peut, à première vue, les distinguer. Ce mouvement, du reste, n'a jamais subi de temps d'arrêt. Depuis le jour où Lanfranc posa la première pierre de la cathédrale de Canterbury jusqu'à celui qui marqua l'achèvement de la chapelle de Henri VII, à Westminster, les principes qui étaient communs à toute l'Europe du Nord-Ouest ont constamment tendu à prendre, dans l'Ile, un caractère purement anglais. En France, le développement, jus- qu'à ses limites extrêmes, du sque- lette architectural, a conduit parfois au sublime, parfois aussi jusqu à la lai- deur et à l'absurde. En Angleterre, les constructeurs avaient trop le souci de masquer la structure. Fig. 73. Porche occidental Quelques- — de la Cathédrale d'Ely. unes de leurs œuvres y gagnèrent de GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE posséder en même temps le caractère et la beauté ; d'autres n'eurent qu'une beauté sans caractère ; d'autres encore ne possédèrent ni caractère, ni beauté. Le choeur et lé transept de la cathé- drale de Lincoln — ce n'est pas du presbytère, ou chœur des Anges que nous voulons parler — doivent dater de 1190 environ. Ils furent commencés sous l'épiscopat de l'évèque Hugh. On a prétendu que l'architecte qui les con- çut était français, 11 a même été dit que cet architecte s'était inspiré de l'église de Blois, commencée en 1138. En réa- hté, une pareille assertion se réfute d'elle-même. L'architecte de Lincoln était anglais ; on s'accorde aujourd'hui à Fig. 74. — Flèche le reconnaître, et il descendait d'une de la Cathédrale de Christ famille ayant longtemps résidé dans le Church, a Oxford. comté. La construction, qui prit beau- coup de temps, fut continuée par les deux successeurs immédiats de l'évèque Hugh. L'achèvement de la nef n'eut heu qu'en 1240, sous l'épiscopat de Grostète. L'effet qu'elle produit se ressent de la largeur trop grande donnée aux travées. La façade Ouest, pour imposânte qu'elle soit, n'en constitue pas moins une erreur : elle ne s'har- monise pas avec le restant de l'édifice (fig. 64). Mais la grande tour cen- traie, qui a peu de rivales en Angle- terre, l'emporte aussi sur toutes celles d'autres pays (fig. 59, 63, 64). Si Lincoln est l'exemple le plus important de la forme anglaise de Ig, première période gothique ogivale, Salisbury en est sans doute le plus beau (fig. 65, 66 et 67). Les proportions de toutes les parties de cette cathédrale ont une harmonie qui n'existe peut-être 11 -11 ^ nulle ' t Fig. ailleurs 75. — Chapitre de la part au meme degre. Le cathédrale de Christ plan de Church, Salisbury est tout à fait du a Oxford. 40 ARCHITECTURE GOTHIQUE PRIMITIVE type anglais, avec sa façade Ouest peu développée, son porche Nord, ses deux transepts, son extrémité orientale carrée et la grande flèche qui s'élève de la croi- sée (fig. 68). Jusqu'au sou- bassement de la tour, l'œu- vre se classe entre 1220 et — 1250. La flèche Fig. 76. Chœur et du Chapitre est de la Cathédrale d'Elgin. XIV siècle. Elle a 103 mè- tres de haut, c'est-à-dire 6 mètres de moins que celle de la cathé- drale d'Amiens. La flèche de Salisbury, dit Fergusson, est une des œuvres les plus imposantes de " l'art gothique. Un écrivain amé- ncain, M. Van Rensselaer, a écrit, d'autre part, de l'église elle- même, qu'on ne saurait imaginer rien de plus parfait pour servir de base à la plus grande flèche du monde. Les diverses parties de Salisbury s'élèvent de telle sorte vers le centre qu'elles nous donne- raient l'impression d'une œuvre imparfaite, si elles étaient surmon- " tées d'un pinacle plus petit. Mais Salisbury fut commencée au moins Fig. 77. — Façade occidentale de la cathédrale de Peterborough. vingt ans plus tard que Lincoln. Si, à des titres différents, l'une et l'autre de ces deux églises constituent les plus remarquables spé- cimens de l'art ogival pri- mitif en Angleterre, d'autres œuvres, ou parties d'œuvres, de développement plus res- tremt, n'en sont pas moins à citer. Le transept Sud de l'église de York, avec sa rangée de fenêtres, est de ce nombre (fig. 69). 11 est FiG. 78. — Abbaye de Westminster : Plan. — 41 - Í ARMSTRONG. GRANDE BRETAGNE ET IRLANDE, 4 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Fig. 79. — Cathédrale de Beverley. difficile de trouver, dans toute l'architecture ogivale, des formes plus ' majestueuses que celles de ces Cinq sœurs ", qui ont l'aspect de fantômes quand on entre par la porte du Sud (fig. 70). Fouri- tains-Abbey a le " même " caractère. Sa chapelle des Neuf autels (fig. 71) est manifestement inspirée du transept nord de l'église de York. Tous deux datent d'ailleurs de la même époque (1205- 1245), " à laquelle se rattachent aussi les Neuf autels" de Durham, bien plus célèbres, mais qui, à notre avis, ne les dépassent point en beauté. On peut encore citer l'extrémité orientale, aujourd'hui ruinée, de l'abbaye de Tynemouth, avec ses lancettes gracieuses et sa voûte remarquable, et le porche Sud-Ouest de Saint-Albans, qui n'est plus connu que par un dessin publié par Sir G. Gilbert Scott. Le porche occidental de la cathédrale d'Ely, qui mesure 13 mètres dans un sens et près de 10 mètres dans l'autre, est peut-être le plus beau de tous les parerga de style an- glais primitif (fig. 73). Il a deux étages, dont celui du haut contient une salle qui a les dimensions d'une petite église. Ses portails, leurs dé- tails, ses quatre rangées d'ar- Fjg. 80. — Cathédrale de Glasgow . cades décoratives, ses tOU- ARCHITECTURE GOTHIQUE PRIMITIVE relies d angle, tout est remarquable. Un autre porche, à peu près con- temporain, celui qui forme l'entrée Nord de la cathédrale de Wells (ñg. 72), n'est pas moins mtéres- sant. Mais cette cathédrale est celle, peut-être, qui met notre goût à la plus dure épreuve. Il s'en est fallu de peu qu'elle ne fût la plus belle ; Fig. Si. — Cloître de l'Abbaye même telle qu'elle est, perdue dans de Kilconnel. un repli des Mendips, l'amateur (Irlande.) d'architecture trouvera plaisir à la visiter. Wells est malheureusement défigurée par trois taches : le plan de sa nef est un des moins heureux qu'ait jamais conçu un architecte gothi- que ; l'artifice employé pour empêcher la chute de la tour centrale est choquant ; la cou- leur brune de la pierre de Doulting dont elle est bâtie est désagréable. Il s'y ajoute un enlaidissement moderne, qui a consisté à intercaler dans la façade occidentale ce Fig. 82. — Cathédrale de Christ. qu'on a appelé des gigan- Church, a Dublin. tesques crayons d'ardoise. Mais, comme dessin général, cette façade, trop louée et trop dé- nigrée, n'en demeure pas moins un des meil- leurs spécimens de l'art du XIF siècle. Les tours de Wells, en particu- lier, sont fort belles. On peut encore reprocher à la façade un certain resserrement des parties Fig. 83. — Cathédrale de Saint-Patrick, centrales : les niches a Dublin. 43 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE creusées pour ses statues affaiblissent ses arcs-boutants ; mais comme en- semble, Wells, avec ses dépendances, est sans rivale et plus complète encore que Durham. L'art ogival primitif eut à souffrir, pendant le règne du roi Jean, de l'in- terdit papal qui pesait sur l'Angleterre. A cette période remontent, cependant, le prieuré d'Haverforwest, qui date de 1200 ; le choeur de Worcester, com- meneé, après un incendie, en 1202 ; les abbayes de Beaulieu, dans le Hampshire, et d'Halesowen, dans le Shropshire, qui furent fondées en 1204 et 1215. Mais, à partir de l'avène- ment de Henri III, cet art reprit son^ Fig. 84. — Église de Saint- essor. Le roi lui-même, malgré la fai- Dolough, a Dublin. blesse de son caractère, y contribua beaucoup plus que ne l'avait fait aucun de ses prédécesseurs. Henri III a été peut-être le de Westminster principal archi- tecte (fig. 61, 62, 78). Aux églises bâties sous son règne, dont la cathédrale de Salisbury (fig. 65) est la plus vénérable, nous pouvons ajouter le chœur de la collégiale de Southwell ( 1233) l'abbaye de ; Netley, dans le comté de Hants (1239) ; la cathédrale d'Elgin (1244) (fig. 76), et la cathédrale de 1270) (fig. Glasgow (1240- 80, 86). Le chœur, le transept et le chapitre de de Westminster (1245-1270); l'abbaye le presbytère de Lincoln de (1256-1280) et Sainte-Marie l'abbaye à York (1270-1290), marquent le passage de l'art ogival primitif au style orné. Parmi les châteaux de cette nous ne citerons époque, que les restes du château de le Saint-Briavel, dans comté de Monmouth. (Voir, pour la Bibliographie, le Chapitre VI.) 44 Fig. 85. — Façade Ouest de la Cathédrale d'Exeter. CHAPITRE V ARCHITECTURE ORNÉE OU SECONDE ARCHITECTURE GOTHIQUE OGIVALE L n'existe, est-il besoin de le dire, aucune ligne de démarcation I nettement tranchée entre la première et la seconde période de l'ar- chitecture anglaise ogivale. L'une s'est progressivement dévelop- pée jusqu'à se fondre dans l'autre. La comparaison des monuments permet seule de juger du changement de style. De précieuses indi- cations sont fournies à cet égard par l'étude des fenêtres. Aux lancettes, d'abord groupées par couples, succèdent des meneaux qui portent des arcatures sur lesquelles repose un tympan, ou rem- plage à jour, formé de découpures de pierre dont l'épaisseur finit par être réduite jusqu'à l'extrême limite de ce qu'exige la solidité de l'œuvre. Faites d'abord suivant des lignes géométriques, ces découpures se compliquent, par la suite, jusqu'à se rapprocher des formes du style flamboyant français. Les détails ornementaux gagnent en richesse. Les voûtes s'agrémentent de nervures ou Hemes, qui constituent comme une sorte de réseau partant de la croisée d'ogives et se soudant aux tiercerons des retombées. D'une manière générale, les motifs de décoration, en s'affinant de plus en plus, produisent des conceptions d'une richesse surprenante. En Angleterre, l'architecture gothique est portée à son apogée avec le développement complet du second style ogival ou style orné. C'est l'époque où l'harmonie a été la plus grande entre la 45 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE structure et la décoration. Les maîtres d'œuvre an- glais serc ent arrivés à la perfect n, s'ils avaient su joindre ¿ i mrs autres bonnes qualités le sentiment français de la logique. Chacune des trois pério- des de l'architecture anglaise a Fig. eu son Crypte de Cathédrale ogivale caractère la de Glasgow. propre. Nous avons vu que la première, avec ses larges fenêtres à réseau géométrique, fut celle des vastes constructions. La seconde, qui nous occupe en ce moment, par le soin apporté à l'ornementation de ses portails, de ses voûtes, de ses fenêtres, de ses tombeaux, en un mot de tout ce qui pouvait être orné sans inconvénient, prit le caractère d'une joaillerie architectu- raie. Le chapitre suivant nous montrera que la troisième période, ¿l \ íq perpendiculaire, excella surtout dans l'ornementation d'intérieurs relativement pe- tits : on n'aurait pu trouver mieux pour des chapelles royales. La nef de York, la nef et le chœur de la cathé- drale d'Exeter (fig. 85), sont peut-être les œuvres les plus remarquables du style orné. La première, cependant, n'est pas irré- prochable. On lui a donné trop de largeur, eu égard aux autres dimensions. La nef de la cathédrale d'Exe- ter, où la même erreur subsiste, parait plus belle. Elle le doit à la richesse de sa voûte. Le plan de Fig. 87. — Façade Ouest la cathédrale de Lichfield de la Cathédrale de Lichfield. ARCHITECTURE ORNÉE (fig. 87), presque tout entière dans le style orné, est plus typique. Sa superbe nef et son chœur (fig. 88) ne trouvent que peu de rivaux en Angleterre. Une hauteur légèrement plus grande l'eut rendue parfaite. A cette même pé- riode appartient l'octogone central d'Ely, où l'on constate une curieuse application d'une idée décevante. Dans le plan de toute église gothique cru- ciforme, le point faible est la croisée. Couper les angles du carré que forme cette croisée, de manière à obtenir un octogone qui reçoit la lumière sur qua- tre de ses faces, a dû paraître fort in- génieux. En réalité, cette solution Fig. 88. — Chœur de la n'était pas heureuse, vu le manque Cathédrale de Lichfield. d'harmonie qui en résulte entre les proportions de l'octogone et celles de la nef, du chœur et des bas côtés. II est à peine besoin de dire qu'Alan de Walsingham, con- structeur de l'octogone d'Ely, n'a pas trouvé d'imitateurs. Le style orné n'a pas produit que des cathédrales. On l'appliqua aussi à d'autres constructions plus petites, comme les chapelles de Merton College, à Oxford (fig. 91) ; de Saint-Etheldreda, à Hol- born (fig. 89) ; de la Vierge, dans la cathédrale d'Ely (fig. 90) ; de Saint-Etienne, à Westminster. De toutes ces chapelles, celle de Saint- Etheldreda, qui semble remonter à l'époque de transition, est la plus soignée. Ses deux grandes fe- nêtres de l'Est et de l'Ouest sont les meilleurs exemples que nous possédions de découpures à lignes géométriques, tandis que ses fe- nêtres latérales, avec les balda- quins qui les réunissent, sont presque aussi belles. La chapelle de Merton College a beaucoup de points communs avec celle de Saint-Etheldreda ; mais elle est grande. Les proportions de Fig. 89. - Chapelle de Saint - Etheldreda, a Holborn . la chapelle de la Vierge, à Ely 47 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE (fig. 90), manquent d'harmonie ; c'est d'autant plus regrettable qu'elle possède les détails les plus exquis peut-être où se soit jamais complu le ciseau d'un ' sculpteur gothique. Moins large ou plus haute, cette chapelle serait un chef-d'œuvre. La chapelle de Saint- Etienne (1350-1365) a été détruite. On ne la connaît que par des gravures, d'où il semble résulter qu'elle alliait la richesse du style à la justesse des pro- Fig. go. — Chapelle de la Vierge, a Ely. portions, ce qui en aurait fait une des plus belles pro- ductions du Xiv" siècle. Un dans lequel Fig. gi. Chapelle genre de Merton Collège, excellé A ont les Oxford. architectes gothiques sont les salles capitulaires, qui font la gloire d'un très grand nombre de nos cathé- drales (fig. 92 et 93). Ces halls religieux n'étaient pas nouveaux. Il en a existé, dés le début de la période normande, sous la forme de grandes chambres rectangu- laires de 15 à 20 mètres de long, sur 8 à 10 mètres de large. La salle capitulaire de Durham, com- mencée en I 133, fut même de forme absidale. Mais ce n'est que pendant la période gothique qu'un changement radical se produisit, par l'adoption de la rotonde avec Fig. 92. — Salle capitulaire pilier central. La salle capitulaire A l'Abbaye de Westminster. de Worcester a été la première où ARCHITECTURE ORNÉE l'on ait fait usage de cette forme, qui devint tout de suite, à ce qu'il semble, d'un emploi exclusif. Le seul pro- grès qui se manifesta fut la suppression du pilier central. Les salles capitulaires sont aussi typiques, dans l'archi- tecture anglaise, que les clé- ristères ou clairs-étages dans l'art français. Elles ont le Fig. 93. — Cathédrale et Salle Capi- mérite d'être aussi utiles que tulaire de Wells, vue du Nord-Est. belles. On peut citer, parmi les plus remarquables, celles de Salis- bury (fig. 67) et de Westminster (fig. 92), qui appartiennent à la tran- sition et sont d'ailleurs à peu prés semblables. Leur fenêtrage est de la dernière époque géométrique. Nous n'avons pas à rappeler que la seconde de ces salles, récemment restaurée par Sir G. G. Scott, a longtemps servi de palais au Parlement du Royaume, et personne n'ignore qu'à la Réformation, quand la Cbam- Fig. 94. - Salle Capitulaire bre des de Wells. Com- muñes fut transférée à la chapelle de Saint-Etienne, on en fit le dé- pot de nos archives nationales. La salle capitulaire de Wells (fig. 93 et 94), de date postérieure, n'a pas la valeur des deux précé- dentes. Mais sa structure, moins scientifique, est mieux sentie. La cathédrale de York possède une rotonde, sans pilier (fig. 95 et 96). Fig. 95. — Salle Capitulaire dont les fenêtres sont magnifiques. de la Cathédrale de York. , 49 GkANbE-BkETAGNE ET IRLANDE Fig. 96. — Salle Capitulaire Fio. 97. —Tour des Anges, de la Cathédrale de York. a la Cathédrale de Canterbury. Le cône qui termine sa voûte n'est pas heureux, et l'on pourrait r.n dire autant des baldaquins des stalles. Enfin, ce qui est plus grave c'est la disposition de la travée, qui n'a pas de baies. Ce manque de goût, du reste commun à beaucoup d'autres salles capitulaires, est mal compensé par l'emploi de cer- tains expédients décoratifs. Le style décoré a produit des porches et des portails, des jubés et des retables, des fenêtres, des tours (fig. 97 et 98) et des flèches, dont il est impossible de ne point parler. Les plus beaux exemples de porches et de portails sont ceux de Sainte- Marie, à la collégiale de Beverley, et de la salle capitulaire de Ro- chester (fig. 100). Parmi les jubés et retables, une place à part doit être faite à ceux des cathédrales de Beverley et de Durham. La plus belle fenêtre est, sans doute, celle Fig. 98. — Tour centrale de l'Est de la cathédrale de Carlisle de la Cathédrale de Lincoln. (fig. 99). Enfin les flèches qui l'em- ARCHITECTURE ÒRNEE Cathédrale Fig. zoo. — Portail de la Salle Fig. 99. — Chœur de la Carlisle. Capitulaire de Rochester. de portent sur toutes les autres sont celles de Grantham, de Newark et de Bloxham, dans le comté de York. Le dessin de la tour de Bloxham et de sa flèche est si bien équilibré, qu'il faut y voir probable- ment l'une des plus heureuses concep- tions de l'art gothique orné. On ne sau- rait omettre non plus les tombeaux que nous a laissés cet art, et dont quelques- uns sont somptueux. Il nous suffira de rappeler celui d'Edouard II, dans la cathédrale de Gloucester (fig- 101) ; les tombeaux d'Aymer de Valence, comte de Pembroke, à l'abbaye de West- minster ; des Percy dans la collégiale de Beverley. Ce dernier tombeau peut passer pour un modèle de décoration exubérante (fig. 103) ; celui du comte Fig. ioi. — Tombeau de Pembroke est émaillé. d'édOUARD II, dans la Une dernière catégorie de construe- Cathédrale de Gloucester. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE tions sont les croix d'Éléonore (1291- 1295). Aucune, malheureusement, n est assez bien conservée pour que nous puissions juger de leur beauté véritable. La croix des Martyrs par Sir G. G. Scott, à Oxford, celle de Charing-Cross par E. M. Barry, dans l'avant-cour de la station du South Eastern Railway, à Londres, et la res- tauration de Waltham Cross (fig. 102), nous en donnent une idée. Indépendamment de celles dont nous venons de parler, l'art gothique orné a produit une foule d'autres œuvres remarquables, dont l'énumé- ration serait trop longue. Nous nous contenterons de mentionner, dans un ordre à peu près chronologique : le por- tail de Samt-Ethel- bert Fig. a 102. — Croix restaurée (1273-1278) de. Waltham. Norwich (fig. 104) ; le chœur et le tran- sept de la cathédrale d'Exeter (1279-1292); le hall du palais épiscopal, à Wells ( 1280-1292) ; l'abbaye de Dorchester (1280-1300), dans le comté d'Oxford ; l'extré- mité Est de la cathédrale de Carlisle (1292-1340); le porche Sud de Sainte- Marie Redclyffe ( 1292), à Bristol ; la tombe de l'évêque Peckham ( 1292), à Canterbury ; les cloîtres et une partie du bras Sud du transept, avec sa rosace, de Lin- Fig. io3. — F.o, Tombeau .a,. - P0,x. -I" (1296-1306) ; la de Lady tour centrale de Wells Eleo.nor Saint-Ethelbert , Percy, a la Collé- a Norwich . (1320-1337); certaines giale de Beverley. 52 ARCHITECTURE ORNEE parties de l'abbaye de Melrose (1327-1390) ; la flèche de la cathé- drale de Salisbury ( 1331 ) (fig. 65 et 66) ; le hall de Penshurst (1341) (fig. 105); certaines parties du château de Windsor, avec — sa crypte (1360-1375). La grande fenêtre Est de la Cathédrale de York ( 1338) (fig. 119) mérite une mention particulière. Le doublement du réseau sur la moitié de sa hauteur nous fournit le principal exemple d'une disposition beaucoup trop rare, de nature à atténuer l'impression de faiblesse que laissent les grandes ouver- tures des constructions gothiques. A York, cette disposition a eu l'avantage de permettre le passage du triforium le long des fenêtres. En d'autres lieux, elle aurait pu ajouter à l'esthétique. L'impres- — sion de faiblesse dont Fig. io5. nous venons de parler Penshurst place. est surtout regrettable, lorsqu'elle se dégage d'œuvres aussi belles que les cléristéres frança(isC. omté de Kent.) (Voir, pour la Bibliographie, le Chapitre VI.) CHAPITRE VI architecture perpendiculaire variété dite perpendiculaire, qui est la troisième du style Lagothique anglais, se distingue aisément des deux autres. On la voit apparaître d'abord un peu timidement : ce sont des lignes verticales qui se mêlent aux courbes du décor. Peu à peu, ces ver- ticales deviennent plus nombreuses, se font remarquer davantage, jusqu'à finir par constituer le caractère d'une époque. D'autres traits distinctifs sont l'emploi presque universel de larmiers carrés au-dessus des portes, l'arche à quatre centres, les nervures affinées au point de ressembler à des roseaux, l'allongement des bases de colonnes et de piliers, l'abandon presque complet des motifs végétaux dans la sculpture des chapiteaux. Le style perpendiculaire est essentiellement anglais. 11 manifeste une rupture absolue avec les traditions continentales et répond à une tendance qui apparaît de très bonne heure dans l'art britannique. Ce style ne produit pas son effet en révélant la nature interne de la — construction, Fcoimgm.e leios 6bo.ns ouvraCgeshfarapnçaeislldeu xidipesièSclea. iInl t-George, a Windsor. (En partie restaurée:) cherche à donner une impression de richesse et de pittoresque, bien plus propre à dissimuler qu'à mettre en évidence la structure. — 34 ARCHITECTURE PERPENDICULAIRE Fig. 107. — Chapelle du King's College, a Cambridge. (Vue extérieure.) A cet égard, on peut le comparer au gothique flamand du XV siècle, qui, par les détails, rappelle davantage le style orné. L'esprit de l'art perpendiculaire était hostile aux surfaces planes. Il ne s'accommo- dait surtout pas des espaces compris entre l'arc d'une voûte et les lignes droites qui le renferment {spandriÎ), et il s'en débarrassait, tantôt en aplatissant cet arc pour en diminuer l'étendue, tantôt en remplissant les espaces avec des pan- neaux richement ouvragés. Ensuite il s'attaqua à la voûte et transforma les tas de charge pyramidaux (se- vereys) des XliP et XIV siècles en cônes renversés, couverts d'une den- telle de pierre, qui constituent les voûtes dites en éventail. C'est ici le lieu de remarquer que l'attitude des architectes français et anglais envers le problème de la voûte est tout particulièrement caractéristique de leur style. L'architecte français était si frappé de l'adaptation de la voûte à un but immédiat, qu'il se borna à en assurer le développement structu- ral. Son rival anglais fut bien plus fig. 108. — Chapelle du King's préoccupé du rôle esthétique de cette College, a Ca.mbridge. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE partie de la construction et en exa- géra, en conséquence, la décora- tion. Les voûtes françaises les plus hardies, comme celle d'Amiens, pa- raissent simples et pauvres, malgré leur énorme hauteur, à côté d'une voûte, telle celle d'Exeter, relative- ment modeste, au point de vue de l'ingénieur, pour ne rien dire d'une merveille en pierre comme la voûte de la chapelle du King's College, à Cambridge (fig. 108). Les exemples importants du perpendiculaire sont légion, encore qu'il n'existe point de monument Fig. log. — Tombeau d'Edouard III. de premier ordre entièrement conçu a l'Abbaye de Westminster. dans ce style. Parmi les plus anciens de ces exemples, qui se classent entre l'avènement de Richard II, en 1377, et celui de Henri VI, _eji 1422, on peut citer, dans l'ordre chronologique : le toñfibeau d'Edouard 111 (fig. 109) à l'abbaye de West- minster (1377) ; la nef et le Fig. no. — Cathédrale de Canterbury. transept Ouest (fig. 1 10) de la cathédrale de Canterbury (1378-1411); le chapitre en ruines de Howden, dans le comté de York ( 1380-1400) ; le New College, à Oxford (1380-1390) (fig. 112); l'église de Sainte-Marie à Warwick ( 1380-1390) ; les cloîtres de la cathédrale de Gloucester (1381- Fig. iii. - Cloître de la Cathédrale 1412), qui fournissent aussi la de Gloucester. plus ancienne belle voûte en ARCHITECTURE PERPENDICULAIRE Fig. 112. — Chapelle de New Fig. n3. — Chapelle de magdalen College, a Oxford. (Restaurée.) College, a Oxford. éventail (fig. 11 0 ; l'abbaye de Thornton (fig. 117), dans le comté de Lincoln (1382-1390); les tombeaux de Richard II et de la Fig. 114. — Tour centrale Fig. ii5. — Chapelle de la Cathédrale de Gloucester. DË Beauchamp, a Warwick. ^ 57 - armstrong. grande bretagne et irlande. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE reine Anne, à l'abbaye de /Westminster (1394), eon- struits par le roi lui-même à la mort de sa femme ; la nef (fig. 121) de la cathédrale de Winchester ( 1394-1410) ; la partie supérieure des murs et la grande voûte en bois (fig. 116) de la grande salle de Westminster (1400); la Fig. ii6. Hall de Westminster. tour de l'église de Howden — ( 1405) ; la grande fenêtre Est (fig. 119) de la cathé- drale de York (1405-1408). Entre l'avènement de Henri VI et la mort de Henri VII, en 1509, et même pendant les trente premières années du règne de Henri VIII, le style perpendiculaire ne subit au- cun changement notable, de nature à faire prévoir la Fig. 117. — Entrée de l'Abbaye transformation qui allait se de Thornton. produire. Les principales constructions de cette période sont le transept et la tour (fig. 118) de la chapelle de Merton College ( 1424) ; les cloîtres de Norwich (1430) ; le manoir de South Wingfield, dans le comté de Derby (1433- 1455); le château de Tattershall, dans le comté de Lincoln (1433-1455) ; une partie du collège Saint-Jean, à Oxford (1437); l'église de Fotheringay, dans le comté de Northants (1440) ; la chapelle Beauchamp (fig. 115), à Warwick (1440); la chapelle du King's College (fig. 107 et 108), à Cambridge (1440); le chœur de l'église Fig. 118.— Chapelle Merton de Sainte-Marie, à Oxford College, (1443-1450) de ; a Oxford. l'église de l'abbaye de Sherborne, dans 58 ARCHITECTURE PERPENDICULAIRE le comté de Dorset (1445-1450); l'Ecole de théologie (fig. 120), à Oxford (1445-1455); les con- structions de l'évéque Beckington, àWells(I450-1465);la tour cen- traie (fig. 114) de la cathédrale de Gloucester (1454-1460); la tour Nord-Ouest de l'abbaye de Croy- land (1470) ; la salle de Crosby, à Londres (1470); la clôture du chœur de la cathédrale de York (vers 1475) ; le collège de la Ma- deleine (fig. 113 et 122), a Oxford (1478-1492) ; le retable de la cathédrale de Saint-Albans (vers 1480) ; la chapelle de Saint- George (fig. 106), à Windsor (1481-1508); la nef et les bas Fig. iig. — Chœur de la côtés de l'église de Sainte-Marie, Cathédrale de York: côté Est. à Oxford ( 1488) ; la tour centrale, ou tour des Anges, de la cathédrale de Canterbury ( 1490-1525) Fig. 120. — École de Théologie, a Oxford. (fig. 110) ; la tour du collège de la Made- leine, à Oxford ( 1492-1505) (fig. 122) ; l'église de l'abbaye de Bath ( 1500- 1540) ; la chapelle de Henri V11(fig. 123 et 125), à Westminster (1503-1520) ; Cathédrale de Winchester . la VOÛte de la chapelle Saint-Gcorge, 5g GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE à Windsor (fig. 106), et celle de la chapelle du King's Col- lege (fig. 108), à Cambridge (1503-1515); la nef de l'abbaye de Melrose ( 1505) ; le château de Thornbury, dans le comté de douces- ter (1510-1522); certaines parties des collèges de Bra- señóse et de Fig. Christi, 122. Cloître Magdalen Corpus — de College, a Oxford. à Oxford (1512-1517); la salle de Layer Mamey (fig. 126), dans le comté d'Essex (vers 1 520) ; Compten Winyates (fig. 124), dans le comté de Warwick (vers 1520) ; la salle du collège de Christ Church, à Oxford (1524-1529), ainsi qu'une grande partie de Hampton Court (fig. 130). De tous ces exemples, le plus beau, parmi les plus anciens, est la nef de la cathédrale de Winchester, si fréquemment reproduite dans les ouvrages d'architecture (fig. 121 et 127). La nef normande qu'elle rem- plaça avait, il est vrai, trois étages ; mais cela ne peut excuser la trop grande hauteur des — principaux arcs Fig. 123. Chapelle de et la destruction du triforium. Il Henri VII, a Westminster. y (Vue extérieure.) a là un défaut capital, que l'on ne peut omettre de signaler. L'intérieur de la chapelle du King's College, à Cam- bridge (fig. 108), est de tous points comparable, par l'effet qu il produit, à une nef de cathédrale. Comme concep- tion esthétique et habileté de construction, cet intérieur Fig. 124. — compton Winyates. a peu de rivaux. Mais, ARCHITECTURE PERPENDICULAIRE quand on l'envisage au point de vue français, qui exige que ni l'une ni l'autre de ces deux qualités ne masquent la structure, le jugement n'est plus le même. Est-ce de toute justice ? Nous ne saurions l'affirmer, car il n'est pas facile, après tout, de formuler un système qui per- mette de donner à un point de vue la préférence sur l'autre. Les parties rigoureusement architectu- raies de Saint-George, à Windsor (fig. 106) ne valent pas les parties correspondantes du Kings' College et de West- Fig. 125. — Chapelle min - de Henri VII, a Westminster. ster. A (Vue intérieure.) Saint- George, la nef et les arcades du chœur sont minces et pauvres, et la voûte est monotone, tous défauts qui ont été évités par l'architecte de la chapelle d Henri VII. Il en ré- suite que celle- ci est peut-être l'exemple le plus Fig. 126. — Tours heureux de la de Layer Marney. dernière phase du style perpendiculaire (fig. 123). Des vitraux aux fenêtres de l'ahside et l'enlève- ment de la grille de bronze qui entoure le tombeau du roi en auraient fait un pur chef-d'œuvre dans son genre. Cette grille, belle par elle-même, fait du tort aux pro- portions de la chapelle et masque la re- marquable conception de Torrigiano. A l'extérieur, cette chapelle a un clair-étage et Fig. 127. — Plan des arcs-boutants, qui sont d'une bonne de la Cathédrale venue ; on pourrait cependant ne pas de Winchester. 61 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE accepter sans réserves les panneaux de l'étage inférieur et leur intention évidente de tromper le spectateur sur la répartition des murs et des fenê- tres (fig. 125). A l'École de théo- logie d'Oxford (fig. 120), la relation entre les diverses parties de l'inté- rieur est bien comprise, notamment pour ce qui regarde le nombre et les dimensions des nervures de la voûte. On souhaiterait seulement à — ces nervures, à ces arcs serait-il plus exact de dire, — un tracé moins angulaire aux impostes, et la même observation peut s'appliquer aux arcades des extré- Fig. 128. Façade Ouest aveugles — la Cathédrale de Beverley. mités de la salle. de Le trait caractéristique anglais par excellence du gothique perpendiculaire est la voûte en éven- tail dont nous avons parlé plus haut (voir fig. 111 et 113), et qui existe, avec plus ou moins de développement, dans tous les édifices que nous venons de citer. L'origine d'une telle voûte se conçoit facilement. Il dut venir à l'esprit de quelque architecte d'alléger, en coupant leurs angles, les pyramides ren- versées qui forment les tas de charge des voûtes d'are- tes. Puis la suppression totale des angles donna des cônes dont on eut l'idée de décorer la surface par l'ornementa- tion des nervures. Le plus ancien et aussi un des meil- leurs exemples de cette mé- thode est celui des cloîtres de la cathédrale de douces- ter. D'autres, non moins re- marquables, sont fournis par les chapelles déjà décrites : Fig. 129. — Église d'Ilminster. - ARCHITECTURE PERPENDICULAIRE Fig. i3o. — Hampton Court Palace : côté Ouest. Saint-Laurent d'Evesham ; l'abbaye de Bath ; l'arrière-cbœur de Peterborough ; le chœur de la cathédrale d'Oxford et l'escalier voisin de la grande salle du Collège ; la remarquable église perpen- diculaire de Fotheringay, etc. Un grand nombre de belles tours furent bâties dans le troisième style ogival. Nous citerons notamment celles de l'église de Howden, dans le comté de York ; des collèges de Merton (fig. 118) et de la Madeleine, à Oxford ; de l'abbaye de Fountains (fig. 42) ; de Sainte- Marie, à Taunton, et de Tous les Saints, à Derby ; des églises de Boston, Wrexham (fig. 140) et Gresford (près de Chester) ; et aussi les tours centrales de Canter- bury (fig. 110), de Gloucester (fig. 114), de York et de Durham (fig. 132 et 133). On compte moins de jolies flèches. Les plus intéres- santes sont, peut-être, celles de Saint-Michel, à Coventry, et de Sainle-Marie, à Oxford, toutes deux " restaurées. Enfin, les couronnes de Saint-Nicolas, à Newcastle, et de Saint-Gilles, à Edimbourg, sont les meilleurs exemples que nous connaissions d'un motif dont on », • 111 1 Fig- i3i. — Chapelle S est servi pour des c ochers, des ^ croix de marché (fig. 134). (Restauration.) GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE L'extrémité orientale habituelle d'une église anglaise se prête à la constitution d'un arrière-plan de choix pour le grand autel. Aussi trouve-t-on beaucoup de cathé- drales et de chapelles qui sont terminées, de ce côté, par un retable, dans lequel la sculpture et l'architecture décoratives s'unissent pour produire un splendide effet. Malheureusement, dans la plupart des cas, les statues des retables anglais ne sont que des restaurations modernes. Le vent de folie que la passion religieuse a déchaîné sur les Iles a causé la perte des figures originales. Le Fig. i32. — Porche Sud style perpen- de la Cathédrale diculairese pré- de Gloucester. tait à l'orne- mentation de ces parois. Les plus belles, parmi celles qui subsistent, sont celles de Winchester et de Saint-Albans, presque identiques ; le rétable de Wal- lingford (fig. 136) a été gâté récemment par l'introduction de figures de pierre jaune dans une construction de pierre blanche. Les superbes extrémités Est de trois cha- pelles : celles Fig. i33. — Tour Centrale du Nouveau de Durham. Collège, de la Madeleine et d'Ail Souls, à Oxford, sont aussi à signaler (fig. 112et 113). Indépendamment de ces parois ornées, à l'est, le chœur de la cathédrale anglaise est parfois séparé de la nef par un jubé somptueux qui portait autrefois le Crucifix. Le meilleur exemple de cette nature est celui de la cathédrale de York (fig. 119). Le style perpendiculaire nous a laissé beaucoup de tombeaux fort riches. De ce Fig. 134. — Croix nombre est celui d'Edouard 111, à l'abbaye de marché, a salisbury. de Westminster, qui date de l'origine de ARCHITECTURE PERPENDICULAIRE Fig. i35. — Cathédrale de York; côté Sud. ce style (fig. 109), et aussi celui de Richard II et de sa femme, postérieur au précédent de quelques années. Les sépultures : du poète Gower, dans la cathédrale de Southwark ; de Henri IV et de l'archevêque Warham, à Canter- bury ; de Thomas Fitzalan, comte d'Arundel, à Arundel ; de Richard, comte deWarwick, à Warwick (fig. 13 7) ; d'Humphry, duc de Gloucester, à Saint- Albans, sont également à signaler. Nous y ajouterons les châsses de Saint-Fri- deswide, à Oxford (fig. 139) ; de Guil- laume de Wykeham, à Winchester, et, enfin, à Christ Church, dans le Hamp- Fig. i36. — Paroi ornée h ir de Wa LLINGFORD s e , , " a Saint-Ai.bans. la Sa- lisbury Chantry ", qui appartient déjà à la dernière période de la semi- Renaissance. Nous ne clorons point cette rapide esquisse du style perpendiculaire, qui termine aussi ce que nous avions à dire de l'architecture gothique, sans mentionner une autre partíeu- arwick, a Warwick. larité de construction non moins 65 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE anglaise que les voûtes en éven- tail. Nous voulons parler des voûtes en bois, où les char-, pentiers des années qui précé- dèrent la Réforme ont fait preuve d'une habileté et d'une audace également surprenantes. La plus belle de toutes est celle de la grande salle de Westmins- ter (flg. 116), dont les princi- pales fermes ont la forme d'arcs tréflés, décorés d'anges à leurs pointes ; on en peut dire qu'elle constitue la plus grande oeuvre de charpenterie du monde en- tier. Avec de légères variantes, la même pratique se retrouve aux salles d'Hampton Court (flg. 130) et du Cardinal Col- lege, aujourd'hui Christ Church College, à Oxford. Toutefois, Fig. i38. — Porte, a Canterbury. la voûte en bois d'Hampton Court a de nombreux détails qui sont de la Renaissance ; quelques- uns portent même des marques de l'in- tervention de Holbein. Les églises de Trunch, dans le comté de Norfolk, et de Saint-Pierre Mancroft à Norwich, ont aussi de fort belles voûtes lambris- sées. Dans cette catégorie d'œuvres d'art entrent encore les grandes parois ornées de beaucoup de salles et de chapelles anglaises, bien que, dans la plupart des cas, elles soient plutôt de la Renaissance que de la troisième période gothique. Leur richesse rappelle fréquemment l'exubérance des parois ornées des églises espagnoles. Nous citerons, parmi de Saint-Frideswide. dans les principales, celles des églises de la Cathédrale de Christ Holbeton, Harberton, Dunster, Athe- Church, a Oxford. 66 ^ ARCHITECTURE PERPENDICULAIRE- rington, Bovey Tracey, Cart- mel, Kenton, Croscombe, Sta- verton, Llananno, Strensham, de la chapelle du King's College à Cambridge, du hall de Middle Temple et de Wadham College à Oxford. BIBLIOGRAPHIE DES CHAPI- TRES IV, V ET VI. - Archaeologia, années 1 773 et suivantes. — R. W. Bil- lings. Baronial and Ecclesiastical Antiqui- ties of Scotland ; Archiiectural Antiquities of the County of Durham, 1846. — M. H. Boxham, The Principles of Gothic Architecture, 1882. — Francis Bond, Screens and Galleries in English Chur- ches, 1908. ■— E. W. Brayley et J. Britten, History of the Ancient Palace... at IVest- minster, 1836. — J. Britten, Architectural Antiquities of Great Britain, 1807-1814; Cathedrals, 1821 -1835. — P. A. 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Le gothique anglais ne se soutient plus qu'avec l'appui de méthodes empruntées à la Renaissance italienne ou allemande. La grande salle de Wolsey, à Christ Church, est la dernière œuvre purement gothique. Entre l'époque où elle fut bâtie et celle où prévalurent complètement les principes d'Inigo Jones, l'Angle- terre s'est couverte de monuments construits dans un style hybride, difficile à définir, désigné sous le nom de style Tudor. La caractéristique de ce style est l'emploi, purement pittoresque, de motifs empruntés aux traditions gothiques et latines. On n'y tient, pour ainsi dire, aucun compte de leur origine structurale. Lorsque fut passée la période de ruines, qui commença avec la Guerre des Deux Roses et finit avec la tyrannie de Henri VIII, de nombreux artisans étrangers, séduits par le retour de la prospérité nationale, vinrent en Angleterre. Des Italiens, des Allemands, des 68 LE CHAOS TUDOR Flamands s'y rencontré- rent, et ce fut sous la poussée de leurs idées, souvent contradictoires, que l'architecture devint chaotique. Le style Tu- dor ne fut pas une période de transition dans le sens absolu du mot. Les for- mes qu'il employa ne découlèrent pas les unes des autres. On ne peut y trouver qu'un mélange Fig. 142. — Plafond de Chapelle, a Ely. purement fantaisiste ou d'une harmonie toute superficielle. Il devait en être ainsi jusqu'au jour où surgirait un homme de génie, qui mettrait de la régularité dans ce désordre. Inigo Jones a rendu à l'art anglais, après le chaos Tudor, les services de Bonaparte à la société française après la tourmente de la Révolution. Le palais de Wolsey, à Hampton Court, offre le premier exemple, en Angleterre, d'un mélange de l'influence latine et de l'influence gothique. Il fut commencé en 1515 par le cardinal Wolsey, et ses constructeurs étaient, pour la plupart, de nationalité anglaise. Mais on eut recours à la main-d'œuvre italienne pour une partie de l'ornementation. Giovanni da Majano, notamment, fit les médaillons de terre cuite, avec bustes d'empereurs romains, qui décorent les deux tours extérieures. On s'était déjà servi de terre cuite à Layer Mamey, à Sutton Palace et ailleurs ; cependant, le travail de Giovanni est rigoureusement italien. Partout où nous avons la preuve qu'on a fait appel à des étrangers pour la construe- tion d'un monument anglais, l'œuvre est elle- même exotique. Les étrangers ne vinrent pas en Angleterre pour accepter nos idées, mais pour" développer les leurs. Nous avons quelques raisons de croire que d'au- tres italiens que Giovanni ont travaillé à contrairement Fig. 143. - Tour d'entrée Hampton Court ; cependant, Trinity College à ce que l'on a dit, le plafond de la . chambre. GR-ANDE-BRETAGNE-ET IRLANDE qui est connue sous le nom de Cabinet de Wolsey (fig. 146), ne doit pas être sorti de leurs mains. Il nous paraît plutôt appartenir au type d'ornemen- tation de la Renaissance, dont Holbein s'est servi avec un rare bonheur. Du reste, ce plafond de Hampton Court n'est proba- blement pas le seul exemple de ce type. Le mausolée de Henri VII, exécuté à Westminster par Torngiano, n'a d'anglais que sa grille. On peut encore men- tionner, parmi d'autres œuvres dues aux Italiens, le Fig. Salle magnifique 144. — de réception. a Hardwicke îIall. tombeau, par Benedetto da Rovezzano, destiné d'abord au cardinal Wolsey, ensuite à Henri VI11, et dont, finalement, ce qui en restait a servi, trois siècles plus tard, pour la sépulture de Nelson. Mais, en vérité, toutes ces œuvres ne sont point de l'art britan- nique et n'ont aucun rapport avec le développement national. Nous ne pouvions omettre d'en parler ; il peut nous suffire de les citer. Beaucoup de circonstances contribuèrent à l'incohérence du style Tudor. Cependant l'afflux des étrangers n'amena jamais, en Angle- terre, que des artisans, tout au plus des contremaîtres. Dans aucun cas on n'a la preuve certaine qu'un architecte étranger ait été chargé de la construction d'un édifice de quelque importance. On cite habituellement l'exemple de Longleat, qui serait de Jean de Padoue (fig. 141). Mais il n'y a là qu'une tradition, dont l'exactitude est contre- dite par l'aspect de l'œuvre. Longleat n'a de latin que la pureté de ses détails : tout le reste est anglais. Son ar- chitecte a été, peut-être, soit John Shute, soit - galerie encore '45- longue, q i . i . q a Chirk Castle. Robert omithson, £ qui figure, (Partiellement restaurée.) 70 LE CHAÓS 'TubOR dans les mémoires comme comp- table des travaux. La seconde hypothèse est cependant la moins probable. Dès que Lon- gleat fut achevé, ce même Smith- son fut, en effet, chargé de construire Wollaton Hall, quin a que de lointaines ressemblances avec le monument du comté de ^ Wilts. La différence essentielle entre les deux édifices est une profusion plus grande de détails dans le second. A la cour inté- Fig. — Plafond du Cabinet rieure de Longleat correspond, 146. de WoLSEY, a Hampton Court. d'autre part, à Wollaton Hall, une salle centrale qiii a l'ap- parence d'une tour. Mais il suffit de supposer que Jean de Padoue fut le conseiller, soit de Shute, soit de Smith- son, pour concilier à la fois l'aspect de Longleat et la tradition, en ce qui concerne son architecte. Comme exem- pie de la division du travail entre les constructeurs an- IIaddon Hall. glais et les ornemanistes Fig. 147. — Galerie,' a étrangers, M. Réginald Blomfield, qui attribue à Shute le mérite de Lon- gleat, appelle particulière- ment l'attention sur la cha- pelle de Salisbury, à Christ Church, dans le comté de Hants. Les parties structu- raies de cette chapelle ap- partiennent au dernier style perpendiculaire pour tout ce qui se rapporte au plan et Fig. 148. — Longford Castle. à la main-d'œuvre; mais la (Comté de Wilts.) 71 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE décoration des pilastres, des ar- chitraves et des tympans est de la Renaissance et due à des Italiens. Pendant le siècle du chaos Tudor, les influences étrangères varièrent, en An- gleterre, suivant les localités. Il y eut peu d'immigrants français. A part le monument d'Oxen- brigge, dans l'église de Bride, comté de Sussex, et quelques chapiteaux, reconnus par M. Blomfield, dans la vieille église Fig. 149. — Galerie, a Powis Castle. Chelsea, on n a guère de travaux qui portent leur em- preinte. Mais beaucoup d'Italiens, d'Allemands et de Flamands se répandirent dans le pays, en se groupant par nationalité. 11 en est résulté que les comtés les plus voisins de la Manche, par où arrivèrent les premiers, ont, plus que les autres, des monuments de caractère italien. Les Allemands et les Flamands, pour une raison analogue^ travaillèrent surtout dans les comtés de l'Est et du Centre. A la fin du règne de Henri VIII, le nombre des Italiens diminua fortement, tandis qu'augmentait celui des Allemands et des Flamands. Ce mouvement, qui s'accordait avec la situation politico-religieuse du royaume, en fut, sans doute aussi la conséquence. Le plus illustre, et l'un des plus anciens Allemands qui travaillèrent en Angleterre, est Holbein. Mais on a coutume de lui attribuer bien des ouvrages qui ne sont nul- lement sortis de ses mains, en tout cas dont on n'a pas la preuve qu'ils lui soient dus. La porte Nord de Whitehall , qui se trou- vait en face de l'endroit où s'élève maintenant Gwydyr House, et qui a Fig. i5o. — Chambre du Chateau de figuré dans les Sizergh. souvent, (Au Victoria and Albert Museum.) 72 LE CHAOS TUDOR livres, sous le nom de porte de Holbem était du dernier style gothique purement an- glais. Elle ressemblait aux tours de Hampton Court, aux portes de la Trinité (fig. 143) et de Saint-Jean, à Cam- Fig. i5i. — Chirk Castle, a Oswestry. bridge,et à bien d'autres œuvres contemporaines. La porte Sud, ou de King Street, jadis à l'endroit où Dow^ning Street débouche sur Whitehall, était plutôt de Holbein. Nous ne possé- dons pas une bonne re- production de cet ou- vrage ; mais on peut se former un jugement par une gravure de Ver- tue, faite en I 725, deux ans à peine après la Fig. i52. — Mapperton. démolition de la porte, il/après Blomfield.) d'après un dessin de Holbein lui-même. On se rend bien compte, parla vue de ce dessin, que la porte de King Street avait tous les caractères d'un ouvrage de Holbein, non seulement par l'en- semble, mais aussi par le détail. Sans doute est-ce encore à Holbein qu'il faut attribuer les culs-de-lampe de la voûte en bois de la grande salle de Hampton Court (fig. 1 53). On sait qu'ils furent fournis par un certain Richard Rydge, de Londres ; mais ils montrent trop bien la griffe du lion pour ne pas être de Holbein. Le nombre des Allemands et des Flamands devint encore plus con- sidérable sous le règne d'Elisabeth. Ils eurent une influence, les pre- miers surtout, qui fut des plus Fig. i53. — Hall de Ha.mpton fâcheuse pour l'art anglais. C'est Court. ^ 73 grande bretagne et irlande. • armstrong. (j GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Fig. 154. — Audley End. (Comté d'Hssex. à elle qu'il faut attribuer rornementation déplo able et le man- que de proportion qui caractérisent toutes les constructions du temps de cette reine. Les parois ornées et les manteaux de che- minée de la vieille Chartreuse, de Longleat et de Hatfield, le lourd porche d'entrée d'Audley End (fig. 154), les pignons de Wollaton, l'idée mauvaise d'employer des colonnes toscanes, et autres, pour des cheminées, les cariatides en balustre, tout cela, dit M. Blomfield, trahit la lourdeur de main et l'instinct purement machinal de l'ouvrier allemand. Comme le dessin architectural n'existait pour ainsi dire pas à cette époque, les constructeurs recouraient à des modèles soit académiques, soit spéculatifs, qu'ils trouvaient dans des livres. Et, dans ce dénûment, il est assurément fort regrettable que les traités d'architecture répandus en Angleterre n'aient pas été italiens plutôt qu'allemands. Car l'architecte peu instruit qui construisait du temps d'Elisabeth, n'avait, personnellement, Fig. i55. — Montacute. (Comté de Somerset.) 74 LE CHAOS TUDOR aucune préférence. S'il ne choisissait pas de meilleurs modèles, c'est uniquement parce " qu'il les ignorait, J'ai déjà dit que les Allemands et les Flamands, aussi bien que les Italiens qui les précédèrent ne travaillèrent qu'en sous-ordre à des monuments de quelque importance. La seule exception à cette règle est peut-être la Bourse de Sir Thomas Gresham, dont le plan paraît provenir des Pays-Bas. Elle porte, dans la conception générale et le détail, le cachet d'Anvers. La Bourse de Sir Thomas Gresham se fait remarquer, dans toutes ses parties, par une réserve et une grâce qui n'ont rien de teutonique. En Angleterre, les Fig, i 56. — ToMBEAir Allemands sont surtout responsables des d'îîertfort, dans la cathédrale dessins, quelquefois pittoresques, mais le plus de Salisbury souvent barbares, des manteaux de cheminées, des cheminées, des tombeaux, etc., qui furent bâtis en si grand nombre â partir du règne d'Elisabeth. Une des meilleures œuvres dues â cet art anglo-allemand est le monument d Hertfort, dans la cathédrale de Salisbury (fig. 156). Ses détails, en soi fréquemment absurdes, sont cependant coordonnés dune manière qui n est point désagréable. Pour aucun des grands monuments du règne d Elisabeth, on ne peut donner le nom de l'archi- tecte qui l'a con- struit. L'identifi- cation la moins douteuse est pro- bablement celle de Robert Smithson, dont les idées do- minèrent â Wol- laton. Un grand nombre d'œuvres ont été attribuées Fig. iSy. — Montacute. â John Thorpe, (Comté de Somerset.)' qui paraît n'avoir 75 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE été qu'un chef de chantier, Thomas Holt, qui passe pour avoir bâti plusieurs des mo- numents d'Oxford, y compris la Tour des Cinq Ordres, n'était qu'un excellent char- pentier. John Abel fut, de même, un ouvrier pittores- que, un peu grossier, dont le talent s'est exercé dans les Fig. i58. — Knole. comtés de l'Ouest, où les fo- (Comté de Kent.) rêts abondantes firent prendre l'habitude des constructions mi-partie en bois. Sir Thomas Gresham a pu être l'architecte de plusieurs des monuments qu'il fit bâtir à ses frais, Thomas Grumbol termine la liste des prédê- cesseurs notables d'Inigo Jones, Le chaos Tudor n'a pas produit d'églises importan- tes. Après la séquestration des monastères, en 1534- 1539, la construction des édifices religieux fut d'ail- leurs à peu près interrom- pue, jusqu'au moment où Fig. iSg. — Chambre a coucher, a Knole. l'incendie de Londres, en 1666, qui détruisit 89 églises, vint ouvrir un vaste champ à l'acti- vité de Wren, Les principaux monuments de style Tudor furent des châteaux. Indépendamment de ceux dont il a déjà été question, nous citerons encore : Mon- tacute (fig, 155 et 157), Chalcote, Burghley, quel- ques parties de Longford (fig, 148) dans le comté de Wilts, Holland House, Kirby House, Aston Halla Birmin- gham, Knole (fig, 158 à 162), Buckhurst, Holdenby^ Fig. i 6o. —Galerie, a Knole . Kirkby Hall (fig, 202), 76 ^ LE CHAOS TUDOR Loseley, Littlecote, Hard- wicke (fig. 163), Hatfield (fig. 164) et Ampthill. Non- such Palace n'est plus connu que par de mauvaises gra- yurés. La première Bourse Royale et Old Somerset House sont également dé- truites. Comme nous l'avons déjà dit, on trouve, dans toutes Fig. i6i. — a Knole. ces constructions, des in- Colonnade, fluences rivales que l'on reconnaît aisément par le plus ou moins de goût dont elles témoignent. A cet égard, nous le répétons, les Aile- mands viennent en dernier lieu, après les Italiens et les Flamands. A de rares exceptions, presque toutes les anciennes habitations en bois, ou mi-partie en bois, qui nous restent sont de l'époque des Tudor. On n'en connaît qu'un bien petit nombre, où le style perpendiculaire apparaisse dans sa pureté. Les plus importants manoirs sont dans le comté de Lancastre : Samlesbury, Speke Hall, Moreton Old Hall Fig. 162. — Chapelle, a Knole. (fig. 165), Agecroft Hall, d'autres encore, nous montrent ce que l'on pouvait obtenir à cet égard. Les comtés de l'Ouest ont une foule d'habitations mi-partie en bois, qui ne sont pas sans mé- rite. Les principales se ren- contrent à Chester (fig. 166), Srewsbury, Dunster, et autres villes. Le manoir de Lyemore (Montgomery), qui fut autrefois la résidence de lord Herbert de Chen- bury (fig. 167), et celui Fig. i63. — Hàrdwicke Hall. d'Ockwells (Berk) sont aussi {Comté de Derby.) GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Fig. 164. — Hatfif.ld House. fort beaux ; le second a des détails remarquables. Dans les comtés de l'Est et du Sud-Est, le nombre des habitations de ce genre n'est pas moindre. On en trouve surtout à Ightham, Harrietsham, Wingham, Bury Saint-Edmunds, Lavenham, Saffron-Walden, Newark, etc. Enfin, il faut encore citer, comme contribuant à nous donner la mesure de la capacité artistique de l'époque dont nous parlons, une foule de sculptures sur bois pour des corniers, des portes, des fenêtres, etc. En Ecosse et en Irlande, le caractère défensif des constructions particulières médiévales a persisté davantage qu'en Angleterre. Les exemples que nous fournit l'Ecosse portent la marque très accentuée de l'influence française qui s'est longtemps fait sentir au Nord de la Tweed. Toutefois, il n'en est aucun où n'apparaisse aussi l'ambi- tion esthétique personnelle du constructeur. Le plus souvent, elle se manifeste par la forme des moulures des portes ou celle des cham- branles de cheminées. Et, quand ces détails manquent, on la reconnaît, comme au château de Bothwell, à l'harmonie de toute l'œuvre. Il est difficile de dater les châteaux d'Ecosse, dont beaucoup sont habités. On les a continuel- lement agrandis et modifiés pendant des siècles. Tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'ils constituent une variété, quelquefois supérieure â leur modèle, des châteaux con- struits en France à l'époque Fig. i65. Moreton Old Hall. où l'insécurité les rendait — (Comté de Lancastre.) nécessaires. En tant qu'ha- LE CHAOS TUDOR bitations, les châteaux écossais du Moyen Age n'étaient pas aussi dépourvus de confort qu'on l'a prétendu. Les latrines, par exemple, y étaient aussi nombreuses et aussi bien placées que dans nos habitations modernes. De nombreuses cheminées assu- raient le chauffage. Une pratique courante consistait à diviser la hauteur en deux ou trois étages voûtés que l'on subdivisait au moyen de parquets en bois. D'intéressants châteaux écossais de diverses époques, les uns en ruines, les autres encore debout et habités, sont ceux de Borthwick, Bothw^ell, Crichton, Campbell, Caerla- Fig. i66.—Vieille maison, verock, Caw^dor, Craigmillar, Crosraguel, a Chester. Linlithgow Palace, Dirleton, Glamis (lig. 168), Fyvie et les tours Nord-Ouest de Holyrood. En Irlande, la silhouette et les proportions des châteaux du Moyen Age constituent la plus grande partie de leur valeur artis- tique. Howth Castle (fig. 169) en est un exemple. Les châteaux irlandais sont innombrables, mais presque toujours ruinés, ou telle- ment masqués par des construe- tions plus récentes qu'on a de la Fig. 167. — Lyemore. peine à les étudier. Effective- (Comté d'e Montgomery.) ment, de nombreuses maisons modernes ont, en Irlande, pour noyau, un château médiéval. Il n'est pas rare de rencontrer deux habita- tions ou corps de bâtiment que séparent des murs de 2 m. 50 à 5 mètres d'épais- seur. Dans ce cas, on peut être certain que quelque Fig. 168. — Glamis Castle. ancienne forteresse de O'Co- (Comté de Forfar.) 79 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE nor ou des O'Toole en constitue l'ossature. Il sem- ble bien, cependant, qu'au point de vue du confort les châteaux irlandais n'aient pas été de beau- coup inférieurs à ceux d'Ecosse. Mais ils ne possèdent pas, au moins pour la plupart, au même, Fig. 169. — liowTH Castle, près de Dublin. degré, les indices légers d'esthétique qui sur- prennent et réjouissent dans la région du Nord. Ce phénomène est d'autant plus surprenant que le Celte irlandais a excellé dans d'autres branches de l'art. BIBLIOGRAPHIE. Archaeologia, années 1773 et suivantes.—Reginal Blomfield, A. R. A., A History of Renaissance Architecture in England, 1500-1800, 1897. — J. Clayton, Ancient Half-timber Edifices of England, 1846. — W. G. Dawie et W. C. Green, Old Cottages and Farmhouses in Surrey, 1908. — T. Garner, The Domestic Architecture of England during the Tudor Period, 1908.— J. A. Gotch, Early Renaissance Architecture in England, 1901 ; Renaissance Architecture in England, 2 vol. in-folio. — Ernest Law, of Hampton Court History Palace, 1885-1891. — J. Nash, Mansions, of England, 1839-1849. — H. Shaw, Details of Elizabethan Architecture, 1839. — H. Taylor, Old Halls and of Lancashire Cheshire, 1884. — Transactions of the Society of Antiquaries, of Scotland, années 1832 et suivantes. Fig. 170. — Whitehall. — Partie centrale de la façade Nord. (D'après le dessin d'Diigo Jones.) CHAPITRE VU! LA RENAISSANCE ANGLAISE INIGO JONES ET SIR CHRISTOPHE WREN Renaissance raisonnée ne date, en Grande- L'ARCBretagne, que des premières années (flnigo Jones. Né en 1573, cHetITarEcChitTeUctRe Epassa une bonne partie de sa jeunesse sur le Con- tinent ; sa carrière, en Angleterre, comme artiste indépendant, ne com- mença qu'en 1604, et il ne fut nommé qu'en 1615 inspecteur général des bâtiments de la Couronne. Jones a fait deux projets pour la recon- struction du palais de Whitehall. Encore qu'on ne soit pas d'accord à cet égard, il est vraisemblable que le plus ancien fut aussi le plus modeste. Jones l'aurait dessiné, en 1619, pour Jacques F', et ce n'est que quelques années plus tard, sous le règne de son suc- cesseur, qu'il aurait élaboré le fastueux projet dont le dessin est devenu une mine d'idées pour des générations d'architectes. La seule partie réalisée de ce projet, la Salle des banquets, est peut- être la solution la plus satisfaisante que l'on puisse concevoir du problème tel qu'il se posait. Par sa destination, la construction devait être une salle à manger de cérémonie, aménagée pour des spectateurs ; extérieurement, elle devait former un lien entre d'autres parties plus hautes, et d'utilité plus complexe, du palais. Eu égard à ces difficultés, il est à peine exagéré de dire que le second Whitehall de Jones est la conception la plus étonnante qui soit jamais sortie du cerveau d'un architecte (fig. 170). Ce Whitehall fut l'œuvre d'un homme qui apprit, en Italie, la grammaire de son 81 - CRANDE-BRET/GNE ET IRLANDE art et revint dans sa patrie pour y élaborer le plan d'un palais, de nature à dépasser, en étendue et en magnificence, tout ce que l'on connaissait. Aucune tradition n'existait pour lui venir en aide ; son génie y suppléa et produisit une œuvre, parfaitement homogène, dans le sentiment national. Le plus grandiose des deux projets était fait pour un édifice qui aurait mesuré près de 400 mètres de long sur 300 mètres de large, ce qui correspond à une surface quatre fois plus grande que celle qui est occupée par le Parlement actuel (fig. 171). Cet édifice devait comprendre sept cours intérieures, dont la plus grande, entourée de pavillons magnifiques de 25 à 35 mètres de haut, aurait compté plus de 250 mètres de long sur 125 mètres de large. A droite et à gauche de cette cour, il devait en exister trois autres, toutes quadrangulaires, sauf la cour médiane de l'Ouest, qui aurait été de forme ronde. Le seul détail que l'on ait critiqué de ce plan général est la ligne de ciel, qui aurait comportéFunige p.aire171. — Whitehall. de tourelles sur chaque façade (fig. 170).(PMaaisr il ne faut pJasonouebslie. r une de que Jones, de même Iñigo que Wren, Alfred Stevens D'après et d'autres gravure grands Muller.} artistes, perfectionnait toujours ses projets lors de leur exécution. On peut croire qu'il n'aurait point manqué d'élaguer de son plan ce qu'il avait de défectueux et que les tourelles n'auraient jamais été bâties. Ainsi il n'a tenu qu'au hasard d'une révolution que l'Angle- terre possédât une œuvre sans égale. Si Charles 1" avait conservé sa tête sur ses épaules, on aurait, â Londres, le pendant civil de la cathédrale de Saint-Paul. Le reproche que l'on a fait si souvent à cette ville d'être pauvre en monuments ne serait plus fondé. Car 82 LA RENAISSANCE ANGLAISE le projet de Jones, parfaitement mûri, n'avait nen d'un château en Espagne. Sa réalisation complète était décidée ; on 1 avait commencé, et son interruption n'a tenu qu'à des causes purement fortuites. Nous avons dit que les dessins de Whitehall étaient devenus une mine d'idées architecturales. Ceux qui sont au courant de tous leurs détails peuvent, en effet, les retrouver dans une foule de rues des cités anglaises. Un des exemples les plus frappants est la fausse tentative de style Renaissance de Sir George Gilbert Scott, à Westminster. Une grande partie de l'architecture du Home Office est faite de tranches prises dans les façades de Whitehall. La seule différence tient à la puissance de Jones et à la faiblesse de Scott, qui travaillait à tâtons, dans un style qu'il ne connaissait point. On s'en rend surtout compte par les substructions. Celles de Whitehall sont superbes ; la beauté et la vigueur s'y combinent et font admirer l'arcade rustique qui soutient le grand mur au-dessus d'elles. Le rez- de-chaussée â panneaux de Scott est, au contraire, d'une faiblesse et d'un écrasement déplorables. Les autres oeuvres d'Inigo Jones ont fait l'objet de nombreuses discussions ; mais beaucoup de monuments, comme l'hôpital Hériot, 83 Plan ^ Fig. 172. — du rez-de chaussée de Whitehall. (Par Inigo Jones. Îichelle au 3.600" environ.) GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE à Edimbourg, le porche de Sainte-Marie (fig. 173) et le carré intérieur du Coi- lège Saint-Jean, à Oxford, et la Bourse de Copenhague, lui ont été attribués sans preuves suffisantes, parfois même contre toute probabilité. Parmi les édi- fices dont certaines parties dérivent de ses plans, nous pouvons citer : l'hôpi- tal de Greenwich (fig. 174 et 175); Wilton House (y compris les deux salles splendides qui sont connues sous les noms de double cube et de simple cube), près de Salisbury ; peut-être Cobham Hall (fig. 1 76) dans le comté de Kent ; l'église Fig. 173. — Porche de Saint-Paul, à Covent Garden (fig. 177) ; de Sainte-Marie, a Oxford. peut-être Ashburnham House avec son " bel escalier (fig. 178), etc. La capacité extraordinaire de Jones, a dit Blomfield, est démontrée par la façon merveilleuse dont il débar- rassa l'architecture anglaise des puérilités allemandes. Le déve- loppement que prit cette architecture, grâce à lui, procédait, il est vrai, des œuvres italiennes ; mais il sut si bien en approprier les éléments aux traditions anglaises que ses idées furent acceptées immédiatement et qu'elles ont été appliquées, pendant cent cinquante ans, par les meilleurs esprits de l'Angleterre. La force principale de Jones a été le sens approfondi qu'il possédait de la proportion, son mépris de l'élégance fade, la rare distinction de son style. 11 disait lui-même que l'architectijre doit être solide, de bonnes " proportions viriles et simplement conçue. Personne mieux que lui n'a réalisé cet idéal de son art. Il faut ajouter à cela quejones a possédé au plus haut point cette qualité si importante, qui consiste, pour le grand artiste, à faire passer quelque peu de sa per- sonnalité dans chaque détail de son œuvre. 11 en est résulté que ses travaux, indépendamment des traits généraux qui les distinguent, ont tous un caractère individuel, Fig. — Hôpital de Greenwich. qui les met au rang d'une 174. création. (Iñigo Jones.) LA RENAISSANCE ANGLAISE F ig. 175. — Hôpital de Greenwich. (Wren.) Les années qui suivirent la mort de Jones furent pauvres en beaux monuments. John Webb, qui eut à surveiller à Wilton House, à Amesbury, à Ashburnham House dans le Dean's Yard, à West- minster et, probablement, à Gunnersbury et à Greenwich, lexécu- tion des plans de Jones, fit lui-même un assez grand nombre de travaux ; mais la plupart ne sont pas heureux. La meilleure peut- être des œuvres qui lui sont personnelles est Thorpe Hall, près F ig. 17Ô. — CoBHÀM Hall. {Partie attribuée à/«i^o ./ones.) (Comté de Kent.) 8.S GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE de Peterborough, qu'il construí- sit pour Oliver S. John. On y retrouve beaucoup des heureuses proportions et de la dignité des plans de Jones. On peut donc dire que l'architecture Renais- sanee anglaise ne fit rien qui vaille la peine d'être noté, pen- dant le temps qui s'écoula entre la mort de Jones et les Fig. 177. — Saint-Paul, Covent premiers a travaux de Garden. Wren. (Iñigo Jones ) Christophe Wren naquit en 1632. Son père était doyen de Windsor, et son oncle, Mathieu Wren, évêque d'Ely. D'abord éléve de Busby, à Westminster, Wren fut ensuite étudiant privilégié de Wadham College, à Oxford ; il compléta ses études, vers l'âge de vingt et un ans, à Ail Souls College. Wren s'intéressa, dans sa jeunesse, aux mathé- matiques, à la mécanique et, d'une manière plus générale, aux sciences appliquées. Ce ne fut qu'en 1661, alors qu'il avait vingt- neuf ans, qu'il s'occupa pratiquement d'architecture et devint auxi- liaire de Sir John Denham, inspecteur général des travaux. Peu de temps après, il construisit la chapelle de Pembroke College, à Cambridge, et le Sheldonian Theatre, à Oxford. On lui a attri- bué l'Ashmolean Museum ; mais ce monument est plutôt l'œuvre d'un architecte oublié du nom de Wood. A Oxford, le meilleur plan de Wren est celui de l'inté- rieur de la chapelle du Collège de la Trinité (fig. 179). Une occasion de bâtir, la plus grande qu'un architecte ait jamais connue, lui fut fournie par l'incendie de Londres, dans le courant de l'au- tomne de 1666. Wren dressa, â cette occasion, un plan ma- gnifique pour la réédification de la cité sur de nouvelles lignes ; Fig. 178. — Ashburnham House. mais ce plan n'eut aucune suite : (Escalier d'après lilomfield.) LA RENAISSANCE ANGLAISE le conservatisme anglais et d'autres raisons s'y opposèrent. Wren fit rebâtir la cathé- drale et 54 églises, dont la plus fameuse est celle de Saint-Etienne, à Walbrook (fig. 180). L'architecte, à l'aide de procé- dés fort simples, autant qu'ingénieux, est arrivé à produire, à Saint-Etienne, un effet très imposant. On a prétendu que Wren, pour cette église, s'était inspiré de certaines basiliques orientales. Ce n'est pas pro- bable, car il avait un modèle bien plus rapproché, celui de Sainte-Anne, à Haar- lem, qui incarnait la même idée. Si Saint- l'ig. 179. — Chapelle Etienne est la meilleure des petites églises du Trinity College, Oxford. de Wren, le clocher de l'église de a Bow, à (Wren.) Cheapside (fig. 181), l'emporte sur toutes ses constructions de même nature. Il y a résolu ce problème d'adapter le détail presque clas- sique à un ouvrage de conception verticale. Parmi les autres œu- vres de Wren, il est impossible de ne point citer les dômes et les colonnades de l'hôpital de Greenwich (fig. 1 74 et 1 75), qui sont une des meilleures conceptions de l'architecture Renaissance ; le Monument de Londres ; l'église Saint-Bride, de Fleet Street (fig. 182) ; la partie orientale du palais d'Hampton Court (fig. 183 et 184) ; la bibliothèque du Collège de la Trinité, à Cambridge ; enfin Temple Bar, que l'on a si fâcheusement démoli en 1878. Mais c'est surtout â l'église de Saint-Paul (fig. 185 et 186) que le nom de Wren restera attaché, bien que le plan de la cathédrale de Londres ne soit pas, au demeurant, aussi parfait que celui de quel- ques-unes des œuvres du même architecte. L'église de Saint-Paul ne fut réellement commencée qu'en 1672. Le plan suivi ne fut pas le premier ; Wren en avait déjà fait deux, que l'on ne peut omettre de men- tionner. L'un est surtout connu par un mo- déle en bois, qui est actuellement déposé dans une chambre supérieure de la cathé- un Église drale ; l'autre est dessin, scellé le roi Fig. 180. par — Saint-Étienne, et désigné sous le nom de warrant design. a Walbrook. (Wren.) Le modèle est celui d'une église qui n'au- 87 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE rait pas valu extérieurement la cathédrale de Saint-Paul actuelle, mais aurait eu sur elle l'avantage d'un plan meilleur et de dispositions intérieures préférables. L'in- fluence du Duc d'York et aussi, peut-être, les goûts secrets du Roi, qui estimait que cette église s'accorderait mal avec le rituel de la religion romaine, le firent rejeter. Le warrant design a pu ne pas être fait bien sérieusement. Il est possible que Wren ne l'ait destiné qu'à donner le change aux deux partis hostiles, tandis qu'il élaborait le beau projet que nous connaissons. L histoire secrète des divers projets de Saint-Paul n'est pas connue. On peut cependant soup- çonner que l'intelligence malicieuse de Char- les II a été pour quelque chose dans le warrant design. Le roi avait à compter, effectivement, avec Rome et avec Londres, Fig. i8i. Église ou, SI l'on — préfère, avec son frère et la Cour de Bow, a Cheapside. de France d'une part, avec le peuple an- (Wren.) glais de l'autre. Telle qu'elle est, la cathé- drale de Saint-Paul n'en est pas moins la mieux réussie des églises construites, en Europe, pendant la Renaissance. La basilique de Saint-Pierre, à Rome, l'emporte sur elle en étendue et aussi par la splendeur de sa décoration intérieure ; mais, dans son ensem- ble, le dessin extérieur de la cathédrale de Saint- Paul est de beaucoup meilleur que celui de la basilique de Saint-Pierre. Quant aux autres égli- ses de style analogue, comme le Panthéon et les Invalides à Paris, Saint-Isaac à Saint-Pétersbourg, on peut, par comparaison, les juger relativement peu importantes : elles n'ont point le cachet ima- gmatif spécial, qui rend si imposante la masse énorme de l'église de Saint-Paul. Avec cette cathédrale et les 54 églises dont nous avons déjà parlé, on doit encore à Wren Fig. 182. — Saint- 8 collèges, 33 grandes salles, 4 palais et plus de Bride (Fleet 40 autres monuments. La partie orientale d'Hamp- Street). (Wren.) 88 LA RENAISSANCE ANGLAISE Fig. i83. — Angi.e Sud-Est d'IIampton Court. (Wren.) ton Court est, après Saint-Paul, la meilleure de ses œuvres. Pour la construire. Wren fut obligé de détruire une étendue considérable du palais Tudor, et cette perte est regrettable ; mais on serait presque tenté de l'excuser, quand on considère la beauté de l'édifice qu'elle nous a valu. Non seulement, d'ailleurs, les constructions de Wren, à Hampton Court, sont belles par elles-mêmes, mais on en peut dire qu'elles offrent un confort qu'on ne trouvait guère dans les palais à cette époque. Tous les visiteurs d'Hampton Court sont d'accord sur ce point. Nulle part ailleurs on n a fait un emploi plus judicieux des matériaux, et notamment de la brique rouge. Wren fit aussi un plan, qui n'a pas été exécuté, pour certaines parties de Busbey Park et construisit, pour le Collège de la Trinité, à Cambridge, des annexes qui mériteraient presque le nom de palais. Le plan de la Bibliothèque de ce collège est un des plus heureux qu'il ait produits. Mais cet artiste a eu recours à un expédient qu'on ne saurait admirer, pour masquer le manque d'accord entre l'extérieur et l'intérieur du soubassement, qui est plus haut en dehors qu'en dedans. Wren fit en- core d'autres travaux, qui ne peuvent être étudiés dans cette esquisse. Il nous suffira de mentionner les tours ac- tuelles de l'abbaye de West- minster et quelques églises gothiques " de la cité,' ainsi f^ig. 1o84. Hnampton n ... — . , Court. que i etage supérieur de la (Wren.) (Vtie intérieure.) 89 - armstrong. grande bretagne et irlande. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE tour Tom, à Oxford. Si intéressantes que soient ces œuvres, pour celui qui étudie la personnalité de leur auteur, elles n'ont rien à voir avec le développement de l'art anglais. Ce ne fut pas seulement comme artiste de génie que Jones et Wren ont bien mérité de leur pays. Ils confirmèrent aussi la tradition, qui veut que les architectes anglais aient été les meilleurs dessinateurs de plans de tout l'univers. En se préoccu- pant, comme ils l'ont fait, d'ouvrir largement leurs édifices à la lumière, à l'air et au public, ils ont témoigné d'une hardiesse et d'un bon sens i85. Cathédrale qui furent, en somme, sauf de rares ii·io. — de Saint-Paul,vue de Ludgate Hill. éclipses, la caractéristique des con- structeurs anglais. Nous ne nous limitons pas, d'ailleurs, pour porter ce jugement, aux œuvres ache- vées de Jones et de Wren. L'un et l'autre ont laissé une foule de projets, de dessins, d'esquisses, qui contribuent, pour leur part, à mettre en lumière la puissance de ces deux architectes. Les principales collections de ces plans sont aux collèges de Wor- cester et de AU Souls, à Oxford, à Chatsworth et au Soane Museum. Ce n'est pas trop d'ajouter que nous con- sidérons Jones et Wren comme les plus grands de tous les architectes ", en donnant à ce terme le sens qu'on lui attribue de nos jours. Leurs œuvres ne se placent point à côté des productions de l'archi- tecture grecque ou de 1 architecture gothique ; Fig i86. — Cathédrale de Saint-Paui,. . mais, en aucun temps, il (Wren.) LA RENAISSANCE ANGLAISE ne s'est trouvé d'hommes dont le génie et l'activité aient produit de meilleurs résultats. On a comparé Jones à Palladio, et Wren à Mansard. Mais le génie dé Palladio n'avait pas la puissance de celui de Jones et il n'est pas téméraire de supposer que Palladio n'aurait jamais conçu Whitehall. Quant aux facultés de Mansard, il ne semble pas qu'on puisse les mettre, un seul instant, en parallèle avec l'immense variété, le goût, le sens de la proportion, le juge- ment, l'ingéniosité et l'imagination féconde de Sir Christophe Wren, dont le talent a été, de plus, sans égal pour mettre l'œuvre en harmonie avec son entourage. BIBLIOGRAPHIE, Reglnal Blomfield, A History of Renaissance Architecture in England, 1897, 8 volumes. — Britten et Pugin, Public Buildings of London, 1825. — Colin Campbell, Vitruoius briiannicus, 1715-1725. — Peter Cunningham, Inigo Jones, 1848. — James Elmes, Life and Works of Sir C. Wren, 1823; Sir C. Wren and His Times, 1823. W. Kent,/irc/j/7ec/ure of Inigo Jones^ 1727. — Leoni, Architecture of Palladio traduction, par 1. Ware), 1715. - W. J. Loftie, Inigo Jones and Wren^ or the Rise and Decline of Renaissance Architecture in England, 1893. — A.-H. Mackmurdo, Wren's City Churches Opington, 1883. — Lucy Phillimore, Sir Christopher Wren, etc., 1881. — H. Inigo Triggs et Henry Tanner, Some Architectural Worlds of Inigo Jones. — John Wardy, Some Designs of Inigo JoneSt 1744. Isaac Ware, A complete Body of Architecture^ 1756; Designs of Inigo lones, 1757. — Christopher Wren ijeune), Parentalia, 175*^ — 91 CHAPITRE IX LES DISCIPLES DE JONES ET DE WREN créa bien une nouvelle forme d'architecture de la Renais- JONsEanSee ; mais ce fut Sir Christophe Wren qui lui donna la sou- . plesse dont elle avait besoin et acheva de l'adapter aux nécessités anglaises. Longtemps avant sa mort, survenue en 1723, il y avait eu des hommes capables de travailler dans sa manière. Il nous suffit de citer, d'abord, Edward Garman (ou German), qui a bâti la seconde Bourse royale, incendiée en 1838, et plusieurs autres monuments de la Cité ; le capitaine Winde (ou Wynne), peut-être bollan- dais, auteur de Newcastle House, dans les Lincoln's Inn Fields, et de la vieille Buckingham House, à Saint-James Park ; Henri Bell, de King 's Lynn, où il a laiFsséigd.'excellents travauSx. Mais lui vinrent des architectes, comme H1aw87. omerasperès — t House. William ksmoor, Gibbs, Archer, (Sir Chambers.) James, Vanbrugh, Kent, Colin Campbell, Vardy, le plus ancien des Wood, etc., qui continuèrent fidèlement sa tradition. Quel- ques-uns de ces architectes furent ses ennemis ; le plus grand nombre le vénérèrent comme un maître. Taiman, que M. Blomfield considère comme le type du constructeur officiel, fut lun des persécuteurs de Wren, dans ses dernières années ; Chatsworth, Thoresby aujourd'hui détruit, et Swallowfield sont les principales de ses oeuvres. Taiman, nullement habile, fut toujours correct ; jusqu'à la fin du XVIIP siècle, il est bien peu d'architectes qui ne l'aient imité. Vanbrugh faisait des pièces de théâtre qui ont contribué, pour une bonne part, â sa réputation. Ses travaux d'architecture ont 92 LES DISCIPLES DE JONES ET DE WREN Fig. i88. — Elevation de Blenheim. (Vanbrugh.) de la hardiesse ; malheureusement leurs détails laissent presque tou- jours à désirer. 11 fut, sous ce rapport, comparable à Michel-Ange : Les fenêtres de certaines de ses œuvres ne valent pas mieux que celles de l'étage supérieur du palais Farnèse. Blenheim Palace (fig. 188 et 189), Castle Howard, Seaton Délavai (fig. 192), Grimsthorpe et la partie la plus mauvaise de l'hôpital de Greenwich lui sont dus. Dans son ensemble. Castle Howard plaît suffisam- ment ; mais le plan en est mauvais. Blenheim Palace est franchement laid, malgré sa vigueur. D'un mot, on peut dire de Vanbrugh qu'il a manqué de goût. La plupart des architectes dont nous avons cité les noms le surpassèrent. Kent nous a laissé Holkham House (fig. 190), les Horse Guards (fig. 193) et la Trésorerie, restée inachevée, qui est au Sud de la Horse Guards Parade. 1^| ^ Le front Ouest des Horse Guards est ' " ' — . — — . d'un bon dessin, contrairement à ce qui a lieu pour le côté tourné vers Whitehall. Ici, l'architecte. moins SERRES (wtó heureux Saint- 2 ' qu'à 3. CUISINB S 46. PORTES 5. HALL DES COMMUNS 9. BOULANGERIE 10.36.37.38.40.41. COLONNADES II. GARDE ROBES» IMS 1723. CHAMBRES À COUCHER 14.19.2!. ANTICHAMBRES 16. CABINET 18. SALON CQU{\ DES CUISINES 20. SALLE DE RÉCEPTION COUBDESÈÇVBîSS ' 02.27. SALLES À MANGER 24.28. CABINETS DE TOIIEHE 06.29. COURS 28. GRAND VESTIBULE O0.3l.32.34. CORRIDORS 03, PORTtÛUE SE. GRANDE GALERlB <39. PORTE PRINCIPAL ' 42. CHAPELLE 115.47. REMISES «;fi).51.52. ECURIES tERRASSS ■J lA,6fiAN6E SoOB REZ-DE'CHAUSSEB Fig. 189. — Plan de Bi.enheim. (Vanbrugh.) 93 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Fig. 190. — rioLKHAM House. (Kent.) (Comté de Norfolk.) James Park, a négligé d'établir un lien esthéti- que entre les différentes parties de son œuvre. Kent, pour ce côté, n'a pas su trouver le juste milieu entre la dissimulation totale et l'étalage trop apparent de la structure. Hawksmoor est l'auteur de trois plans originaux : ceux de l'église Saint-George, à Bloomsbury, et de Sainte-Marie Woolnoth, à l'extrémité de Lom- bard Street, et d'une des tours d'Ail Souls, à Oxford, qui sont une excentricité assez heu- reuse comme effet. Les meilleurs et les plus connus des travaux de Gibbs sont les églises de Samte-Mane-le-Strand (fig. 191) et de Samt-Martin-in-the-Fields, toutes deux à Lon- dres, et la bibliothèque Radcliffe, â Oxford (fig. 195). Gibbs est l'architecte qui se rappro- Fig. 191. — Sainte- che le plus de Wren, par son aptitude à saisir Marie-le-Strand, la forme qui convient dans tel ou tel cas. Son a Londres. (Gibbs.) église de Sainte-Marie-le-Strand, repliée sur elle-même, et dont le plan n'a rien de routinier, pro- duit l'effet d'une grande dame dans une foule, bien que les conditions de son entourage primitif soient changées. La bi- bliothèque Rad- Fig. 192. beaton delavai, (Vatlbril^H.) 94 LES DISCIPLES DE IONES ET DE WREN Fig. igS. — Horse Guards, a Whitehall. (Kent.) cliffe témoigne des mêmes qualités. On doit aussi à Gibbs, pour le Sénat de Cambridge, un plan qui ne fut jamais complètement exé- cuté. On ne possède que le tiers de l'œuvre conçue par cet architecte. Colin Campbell a construit Mereworth, dans le comté de Kent, Houghton, dans le comté de Norfolk, et Wanstead, aujourd'hui ruiné, dans le comté d'Essex. On doit à Archer, Cliveden House et l'église Saint-Jean à Westminster, irrévé- rencieusement comparée à une table de cuisine retournée; — ajames, l'église Saint-George, à Hanover Square; — à Vardy, 1 excellente façade de Spen- cer House, côté du parc, à Saint- James (fig. 196); — aux deux Dan- ce, le père et le Fig. 194. — Saint- Mansion Hou- Clément fils. Danes, LoNDRES.nVren et Gibbs.) se (fig. 197) et l'an- cienne prison de Newgate, dont le dessin était des plus corrects. La disparition de ce dernier édifice est fort regrettable. Wren et ses disciples immédiats avaient tellement bâti de monuments grandioses que la génération qui les Fig. 195. — Bibliothèque Radcliffe, a Oxford. (Gibbs.) suivit n'eut plus besoin, pour ainsi dire, GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE d'en faire d'autres. Elle se borna à construire un très grand nombre de jolies habita- tions de campagne et quelques églises de ville. Entre la mort de la reine Anne et la fin du XVIIP siècle, on ne peut guère citer, en effet, que la recons- truction de Somerset House par Sir William Chambers et la création de Bath par les Spencer House, deux Wood. Les Fig. 196. monuments — a Londres. (Vardy.) de Bath n'ont rien d'excep- (Saint-James.) tionnel ; mais leur architecture est agréable. Le meilleur est peut-être le Guildhall, dû à Baldwin, successeur des Wood, et considérablement agrandi, avec beaucoup de goût, par James Brydon. La recon- struction de Somerset House (fig. 187), au commencement du dernier quart du XVIIL siè- de, vaut la peine qu'on s'y arrête. L'œuvre de Sir Wil- liam Chambers a été fort critiquée. L'architecte n a pas suffisamment utilisé les Fig. 197. — Mansion House, a Londres. avantages du site. La partie (Georges Dance le vieux.) comprise entre la grande cour et le Strand ne mérite que des éloges ; mais la longue façade Ouest, sur la rivière, quoique bonne, pourrait être meil- leure, et la terrasse est trop large ; cette terrasse nuit à la. hauteur du monument. En outre, la ligne de ciel n'est pas heureuse. Le dôme plat est bon dans ses proportions ; mais il met trop en évidence la médiocrité de ses maté- Fig. Casino, près t>e Dubi.in. riaux. Une œuvre exquise - LES DISCIPLES DE JONES ET DE WREN et peu connue de Chambers est le Casino bâti, près de Du- blin, pour le premier Comte de Charlemont (fig. 198). La ville de Dublin elle-même est remplie de bonnes constructions qui doivent beaucoup à 1 mspi- ration de cet architecte. La Customs House (fig. 199), par son élève Gandon, est une œu- .111 - 1 Fig. iûq. — Customs les House, vre a meme ®gréable,' de que ^ Dublin. ,n j <4 >» 1 1 (Gandon.), Four Courts , dans leur forme actuelle, et les parties ajoutées, au Parliament House, aujour- d'hui Banque d'Irlande (fig. 200). C'est, d'autre part, sur les esquisses de Chambers que Mayer a édifié le carré prin- cipal du Collège de la Trinité. Dublin et, d'une manière plus générale, l'Irlande, ont en outre de bons monuments, dus à des disciples des Adam, qui furent Fig. 200. - Banque d'Irlande , derniers Dublin. représentants de la a (Castell.) • nouveulle nRen-aissance i anglaise, avant la période archéologique. A Londres, Robert Adam et ses frères ont bâti les Adelphi, deux des côtés de Fitzroy Square, la plus grande partie de Portland Place et différents hôtels particuliers, de valeur comparable â celle de l'habitation de Mistress Mon- tagu, â Portman Square. Un manque étrange de paix intérieure marque l'art des Adam. Ce furent des ornemanistes raffinés. La décoration leur parut une beauté de surface, dont il fallait tenir le plus grand compte. En tant qu'ar- chitectes, leur hardiesse est excessive. Ils s'ingénient trop souvent â vouloir donner un aspect monumental â des 201. — Town Hall, constructions plutôt frivoles. Il en résulte a Abindon. 97 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE que les meilleurs de leurs édifices sont ceux où la décoration est le plus sobre. Edimbourg en pos- sède quelques-uns, comme Charlotte Square, la Re- gister House et le Collège (fig. 203). Celui-ci a été parachevé, de nos jours, par Sir Rowand Ander- Fig. 202. — Kirkby Hall. son, qui lui a fait un dôme. (Comté de Northants.) Dans le Sud, les travaux des Adam qui l'emportent peut-être sur tous les autres sont Kenwood, Luton House et la vieille Mansion, - que l'on a, je crois, transportée. — à Bryanston Park, dans le comté de Dorset. Ked- leston Hall, dans le comté de Derby (fig. 204), est de trois architectes. Le plus méritant fut J. Paine, dont il existe, à Oxford, un por- trait par Reynolds ; mais c est Robert Adam qui porta l'œuvre à sa perfection. Les Adam ne furent pas d'ail- leurs que des architectes. Ils _ Fig. q Lt200. — , . e College, a Edimbourg. , donnèrent aussi une autre forme à leur activité et créèrent un mouvement dont se ressentirent Fig. 204. — Kedleston Hall. (Paine et R. Adam.) (Comté de Derby.) ^— 98 — LES DISCIPLES DE JONES ET DE WREN tous les objets d'usage courant, qui n'étaient pas purement utili- taires. Ce sont leurs idées qui ont influencé les arts domestiques, depuis 1775 environ, jusqu'au début de la longue paix, en 1813. BIBLIOGRAPHIE. — Tous les ouvrages déjà cités pour le chapitre VIII et ceux qui suivent : ^ n — Robert Adam, Ruins of the Palace of the Emperor Diocletian at Spalateo, 1 764. Robert et James Adam, Works, 1778. — M. B. Adams, Old English Houses, 1888. — Henry Aldrich, Elementa archilecturae ciuilis, 1789. — J. Belcher et M. Macartney, Later Renais- sanee Architecture in England, 1897. — G.-H. Birch, London Churches of the Seventeenth and Eighteenth Centuries, 1896. — G. Bulmer, Architectural Studies in Yorkshire, 1887.— Sir William Chambers, Treatise on the Decorative Part of Civil Architecture, 1791. — John Evelyn, The Whole Body of Ancient and Modern Architecture, 1680. James Gihbs, A Book of Architecture, 1723 ; Bibliotheca Radcliviana, 1747. — J.-A. Gotch, Buildings erected by Sir Thomas Tresham, 1883. — Joseph Gwilt, Encyclopaedia of Architecture (édi- tion W. Papworth), 1876. —^Thomas Mulvane'y, Life of J. Gandon, 1846. QCl Fig. 2o5. — Palais du Paulement. '(Sir Charles Harry.) CHAPITRE X les renaissances classique et gothique vague d'engouement pour les hommes et les choses de l'anti- Laquité classique qui passa sur l'Europe continentale, à la fin du xviip siècle, s'étendit jusque dans les Iles Britanniques. L'archi- tecture anglaise a sombré dans un de ses remous. En Angletertfe, ce retour aux classiques s'est produit, dès 1762, par la publication des études de James Stuart et de Nicholas Revett sur les Antiquités d'Athènes. Stuart fit même construire, à Saint-James Square, une habitation qui peut être considérée comme la première manifestation concrète du mouvement. Mais ce n'est qu'à partir de 1 789 et de la Révolution française que l'éclipsé des idées traditionnelles devint générale et, peut-on dire, désastreuse. Aux héritiers des Jones et des Wren succédèrent alors des savants et des archéologues, qui mirent à la mode un style de construction entièrement inapproprié aux habitudes des Anglais et au climat de leur pays. Le retour aux anciens styles abaissa le goût. Quand les hommes copient, il est d'ailleurs bien rare qu'ils ne le fassent pas avec des matériaux inférieurs. A la vérité, on ne doit le regretter qu'à demi. La brique et le stuc dont sont faites tant de constructions pseudo-classiques du xix" siècle les rendront plus faciles à détruire. Mais que penser des gens qui proposèrent sérieusement de transformer Oxford et d'en faire une ville grecque, à l'aide de colonnes, de frontons et de pilastres de stuc ! Pendant toute la période qui s'est écoulée entre la construction 100 LES RENAISSANCES CLASSIQUE ET GOTHIQUE de Somerset House (fig. 187) et le retour à la tradition de Jones et de Wren qui a mar- qué la fin du XIX» siècle,lar- chitecture anglaise est cons- tamment restée dans une situation fausse. Les archi- tectes ne pouvaient concilier que difficilement la destina- tion de leurs édifices avec la forme d'art qui était celle du moment. Dans la pre- mière moitié du siècle, les meilleures églises, habitations ou gares de chemins de fer furent conçues selon les prin- cipes doriques ou ioniques ; dans la seconde moitié, on adopta le style gothique, mais en le modifiant et le Fig. 206. — Nef de ia Cathédrale compliquant d'après des de Westminster. (Henlley.) exemples tirés du Continent. A la vérité, des deux tyrannies, la seconde fut la moindre. La Renais- sanee gothique a produit, sur le tard, des oeuvres qui ne sont pas mauvaises. Elles valent certainement beaucoup mieux que les imitations antérieures de style classique. Peut-être même sont-elles trop parfaites : les archéologues des siècles à venir risqueront de s'y méprendre et de les considérer comme des reliqiies de notre art médiéval. Mais qui n'aperçoit pas l'absurdité de cette galvanisation de la mort ? Ce n'est point là de l'art anglais ; on ne peut y trouver que des divagations qui ont été un obstacle au dévelop- pement de cet art. Un professeur distingué a flétri du nom de chaos la période qui les a con- nues. Elle ne mérite pas mieux, et il pourra nous suffire d'énu- Fig. mérer sommairement 207. — Hall Saint-George. quelques- a Liverpool. (Elmes.) unes de ses œuvres. Elles sont loi GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE dues à des artistes, d'un mérite souvent réel, qui ont su donner des preuves d'un talent supérieur, malgré les conditions fâcheuses que les circonstances leurimposaient. L'église Saint-Paneras serait, sans son clocher, une bonne imitation d'un temple grec. La banque d'Angle- terre, le British Museum, l'entrée de la station d'Eus- ton, l'Athenaeum Club, les arcades de Hyde Park Cor- ner, le Fitzwilliam Museum à Cambridge, quelques édi- fices publics d'Edimbourg et Fig. 208. — Chapelle Brampton, de Glasgow et la Halle Saint- dans la Cathédrale de West.minster. George, à Liverpool, sont à citer également parmi les meilleures productions dans le style classique. La Halle Saint-George (fig. 207), construite par un jeune architecte, nommé Elmes, tient péut-être, en Europe, la première place parmi les adaptations de modèles classiques à des usages modernes. Il ne lui a manqué, pour devenir célèbre dans le monde entier, que d'être construite dans quelque pays ensoleillé, loin des fumées d'usines. La mode qui suivit fut fondée sur la Renaissance italienne. Elle différait toutefois du mouvement que préconisa Inigo Jones, en ceci qu'on voulut copier les modèles italiens et «on point s'en inspirer. Alors qu'une traduction anglaise eût été à peine supportable, on essaya d'une version mot à mot. Comme conséquence, les rues de Londres se peuplèrent Fig. d'édifices 209. — Lés " Law dont Courts", la vraie place eût hall central. (Street.) 102 LES RENAISSANCES CLASSIQUE ET GOTHIQUE été à Rome, à Florence ou même à Venise. Les meilleurs architectes de ces œuvres furent Sir Charles Barry, G. R. Cockerell, Sir James Pennethorne, les deux Smirke, d'autres encore. On doit au premier Bridgewater House le Club de la Réforme, le Club des Etrangers, l'Hôtel de Ville d'Halifax, l'habi- tation n° 10 de Kensington Palace Gardens ; le second a bâti les Ga- leries de l'Université d'Oxford et le Fig. 2io. — Les Law Courts ; Sun Fire Office, dans la Thread- entrée du strand. (Street.) needle Street. Après Wren, dont le Style n'eut, au demeurant, aucun désir de faire revivre une forme d'art disparue, le véritable créateur de la Renaissance gothique en Angleterre fut Horace Walpole, qui construisit entre 1760 et 1770 son jouet de Strawberry Hill. Dès ce moment, la mode s'achemina lentement vers Fig. 211. — Chapelle du Keble College, des conceptions plus sérieu- a Oxford. (Butterfield.) ses. Le pays fut d'abord parsemé d'églises et de châteaux qui l'on crut gothiques, parce qu'ils possédaient des fenêtres ogivales, des tourelles pointues et des cré- neaux. Puis, petit â petit, les jeu- nés gens qui avaient étudié firent beaucoup mieux. Et, vers 1860, c'est-à-dire au bout d'un siècle, certains de nos architectes étaient en état de rivaliser avec les meil- leurs de nos vieux maîtres d'oeuvres gothiques. De la période que l'on pourrait appeler d'apprentissage, Fig. 212. — Église de Saint-Jean quelques édifices valent cependant l'Évangéliste, Red Lion Square; —_ io3 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE la peine d'être notés. L'é- glise de Saint-L.uc à Chel- sea, dans le style perpendi- culaire, fut qualifiée d'admi- rabie par les contemporains de sa construction. On peut aussi Icuer la restauration presque complète du château de Windsor, par Jeffrey Wyatville, et la reconstruc- tioñ, après un incendie, du palais de Fig. Westminster, 213. par — Porche de la Cathédrale aidé des de West.minster. Barry, connaissances (Bentley.) archéologiques de Pugin. Le goût que possédèrent ce savant et cet artiste a fait, de cette recon- struction, une œuvre remarquable. Aux yeux du puriste, les bâti- ments du Parlement (fig. 205) ne sont pas parfaits ; on les a dessinés au moins un quart de siècle trop tôt. Leur structure est quelque peu monotone ; mais ils sont admirablement aménagés, d'un ensemble grandiose, et certains de leurs détails, comme les deux grandes tours sont fort beaux. La faute commise par si l'on Barry, se place â son propre point de vue, semble avoir été la de la largeur terrasse qui éloigne le palais de la berge. Il est, de plus, regrettable qu'un grand escalier ne conduise pas jusqu'au bord de l'eau. Un palais séparé d'une rivière par un mur ressemble â un baigneur qui craindrait de se mouiller les pieds. Entre temps, la connaissance de l'architecture gothique avait pro- gressé. Les bâtiments du Parle- ment étaient â peine terminés que nos jeunes architectes, après avoir parcouru tout le champ de l'art ogival, s'arrêtaient aux formes du Xiv^ siècle. Aussi longtemps que leur opinion prédomina, on ne con- struisit plus qu'en s'inspirant des f , g . 214. - C hapelle du C ollège monuments de ce siècle, bien que d Exeter. (Sir a. g . scoit.) LES RENAISSANCES CLASSIQUE ET GOTHIQUE des indépendants soient allés chercher, de temps à autre, des modèles dans les bâtiments gothiques de l'Allemagne, de Venise et de l'Espagne. Et, abstraction faite de Pugin, qui fut le devancier de tous, c'est à cette pléiade d'architectes de l'époque où l'on achevait la tour Victoria (1860-1861) que va la gloire d'avoir imité avec le plus de succès les construe- teurs médiévaux. A Raphaël Fig. 2x5. — Église Saint-George, Brandon, nous devons l'église a Doncaster. (Sir G. G. Scott.) Irvingite de Gordon Square ; à G. E. Street, ce démon d'énergie, les Law Courts (fig. 209 et 210), les additions que l'on a faites à la Cathédrale de Bristol et un dessin gothique pour une National Gallery ; à Butterfield, l'église de AH Saints, dans Margaret Street, et le Keble College, à Oxford (fig. 211) ; à Pearson, la cathédrale de Truro, l'église de Saint-Jean l'Evangéliste, dans Red Lion Square (fig. 212), et le porche Nord de l'abbaye de Westminster (fig. 213) ; à Burges, la cathédrale de Saint Finn Bar, à Cork, et le château de Cardiff ; â Sir Gilbert Scott, le plus actif de tous, l'intérieur de la chapelle du collège d'Exeter (fig. 214), l'église paroissiale de Doncaster (fig. 215), l'église Saint- Michel â Hambourg, et la cathédrale de Sainte-Marie â Edimbourg ; â Brooks, l'église de Saint-Colomba, au Nord de Londres ; à Bodley, le plus sympathique et le mieux inspiré des architectes de la pléiade, l'église d'Eccleston et le clocher, encore ina- chevé, de Christ Church, â Oxford (fig. 216) ; â Goldie, l'église Saint- Vincent, â Cork ; â Sir Arthur Christ Blomfield Clocher enfin, la nef actuelle de Fig. 2 i 6. - de NoUS Church, a Oxford. (Bodley.) Saint SaVlOUr, â Southwark. io5 — ARMSTRONG, GRANDE BRETAGNE ET IRLANDE. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE ne citons que les principaux archi- tectes et les meilleures de leurs œu- vres. D'autres, à côté d'eux, tra- vaillèrent d'une façon plus libre et aussi avec beaucoup moins de succès. Le plus connu fut Alfred Water- house ; par son activité et son entente des affaires, cet architecte obtint une vogue à laquelle ses apti- tudes purement artistiques ne lui auraient donné aucun droit. Oxford, Edimbourg, Manchester (fig. 217) et Londres ont tout Fig. Hôtel de ville particulièrement 217. — de Manchester. souffert de son (Waterlwuse.) manque de talent. La dernière phase du retour au style gothique est un écho du chaos Tudor. Les formes anciennes sont employées habilement, mais d'une façon tout arbitraire, et trop souvent avec le mépris le plus complet de l'enchaînement des parties. A cet égard, on ne peut concevoir quelque chose de plus laid que le réseau de fenêtre, de plus absurde que le remplage des tym- pans de l'église tant van- tée de la Sainte-Trinité, à Chelsea, par Sédding (fig. 218). M. Mackenzie n'a pas pris moins de h- berté pour la construction du Marischall College, à Aberdeen (fig. 219). Cependant, dans son en- semble, son œuvre n'est point dépourvue de Fig. 218. — Église de la Trinité beauté, Sloane Street. et les mêmes (Sedding.) qualités se retrouvent dans les lravaux .de quelques autres archi- tectes, comme l'intérieur de la Bibliothèque Ryland, à Manchester (fig. 220), par M. Basil Champneys, et le plan de l'extérieur de la Galerie nationale écossaise de portraits, par Sir Rowand Anderson. En définitive, le processus du retour au gothique est curieux. LES RENAISSANCES CLASSIQUE ET GOTHIQUE C'est d'abord le style perpendiculaire qui l'em- porte ; puis on passe avec fermeté aux formes plus anciennes, et l'on rétro- grade, en dernier lieu, avec non moins de con- viction, jusqu'à ce mé- lange de style perpen- diculaire et de style Renaissance qui marqua la fin de l'art ogival. M. T. G. Jackson est peut- être l'architecte dont le — talent, d'une souplesse Fig. 219. Marisciiall College. re- a Aberdeen. marquable, s'est le (MarshaH-Mackeiisie.) mieux prêté à ce passage d'une forme à l'autre. Ses travaux, à Oxford et en d'autres lieux, sont une continuation particulièrement heureuse des traditions locales. En terminant ce chapitre, nous tenons à constater que toutes ces renaissances, qu'elles soient classiques ou gothiques, ont toujours été accompagnées des protestations de ceux qui pensent que l'archi- tecture, comme les autres arts, et plus qu'eux peut-être, doit exprimer les idées de sa propre époque. 11 y a là une vérité évidente. Lorsque la science classique et l'arché^lcgie sont les principales préoccupations intellectuelles d'une génération, ces préoccupations trouveront, dans les arts, une expression qui deviendra au moins une série de documents précieux pour l'avenir. Dans une époque qui se passionne pour les restaurations, il est utile d'en entre- prendre, car, même là, on peut trouver une expression du génie contemporain. Plusieurs cas se pré- sentent que l'on ne peut se dis- penser d'envisager. Si le monument Fig. 220. Bibliothèque est célèbre — pour des causes qui Ryland, a Manchester. n'admettent aucun rajeunissement. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE comme les gloires qu'il évoque ou celles que le temps lui a données, le meilleur est encore de le laisser tranquille. Si la célébrité de ce monument est faite de sa beauté, ce qui est le cas, par exemple, pour la Tour des Anges de Canterbury (fig. 97), ou en raison de son rôle dans un groupe, tel le Campanile de Venise, une restauration aussi minutieuse que possible s'impo:e. Quel que so t le succès de la tâche, celle-ci sera jugée par la postérité et constituera une par- tie de la marque Hall caractéristique Fig. 221. — Grand du Chateau Penhryn. de notre temps. Il a de (Hopper.) n'y que peu d'utilité à vouloir appliquer de force à un art quelconque des principes qui ne communient pas avec le caractère intellectuel du moment. Le Xix" siècle a été surtout un siècle de critique et d'investigation. On s'est appliqué à découvrir des causes plutôt qu'à produire des résultats. Une grande part de l'art de ce siècle, surtout dans celles de ses branches qui sont en rapport étroit avec l'érudition, a été traitée d'une manière plus scientifique qu'esthétique. Dans un essai cù notre but est de suivre le développement essentiel et inconscient de l'architecture anglaise, les œuvres que le Xix'' siècle r ous a laissées ne nous viennent en aide que par la lumière qu'elles jettent sur le caractère et la manière de penser des Anglais. Un des traits les plus saillants de ces œuvres est malheureusement l'instabilité, qui est une faute. Le Français s'attache d'instinct à tout ce qu'il y a de fertile dans sa propre tradition, et ce n'est pas la moindre cause de sa supériorité dans les arts. L ar- chitecte français qui a un problème à résou- Fig. 222. — Monu.ment dre se contente de ce qui est devenu, chez de Scott, a ÉoniBOURG. LES RENAISSANCES CLASSIQUE ET GOTHIQUE lui, national. 11 ne tient compte que des modifications nécessitées par les conditions spéciales du travail qu'il doit fournir. 11 y a par suite, dans ses œu\res, une continuité naturelle, une filiation si l'on veut, que les œuvres an- glaises ne possèdent point au même degré. Sans doute, les constructions ne manquent pas en Angleterre, pour lesquelles une méthode éclectique a été em- ployée avec une habileté extra- ordinaire. Mais ceci ne compense Fig. 223. — Maison d'une point l'absence d'un art aussi C'e d'Assurance homogène que l'architecture de a Glasgow. Euston Square. la Renaissance française. Ce n'est, pour les Anglais, qu'une consolation toute relative que de posséder les qualités de leurs défauts. BIBLIOGRAPHIE. — Rév. A. Barry, Life and Works of Sir Charles Barry, Lon- dres» 1867 ; The Architect of the New Palace of Westminster^ 1868. Cooper et Wilson, The Work.sof John Sedding^ddins The Architectural Review^ 1897. C. Eastlake, TAe Wis/ori; — of the Gothic Reoioal, 1872. — The Ecclesiologist, 1852. Ferrey, Recollections of A. W. Pugin. — Hittorf, Notice historique et bibliographique sur la üie et les œuvres de Sir Charles Barry, I860. — J. E. Newberry, The Works of .J. L. Pearson, R. A., dans The Archi- tectural Reoiew, 1896. — A. W. N. Pugin, The True Principles of Pointed, or Christian, Architeicture, 1841 ; An Apology for the Reoioal of Gothic Architecture in England, 1843 ; State of the Ecclesiastical y4rc/i/7ec/tire in England^ 1843. E. W. Pugin, Who was the Art Architect of the Houses of Parliament^ 1867. — Sir G. G. Scott, Personal and Professional Recollections^ 1879. — A. E. Street, Memoir of G.E. Street^ 1888. C. Sediile, Archi- tecture contemporaine en Angleterre^ dans The Architectural Review^ t. 1 à XVIII, passim. — Paul Waterhouse, Life and Works of Augustus Northmore Pug/n, dans The Architectural Reoiew, 1897. - 109 FIO. 22/j. — HÔTEL DE VILLE DE BELFAST. (Sir E. Hriimiiiell Thomas.) CHAPITRE XI la renaissance moderne Renaissance gothique n'a duré qu'une génération. Un style La " hybride, celui de la Reine Anne lui succéda, qui emprunta ses éléments à Jones et à Wren, à leurs imitateurs et aux architectes de l'école belgo-hollandaise. Le premier édifice construit dans ce style est New-Zealand Chambers, dans Leadenhall Street (fig. 225). On le doit à un arciiitecte de talent, Richard Norman Shaw, que l'on a considéré, depuis la construction de ce bâtiment, comme le véritable créateur de la Renaissance moderne. Le Bureau d'assu- ranees, à l'intersection de Saint-James's Street et de Pali Mall, est la seconde œuvre importante de ce même architecte. L'influence flamande y prédomine. New Scotland Yard, d'une époque plus tardive, est bien davantage de style anglais. Shaw fut l'auteur de nombreux projets qui devaient transformer tout un quartier de Londres ; jusqu'à présent, on n'a exécuté, de ces projets, que le théâtre de la Gaîté (fig. 226) et le Piccadilly Hotel (fig. 227). Il construisit aussi une foule de châteaux, où il a combiné avec beaucoup de talent des idées empruntées â la première Renais- sanee anglaise, â des châteaux français et â des hôtels de ville belges. La caractéristique de l'art de Shaw est l'éclectisme de ses débuts. iio LA RENAISSANCE MODERNE Mais son art, en s'inspirant de cet éclectisme, se développa jusqu'à se rapprocher de celui d'Inigo Jones. Le mouvement dont Shaw fut l'instigateur fait aujourd'hui la force de l'art bn- tannique. Nos meilleurs architectes sont, en grande partie, ses disciples. Comme lui-même, ils ont compris que Jones et Wren ouvrirent une voie royale, parce qu'elle est la seule qui réponde pleinement au caractère des Anglais, à leurs besoins et à leur climat. Depuis dix ou quinze ans, beaucoup de monuments importants ont été bàtis soit à Londres même, soit dans les Fig. 225. — New Zealand . comtés dire leur style Chambers. Leadenhaí.i. Street. ; on peut que (Xovman Shaw.) est l'héritier direct de celui qu'em- ployèrent Jones et Wren. Les limites de ce manuel ne nous per- mettent point de les nommer tous. Nous ne citerons que les prin- cipaux. M. Belcher, dont le dessin est d'une puissance et d'une souplesse remarquables, a construit l'Institute of Chartered Accoun- tants (fig. 229) et Electra House (fig. 230), l'un et l'autre dans la Cité. On lui doit aussi de nombreuses œuvres de moindre importance, où il a fait usage d'un style qui a eu déjà quel- ques imitateurs et rappelle, par certains côtés, l'art nouveau allemand. Les plus- récentes sont Mappin's Shop, dans Oxford Street ; le bâtiment de la Medical Association, dans le Strand ; l'Insuranee Office, à l'extrémité Nord-Ouest de Saint-James's Street. La mé- thode traditionnelle a été suivie avec plus de rigueur pour le Fig. 226. Théâtre Gaii Central Criminal — de la Court par (Norman Shaw.) Mountford, le Waldorf Hotel lU GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Fig. IT], — Piccadilly Hôtel. Fig. 228. — Waldorf Hôtel. (Norman Shaw.) (Marshall Mackensie.) par M, Marshall Mackenzie (fig. 230), et bien d'autres monuments dont le nombre s'accroît très vite. Il est juste de dire que beaucoup de proj ets se rattachent à une explosion d'activité officielle qui prit naissance en 1895 et constituera peut-être, dans l'avenir, le principal titre à la reconnaissance des Anglais pour les gouverne- ments de leur pays depuis cette date. M. William Young s'est fait connaître par des embellissements à Gosford (Comté de Midlo- thian), Culford (Comté de Suffolk) et Glasgow. L'hô- tel de ville qu'il a construit pour cette dernière ville n'est pas irréprochable. On peut y trouver un manque d'har- Fig. 229. — Institut des Chartered monie entre la façade et les Accountants. côtés. L'œuvre, dans son en- (Belcher.) semble, n'en demeure pas moins magnifique. Personne certainement ne fut surpris de voir con- fier à cet architecte, qui venait de faire ses preuves, la mission de construire à Whitehall un palais pour le War Office, en remplace- üfeÉÉ LA RENAISSANCE MODERNE ment des locaux inhabitables de Pall Mail. On se souve- nait d'ailleurs que le concours ouvert pour la construction de l'Hôtel de l'Amirauté, s'il avait doté Londres de bu- reaux fort commodes, ne lui avait nullement donné un édifice de grand caractère. Un autre Ecossais, J. C. Bry- don, fut chargé en même temps de bâtir un groupe de bureaux pour le Board of Trade, le Local Government Board, etc., à l'angle de Parliament Street et de Parliament Square. Leurs Fig. 23o. — Electra House. œuvres, très différentes, sont (Helcher.) fort acceptables. Le War Office par Young (fiig. 231) pèche peut- être léger de concordance entre le plan et la desti- par un manque nation ; mais il a beaucoup de dignité et de grandeur et se garde du poncif qui fait le défaut principal de 1 architecture de Londres. Le palais dû à Brydon, quoique plus banal comme dessin, mérite des éloges pour la pureté de ses détails et leur bonne répartition. Sa cour circulaire a pu être inspirée de celle de Whitehall par Inigo Jones ; elle lui est toutefois bien inférieure. Une troisième construction, commencée vers la même époque, est le Nouveau Collège des sciences, à South Kensington (fig. 232). L'architecte, Sir Aston Webb, a su se dégager de l'influence paralysante de Water- house et produire un mo- nument où l'on trouve surtout un sentiment très vif de la vraie Renais- sanee. Sir Aston Webb Fig. 23i. — War Office. (Young.) a fait un pas encore, dans Il3 GRANDE-BRETAGNE ET IR-LANDE la même voie, pour le plan des palais que Ton bâtit en ce moment à l'extrémité du Mail, et qui serviront au logement du Premier Lord et du Premier Naval Lord de l'Amirauté. Les construe- tions privées contemporaines Fig. 282. — Le Nouveau Collège ne témoignent pas d'un res- oes sciences, a South Kensington. (Sir Aston moindre la tradi- Webb.) pect pour tion de la Renaissance an- glaise. On ne voit plus que rarement des habitations conçues dans un style emprunté à des pays étrangers, de climat tout dif- férent de celui de l'Angle- terre. L'architecture gothi- que a pratiquement disparu du terrain laïque. Les exem- pies les plus remarquables de ces constructions privées sont : l'University Club, par M. Reginald Bomfield, à Fig. 233. — Kinmel Park. l'angle de Suffolk Street et (Nesfield.) de Pall Mail (fig. 234) ; des maisons de rapport par M. F. F. Wil- liam, dans Regent Street et dans Saint-James's Street, le grand magasin rouge et blanc, par M. Atkinson, dans Oxford Street, et l'église baptiste d'Holborn, par M. Keen. On pourrait citer à Londres, Edimbourg, Glasgow et ailleurs, une foule d'autres édifices, bâtis depuis moins de dix ans, qui témoi- gnent â la fois de l'intelli- gence, du savoir et du talent de leurs t^ig. 2854, . United ^ auteurs. Les illu- — university Club • , . du Royaume-Uni strations j de ce . chapitre (Reg-, Riomfieid.) en montrent quelques-uns 114 LA REN Al SSANCE MODERNE (fig. 233, 236, 242, 243). M. Ralph Knott aura con- struit, d'autre part, avant cinq ans, dans le County Hall, sur la rive droite de la Tamise, d'autres monuments publics. On en peut dire, dès maintenant, qu'ils auront une originalité dont l'absence est le défaut principal de l'Hôtel de Ville de Belfast (fig. 224), par Sir E. Brum- well. Certes, personne ne à — contester la splen- Fig. 235. hôtel de Ville de Glasgow. songe deur de cet Hôtel de Ville; (Young.) Belfast a le droit de s'en montrer fiére comme Lend'es de la cathédrale Saint-Paul. Il n'en de- meure pas moins que Sir E. Brumwell s'est inspiré de Wren beaucoup plus, peut-être, que son oeuvre ne l'exigeait. Tandis que les hommes que nous venons de nommer, et beaucoup d'autres, s'appliquaient à rétablir la véritable tradi- tion anglaise. des architec- tes, d'ailleurs remarquable- ment doués, prodiguaient leur talent pour des con- Fig. 236. — In.stitution di; structions dé- Prévoyance du Royaume-Uni. fectueuses. .(U. T. Hare.) L'Impérial In- stitute, le nouveau Victoria and Albert Museum, la nouvelle cathédrale de West- minster souffrent également d'un défaut radical. Fig. — Leur style ne s'accorde point avec leur desti- 237. Magasin, Wigmore Street. nation. Un musée composé de salles immenses (Wallace el Gibson.) ii5 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE n'a que faire de dômes, de minarets et de pagodes. La vue de ces ornements ne peut donner qu'une idée fausse de la destination réelle des édifices qui en sont pourvus. Ils ont de plus le tort de nuire à la distribution de la lumière, qui est une des conditions pri- mordíales de la bonne exposition des objets. De nombreuses annexes extérieures, dispo- sées sans ordre dans l'ensemble et d'une finesse exa- gérée dans les détails, ne conviennent pas davan- tage à une église, qui n'est, en F ig. 238. - • Porte, Newgate Street. somme, qu'une salle imposante. Le goût exquis Fig. 289. — Établissement que Bentley dans le détail d'Assurances, a Édi.mbourg. a apporté ne (J.-M. Dick Peddie.) saurait justifier la construction qu'il a faite d'une cathédrale romano-byzantme, presque à l'ombre de l'abbaye de Westminster. Les châteaux et hôtels par- ticuliers, grands ou petits, que l'on a bâtis depuis vingt- cinq ans, sont certainement la manifestation la plus heu- reuse de l'architecture an- glaise dans sa dernière phase. Le tracé d'un bon plan a longtemps été la qualité do- minante de nos architectes ; il s'y ajoute, de nos jours, une exécution raisonnée, qui augmente le mérite de leurs œuvres. Les Fig. Trésorerie, Saint James's styles le 240. plus 1 i • 11 1 , habituellement employes s in- (Norman shaiv.) Spirent, avec moins d'austé- LA REN AISSANCE MODERNE rite, de l'élégance du grand aiciiitecte Palladio, ou sont un développement de ce style Tudor qui a précédé le mouve- ment palladien en Angleterre. Nous pou- vons citer, à titre d'exemples, le nouvel hôtel de Bryanston Park, construit par M. Norman Shaw, pour Lord Portman, et l'hôtel dés Kensington Palace Gardens, dessiné par M. Philip Webb pour Lord Carlisle. Une forme d'architecture, moins gran- diose, mais qu'il n'est pas davantage possible de passer sous silence, est celle des petites maisons, Fig. 241. — Porte. des et petites églises, des (Lanchesler Richards.) petites constructions publiques des villes et des villages. Le temps n est pas encore éloigné où l'on n'apportait aucun soin dans le plan de ces édifices, qui étaient presque tous constitués sur un même modèle. A Magasin, a cet égard, un chan- Edi.mbourg. gement des plus fa- vorables s'est produit. Une tendance artistique apparaît dans la plupart de ces constructions modestes. Sans doute, leurs architectes ne sont pas toujours également heureux ; mais leurs fautes sont excusables, alors même qu'ils pèchent par excès et surchargent leurs plans plus qu'il ne faudrait, La vieille indifférence Fig. — se meurt, et les exemples fourmillent 243. Banque du Commerce de l'Ecosse, qui le prouvent. L'Ecosse surtout a Glasgow. a progressé dans cette voie. Cette (Sidney Milchel.) U1 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE partie du Royaume-Um s'est, du reste, toujours fait remarquer par le dessin plus soigné de ses petites habitations ; peut-être faut-il attn- buer cela au système des baux emphytéotiques, plus avantageux, pour le locataire, que. celui des baux de construction. Toutefois, les architectes écossais ont un res- pect presque français pour la tra- dition, que les architectes anglais ne possèdent pas au même degré. L'Ecosse y gagne de ne point Fig. 244. — Cheminée. connaître les formes exotiques qui (Norman Shaw.) déparent les rues de toutes les grandes cités anglaises. Le seul caprice dont elle ait à se repentir est d'avoir cherché à naturaliser l'architecture grecque, lorsqu'Edim- bourg fut baptisée l'Athènes du Nord. Dans cette ville, et plus encore à Glasgow toute noire de fumée, cet essai, bien que tenté d'une manière fort habile, n'a pas donné de résultats heureux. BIBLIOGRAPHIE. — Pour de plus amples renseignements sur les sujets traités dans ce chapitre, on ne peut que consulter les périodiques : The Architectural Review, The Builder, The Architect, et l'Architecture contemporaine en Angleterre, par G. Sédille. 1 18 F ig. 245. — Portes C anada, au B uckingham Palace. CHAPITRE XII ARTS MINEURS L n'est pas possible d'accorder I beaucoup de place, dans un manuel consacré aux beaux-arts, à des industries, d'ordre secon- daire, qui sont souvent obligées de sacrifier le côté artistique à des exigences utilitaires. Cependant, en ce qui concerne les Iles Britan- niques, certaines de ces industries ne peuvent être passées sous silence. Leur description constitue d'ailleurs le complément des pages que nous avons consacrées aux formes primitives de l'art, I. LE TRAVAIL DU FER. Le fer est le métal le plus répandu et celui qui s'adapte le mieux aux besoins de l'homme. Bien peu d'industries charment davantage que celles qui l'emploient. Malheureusement, le fer, s'il n'est pas soigneusement entretenu, se détériore avec une très grande rapidité. C'est même à ce défaut que tient, en grande partie, l'indécision des archéologues sur l'époque où il a été employé pour la première fois, et sur la mesure où l'on s'en est servi aux différents âges. Les Egyptiens paraissent l'avoir connu 2 000 ans avant notre ère. On a même pensé qu'ils durent l'employer pour sculpter les roches dures, telles que la syénite, la diorite ou le porphyre, de celles de leurs œuvres qui sont plus anciennes ; mais cette déduction n'est pas con- cluante, car les Egyptiens, qui disposaient d'un temps et d'une patience illimités, peuvent parfaitement s'être passés du fer pour la taille de ces roches. Les Chinois, d'après leurs récits auxquels, à la vérité, on ne saurait accorder toute confiance, se seraient servis du fer 119 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE au moins vers la même époque. En Mésopotamie, on ne trouve aucune trace de son emploi, au delà de dix siècles avant notre ère. En Syrie et surtout en Grèce et dans les Indes, on en fit usage un peu plus tôt. Quant à l'Europe occidentale, où l'humidité du climat est plus destructive qu'en Orient, les renseignements font défaut sur l'introduction du fer dans sa métallurgie; On sait seulement que les Phocéens de Marseille exploitèrent, en Espagne, des mines de fer entre le VP et le v siècle avant notre ère. Les fouilles de Bibracte ont, d'autre part, mis au jour d'anciens foyers qui semblent indiquer que le fer, et même l'acier, furent connus des Gaulois. Du reste, nous savons que les Gaulois, bien avant César, étaient renommés pour leur habileté à travailler le fer. Sans doute les Ere- tons ne leur furent-ils nulleiñent inférieurs sous ce rapport. En Gaule, aussi bien que dans les Iles Britanniques, le fer, sous forme d'anneaux, constituait un moyen d'échange. Mais, contrai- rement à ce qui a lieu pour d'autres pays moins humides, l'Angleterre ne possède que très peu d'objets en fer qui lui soient venus des temps anciens. Une chaise pliante avec des ornements de bronze, quelques chenets, des candélabres, Fig. 246. — Portes des charnières de l'époque romaine et c'est à peu de All Souls, près tout. Pour les Oxford. époques plus tardives, où a des influences étrangères, Scandinaves, danoises ou saxonnes se firent sentir, ce sont encore des pentures qui nous permettent de suivre dans les Iles les progrès de l'art du fer. Elles étaient fixées sur du bois, assez souvent à l'abri de la rouille, ce qui explique leur conservation. Il semble bien, d'autre part, qu'elles aient eu de meilleure heure et gardé, en Grande Bretagne, un caractère artis- tique plus accentué que partout ailleurs. Leur forme élémentaire était celle d'une pièce qui enserrait les deux faces de la porte et s'engageait, vers son milieu, autour d'un gond fixé au chambranle. D'autres pièces, en forme de croissant, disposées de chaque côté, la mainte- naient fortement contre le bois. L'assemblage du système était pro- tégé par le recouvrement du chambranle, qui mettait la partie la plus faible à l'abri de tout mouvement violent. Un curieux exemple de cette disposition primitive nous est fourni par la porte de l'église de Stillingfleet, dans le comté de York, où les parties agissantes sont combinées avec la représentation d'une barçue de Vikings et 120 ARTS MINEURS d'autres dessins. On peut encore citer des pentu- res intéressantes à Wil- lingale-Spain et East- wood dans le comté d'Essex, Enth, Max- stoke, Weston-Barton, Margaret -Rodin g, Compton-Norton, Lei- cester, Kingston-Lisle, Sparsholt, Haddiscoe, Kenilworth, Ravenin- Fio. 247. — Grille de l'Église Saint-John, gham, ainsi qu'aux ca- a Frome. thédrales de Gloucester, (Au Victoria and Albert Museum.) Hereford, Peterborough et Chichester. Le Musée Victoria and Albert en possède qui proviennent del'église de Saint-Albans. Toutes ces pentures, de pur travail de forge, sont entièrement faites au mar- teau ; celles qui furent fabriquées par la suite réclamèrent plus de soins et nécessitèrent l'emploi du pilon. Les pentures de cette sorte, où l'ornementation était obtenue par l'étampage du métal porté au rouge blanc, témoignent d'une très grande habileté, surtout en France. Celles des grandes portes de Notre-Dame, notamment, dont la décoration rappelle l'enroulement romain, sont à citer. En Angleterre, l'étampage n'a jamais produit d'œuvres aussi ambitieuses. Un spécimem fort remarquable est fourni, il est vrai, par la porte Sud, conduisant aux cloîtres de la cathédrale de Durham ; mais cette porte paraît d'art français, bien qu'elle soit plus anglaise que française par le dessin. A Durham, les pentures ont à la fois un but utilitaire et décoratif. Avec le temps, la déco- ration devint indépendante des pentures ; elle fut alors constituée par des pièces de fer forgé appliquées sur les panneaux des portes dont elles augmentaient la solidité. Le portail du prieuré de Worksop offre, en Angleterre, le plus beau spécimen de cette technique. Ce portail est à deux vantaux et sa décoration est Fig. 248. — Tombe Éléonore. symétrique par rapport à la ligne verticale de de la Reine leur (A l'Abbaye de jonction. Il date de la fin du XII' siècle et Westminster.) a fourni des motifs pour beaucoup d'autres 121 — armstrong. — grande bretagne et irlande. 9 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE travaux du même genre, dans les comtés d'Oxford, d'Hereford, de Somerset et ailleurs. Les grilles, qui ont existé en si grand nombre dans les cathédrales et les églises anglaises, en soi plus importantes que les pentures, n'accusent pas les mêmes progrès. En outre, il semble qu'à certaines époques on se soit complu à les détruire : de sorte qu'il en est bien peu que l'on possède. La plupart sont fabriquées avec des bandes de fer tournées en spirales, en boucles, en quatre-feuilles, ou autres formes simples, maintenues par des colliers, et placées dans des cadres rectangulaires, de même métal, dont le bord supérieur est garni de pointes. Quelquefois ces cadres sont renforcés par des barres ajourées. Parmi les meilleurs spécimens des œuvres de cette sorte, on peut citer la grille du chœur de la cathédrale de Lin- coin ; une grille de tombeau à l'église de Saint-Albans ; une grille du South Kensington Museum, provenant de la cathédrale de Chi- chester, et, surtout, la grille de Saint Swithin, à Winchester, qui est à la fois la plus ancienne et la plus belle de toutes. La grille de Saint-Swithin date des dernières années du XP siècle. L'œuvre de fer la plus importante est la herse étam- pée qui est au-dessus du tombeau de la reine Eléonore, dans l'abbaye de Westminster (fig. 248). Elle fut faite, en 1294, par Thomas de Leghtone (Thomas de Leigh ton Buzzard), pour la somme de 13 livres, et c'est la seule, soit en Angleterre, soit en France, dont on connaisse la date. Pratiquement, pendant une longue période, l'étampage des grilles fut limité à l'Angleterre et à la France. Eu égard Fig. 249. — Urne aux dates et à d'autres considérations, il est de plomb, a Paruam. probable que ce genre de travail a pris naissance en Angleterre. On peut croire que les forgerons fran- çais, après se l'être approprié avec leur empressement habituel, lui donnèrent l'extravagante magnificence des ferrures des portes de Notre-Dame, puis l'abandonnèrent parce qu'ils ne trouvèrent plus personne d'assez riche pour commander des œuvres aussi coûteuses. Le XHP siècle fut, en Angleterre, le grand siècle des forgerons. Ne disposant d'aucun moyen perfectionné, tout se faisait dé leurs propres mains, sous le contrôle de leurs yeux, faillibles, il est vrai, mais très intelligents. Le travail d'étampage mis à part, la façon dont les forgerons du XIIP siècle utilisèrent leurs matériaux fût aussi 122 ARTS MINEURS expressive que celle des peintres. Leurs " productions ont un grand charme. Le traitement rapide et décisif du fer, au moment où il est passagèrement à l'état plastique, doit être considéré, dit M. Star- kie Gardiner, comme l'art véritable du forgeron. Les effets auxquels il conduit sont nécessairement vigoureux et virils. Une forge et un soufflet, un marteau et une enclume, des tenailles et un ciseau, constituaient alors tout le matériel. Avec le XIV° siècle, de nouvelles méthodes et de nouveaux outils firent leur apparition. Le F ig. 25o. — travail du B forgeron roche. y perdit de sa spon- (All Musée de Dublin.) tanéité et de son individualité. (Voir p, 124.) Comme nous venons de le dire, l'emploi du fer, dans un but d'ornementation, est probablement d'origine anglaise. Mais les forgerons anglais ne surent pas conserver leur supériorité dans cet art. Au début du XV° siècle, ils furent égalés par les Français dans tout ce qui concernait l'application du fer aux usages qui lui conviennent exactement, et fortement dépassés dans tous les autres cas, c'est-à-dire quand le fer remplace le bois ou d'autres matières plus souples. En Angleterre, le travail artistique des métaux a été interrompu pendant les deux siècles de troubles politiques et religieux qui ensanglantèrent le pays entre 1450 et 1650. Lorsqu'il reprit, ce ne fut plus que sous les in- spirations de l'étranger. Les belles oeuvres qu'il produisit ne manquent pas où le goût et le caractère restrictif an- glais se manifestent ; mais l'art du fer cessa d'être na- F IG. 25 I. — É.MAIL CEI.TIQUE PROVENANT tional et n'eut jamais cette DE POI.DEN lIlLE. (Au British Museum.) (Voir magnificence qu'on lui trouve p. 124.) ailleurs et qui fait oublier 1 impropriété de son emploi. De nos jours, l'art du fer a repris, en Angleterre, avec une très grande intensité. Ses résultats sont sou- vent merveilleux. La renaissance de cet art a rencontré de nombreux obstacles J23 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE et notamment la corruption du goût par un emploi abusif de la fonte sur les places publiques. Il suffit de citer, à cet égard, les portes de Coalbrookdale, près du Monument Albert, dans Hyde Park, celles de l'Arc de marbre et le couronnement de Constitution Hill. Mais beaucoup d'œuvres, comme les nouvelles grilles de Saint-Paul, les portes Canada au palais Buckingham (fig. 245), celles du nouveau mi- nistère à Whitehall et la belle grille de bronze de Bentley, dans la cathédrale de Westminster, sont nettement rassurantes pour l'avenir. il. ÉMAUX. Fig. 252. — Coupe d'Ardagh. Ce qui reste des émaux anglais (Au Musée dé Dublin.) ne jette que bien peu de lumière sur le développement de cette forme d'art dans les lies Britanniques. Des documents semblent prouver qu'elle fut florissante pendant tout le Moyen Age ; mais elle n'a jamais produit d'œuvres comparables à celles des émailleurs français, italiens ou allemands. Comme celle des Celtes, l'émaillerie des ouvriers qui leur succédèrent fut surtout employée pour la décoration d'objets utiles (fig. 250,251,252). Les cuivres émaillés (chandeliers, chenets, etc.) des périodes Tudor et Jacobéenne ne sont point sans valeur, et les émailleurs de Battersea ont fait preuve, au XVIIP siècle, d'une imagination non dépourvue de grâce et d'une grande habileté. Mais ce n'est que par les portraits en miniature, inspirés des belles traditions laissées en Angleterre par les Petitot, que les émaux de ce pays confinent aux beaux-arts. Cependant il est juste de dire que l'industrie de l'émail, tout en restant pratiquement limitée à la décoration, a suivi, dans les Iles, durant ces vingt-cinq dernières années, le mouvement général de la renaissance de l'art. 111. VERRES PEINTS. Le plus attrayant de tous les arts mineurs est peut-être celui qui consiste à compléter l'architecture par des verres de couleur. Il n'est personne ayant visité des cathédrales, comme celles de York, de Chartres ou du Mans, ou des basiliques plus modestes, comme celle de Gouda, qui ne convienne de l'intensité de vie que leur donnent les vitraux. Mais le mode de décoration a besoin d'être 124 ARTS MINEURS en harmonie avec l'édifice qui l'emploie. Le verrier doit subordonner tout son travail à celui de l'architecte. Les ensembles qui nous satisfont le plus sont ceux où ce prin- cipe a été le mieux appli- qué. Certains ont prétendu que les vitraux, comme tant d'autres — arts, nous sont venus Fig. 253. Chape de Syon. d'Orient. A Victoria and Albert cet égard, la (Ati Museum.) preuve n'est pas faite. Sans doute, il est permis de croire que les verres de couleur, sertis dans les réseaux de plâtre des constructions sarrasines, sont le résultat d'une vieille tradition ; mais les grandes ouvertures, si nécessaires sous les climats européens, ont toujours été sans objet en Orient, où la lumière est éclatante. 11 est plus probable que la mode des vitraux a pris naissance dans la partie occidentale de l'Europe et s'y est développée brusquement. Peut-être faut-il l'attribuer au moins autant au désir d'enluminer l'architecture à l'instar d'un livre d'heures qu'à une évolution lente qui serait comparable à celle de l'art de bâtir. On a affirmé que les vitraux firent, en France, leur première apparition sous le règne de Charlemagne. En réalité, aucun vitrail ne semble avoir existé qui soit antérieur au XIF siècle, et l'Angleterre ne possède que peu ou point de vitraux de cette dernière époque. Les Allemands veulent que certaines fenêtres, d'ailleurs dénuées de toute beauté, de la cathédrale d'Augsbourg, Fig. 264. — Chape de saint Silvestre, a Saint-Jean-de-Latran, a Romk. 12.3 ■ ■ - - ■ — GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE aient des vitraux du Xi " siècle ; mais leur prétention est fort contestable. Le XIII® siècle nous a laissé des verrières à Canterbury, York, Lincoln, Salisbury, etc. Au siècle suivant, l'art des vitraux fut pratiqué, en Angleterre, beaucoup plus que partout ailleurs. En France, en effet, l'activité de cet art eut à subir un ralentissement, et l'Allemagne ne commença à s'occuper sérieusement de vitraux que dans les dernières années du XIIP siècle et le commencement du XIV®. Pendant la période du style perpendiculaire, on produisit en Angleterre une grande quantité de verrières, surtout après l'avènement de Henri IV. Cette fabrication continua, d'ailleurs, jusqu'à la Renaissance, durant laquelle cependant beaucoup de verrières furent importées de France et de Belgique. Les magni- fiques fenêtres du King's College, à Cambridge, quoique fabriquées en Angleterre, sont probablement d'origine flamande. On les a attribuées récemment, avec quelque apparence de ra»isoFni,ga.u p2ei5n5tre. — Chape d'Ascoli. verrier Dierick Jacopsonne (Vellert d'Anvers), récemment identifié avec le graveur connu, d'après son monogramme, sous le nom de Dirk van Staren, parce qu'il signait ses planches D"^V (star, staren — étoile) et aussi DV, en séparant les lettres par un étourneau (stare, starling). Des contrats pour ces fenêtres existent encore. Les vitraux n'eurent plus aucun ♦caractère, depuis le milieu du XVI® siècle jusqu'au milieu du XIX®. De fausses idées prévalurent pen- dant deux siècles et demi, et, lorsque les verriers anglais revinrent à 126 — ARTS MINEURS une appréciation plus saine de leur art, il leur fallut une génération pour se dé- barrasser de leurs erreurs. Au point de vue historique, l'art des vitraux se divise en trois périodes, qui correspondent à celles de l'architecture ogivale elle-même. Toute son évolu- tion s'est faite graduellement ; de sorte qu'il suffirait d'une patience suffisante — pour classer Fig. 256. Tapisserie de Hatfield. les œuvres qu'il nous a laissées Dans leurs grandes lignes, les vitraux gothiques de 1 180 à 1300 appartiennent à l'ogival primitif, de 1300 à 1380 au style décoré, de 1380 à 1520 au style perpen- diculaire. Quelques fragments, qui remontent au delà de l'année 1 180, sont dits byzantins, et 1 expression de gothique ne peut plus s'appli- quer aux vitraux de date postérieure à 1 520, alors que le sentiment de la Renaissance est déjà très accentué. La fenêtre du premier style ogival était une mosaïque de petits verres maintenus en place par des baguettes de plomb qui consti- tuaient le dessin. Ces verres étaient de pâte colorée, sur laquelle on peignait aussi ; mais la couleur n'était destinée qu'à faire ressortir les formes qu'indiquaient les baguettes. Elle ne suppléait en rien à leur arrangement. Les parties pure- ment décoratives des fenêtres les plus an- ciennes sont habituel- lement des grisailles, avec un léger mé- lange de couleurs vives. D'autre part, les parties pittores- ques, c'est-à-dire les figures et les fonds, sont entièrement de couleurs vives, aussi Fig. 267. — Opus Anglicanvm. riches et foncées qu'on (Au British Museum.) le pouvait, eu égard à 127 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE la transparence nécessaire. Le dessin général des fenêtres du premier style ogival peut se diviser en quatre classes : les fenêtres entièrement en grisailles ; les fenêtres avec médaillons dans un cadre décoratif ; les fenêtres à figures, avec personnages sacrés se tenant sous des dais ou dans un cadre d'architecture peint directement sur le du verre ; enfin les fenêtres Jessé, dans lesquelles la généalogie Christ revêt plus ou moins la forme d'un arbre héraldique. Indé- pendamment de ces caractères, les vitraux du premier style ogival se distinguent encore par la forme conventionnelle de leurs détails, surtout des feuillages, et par leurs fonds hachés, qui adoucissent le ton général et rehaussent l'éclat du verre. Les vitraux de la période gothi- que décorée garnissent des fenêtres d'une conception générale plus pit- toresque. Les couleurs y sont plus, vives, plus claires et plus gaies ; les figures mieux dessinées, en des poses moins tourmentées ; les feuil- lages se rapprochent davantage de la réalité ; les baguettes de plomb sont moins larges, bien que plus Fig. 258. — Ivoire anglais apparentes, par suite d'une finesse du xiye siècle. de coloration et d'une transparence (Au Victoria and Albert Museum.) du verre plus grandes. En Angleterre, les meilleurs vitraux de cette période sont ceux de la chapelle Merton, à Oxford ; de la salle capitulaire, de la nef et du presbytère de la cathédrale de York ; de Tewkesbury, de Wells, de Salisbury, de Gloucester et de Bristol. Les vitraux de la troisième période gothique ont un caractère plus national que ceux des deux autres périodes. On les distingue plus aisément des vitraux français ou allemands contemporains. Leurs plombs, moins accentués qu'auparavant, se séparent davan- tage du dessin ; leur conception devient plus grandiose ; on y rencontre enfin, peints directement sur le verre, les éléments consti- tutifs de l'architecture perpendiculaire. La fenêtre type de la troisième période gothique donne l'idée d'une série de niches, d'une paroi ornée ou d'un tabernacle blanc-argent, garnis de figures richement colorées, se détachant sur des fonds également peints. 128 — —— —•— — ARTS MINEURS Une grande fenêtre de ce style est en quelque sorte la reproduction transpa- rente des grandes parois ornées de la même période, comme celles de Wal- lingford à Saint-Albans, du Magdalen College, du All Souls' College et du New College, à Oxford. La combi- naison du tabernacle presque blanc et des figures colorées satisfait à la fois à l'art et aux exigences pratiques : le châssis laisse passer la lumière en abondance, et les figures constituent une décoration splnedide. L'Angleterre est abondamment pourvue de belles verrières de cette troisième période. La ville de York en est remplie. Non seulement la — de nombreuses Fig. 259. Détail de la chape cathédra'e, mais aussi de Saint Sylvestre. églises, spécialement celle de Ail (Voir fig. 254.) Saints (North Street), sont remarqua- bles à cet égard. Les vieilles fenêtres du vestibule de la chapelle de New College, à Oxford, où la Nativité de Reynolds paraît si déplacée, ont de beaux spécimens de vitraux des premières années du style perpendiculaire. AU Souls, l'église abbatiale de Great Malvern, la cathédrale de Winchester et un très grand nombre d'autres églises, possèdent aussi quelques bonnes verrières de cette même période. A la fin de leur évolution architectonique, les fenêtres historiées perdirent de leur caractère décoratif et commencèrent à rivaliser fâcheu- sement avec la peinture. Les liens qui les rattachaient à l'architecture furent rompus. On évita les baguettes de plomb dans la mesure du possible ; elles disparurent même quelquefois. Le verre émaillé fut substitué au verre de couleur, pour le plus grand dommage de la transparence et de la solidité du vitrail. Les détails furent travaillés pour Fig. 260. — Triptyque eux-mêmes, non plus en vue de leur d'ivoire. effet. Le réalisme s'introduisit enfin dans (Ah British Museum) (Voir p. 136.) GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE un art d'où il aurait dû être soigneusement banni. Les Iles Britanm- ques ont de bons specimens de vitraux Renaissance ; mais les meilleurs sont, en totalité ou en partie, de provenance étrangère. La cathédrale de Lichfield possède de belles verrières flamandes ; on en trouve d'autres à Oxford et à Coventry. A Cambridge, la chapelle du King's College est un véritable musée de vitraux de la Renaissance, datant de 1516 à 1530. De la fin de la période perpendiculaire jusqu'au milieu du X1X« siècle, l'art des vitraux, par suite d'un faux idéal, a été en pleine décadence. Mais un revirement s'est opéré, depuis une cinquantaine d'années, qui a permis tout à la fois aux Anglais d'apprécier les oeuvres de leurs pères et de produire des travaux qu' ils n'eussent point désavoués. IV. TRAVAUX D'AIGUILLE ET TAPISSERIES. On se demandera peut-être s'il était bien utile de donner place, dans un manuel des beaux-arts, aux travaux d'aiguille et aux tapisseries. Mais, lorsqu'il s'agit de l'Angleterre, la question ne peut se résoudre que par l'affirmative. Ces arts secon- F daires ne 261. doivent être ig. — pas passés sous silence : Feuillet droit ils viennent à l'appui de notre argumentation et d'un diptyque. fournissent un témoignage décisif à cette asser- (All British Muséum.) tion de (Voir 136.) notre p. part que les Iles Britanniques ne furent nullement aussi arriérées, au point de vue artistique, que le prétendent certains comtempteurs, anglais ou étrangers, de leur activité. On peut les réunir aux manu- scrits enluminés pour prouver que, pendant les périodes de calme de 1 Eglise chrétienne, les artistes ne furent m moins nombreux, ni moins actifs, en Angleterre, que de l'autre côté de la Manche. Les travaux d aiguille, comme ceux du pinceau de l'enlumineur, ont une existence plus durable que celle de bien d'autres œuvre i plus ambitieuses. Les reliquaires, les statues, les vitraux sont à la merci du fanatisme. Il n'en est pas de même d'une chape ou d'un manuscrit, qui sont moins fragiles et qu'il est possible de cacher. Il en résulte que l'Angleterre a conservé dei chapes et des manuscrits enluminés en assez grand nombre, pour qu'on puisse dire que la sève d'art ne lui manqua point. Si les Français l'emportent sur les Anglais, quant à la somme de contributions que chaque peuple a fournie i3o — ^ ARTS MINEURS au trésor mondial de l'art du Moyen Age, du moins peut-on certifier que c'est surtout parce que cette période de leur histoire fut moins troublée, et non point parce que l'An- gleterre manqua d'artistes. Le filage et le tissage, de même que l'usage des aiguilles, furent connus, dans les Iles, dès les temps les plus reculés. On a recueilli, dans les dépôts néolithiques, des pesons de fuseaux, ainsi que de lourds peignes, destinés à pousser la trame du tissage contre la chaîne. Des découvertes faites en Suisse ont prouvé, d'autre part, que le fil de hn était Fig. 262. — Page employé par les habitants des stations d'un Evangèliaire lacustres. La science du tissage dut con- celtiqup:. (Lambeth Palace.) duire, tout naturellement, à une nouvelle forme d'art. L'emploi du fil ne pouvant pas persister sans suggérer l'idée de dessins, ceux-ci durent s'enrichir très vite à la lumière des civilisations préexistantes. En Angleterre, le modèle caractéristique des temps primitifs a dû être le tartan, qui s'est perpétué jusqu'à nos jours sous la forme du clan-tartan des Ecossais. Boadicée, au jour de sa défaite, était vêtue d'une robe de tartan, pareille, selon Dion Cassius, à celle que portaient la plupart de ses gens. Le filage, le tissage, la broderie "et, plus généralement, la fabrica- tion des étoffes restèrent de l'art, aussi longtemps que tout le travail se fit à la main. Ils n'ont perdu ce caractère que par l'emploi des moyens mécaniques. Cet art fut, de plus, inné, et se fit jour aussitôt que les humains disposèrent d'une matière capa- ble de se plier au caprice de leurs doigts. Un des plus anciens exemples de travaux d'aiguille, dont l'histoire nous ait conservé le souvenir, est celui d'une princesse.anglaise du IV° siècle, l'impératrice Hélène, mère de Constantin. Elle broda une figure de la Vierge, qui existe encore dans l'église de Fig. 263. — Manuscrit Verceil. Tout permet de croire que les royal I. D. X., fol. 6. (Au British Museum.) femmes anglaises étaient déjà, dès cette GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE époque, des tisseuses et des brodeuses aussi habiles que celles de leurs descendantes dont nous connaissons les travaux. Au VI" siècle, il y eut, en Angleterre, des écoles où l'on s'instruisait dans la con- fection des broderies d'église. Longtemps avant la conquête normande, les ouvrages des femmes anglaises étaient réputés sur tout le Conti- nent. Il est toutefois presque indubitable que les incursions des Danois eurent pour effet de reléguer les industries artistiques dans les couvents et les monastères, avec plus de rigueur que dans les pays continentaux. Le plus célèbre des travaux d'aiguille est ce qu'on appelle la tapisserie de Bayeux. Sa valeur artistique, ce- pendant, n'égale point celle d'autres œuvres anglaises contemporaines ou plus anciennes. La belle étole et le manipule anglo-saxons de Saint- Cuthbert, à Durham, qui datent de 910 environ, valent mieux. Nous savons, par les chroniques, que les femmes anglaises de tout rang pas- sèrent leur temps, pendant les siècles gothiques, à empiler de grandes richesses de travaux d'aiguille. Les noms de beaucoup d'entre elles nous sont connus. Ce furent, par exem- Fig. 264. — Lettre initiale pie : Aelflede, femme d'Edouard T', d'un Missel du xive siècle. dont on relève le nom sur l'étole de (Au British Musetiin.) Saint-Cuthbert ; une autre Aelflede (ou /Ethelflde), qui donna une tapisserie à la cathédrale d'Ely ; ./ïdelwyrme, dont les broderies auraient été dessinées par Saint Dunstan ; Emma, femme d'Ethelred et, plus tard, de Canut, et /Elgithe, première femme de ce roi, qui donnèrent à l'Eglise de leurs œuvres ; Edith, femme d'Edouard le Confesseur, qui broda sa robe de couronnement, etc. On sait, d'adleurs, que Guillaume le Conquérant et ses compagnons furent émerveillés" par la richesse des vêtements brodés que portaient les nobles saxons. Eux et leurs femmes s'empressèrent aussitôt de collectionner ces vêtements et de les imiter. On pourrait affirmer que les travaux d'aiguille, pendant toute la durée des siècles gothiques, furent, pour les femmes anglaises de bonne naissance, ce qu'est le sport à notre époque de progrès. La richesse de certaines cathédrales en œuvres de cette sorte a été ARTS MINEURS prodigieuse. Au moment de la Réforma- tion, la cathédrale de Lincoln comptait de six à sept cents vêtements ouvragés du plus fin tissu; d'autres cathédrales n'étaient pas moins riches. Parmi celles des bro- deries de cette époque qui ont survécu, on peut citer : la chape de Samt-Sylvestre, à Saint-Jean-de-Latran (fig. 254et 259) une chape au musée de Bologne ; la chape de Daroca, à Madrid ; la chape du mo- nastère de Syon, au Musée Victoria and Albert (fig. 253) ; la chape d'Ascoli, qui a passé par de si nombreuses et curieuses Fig. 265. — Page vicissitudes (fig. 255) ; la chape de To- ^ Apocalypse, ms. royal, lède,' etc. Au XIF siècle, Yopus angli- .. ' British , . Museum.) • 1 canum (fig. 257) avait assez de renom- mée pour qu'on le mentionnât dans les chroniques. Sa vogue con- tinua pendant le Moyen Age, où ses reproductions furent recherchées dans toute l'Europe. Ce qui le caractérisait était une délicatesse de dessin, jointe à une habileté très grande d'exécution. Un bon spécimen, remarquablement con- servé, de broderie du Xiv siècle, a été donné au British Museum par Auguste Franks ; mais les plus belles pièces sont à l'étran- ger, dans des trésors d'églises. La période brillante du travail d'ai- guille prit fin, en Angleterre, dans la première moitié du XV« siècle. Elle renaquit sous les Tudors, mais n'eut plus le même caractère national. L'histoire de la tapisserie, dans les lies Britanniques, est celle de beaucoup d'autres industries ar- tistiques. Nous savons que des métiers à tisser fonctionnèrent Fig. 266. — Page du manuscrit i . 1 i\/f a pendant tout le „ Moyen Age. de Harley 7026A, . D fo„ lio„ 4b. ^ 1 O A A '1 (A h British Museum.) En 1344, on les réglementa par : i33 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE une loi. Cinquante ans plus tard, le comte d'Arundel légua une collection de tapisseries, qui avaient été faites pour lui à Londres. En 1495, une tapisserie fut tissée pour le choeur de la cathé- drale de Canterbury ; elle est actuellement à Aix-en-Provence. Au début du XVI' siècle, une manufacture de tapis fut fondée à Barcheston, dans le comté de Warwick. Jacques T'" fit établir cette fameuse fabrique à Mortlake, où elle a produit des œuvres qui ne le cèdent à celles d'aucun pays, sous le rapport de la solidité et de la beauté. On a fabriqué à Mortlake une série de tapis- series, d'après les célèbres dessins de Raphaël achetés aux tisseurs de Bruxelles, qui s'en étaient servis pour la décoration de la Chapelle Sixtine. Ces tapisseries furent commandées par Charles T', qui, dit-on, se serait procuré les dessins dont il s'agit, sur les conseils mêmes de Rubens. Le garde-meuble de Paris en possède le plus grand nombre. Après la disparition de la manufacture de Mortlake, deux ou trois tentatives furent faites pour le rétablissement de l'art de la tapisserie en Angleterre. La plus sérieuse a été la fondation, il y a quelque trente ans, d'une manufacture de chaînes-basses à Old Windsor, avec l'aide d'ouvriers de Beauvais et d'Aubusson. Ses produits étaient solides, mais peu élégants. L'existence de cette manufacture a été très courte. V. IVOIRES. Jusqu'à une époque récente, on a eu l'habitude d'attribuer inva- riablement à des artistes flamands ou français tous les ivoires médié- vaux du Nord de l'Europe, dont l'origine n'est pas établie par des documents. Les preuves, cepen- dant, ne manquent point, qui per- mettent d'affirmer que l'Angle- terre» gothique a possédé aussi de bons sculpteurs d'ivoire, dont les œuvres furent populaires. Les guerres religieuses ont amené, dans les Iles, la destruction de beau- Fig. 267.— Psautier; coup d'objets, tels que crosses manuscrit Cotton Nero G. XIV. d évêques, saints ciboires, paix (Au British Museum.) liturgiques, reliquaires et autels. ¡34 ARTS MINEURS Mais il en reste assez pour établir que, durant la grande période de 1280 à 1420 environ, les artistes anglais marchèrent de pair avec ceux du Continent. Les ivoires britanniques se distinguent par la sobriété de leur conception. Ils sont plus sérieusement expressifs que les ivoires flamands, français ou allemands, et leur origine est attes- tée, d'un autre côté, par les détails d'architecture que l'on y rencontre. Les objets d'ivoire fabriqués en Angleterre furent du même genre que partout ailleurs : menus ar- tides d'église ; cornes auxquelles la forme de la dent se prétait d'une façon si naturelle Fig. 268. — Manuscrit ; statuettes Arundel, ; pei- no 83, Folio i 32. gnes ; couvertures de livres ; étuis (All British Museum.) à miroirs ; petites boîtes et écrins ; pièces de jeu d'échecs, etc. Le spécimen le plus remarquable peut être de cette vieille industrie est un écrin offert, par Auguste Franks, au British Museum. 11 n'est cependant pas en ivoire, mais en os de baleine, et reproduit, sur ses pan- neaux, des scènes qui paraissent em- pruntées à la Saga d'Odoacre. Des inscriptions runiques, hardiment sculptées, encadrent ces scènes et contribuent à l'effet décoratif. UAdoration des Mages, que possède le Musée Victoria and Albert, et qui peut dater des environs de l'an 1000, est un autre magnifique exemple saxon de la même technique. Une trouvaille d'ivoires, intéressante mais quelque peu mystérieuse, a été faite, il y a près d'un siècle, dans l'île de Lewis (Hébrides). Elle est constituée par des pièces d'échecs, taillées dans des dents Fig. 269. —Manuscrit i ... SIX Arundel, n » 83, Folio i3i B. ^ remarque rois. Cinq (Au British Museum.) reines, treize fous, quatorze cavaliers, dix- i35 GRANDE-BRETAGNE ET IRhANDE neuf pions, et dix gardes, qui sent les équivalents de nos tours. Peut- être faut-il y trouver le fonds de quelque sculpteur ayant su profiter des occasions fréquentes qui s'of- fraient à lui de se procurer de l'ivoire. Un autre bel exemple de ce genre de sculpture primitive an- glaise est un fragment, probablement un bras de fauteuil, ayant fait partie de la célèbre collection Meyrick, à Goodrich Court. Il est aussi en ivoire de morse et se fait remarquer par le fini de son exécution. Les crosses d'ivoire ne durent pas être rares Fig. 270. — Page du Livre aux siècles gothiques ; mais leur de Kells. nombre est aujourd'hui des plus (Au Collège de la Trinité, à Dublin.) (Voir 138.) restreints. Le p. Musée Victoria and Albert en possède une qui se rap- proche beaucoup, par sa forme et les détails de son ornementation, des crosses de bronze de la même époque. A ce musée est exposé également un remarquable diptyque, en forme de tabernacle (fig. 258). Le British Museum a deux bonnes œuvres du XIV° siècle : un trip- tyque et un feuillet de diptyque (fig. 260-261), sculptés l'un et l'autre pour 1 évêque Grandison, d'Exeter. A Oxford, les ivoires gothiques du Musée Ashmoléen sont presque tous anglais. Chaque jour en fait découvrir d autres parmi ceux que l'on attribue à d'autres pays. VI. -— MANUSCRITS ENLUMINÉS. Dans une histoire détaillée du livre avant l'invention de l'impri- merie, le chapitre consacré au début et au développement de cet art en Angleterre serait le plus homogène et peut-être le plus inté- ressaut de tous. Il commencerait par la description de l'admirable école celtique monastique, qui se fonda au V® siècle et parvint, deux siècles après, à un degré de perfection où elle s'est longtemps main- tenue ; ses dernières pages nous conduiraient au début du XV® siècle, à 1 époque où commencèrent les bouleversements politiques qui firent perdre, pour des siècles, à l'art anglais, la plus grande partie de son caractère national. Entre ces deux dates extrêmes, les écrivains et les enlumineurs anglais furent sans rivaux dans la production des i36 ARTS MINEURS manuscrits. Nous avons vu que la première vague de christianisme qui atteignit les Iles trouva son épa- nouissement en Irlande, où elle fut mieux protégée que partout ailleurs contre les envahisseurs de l'Europe septentrionale. Nous avons dit que les chrétiens d'Irlande furent bientôt assez nombreux pour fonder des communautés sur les côtes voisines de Bretagne. Ils y apportèrent leur art en même temps que leurs croyan- ces, et les monastères qu'ils établi- rent en Ecosse et en Angleterre devinrent bientôt autant de centres Fig. 271. — Page du Livre pour la propagation de leurs con- des Evangii.es de Lindisfarne. ceptions celtiques. Les Celtes (An liritisli Mnsenni). p. 138.) irlandais, a dit Middleton, (Voir avaient appris à produire des objets d'orfèvrerie et des enluminures de manuscrits avec un goût merveilleux, qui n'ont jamais été dépassés " à aucune époque et dans aucun pays. Les enlumineurs prirent pour fondement de leurs dessins ceux des orfèvres. Dans beaucoup de cas, du reste, c'était une même personne qui décorait le manuscrit et le reliait ensuite avec du métal. Il en résulte qu'une page d'un livre comme le Book ofKells traduit en couleurs les idées suggé- rées par les idiosyncrasies du métal, de l'émail et des pierres précieuses. Ses qualités et ses ; défauts en dépendent pareillement. Le Livre de Kells fut probablement écrit entre 680 et 700. Le travail en est si extraordinaire, que l'on manque d'expressions pour le définir. A la vérité, la vue ne sau- rait l'apprécier qu'avec beaucoup de patience et le secours d'une bonne loupe. On a prétendu que les formes qui y sont introduites témoignent de Fig. The l'incapacité de l'enlumineur pour la 272. — pape et l'Orfèvre. représentation de la figure humaine. (Sir David Wilkie.) Nous avons déjà expliqué que cette - I37 ^^ akmsxrong, grande bretagne et irlande. 10 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE incapacité pourrait bien n'être qu'apparente. L'auteur du manuscrit était Celte ; comme tous les Celtes, il fondait son travail sur la ligne et ne songeait pas à se servir d'autres motifs. Son désir n'a pas été d'imiter la figure humaine ; il ne s'en est servi, que dans la mesure où elle se pliait à ses intentions tout arbitraires, mais parfai- tement décoratives. Certes, la figure humaine est si intéressante, que la place qu'elle a prise graduellement dans l'art, à partir du jour où on l'employa pour la première fois, ne doit pas surprendre. Mais les artistes chez qui le sang celtique a prédominé n'y ont jamais vu qu'un élément de décoration linéaire. Nous avons déjà eu l'occasion de faire allusion aux plus beaux spécimens de l'enluminure celtique. A côté du Livre de Kells (fig. 270), du Livre de Durrow (fig. 21), peut-être plus ancien que le précédent, et du Livre d'Armagh, plus récent, nous citerons encore : le Livre des Evangiles de Saint- Cuihhert ou Manuscrit Lindisfarne (fig. 271) ; les Commentaires de Cassia- dore sur les Psaumes, dans la cathédrale de Durham ; enfin les splendides Evan- Fici. 278. — Mère giles de la Bibliothèque impériale, à Saint- de l'Artiste. Pétersbourg. Ces trois derniers manus- fA. Geddes.) crits, quoique fondés sur l'enseignement de moines irlandais, sont d une école anglaise. Leur splendeur l'emporte sur celle des premiers, surtout par suite de l'introduction de feuilles d'or ou d'argent dans les enluminures, procédé que les artistes irlandais n'ont jamais employé. L'Irlande a produit des manuscrits enluminés jusqu'au X" siècle ; aucune de ses écoles n'égala celle qui nous a valu le Livre de Kells. L'influence des enlumineurs irlandais s'est surtout fait sentir en Ecosse et dans le Northumberland. Mais elle s'étendit beaucoup plus loin, jusqu'à Canterbury et autres villes du Sud de l'Angleterre, et même jusque sur le Continent, où des missionnaires irlandais la propa- gèrent. La Bibliothèque de Samt-Gall a un certain nombre de beaux manuscrits enluminés du dernier type celtique. L'in- fluence irlandaise se fit même sentir en Scandinavie, où elle est reconnaissable dans la décoration des églises en bois des XP et XIP siècles, qui sont les plus anciens monuments chrétiens de ce pays. Les rapports plus étroits qui s'établirent avec Rome, après le i38 ARTS MINE.URS synode de Whitby, en 664, amené- rent un changement dans le caractère de l'enluminure anglo-celtique. Les idées italiennes modifièrent sensible- ment les anciennes conceptions des Irlandais. Elles donnèrent naissance à un style, qui fut celui des enlumineurs anglais pendant tout le temps que dura leur supériorité sur ceux de l'Europe. On peut se rendre compte de cette influence par une infusion lente, mais progressive, du sentiment classique dans le dessin des figures et de leurs drape- ries. Les parties purement décoratives du travail restent longtemps celtiques, Fig. — jusqu'au jour où la décoration 274. Saint-Jacques, et les a Lisieux. figures constituent, en se combinant, un (C. Walson.) style d'où le classique est banni, en harmonie complète avec le mouvement gothique. Cette supériorité, dont nous avons déjà parlé, des enlumineurs anglais sur ceux du Continent, dura de la fin du X= siècle aux premières années du XV. Elle ne subit qu'une courte éclipse dans la seconde moitié du XIV® siècle. Ce fut avec l'aide d'un célèbre et savant enlumineur anglais, Alcuin de York, que Charlemagne créa ce qu'on a appelé l'école anglo- carolingienne de calligraphie et de décoration de manuscrits. Alcuin sur- veilla, dans les monastères bénédictins de France, à Tours, à Soissons, à Metz et ailleurs, la confection d'un grand nombre de volumes. Il revisa la Vul- gate, dont une copie, magnifiquement écrite et enluminée, que possède le British Museum, serait, croit-on, celle qu'il prépara pour Charlemagne. Les personnages de ce manuscrit, écrit Middleton, sont Fig. généralement classi- 275. — Saint-Méry, Paris. ques sur des fonds architecturaux de a (Hedley Fitton.) style romain ; le dessin est d'une pré -r GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE cisión et d'une exécution remarquables. La perspective est elle- même assez correcte. Les lettres initiales et tous les ornements con- ventionnels montrent les formes artistiques qu'Alcuin avait apportées de York. Enfin des entrelacs délicats et compliques, comme ceux auxquels se complaisaient les moines irlandais, garnissent les marges et encadrent les grandes majuscules. Au IX» siècle, la Northumbria, qui avait donné Alcuin à Char- lemagne, fut saccagée par les pirates danois. Sa civilisation détruite fut rallumée par celle du Continent, et le mouvement qu'Alcuin avait créé y fit retour. Comme l'avait fait Charlemagne, Alfred le Grand s'enthousiasma pour la littérature et pour l'art. Une nouvelle école s'ouvrit à Winchester, dans sa capitale, et dans les grands monastères bénédictins de tout son royaume. L'influence caro- lingienne y fut, dans le principe, pré- dominante. Le fameux Benediçtional de Chatsworth, écrit par Godeman, chapelain d'/Ethelwold, évéque de Winchester, en est un exemple. Dans les treate miniatures qui remplis- sent chacune toute une page, ce Fig. 276. — Miss Seymour manuscrit, dont la date est voisine de Haden. l'année 965., réunit les caractères dis- (Whistler.) tinctifs de l'école carolingienne à ceux d'une école plus exclusivement anglaise. Un centre d'enluminure important de l'école de Winchester fut l'abbaye de Bénédictins de Glastonbury. Il était dirigé par Saint Dunstan, lui-même artiste. La bibliothèque bodléienne possède un dessin, où le Christ est représenté avec un' Saint prosterné à ses pieds, et sur lequel un annotateur du XIP siècle a écrit qu'il est l'œuvre de Saint Dunstan. Une école d'enlumineurs anglo-saxons, de caractère complètement national, fonctionna parallèlement à l'école anglo-carohngienne de Winchester. Au XI" siècle, elle avait acquis une grande perfection, surtout dans l'ornementation à base linéaire. Dans le courant du siècle suivant, ces deux écoles, déjà fort habiles, progressèrent encore. L'enluminure des manuscrits fut portée à son apogée, au XIIP siècle, avec des œuvres qui, pendant long- temps, n'eurent pas de rivales. Une analyse minutieuse des meil- 140 ARTS MINEURS leures enluminures de ce siècle y fait découvrir un mélange de tra- ditions celtiques, anglo-saxonnes et normandes. La prépondérance tou- tefois appartient à celles-ci, dont I'm- Huence s'exerça d'ailleurs sur tout le royaume angevin. Jusqu'à ces der- niéres années, des historiens d'art ont prétendu — que l'école française Fig. 277. Avril d'enluminures, établie à Pans, dans le Comté de Kent. non (F. Short.) seulement fut la première d'Europe à la fin du XIIP siècle et au commencement du XIV% mais encore servit de modèle à toutes les autres. Cette opinion a été contestée par des savants anglais, et le temps n'est pas éloigné où l'on recon- naîtra que l'honneur dont il s'agit revient à l'Angleterre. Sans cette prédominance, en effet, le style d'enluminures usité dans le domaine royal de France, à partir du régne de Saint Louis, ne serait pas explicable. Pendant tout le XlV" siècle et les vingt-cmq ou trente premières années du xv% l'enluminure des manuscrits devint progressivement plus nationale quant au style ; mais sa perfection eut à subir des fluctuations considérables. Les années de la Black. Death (Mort noire) étouffèrent l'art des enlumineurs, et ce n'est que vers la fin du XIV° siècle que l'on recommença à produire de bonnes œuvres. Jusqu'au commencement de la Guerre des Deux Roses, cette production ne s'arrêta pas. De nombreux manuscrits de grande valeur sont datés des années comprises entre 1380 et 1430. (Voir fig. 262 à 269.) Fig. 278. — Moulin a vent. VU- GRAVURE A L'EAU-FORTE. (F. Burridge.) L'Angleterre n'a eu de gravures à 1 eau-forte que très tard. Elle les ignorait encore, plus d'un siècle et demi après les œuvres de Rembrandt. Mais le développement de l'art delà gravure y a été fort rapide. Deux peintres écossais, David Wilkie (fig. 272) et Andrew Geddes (fig. 273), furent les premiers qui se consacrèrent à cet art. Une singulière ironie voulut que leurs essais. 141 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE aujourd'hui oubliés, ne donnas-eut pas les résultats que l'on en pouvait espérer, par suite de la création d'un Club de gravure à l'eau-forte, formé de peintres qui n'avaient aucune des qualités des véritables artistes linéaires. Au début de la seconde moitié du dernier siècle, les tentatives de Wilkie et de Geddes furent reprises par deux hommes de grand talent, James Mac Neill Whistler (fig. 276) et son beau-frère Francis Seymour Haden (fig. 279). Tout d'abord Whistler ne fut pas compris. Ses poses, à la vérité, étaient plus ou moins antibntan- niques ; mais son art était anglais, bien que Whistler fût un Américain élevé à Paris. En réalité, cet artiste, en tant que peintre, fut un indivi- dualiste, à peu près complètement insensible aux traditions d'école ; mais, comme graveur, on peut hardiment le classer parmi les héritiers directs des aquafortistes qui ont possédé le mieux le sentiment de la ligne. Son beau-frère, dont la pensée était moins ardente, fut plus scientifique. Le talent de graveur de Whistler ne fuFt imgis. " en27re9lie. f — L'Agamemnon qu'en 1871, par la publication d'une série de seize eaux-forteFs. représentant des scènes (Sir sur la Tamise et autres sujets. Depuis Seymour Haden.) cette date jusqu'à sa mort. Whistler a été considéré comme le maître le plus parfait peut-être, après Rembrandt. Ses deux rivaux contem- porains furent Sir Francis Seymour Haden, déjà cité, et Charles Meryon. On pourrait presque dire de celui-ci que son art est pure- ment anglais. Son père était anglais, et son inspiration, quelque peu maladive, procède d'une pensée anglaise éclose à Paris. L'intérêt qui s'attacha aux eaux-fortes de Whistler et de Seymour Haden provoqua de nouveaux talents, en même temps qu'il établit 142 ^ ARTS MINEURS ia renommée de Meryon. Pendant ces vingt dernières années, le nom- bre des peintres aquafortistes, ainsi que l'on désigne ceux qui gravent leurs propres œuvres, a considéra- blement augmenté. Beaucoup d'en- tre eux ont fait preuve de qualités qui leur assurent une place parmi les maîtres de cet art. L'emploi des eaux-fortes, pour des usages autrefois réservés à la Fig. 280. — Gravure sur bois gravure au burin, a été plus général " du Fall of princis ". sur le Continent que dans les Iles, bien que celles-ci constituent le principal débouché des produc- tions qui recourent à ce procédé. Cependant, un des meilleurs re- producteurs par la gravure à l'eau-forte a été l'Anglais W. E. Hole. On lui doit quelques planches remarquables d'après Rembrandt et les maîtres du Romantisme français. Vlll. GRAVURE EN TAILLE-DOUCE ET GRAVURE SUR BOIS- La gravure en taille-douce exige une patience et une précision que les Anglais n'ont pas au même degré que certains continen- taux. Aussi cet art n'a-t-il jamais été en grande faveur en Angle- terre. La gravure est, en effet, une sorte de critique ; sa perfection dépend d'une disposition d'esprit, comparable à celle qui permettrait à un homme de lettres d'étudier une pièce de Shakespeare mot par mot, syllabe par syllabe, lettre par lettre. L'Anglais aime les résultats, mais ne se préoccupe pas toujours des moyens qui les fournissent. Il va droit au but, et cela lui a valu d'in- venter récemment un procédé mixte de reproduction noir et blanc, où l'eau-forte, la gravure au burin et le mezzo-tinlo ont chacun sa part. Les estampes que l'on a obtenues par ce procédé ne sont certes pas de nature à satisfaire ceux qui ont le respect inné de l'unité, mais elles n'en méritent pas moins de fixer l'attention. Fig. 281. — Gravure L'art de la sur bois gravure sur bois est ; lettre initiale presque des Martyrs d'invention anglaise. Les artistes italiens ou par Foxe. allemands n'y virent qu'un procédé méca- I 43 — : : GRANDE-BRETAGNE ÉT IRLANDE nique délicat au service du dessin. Ce ne fut que lorsque Thomas Bewick, né à Newcastle-sur-Tyne, en 1753, eut renversé la méthode habituelle et employé le système de la ligne blanche, que le gra- veur sur bois devint un artiste, travaillant librement d'après des dessins, des peintures ou la nature elle-même. Avant Bewick, toutefois, l'Angleterre avait eu des graveurs sur bois qui méritent d'être cités : William Faithorne (1616-1691), qui dut beaucoup à l'exemple de Nanteuil, sous la direction duquel il travailla pendant un certain temps, en 1649 ; William Faithorne le Jeune (1656-1701 ?), fils du précédent, à qui il ne manqua qu'une meilleure conduite pour acquérir la célébrité de son père ; l'Ecossais Sir Robert Strange (1721-1792) ; William Woollett (1735-1785), né dans le comté de Kent, de parents hollandais ; William Sharp (1749-1824) ; John Keyse Sherwin (1751-1790), etc. La mé- thode de Strange avait une pureté et une vigueur qui n'ont pas été dépassées ; Woollett traitait les paysages avec un goût, une souplesse et un raffinement de style extraordinaires. Strange était passionné pour les maîtres italiens du XVIP siècle ; cependant il a laissé quelques gravures d'après Titien, Hol- bein et Van Dyck. Les meilleures gravures de Woollett ont été faites d'après les tableaux de Richard Wil- son. Sharp ne lui fut pas inférieur ; une belle et complète collection de ses œuvres est au British Museum. Sher- win a laissé aussi quelques bonnes planches, dont la meilleure est le Ban- quel des Chevaliers de Saint-Patrick, au château de Dublin. Mais l'ancien procédé de gravure sur bois tenait moins à l'art qu'à l'habileté de celui qui en Fig. 282. — G ravure faisait usage. Le nouveau procédé fut de l A r IOSTE - • *1 * * 1 T d'H tout le arrington contraire. Le travail artistique . d'un Holbein, ou d'un Diirer, était terminé quand il avait fait son dessin. Le reste n'était plus que du travail mécanique, consistant à enlever les parties du bois qui devaient correspondre au blanc du papier. Bewick com- mençait son œuvre avec un bloc de bois complètement noirci, sur lequel il dessinait le sujet avec une ligne blanche, exactement comme 144 ARTS MINEURS l'aurait fait un graveur sur cuivre. Il était donc obligé d'interpréter son mo- déle, qu'il ne pouvait copier servile- ment, et il en résultait qu'une éstampe sortie de ses mains accusait forcément son individualité. Elle montrait la ma- nière dont il avait saisi le sujet ; elle exprimait ses idées personnelles, toutes choses qui n'étaient possibles jadis que lorsque le dessinateur et le graveur ne faisaient qu'un. Ruskin a dit de Bewick qu'il fut un réformateur aussi hardi que Holbein, Botticelli, Luther Fig. 283. — Le Duc ou Savonarole. La méthode qu'il inau- de Monmouth. gura, n'étant point purement objective, (Abraham lilooteling, d'après Sir Peler Lely.) convenait du reste tout particulière- ment au génie anglais. Elle eut bien vite des continuateurs. Les principales œuvres de Bewick sont ses (Quadrupèdes anglais, publiés eii 1790, et ses deux seénries d'Oiseaux anglais, qui parurent de 1797 à 1804. Après lui, les meilleurs graveurs sur bois furent Charlton, Nesbitt et Luke Clennell. Mais la gravure sur cuivre ne disparut jamais complètement. Cela tint, au moins en grande partie, à ce que beaucoup de graveurs sur bois, qui avaient commencé par graver sur cuivre, exercèrent leur second métier sans renoncer au premier. Robert Branston, John Orrin Smith, William Harvey et tant d'autres illus- trateurs d'ouvrages, avant que la pho- tographie n'eût donné naissance à des procédés de reproduction mécanique, furent de ce nombre. IX. GRAVURE A LA MANIÈRE NOIRE. Si les méthodes de gravure qui dépendent de la ligne ne tentèrent que faiblement le génie anglais, on ne saurait en dire autant du mezzo-tinto, Fig. 284. — Elisabeth ou gravure à la manière noire, qui se et Emma Crewe. rapproche beaucoup plus de la (John Dixon, d'après Sir Joshua peinture ReynoldsJ que tout autre procédé de reproduction. - 145 — GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Le mezzo-tinto fut inventé, en 1642, par Ludwig von Siegen, officier de sang allemand et hollandais, au service du Landgraf de Hesse-Cassel. Il communiqua son procédé au prince Rupert, qui fut le premier à l'appliquer avec talent. Sir Christopher Wren, a qui l'on a fait, à une certaine époque, les honneurs de cette décou- verte, a pu tenir ce qu'il en savait du prince Rupert. Deux petits mezzo-tinto, représentant des têtes de nègres, lui sont attribués. Le premier artiste qui ait compris tout le parti qu'on peut tirer de la manière noire est un Hollandais, Abraham Blooteling (1634-1 700 ?), qui habita Londres de 1672 jusqu'à sa mort (fig. 283). Abstraction faite des œuvres du prince Rupert, dont la meilleure est le Grand Exécuteur, le mezzo-tinto anglais le plus ancien nous paraît être un portrait de Charles II, par William Sherwin, qui est daté de 1669. A peu près vers la même époque, parurent à Londres des gravures portant les noms de Richard Tompson et d'Alexandre Browne ; mais on Fig. 285. Mistress ignore si — Abington ' Muse ces deux en hommes furent des éditeurs ou de la Comédie. des artistes. L'Irlandais Edward Lutterell (John Watson, d'après (ou Luttrell) (1650 ?-l710?), dont la Sir Joshua Reynolds.) Galerie nationale de peinture de Dublin possède un portrait au pastel sur la surface grenée d'une plaque de cuivre préparée pour le mezzo-tinto, Francis Place (1646- 1728), R. Williams (surtout célèbre entre 1680 et 1700), et Isaac Beckett (1653-?) contribuèrent à préparer le grand déve- loppement artistique du XVIII" siècle, dont John Smith, (1652 ?- 1742) fut 1 instigateur. Smith eut la bonne fortune de trouver tout à la fois, en la personne de Sir Godfrey Kneller, un protecteur et un peintre dont les œuvres se prêtaient particulièrement au mezzo- tinto. Smith ne grava pas moins de 130 planches, d'après les tableaux de Kneller. Celui-ci, cependant, ne lui fut pas entière- ment fidèle : il fit aussi travailler un autre artiste, Jean Simon (1675-1755 ?), d'origine française, mais que l'Angleterre peut revendiquer comme l'un des siens, parce qu'il n'abandonna le burin " pour le grattoir et ne se consacra à l'art noir qu'à son arrivée à Londres, où il fut l'élève de Smith. William Faithorne le jeune, 146 ARTS MINEURS déjà mentionné comme graveur sur bois, fit aussi des mezzo-tinto. Le premier qui grava à l'eau-forte son esquisse sur le cuivre, avant de poser le fond de mezzo-tmto, fut probablement George White, surtout en vogue de 1714 à 1731, Au début du XVIIP siècle, les deux graveurs à la manière noire les plus actifs furent les John Faber, père et fils. Ils étaient originaires de La Haye, mais ils s'étaient établis en Angleterre quand le second avait trois ans. John Faber le jeune est le plus connu des deux par ses gravures, d'après Kneller, des portraits des membres du Kit-Cat Club. A la fin du premier quart du XVIII" siècle, le mezzo-tmto tomba en désuétude en Angleterre. Ceux qui Fig. 286. — L'Espérance l'avaient pratiqué avec talent n'étaient allaitant l'Amour. plus, et leurs successeurs ne les valaient (Edward Fisher, d'après Sir Joshua Reynolds.) point. Cependant il convient de citer, parmi ceux-ci, Thomas Beard, qui propagea cet art en Irlande. Venu à Dublin, il y rencontra John Brooks. Celui-ci visita Londres, y apprit le mezzo-tmto et retourna dans son pays, où il travailla pendant un certain temps. Un élève de Faber le Jeune, Andrew Miller, l'avait accompagné. Ainsi, Beard, Brooks et Miller entre- tinrent la vie du mezzo-tmto, pendant la période de sa défaveur, et, par une école que créa le second, ils préparèrent le grand mouvement qui marqua la seconde moitié du siècle. Dans le principe, ce mouvement ne fut dû qu'à des Irlandais, dont James Mac Ardell, élève de Brooks, est le plus célèbre. La vie de cet artiste fut courte ; il mourut à trente-sept ans, après avoir produit plus de deux cents gravures, dont les meilleures n'ont pas été surpassées. La renommée de Mac Ardell est surtout fondée sur une série Fig. 287. — Lady Chambers. de trente-sept planches d'après Rey- (J. Macardell, d'après Sir Joshua Reynolds.) nolds ; mais beaucoup de ses gravures, 147 / GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE faites d'après d'autres peintres, depuis Van Dyck sont aussi belles. jusqu'à Hudson, Richard Houston, contemporain et l'aurait compatriote de Mac Ardell, peut-être égalé, sans une intempérance qui a réduit à l'im- puissance tant d'autres Irlandais de talent. Houston a laissé environ cent-soixante bonnes planches et une grande quantité de travaux sans valeur, auxquels il fut réduit par son inconduite. Richard Charles Purcell et Spooner, aussi peu sobres que Houston, n'eurent pas son habileté. Parmi les autres artistes Irlandais, on peut encore citer : Michaël Ford, Michaël Jackson, Edward Dixon, Fisher, James Watson John et Thomas Frye. Ce dernier fut plus ori- ginal que la plupart des graveurs. Ceux de ses dessins ont de existent la valeur, qui et les meilleurs sont des portraits, de naturelle, dont il grandeur est entièrement l'auteur. James Watson le mourut dernier de cette pléiade, en 1790. Il laissa une Caroline, fille, qui acquit appelée une certaine réputation dans l'art de la pointillé. gravure au Le mezzo-tinto fut à son apogée dans les trente dernières années du XVIII" siècle. Des gravures iso- lées avaient atteint la perfection beaucoup plus tôt, telles que le Monmouth de Blootehng, la meil- leure des gravures de John Smith, la Lady Chambers de Mac Ardell (fig. 287), etc. ; mais ce fut seule- ment lorsque les graveurs anglais se sentirent aiguillonnés par les Irlan- dais de l'école de James Brooks 288. qu'ils fig. — Les Ladies s adonnèrent pleinement à leur art Waldegrave. {Valentin et Green, d'après sir Joshua répandirent leurs travaux, en Reynolds.) quelque sorte à la volée, sur tout le pays qu'ils plus ancien enthousiasmèrent. Le maître de cette grande Elizabeth période fut John duchesse Finlayson, dont d'Argyll (1770) est le diatement chef-d'œuvre. Immé- après lui vinrent ; William Pether, célèbre par ses vures d'après Rembrandt gra- et les tableaux éclairés à la Wright chandelle de de Dorby; John Watts, très vigoureux, mais qui sa carrière poursuivit en amateur ; Philip Dawe, qui se Pether, dans les complaisait, comme clairs-obscurs ; Marchi, Jonathan élève Spilsbury ; de Reynolds Giuseppe ; Earlom (1743-1822) ; John Raphaél ^ 148 ARTS MINEURS Smith (1752-1812); enfin Valentin Green et John Jones, dont le talent l'emporta sur celui de beaucoup dau- tres. Green, né en 1739, vint à Lon- dres en 1735. 11 entra à l'Académie royale des arts en 1775 et mourut en 1813. La valeur de ses gravures est faite en grande partie de leur déli- catesse et de leur fidélité dans la repro- duction des originaux. Les meilleures sont : les Ladies Waldegrave (fig. 288), Lady Betty Delme et la Countess of Fig. 289. — Lady Caroline Aylesford, d'après Reynolds ; Ozias Price. Humphry, d'après Romney. John Jones (John Jones, d'après Sir Joshua Reynoldsj naquit en 1745 et mourut en 1797. Son talent, très vané, fut inégal. Lady Caroline Price (fig. 289) et Charles James Fox, d'après Reynolds, le Dulce domum, d après W.-R. Bigg, sont celles de ses œuvres qui ont le plus de renommée. Earlom (1 743-1822) était à la fois très hardi et fort habile. Il a gravé, à la manière noire, des sujets difficiles, comme les tableaux de fleurs de Van Huysum et les paysages de Hobbema. John Raphaël Smith, de que nous citons en dernier heu, fut peut-être le meilleur tous. Ses nombreuses gravures ont un éclat incomparable et témoi- gnent de beaucoup de talent. La plus ancienne, datée de 1769, est un portrait de Pascal Paoli. John Raphaël Smith cessa de produire en 1809. D'autres graveurs à la manière noire, d'une célébrité moindre, furent Thomas Watson (1743- ?) ; William Dickinson (1746-1823); Robert Dunkarton (1744- 1811) ; John Murphy (surtout célèbre entre 1780 et 1809); Charles Townley (1748-1800 ?) ; James Walker (1748- 1819) ; William Doughty (produisit surtout entre 1775 et 1782) ; Henry Hudson (très actif entre 1 782 et 1 793) ; Thomas Burke (1 749-1815) ; Josiah Boydell (1750-1817) ; Fig. 290. — Sir John Dean (mort en 1793) ; Thomas Park (né en 1760; abandonna la gravure en /T A Gainsborough.) 1797) ; Joseph Grozer (1755-1799) ; et 149 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Charles Howard Hodgee (1764-1837). Au XIX° siècle, les graveurs à la manière noire qui se rattachent à la grande période, beaucoup plus qu'à la Renaissance moderne, furent : John Young (1755- 1825) ; William Say (1768-1834), qui expérimenta le premier la gravure sur acier; George Tonnley Stubbs (1756-1815) ; William (1766-1816) et James Ward (1769-1859); George Dawe(1781- 1829) ; George Clint (1790-1835) ; S. W. Reynolds (1773-1835) ; William Whiston Barney (mort en 1800) ; Charles Turner (1773- 1857) ; Henry Meyer (1782-1847) ; Thomas Lupton (1 791-1873) ; John Richardson Jackson (1819- 1877) ; John Charles (1 795-1835) et James ( 1800-1838) Bromley ; David Lucas (1802-1881) ; Samuel Cou- sins (1801-1887). L'habileté des graveurs à la ma- nière noire, comme on le voit, per- sista longtemps au X1X° siècle ; mais les circonstances n'étaient plus les mêmes que jadis. Les méthodes Fig. 2gi. — Sai.isbury vue employées par les peintres anglais des Prairies. ne se (David Lucas, d'après Constable.) pliaient plus autant que celles de Reynolds, de Romney et de leurs contemporains à la reproduction en mezzo-tinto de leurs oeuvres. En outre, le costume, sous l'influence sans cesse plus grande de la France, avait perdu tout pittoresque. On ne doit s'étonner, pas dans ces conditions, de la décadence de l'art de la gra- vure à la manière noire, qui, pratiquement, cessa d'être employé vers le milieu du siècle. Son éclipse ne fut que momentanée, et la Renaissance moderne a eu des mezzo-tinto. Mais les artistes se sont appliqués à reproduire, de préférence, des tableaux de l'époque Géorgienne. Deux grandes innovations ont eu lieu dans le courant du dernier siècle. La première est la substitution de l'acier au cuivre ; la seconde est l'invention de l'aciérage du cuivre, qui est aujourd'hui couramment pratiqué. La gravure à la manière noire y a perdu le charme des teintes douces. Avec la gravure à l'eau-forte, la pureté du mezzo-tinto s'altéra de plus en plus, jusqu'au moment où les deux méthodes furent com- binées par Samuel Cousins et entrèrent, pour une part égale, dans le résultat final. Une gravure comme le Midsummer Night's Dream (Songe d une nuit d Eté) de Cousins peut être comparée aux des- i5o ARTS MINEURS sins au lavis du XVllf' siècle. Le sque- lette linéaire est fourni par le travail à l'eau-forte et le lavis par celui du grattoir. En raison de sa nature même, le mezzo-tinto se prête de préférence à la reproduction des peintures de person- nages et des portraits dont le modelage est traité largement. Les portraits de Lely, d'Hogarth, de Reynolds (sur- tout ceux dont les draperies sont de Peter Toms), de Raeburn et de Romney, beaucoup de portraits de Fig. — Mistress . Hoppner et quelques-uns de Law- 292. Carwardine et son fils. rence sont de ce nombre. Les por- (J.-R. Smith, d'après Romney), traits de Gainsborough sont plus diffi- elles à reproduire ; la peinture de cet artiste est trop minutieuse, et ses clairs-obscurs ne laissent pas assez de jeu au graveur qui veut les interpréter à la manière noire. M. Sargent est, de nos jours, le portraitiste dont les oeuvres se prêtent le mieux à ce genre de travail. Le paysage ne peut être rendu quavec beaucoup de peine. Earlom a fait preuve d habileté en interprétant les tableaux de Hobbema ; Turner et ses graveurs ont produit des merveilles, avec leur méthode mixte, dans le Liber studiorum ; David Lucas nous a donné, avec une vigueur extraordinaire, un aspect du talent de Constable. Mais les meilleures œuvres de ces artistes ne valent celles l'on tirées des tableaux de Reynolds et de point que a Romney. De nos jours, les graveurs en mezzo-tmto suivent généralement les méthodes les plus anciennes et les plus pures. L'aciérage des plan- ches de cuivre, en rendant possibles les forts tirages sans amener sensi- blement l'usure du métal, a d'autre part fait renoncer à peu prés com- plétement à la gravure sur acier et à la gravure à l'eau-forte. 11 en résulte que, des anciens procédés „ „ „ „ Chateau Raglan. de reproduction,» le mezzo-tmto Fig. 293. — (j. M. w. Turner; Liber studiorum.) Teste seul, avec des œuvres qui ne GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE sont point fort au-dessous de celles de la grande époque. BIBLIOGRAPHIE. — Burlington Fine Arts Club, Catalogue of and Exhibition of Chased and Embossed Steel and Ironwork, 1900. — .1. Starkie Gardner, Ironwork ; Guide au Musée Victoria and Albert, 1893 et 1907.— Rudolf Imelmann, Wanderer und Seelfahrer in Rahmen der Altenglischer Odoaker Dichtang, Berlin, 1908. — G. Stuhlfauth, Die ditchrist- liche Elfenbein Plastik, 1896. — Victoria and Albert Museum, Ivories; Reproductions of Carved Ivories, I85O. — K. M. 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Woodberry, History of Wood Engraving. 162 CHAPITRE XIII la peinture dans les iles britanniques, depuis son origine jusqu'a la naissance de hogarth Iles Britanniques ne que fort de Les possèdent peu peintures murales anciennes. Leur nombre est cependant plus élevé qu'ôn ne croît. Partout où les conditions se sont montrées favorables, il existe des restes qui prouvent qu'en Angleterre la peinture n'a jamais été plus négligée que les autres arts. Si l'on enlève la couche de chaux qui recouvre les murs d'une église de village datant du commencement de l'architecture gothique, rien n'est plus commun que de mettre à nu les traces d'une peinture décorative, avec crucifixions, jugFemiegnt.s derniers ou — figure Les lies furent 295. Pansndeeasauints doue d'léavêquCes.hapelle de ne pas exposées aux multiples influences qui Saint-Etienne, a Westminster. agirent sur les pays méridionaux du Continent. Ce qui leur ven(aBit ritish Museum.) par cette voie subissait en cours de route de telles modifications qu'une variété moindre et une homogénéité plus grande en ont résulté. Parmi les spécimens les plus intéressants des peintures murales qui nous restent, on peut citer les fresques de Galilée à Durham et celles de la nef de Saint-Albans. Dans le principe, les fresques de Durham s'étendaient au moins sur trois travées et peut-être sur tout le pourtour de la chapelle. On ne possède plus que celles d'une travée où sont, avec deux figures d'évêques d'une bonne conception, des images de tentures dont le style rappelle celui des enlumineurs dû xiif siècle. A Saint-Albans, la fresque représente une Crucifixion. ^ i53 ______— armstrong. — grande bretagne et irlande. 11 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Nous avons vu que l'Angleterre, pour la décoration des manu- scrits, a tenu pendant longtemps la première place en Europe. Pratiqué depuis les premiers jours des monastères celtiques jusqu au commencement de la guerre des Deux-Roses, cet art, dont il nous reste de nombreux spécimens, malgré la Réformation et les dé- prédations des Puritains, suffirait pour nous prouver que la pein- ture, comme nous le disions tout à l'heure, a suivi, en Angleterre, une carrière normale, pendant tout le Moyen Age. Cependant, ces exemples et ceux des grossières peintures rhurales ne sont pas les seuls. 11 existe aussi d'autres peintures, d'une très grande valeur pour leur temps, qui sont toutes différentes des oèuvres continentales du même genre. Trois d'entre elles sont reproduites dans ce manuel (fig. 295, 296 et 297). Si l'on tient compte de sa date, de ses dimen- sions et de sa perfection, le portrait de Richard 11, que possède l'abbaye de Westminster (fig. 296), est, dans son genre, le plus important de toute l'Europe. Un charme plus intime, toutefois, paraît se dégager d'un autre portrait du même roi, accompagné de personnages, à Wilton (fig. 297). Ces deux por- traits ont de l'affinité avec les autres œuvres anglaises et différent entiè- rement des œuvres d'autres pays et de la même époque. Le troisième exemple que nous donnons (fig. 295) est un fragment provenant d'une série de peintures qui furent trans- portées de la chapelle de Saint- Etienne, de Westminster, au British Museum. 11 doit dater du milieu du Fig. 296. — Richard II, XVI" siècle, c'est-à-dire du temps par un peintre inconnu. (A Westminster.) de Giotto, dont il rappelle l'art, tout en se rapprochant beaucoup plus des miniatures anglaises que des productions comparables de France ou d'Italie. Le mouvement des personnages de ce fragment est varié et dramatique, peut-être même plus qu il ne faudrait. Des qualités communes à ces trois peintures, bien qu elles aient été faites — —— —— I54 LA PEINTURE DANS LES ILES BRITANNIQUES probablement à un demi-siècle de distance, sont le brillant et la richesse du coloris, l'intelligence du modelé, la valeur des draperies. Les œuvres étrangères qui s'en rapprochent le plus sont celles de Jean Malouel, qui, d'ailleurs, a pu travailler sous l'influence britannique, comme le firent les enlumineurs flamands et français. La peinture gothique an- glaise est caractérisée par une inten- sité de vie et de couleur que l'art toscan de la même époque ne pos- sède pas. L'histoire de la peinture anglaise n'offre toutefois de conti- nuité qu'à partir de Holbein, vers le milieu du règne de Henri VIII. Beaucoup d'œuvres disparurent Fig. 2§7. — Richard II et Saints, pendant la guerre des Deux- par un peintre inconnu. (A Wilton House.) Roses, et l'instabilité qui pesait sur les couvents avant leur destruction eut pour résultat de décourager leur activité artistique. Holbem arriva juste à point pour apporter le stimulant devenu nécessaire. Les compositions anglaises les plus an- ciennnes, à l'exception des deux por- traits de Richard 11, datent surtout de Holbein et trahissent son in- fluence. Elles se divisent en deux classes : les miniatures et les por- traits de grandeur naturelle ou s'en rapprochant. C'est de cette seconde classe que nous nous occuperons tout d'abord. Si les miniaturistes anglais s'inspi- rèrent de Holbein, les portraitistes lui empruntèrent aussi. Il y avait eu des portraitistes en Angleterre, avant l'arrivée du Fig. maître 298.— Marguerite Beaufort, d'Augsbourg. par un peintre Il est même inconnu. probable que l'art du (A la Galerie nationale des portraits.) portrait y a joui de bonne heure GRANDE.BRETAG'NE ET IRLANDE d'une faveur exceptionnelle. Les inclinations nationales ne changent : pas facilement, et parmi les quel- ques peintures importantes qui nous viennent de la période gothique, on ^n peut citer plusieurs, comme les portraits de Jacques 111 d'Ecosse, de sa femme Marguerite de Dane- mark, de Sir Edward Bonde, et les panneaux d'Holyrood attribués à Hugo Van der Goes, qui se re- commandent par des dimensions presque inconnues en d'autres pays. Mais les méthodes employées en ^ • matière de peinture furent ^ brusque- F ig. 299. — Portrait anglais, • / , , - • dje I PAR UN IMITATEUR DE HoLBEiN. meut trausformées par le genie Holbein. Au XVI" siècle, où les moyens de publicité n'existaient guère, un portrait n'était fait que"^ pour être apprécié du cercle intime de la famille et des amis du per- sonnage représenté. Holbein eut le mérite de faire des peintures qui s'adressaient à la fois aux personnes ne voyant dans le tableau qu'une reproduction plus ou moins fidèle de la forme humaine et à toutes celles qui étaient capables d'apprécier l'œuvre d'art par elle- même. Un tableau comme la Duchesse de Milan, par exemple, était fait pour provoquer l'admiration du connaisseur, en même ' temps qu'il attirait l'attention du profane, qui ne considérait que la ressemblance. C'est l'exemple de Holbein qui, pendant prés d'un siècle, jusqu'à Samuel Cooper et Van Dyck, a régi la peinture anglaise. L'œuvre personnelle de cet artiste sort du cadre de notre ma- nuel. Mais l'influence qu'il a eue sur la peinture anglaise nous oblige à lui consacrer quelques lignes de biographie. Holbein naquit à Augsbourg, en 1497, et mourut à Londres en 1543. Il fit deux séjours en Angleterre, le premier de 1326 à 1528, le second de 1532 jusqu'à sa mort. Holbein travailla pour la Cour, l'aristocratie anglaise et des Allemands établis en Angleterre. On suppose même qu'il a peint toutes les femmes du roi et le roi lui-même. Holbein se rendit plusieurs fois à l'étranger pour peindre d'autres grandes dames auxquelles-Henri VIII se proposait de faire l'offre dan- gereuse de sa main. L'artiste fit son testament le 7 octobre 1543, i56 LA PEINTURE DANS LES ILES BRITANNIQUES et un liquidateur de sa succession fut nommé le 29 du mois suivant. Il mourut donc entre ces deux dates. L'œuvre de Holbein est peut- être plus homogène et d'une perfection plus soutenue que celle de tout autre peintre. Ses compositions sont d'une impor- tance très variable ; mais ce qui ne change pas est leur perfection. Holbein n'est jamais m insou- ciant ni négligent. Ses miniatures des deux fils de Charles Bran- don, duc de Suffolk, sont aussi soignées que sa Vierge de Darm- Fig. 3oo. — Edmond Butts, stadt, ses Ambassadeurs par ou John son Bettes. la Galerie George Ghisze. A (A nationale.) son fonds d éducation germanique, Holbein unissait i elegance et la reserve latines. Aucun portraitiste pourtant n'a été plus réaliste, et il en est bien peu dont le dessin et le coloris soient supérieurs aux siens. Il serait peut-être plus exact de dire que Holbem, comme coloriste, n a été égalé par personne. Son génie peut être comparé à la lumière du jour traversant des vitraux. Il harmonise les teintes qui paraissent s'y prêter le moins. Parmi ses ta- bleaux, nous citerons, de préférence, à côté des œuvres déjà rappelées, le Duc de Nm folk.-, à Windsor ; le Portrait d'un jeune homme, à Vienne; Thomas Morrett, a Dresde, dont le type anglais écarte l'hypo- thèse d'un Italien ou d'un Français et donne raison à la tradition, qui veut y reconnaître le joaillier de Henri VIII ; Sir Bryan Tuke, à Munich, et Sir Thomas More, dans la collection de M. Edouard Huth. Le meilleur de ses tableaux a été, peut-être, le groupe des deux rois. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Henri VII et Henri VIII, avec leurs femmes. Ce tableau n'existe plus ; il a été détruit en même temps que Whiteb; Il ; mais le duc de Devonshire en possède un dessin, qui ne fait que davantage regretter la perte de l'original. " Woltmann a écrit qu'en Angleterre Holbein a dû travailler complètement seul, sans élèves m aides ". 11 ajoute que son style n'y trouva point d'imitateurs ". Cette assertion n'est certainement pas exacte et peut provenir de ce qu'on ne connaît point d'élève immédiat de Holbein qui se soit fait un nom en Europe. En Angle- terre, les tableaux inspirés de Holbein sont, au contraire, des plus nombreux. La plupart n'ont que peu de valeur : mais il en existe dont la facture nous prouve que des hommes de talent comptèrent parmi les élèves ou les disciples du grand peintre allemand. On ne peut attribuer de tableaux, avec quelque certitude, qu'à deux de ces hommes : John Bettes, qui travailla avec son frère Thomas sous les règnes d'Edouard VI, de Marie et d'Elisabeth, nous a laissé un excellent portrait d'inconnu, qui est à la Galerie nationale ; Gwilhm Strete, ou Stretes, parait avoir signé de ses initiales un por- trait qui se trouve dans la collection de Lord Yarborough ; peut-être aussi faut-il lui attribuer les portraits en pied du Comte de Surrey, à Hampton Court et, au château d'Arundel, le portrait d'Edouard VI, qui était en 1902 à l'exposition des Old Masters La copie de la Fig. 3o2. — William Stocke (?). de au (Au Worcester College, à Oxford.) Jane Seymour Holbem, musée de La Haye, paraît égale- ment de Strete. On a prétendu, mais en ne sejondant que sur la forme du nom, que cet artiste, était flamand. 11 est probable, de toute manière, qu'il étudia sous Holbein. Un grand nombre d'autres artistes ont travaillé sous les mêmes règnes. Certains de leurs noms et beaucoup de leurs œuvres ont survécu : mais les preuves manquent pour faire la part de cha- cun. On connaît des tableaux de Sir Robert Peake (1 590 ?-1667), Richard Lyne (qui travaillait en 1 582), Richard Steven (vers 1590 ; peut-être d'origine hollandaise), et seulement les noms de John Bossam, d'Edward Courtenay, comte de Devon, de John Shute, ■ lôS LA PEINTURE DANS LES ILES BRITANNIQUES de Nicholas Locki ou Lockey et de quelques autres. Il est même curieux de constater, à cette occa- sion, combien peu de peintures anglaises, antérieures au X1X= siècle, sont signées. Si chaque artiste avait eu moins de modestie, ne fût-ce que pour un seul de ses tableaux, la tâche des historiens d'art serait, de nos jours, singulièrement faci- htée. Un peintre de talent, de la seconde moitié du XVI» siècle, fut Fig. 3o3. — Portrait Georges Cower, qui devint, d'un navigateur. en (A la Galerie de l'Université, à Oxford.) 1584, peintre de la Chambre (5er- géant painter) de la reine Elisabeth. Son portrait, par lui-même, signé et accompagné de notes biographiques, appartient à M. Georges Fitzwilham, de Milton (Northants). On peut aussi reconnaître le pinceau de Gower dans deux bons portraits d'adolescents, sur un même panneau, qui font partie de la collection de Lord Strathmore. Ils représentent le neuvième baron Glamis et son secré- taire, Georges Boswell. Vers la fin du règne d'Elisabeth et sous les règnes de Jacques E' et de Charles 1", un autre artiste, d'une habileté considérable, fut Sir Nathaniel Bacon, chevalier de l'ordre du Bain, de Culford, dans le comté de Suffolk. Il était le fils de Sir Nicolas Bacon, le premier des baronnets, et, par suite, le neveu du grand Bacon. Sa naissance se place vers 1583 et sa mort en 1627. On connaît de lui au moins trois bonnes œuvres : d'abord, deux portraits qui le représentent ; ensuite un intérieur de cuisine, appelé la Cuisinière, qui appartient à Lord Verulam, à Gorhambury. L un des portraits appartient à M. Nicholas Bacon, de Ravenmgham Hall, Norwich ; le prince Frédéric Duleep Singh lui a consacré un article dans le Burlington Magazine du mois de juillet 1907. Les portraits de la série Tradescant, au Musée Ashmoléen d'Ox- ford, valent encore mieux que les précédents. La plupart sont pro- bablement dus à un artiste appelé de Critz (ou de Crats), qui appartenait à une famille employée à la Cour, sous les règnes d Elisabeth, de Jacques F' et de Charles Meres, dans la Wits Commonwealth, publiée à I .ondres en 1598, parle d'un John de isq — GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Cretz, célèbre par ses tableaux. Í1 travailla à la tombe d'Elisabeth, à l'abbaye de Westminster. Ce John avait un frère, nommé Thomas, aussi bon peintre que lui-même. On connaît aussi un Olivier et un Emmanuel qui lui étaient apparentés. Un beau portrait du premier est au Musée Ashmoléen. John et Emmanuel furent probablement, l'un et l'autre, peintres de la Chambre de Charles 1". Quand la collection de ce roi fut vendue, ils achetèrent, nous dit Walpole, pour 4 999 livres de tableaux. Si l'un de ces artistes est l'auteur des portraits Tradescant, on peut dire qu'il fut le meilleur peintre national de son époque, titre qui lui est attribué par Robert Walker, l'artiste préféré de Cromwell. De Critz a peint les plafonds du Double Cube ", à Wilton, et Pepys le mentionne comme l'auteur d'un portrait qui fut payé, y compris le cadre, un peu moins de 90 francs de notre monnaie. Il est difficile que le nom de ce peintre soit anglais ; mais, comme les archives françaises ou flamandes n'offrent rien qui concerne de Critz, on a tout lieu de supposer que sa famille vivait en Angleterre et qu'il y naquit. Avant Van Dyck, le dernier nom à citer est celui de Cornelius Jonson ou Janssen van Ceulen. Ce peintre naquit à Londres en 1593, et mourut en Hollande, en 1664. 11 ne lui a manqué que d'être un coloriste mieux doué pour occuper un très haut rang parmi les peintres du XVIP siècle. Les meilleures œuvres que l'on ait de lui, en Angleterre, sont une tète du comte de Portland (fig. 306), à la Galerie nationale des portraits ; une tète de même style, à la Gale- rie nationale irlandaise, et un por- trait de femme (fig. 307) faisant partie de la collection de Mme Joseph. Les deux portraits d'homme ont, avec le style de Dobson, une ressemblance qui ne se retrouve point dans les œuvres plus récentes du même artiste. On a dit que Jonson dut quitter l'Angleterre par suite de la rivalité de Van Dyck ; mais cette assertion n'est pas exacte. Le Rijks Fig. 304. — Portrait Museum d'Amsterdam a une d'une pein- inconnue. (A l'Ashmolean Museum Oxford.) ture signée : Corns. Jonson Londini 160 LA PEINTURE DANS LES ILES BRITANNIQUES fecit, 1648, et c'est en cette même année, c'est-à-dire sept ans après la mort de Van Dyck, que Jonson obtint l'autorisation de quitter les Iles en emportant ses meubles. Van Dyck (1599-1641) vint en Angleterre, pour la première fois, en 1621, mais pour très peu de temps. En 1630, il y revint dans les mêmes conditions, et ce n est qu'en 1632 qu'il y établit son do- micile, à la demande de Charles 1". Van Dyck habita Blackfnars (Lon- dres), où, pendant neuf ans, il vécut — largement de son travail, tout en diri- F ig. 3o5. John Buli .. à géant le nombre considérable de (Aux Écoles, Oxford.) ses élèves et de ses collaborateurs. Ce fut peut-être le plus impressionnable de tous les grands peintres. A peine en Angleterre, il cessa de tra- vailler à la manière vénitienne et adopta une méthode qui a pu lui être suggérée par les oeuvres de Samuel Cooper. Van Dyck a beaucoup produit pendant les neuf dernières années de sa vie, et quelques- unes de ses compositions anglaises ne le cèdent en rien à celles de la période génoise de sa carrière. Cependant certains de ses tableaux sont négligés et ne valent pas les copies de ses meilleures œuvres faites, sous ses yeux, par les plus habiles de ses élèves. Cette assertion parut évidente, en 1900, lorsque cent vingt-neuf tableaux, attribués à Van Dyck, furent réunis à Burlington House. Les meil- leurs et les plus mauvais portaient manifestement sa marque ; il ne pouvait y avoir de doute que pour des tableaux de facture moyenne. Les trois manières de peindre de Van Dyck sont aujour- d'hui bien représentées à la Galerie Nationale : la première, ou ma- nière flamande, par le portrait en buste de Cornells van der Gheest ; la seconde, ou manière génoise, par les portraits acquis récemment du Marquis Cataneo,; enfin, la troisième, ou manière anglaise, par le superbe portrait équestre de Charles provenant de Blenheim Palace. Autant qu'une école de peinture puisse avoir pour origine le talent d'un seul homme, et qui plus est d'un étranger, l'école anglaise moderne est née de Van Dyck. Holbein a joui, à son époque, d'une très grande renommée ; mais son tempérament germanique i6i ^ GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE l'empêcha de devenir le chef d'une école anglaise. Van Dyck fut tout autre. Touche par le genius loci, sinon par les oeuvres des artistes du pays, ce Flamand, dès son arrivée en Angleterre, s'imposa à la majorité des peintres, en créant un style en harmonie avec l'art bri- tannique. Toutefois, la plupart des élèves immédiats de Van Dyck furent des étrangers. Le meilleur est probablement Jean de Reyn ; ce peintre se rapprocha à un tel point de son maître que ses oeuvres, le plus souvent, lui sont attribuées. De Reyn passa les trente der- mères années de sa vie à Dunkerque, où il peignit de nombreux tableaux d'église. Un autre bon élève de Van Dyck fut le Hollan- dais David Beek. Sa facilité était telle que Charles F' lui aurait dit un jour, s il faut s'en rapporter aux chroniques de Descamps : Parbleu Beel^ ! Je crois que vous peindriez à cheval et en courant fa poste ". Indépendamment des peintres qui se formèrent à son école. Van Dyck employa, dans ses ateliers, plusieurs artistes qui avaient étu- dié ailleurs. De ce nombre, furent : Adrian Hanneman, élève de A. van Ravesteyn et de Daniel Mijtens le Vieux ; Peter Lely, qui ne connut Van Dyck que pendant quelques mois, et deux Anglais : William Dobson et Henry Stone, désigné sous le nom de Stone le Vieux. Dobson s'était formé à l'école de Sir Robert Peake, mais en restant probablement sous l'influence des œuvres de Cornelius Jonson. 11 se trouvait presque dans la misère quand Van Dyck l'employa dans ses ateliers. Dobson tra- vailla, pendant un certain temps, pour le célèbre artiste, bien que son style fût entièrement diiîé- rent du sien. A la mort de Van Dyck, il devint peintre attitré du roi, ce qui ne l'empêcha pas de mourir dans l'indigence cinq ans plus tard. Les tableaux que l'on attribue à Dobson sont fort nombreux ; mais un triage difficile s'impose. Quelques-uns des a Fig. 3o6. Comte portraits qu'il comme — de Portland, peints, par G. Jonson. celui d'Endymion Porter (A la Galerie Nationale des portraits.) (fig. 308) que possède la Gale 102 LA PEINTURE PANS LES ILES BRITANNIQUES rie Nationale, ont une haute valeur. Henry Stone était le fils d un homme de talent, Nicholas Stone, bon sculpteur et maître maçon de Jacques T' . 11 a copié avec appli- cation, mais lourdement, beaucoup de tableaux de Van Dyck et de quelques autres peintres. Stone est mort à Londres, en 1653. D'Edouard Bower, qui mérite aussi d'être cité, existe un remar- quable tableau représentant Char- lei /■■' devant ses juges ; il appar- tient au duc de Rutland. On a, — enfin, aux Ecoles d'Oxford, bon F ig . 307. Portrait un n'iinf. inconnue. par c jonson. portrait, par Nicholas Lamer, qui (Che^ Mme Joseph.) paraît inspiré de Van Dyck. Entre Dobson et Stone le Vieux, doit prendre place un artiste de grand mérite, George Jamesone, que l'on a appelé, fort im- proprement, le Van Dyck écossais. Jamesone naquit à Aberdeen, dans le dernier quart du XVP siècle. 11 étudia à Edimbourg, en 1612, et reçut, dit-on, à Anvers, des leçons de Rubens. Ses œuvres cependant ne se ressentent en aucune façon du talent de ce grand peintre. D'après la tradition, Hélène Fourmeni, seconde femme de Rubens, aurait appartenu à la famille des Forman d'Aberdeen. Si cette tradition était fondée, on pourrait mettre sur le compte des relations d'amitié entre les Forman et Jamesone le séjour, diffici- lement explicable d'autre manière, que celui-ci aurait fait à Anvers. L'Ecosse, surtout, a de nombreuses peintures de Jamesone. Leur coloris est monotone ; elles manquent de vigueur, mais sont soi- gnées, d'une pâte peu épaisse et lumineuse. Ce peintre mourut - en 1646 ; sa tombe est dans le cimetière des Franciscains à Edimbourg. Dès la fin de la première moitié du XVIir siècle, le nombre des peintres d'origine anglaise s'accrut rapidement. L'exemple de Van Dyck fit éclore des talents qui ne portèrent point l'art au niveau élevé où nous le trouverons au XVI11° siècle, mais n'en méritent pas moins d'être rappelés. Le Commonwealth (Protectorat de Cromwell) fut, pour les arts, une période languissante. Cependant Lely fonda une école et fut ^ i63 '— ■ GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE -, imite par Robert Walker et Samuel Cooper, qui firent l'un et l'autre, plusieurs fois, le portrait de Cromwell. La série des anglais, peintres qui s'est continuée jusqu'à nos jours, a commencé avec les disciples de Lely. j Sir Peter Lely naquit à Soost, près d'Utrecht, en 1618. Une confusion entre cette ville et une autre de même nom, située en Westphalie, l'a fait cataloguer, bien à tort, parmi les l'école peintres de allemande. Son père était un capitaine, appelé Van der Faes, qui avait changé de nom. Lely étudia à Haarlem, sous la direction de Pieter de Grebber, et ne vint en Angleterre qu'en 1641, peu de temps avant la mort de Van Dyck. Comme celui-ci, il se créa rapidement un style en rapport avec le milieu où il était appelé à vivre. Il en fut récompensé par une vogue qui dura jusqu'à sa mort, en 1680. Lely fit appel à de nombreux collaborateurs. Son œuvre est considérable, mais n a pas été, jusqu'ici, étudiée Autant complètement. que nous puissions en juger par ceux de ses tableaux qui portent son monogramme, les peintures de cet artiste sont d'un des- sin généralement soigné, quelquefois j irréprochable. Ce fut un colo- riste agréable, porté vers les tons sombres, surtout dans les premiers , temps. Son modelé est plus soigné que celui de ses L'un d.e disciples. ses meilleurs tableaux représente Charles Dormer, Comte de Car- navon, avec sa femme et ses deux enfants ; il appartient à Sir Algernon Coote, de Ballyfin (Quen's Coun- ty, Irlande). Ce Comte de Car- navon, troisième du nom, était le fils de Robert, qui trouva la mort à la première bataille de New- bury. Une autre bonne peinture, où figurent trois hommes, est à Christ-Church, à Oxford. Dans la longue liste des portraits attribués à Lely, que possède la Galerie Nationale, ceux qui lui appartien- nent le plus sûrement sont : le Duc d'Albemarle, le Duc de Bucl^ingham, Charles II, Marie Fig. 3o8. Endymion Davis, Nell Qwyn, la Comtesse — Porter, par Dobson. de Shrewsbury, Wycherley, la (A la Galerie Nationale des porlratls.j Duchesse de York et sa propre 164 — LÀ PEINTURE DANS LES I LE S-B RI TA N NIQUES image. De tous ses tableaux, Les beautés de Windsor, à Hampton Court, est peut-être celui qui se rapproche le plus de la peinture de Van Dyck. Sa Lady Bel'asys (fig. 309), où des Amours folâtrent, a le même caractère ; mais cette toile l'emporte sur la plupart des tableaux de Van Dyck par une fermfetê plus grande de la compo- sition et du dessin. Peinte plus pa- tiemment, on aurait pu la considérer comme un modèle du portrait de cour ; malheureusement, la patience n'était pas la qualité dominante de Fig. 3og. — Lahy Beli.asys, Lely. Dans les dernières années par sir Peter Lely. (A Hampton Court.) de sa vie surtout, les draperies qu'il a traitées ne sont plus que des étalages d étoffes, quelque chose comme un océan de lumière crue et d'ombre. Au demeurant, Lely est bien inférieur à Van Dyck ; mais il a eu parfois la main très heureuse, et c'est plutôt la bonne volonté que le talent qui lui a fait défaut. Walpole mentionne beaucoup de tableaux de Lely dont l'identification est difficile, surtout parce que le nom de ce peintre est attaché à d'innombrables compositions qui lui sont étrangères. Lely a fait des dessins et des pastels ; ils ne sont pas mauvais, mais leur importance est relative. Après sa mort, la vente de ses collec- tions produisit la somme, énorme pour l'époque, de 26 000 livres. Comme Rembrandt, Lawrence, Bonnat et quelques autres artistes, ce peintre était un connaisseur de premier ordre. Les deux meilleurs élèves de Lely furent John Greenhill et Marie Beale. John Greenhill naquit à Salisbury, en 1649, et mourut en 1676, après une existence dissipée, n'ayant presque pas eu le temps de se faire un nom. Deux ou trois de ses tableaux sont au collège de Dulwich ; l'un est signé de ses initiales. Ils se font remarquer par le raffinement du dessin et une tonalité argentée agréable, qui permettent de reconnaître son talent dans des œuvres attribuées à son maître. Le portrait de Mistress Jane Middleton (fig. 312), à la Galerie Nationale des portraits, est probablement de Greenhill ; ce serait, dans ce cas, son chef-d'œuvre. Marie Beale vécut mieux et plus longtemps que son condisciple. i65 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Elle travailla considérable- ment, ainsi que le prouve le journal de son mari cité par Walpole, d'après les papiers de Vertue. Sa naissance se place en 1632 et sa mort en 1697. Ses portraits sont nom- breux, mais beaucoup sont attribués à Lely. Marie Beale a une propension aux couleurs positives plus marquée que celle de Greenhill ou de Lely. Elle dessinait, en géné- ral, moins bien qu'eux, et ses modelés sont plus plats que les leurs. On connaît encore, Fig. 3 pai io. — Miss Jane Kelleway, leurs Peter Lely. noms, d'autres élèves de par sir (A Hampton Court.) Lely ; mais il est impossible de leur attribuer des tableaux. Une exception doit être faite cependant pour John Hayls, le peintre habituel de Samuel Pepys. Son portrait de Pepys lui-même est à la Galerie Nationale des portraits (fig. 313) ; plusieurs portraits de la famille Russell sont à Woburn. Nous citerons encore, parmi les pein- tres de la même période : William Reader (ou Rieder), dont un bon tableau existe au Musée Ashmoléen ; Anne Killigrow, rendue célèbre par Dryden ; Edward Hawker, qui acheta la maison et l'atelier de Lely à la mort de ce peintre ; Sir John Gawdie, sourd et muet, et William Shepherd. Ce dernier, toutefois, vécut un peu plus tôt. Il fut le maître de Francis Barlow (mort en 1 702), qui naquit dans le comté de Lincoln et dont le tcilent d'animalier eut beaucoup de succès. Shepherd fut aussi graveur ; son édition illus- trée d'Esope est bien connue. Hollard a travaillé d'après ses dessins. Un style différent fut représenté, au XVIP siècle, par les disciples d'Isaac Fuller, dont nous reparlerons dans quelques instants. John Riley, le meilleur d'entre eux, né en 1646, aurait pu devenir un peintre de haute valeur ; les circonstances ne s'y prêtèrent pas. Christ-Church, à Oxford, a de lui un tableau, le Marmiton, qui n'est pas mauvais. Le paysagiste Thomas Manby, les deux Joseph : -, i66 lA PEINTURE DANS LES ¡LES BRITANNIQUES Michael Wright, l'oncle et le neveu, dont le premier fut l'élève de Jamesone et le maître d'Edmond Ashfield, sont aussi les auteurs de quelques bons portraits conservés à Burghley House. Jusqu'ici, nous avons pu constater que les peintres étrangers qui vinrent en Angleterre y exercèrent une influence heureuse. Holbein aurait pu fonder une école, si la forme de son talent s'y était prêtée ; Van Dyck eut des élèves, et, s'ils ne produisirent point, au xvir siècle, les belles œuvres de leurs successeurs du XVI11% le puritanisme et les guerres civiles en furent surtout la cause ; Lely, encore que superficiel, fut un peintre de haute valeur. Il rendit au moins à l'art anglais le service de barrer la route à des étrangers sans talent comme les Hoogstraten, les Gasear, les Verelst, les Huys- man, les Soest, les Wissing, etc., qui n'auraient pu que corrompre le goût. Il nous reste à parler d'un autre étranger, Kneller, de Lubeck, qui, du vivant même de Lely, mais surtout après la mort de cet artiste, eut une vogue surfaite. De tous les peintres qui mono- polisèrent, en quelque sorte, la renommée, Kneller est peut-être le moins intéressant. Il savait placer son modèle aussi bien que pourrait le faire un photographe moderne. Il ne dessinait pas sans habileté. Mais, quand on considère ses tableaux, on demeure convaincu que sa principale et peut-être sa seule préoccupation a été de satisfaire ceux qui l'employaient, en ne dépensant que le moins possible de pen- sée et d'effort. La vie de Kneller a été funeste à la peinture anglaise ; à cause de sa vogue, les autres artistes durent se condamner à l'imiter ou à mourir de faim. De temps à autre, quand on étudie les œuvres de ces artistes, depuis la mort de Lely jusqu'à la venue de Hogarth, on leur découvre des qualités qui nous montrent ce qu'ils auraient pu faire si la tyrannie de Kneller ne les en avait empêchés. Quant aux œuvres de Kneller lui- même, leur valeur est très varia- ble ; certaines témoignent d'une vigoureuse facilité ; d'autres sont mauvaises. On peut citer, parmi les Fig. 3ii. — Comtesse de Gramont, meilleures, les deux portraits de par sir Peter Lely. VEvêque yliterbury et de Sir (A Hampton Court.) 167 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Jonathan Trelawney, baronet, qui sont à Christ-Church, à Oxford et le portrait de Godert de Ginkel, Comte d'Athlone, que possède la Galerie Nationale des portraits. Pour cette dernière oeuvre, toute- fois, l'artiste s'est visiblement inspiré du Charles 7*^' de Van Dyck. Les contemporains de Kneller l'imitèrent si fidèlement que leurs peintures n'ont presque pas besoin d'être mentionnées à part. Dans celles du Suédois Michael Dahl et surtout de l'Ecossais Jérémiah Davison et de l'Anglais Jonathan Richardson, on soupçonne des facultés qui, moins comprimées, auraient certainement produit d'excellentes oeuvres. Lord Morton possède à Dalmahoy, près d'Edimbourg, un tableau peint par Davison, qui dénote un très grand talent ; un autre est à Drayton House, comté de Northamp- ton, chez M. Stopford Sackville. Tous deux sont signés. Jonathan Richardson a un portrait en pied de Sir HansSloane au musée Bod- ley. 11 nous montre que ce peintre, d'ailleurs courageux, ne manquait pas d habileté pour la résolution des problèmes difficiles. Richardson eut pour élève Thomas Hudson, qui fut lui-même le maître de Reynolds. C'est le dernier peintre que nous ayons à citer de l'école de Kneller. Hudson fut, à ce qu'il semble, un artiste aimable, nulle- ment aussi incapable qu'on le suppose. Cependant il est difficile de se faire une idée complète de son talent, car il ne peignait guère que les têtes et les mains, et laissait à des collaborateurs, dont les capacités variaient beaucoup, le soin de terminer ses tableaux. Son portrait de Samuel Scott, à la Galerie Nationale, est chaud et lumineux ; mais on connaît de lui d'autres portraits qui sont, au plus haut point, mécaniques et froids. Nous sommes obligés de re- venir en arriére pour dire quel- ques mots d im genre de pein- ture qui n'a jamais eu beaucoup de faveur en Angleterre, dans les temps modernes. Nous vou- Ions parler de la décoration des murailles et des des Fig. 3i2. — Mistress Jane plafonds Middleton, John Greenhill édifices civils. Le le par (?). spécimen (A la Oaleri" Nationale des portraits.) plus ancien que nous puissions LA PEINTURE DANS LES ILES BRITANNIQUES citer de cet art est le plafond de la salle des banquets de White- hall, peint par Rubens, et qui a été restauré récemment,au moins pour la quatrième fois. On a un grand nombre d'esquisses des pem- tures murales de Whitehall, qui nous font supposer qu'elles furent, dans leur état primitif, une des meilleures œuvres de ce genre. Le sujet qu'elles représentent est, en neuf panneaux, l'histoire de Jacques L'. La peinture a été faite sur toile et marouflée. On la posa entre la fin de 1635 et le milieu de 1636, et la — somme F ig. 3 i 3. S amuel Pepys, payée à Rubens fut de 3000 par J ohn U ayls. fA la Galerie Xalionale des portraits.) livres, ce qui représenterait, à notre époque, environ 250000 francs. La plus ancienne peinture anglaise murale qui subsiste est le plafond du Sheldonian Theatre, exécuté en 1669, par Robert Streater. Cet artiste fit aussi, pour Ail Souls College, une peinture de retable qui a été enlevée vers 1872, lorsque les restes du magnifique retable gothique (fig. 1 36), depuis lors restauré, furent mis au jour. Le plafond du Sheldonian Theatre est surtout caractérisé par un manque absolu de valeur décorative. Un autre peintre qui travailla, à Oxford, à une œuvre quelque peu similaire, est Isaac Fuller dont nous avons dit qu'il fut le maître de John Riley. Fuller naquit en 1606 ; il reçut, en grande partie, son instruction à Pans, sous la direction de François Perrier. Son portrait, œuvre de beaucoup de caractère faite par lui-même, est au Collège de la Reine. Le succès momentané des peintures murales de Streater et de Fuller amena en Angleterre la foule habituelle des étrangers qui comptaient y travailler. Les Iles étaient alors remplies de murailles blanches qu'il fallait décorer. On aurait pu le fame en utilisant et encourageant le talent des peintres anglais. On préférera livrer ces murailles à des étrangers qui ne produisirent aucune œuvre de valeur. Deux d'entre eux, Verrio et Laguerre, eurent du talent comme peintres ; mais ils furent inhabiles à la décoration. Le plus mauvais a été Verrio. Son goût italien déplorable, très accentué, le rendit inférieur à Laguerre, qui 169 ^— ARMSTnONG. GRANDE BRETAGNE ET IRLANDE. 13 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE possédait au moins ce que les Concourt ont appelé le mauvais " bon goût du Français. La meilleure œuvre de Verrio est proba- blement le grand salon de Burghley ; celles de Laguerre sont les peintures qui lui furent commandées par Sir Godefrey Kneller, à Whitton Hall, près de Twickenham (Kneller Hall). Un des spécimens les plus mauvais de l'art de Verrio est la décoration du grand escalier du Roi, à Hampton Court, où il eut l'idée malheureuse de supprimer les corniches et les pilastres, sans doute afin de bien montrer combien il lui était possible de les imiter. Ce fut pro- bablement la facilité avec laquelle les artistes étrangers obtenaient des commandes qui détermina le jeune James Thornhill, cadet d'une famille ancienne mais peu fortunée, à s'intéressera la peinture décorative. Il se distingua de ses rivaux, sinon par, son talent, du moins par une plus grande réserve et un meilleur sentiment des convenances locales. Ses peintures du dôme de l'église Saint- Paul nous prouvent qu'il aurait pu devenir, avec un peu plus d'expérience, un artiste fort acceptable. Son gendre, Hogarth, fit aussi des peintures murales, comme le Bon Samaritain et la Piscine de Bethesda, qui sont à l'hôpital Saint-Bartholomew. L'Ecossais Alexandre Runciman (1736-1785) est peut-être celui qui a montré le plus d'habileté dans cette forme d'art. 11 décora le grand salon de Penicuik House, près d'Edimbourg, avec des scènes tirées d'Ossian, et une coupole de ce même monument avec d'autres scènes empruntées à la vie de Sainte-Marguerite d'Ecosse., Il ne reste rien des premières : elles furent détruites, en 1899, par un incendie, mais nous les avons vues. Ces peintures étaient d'une tonalité trop som- bre pour leur destination, encore qu'elles dénotassent beaucoup de talent. John Runciman (1744-1768), le plus jeune des frères d'Alexandre, promettait beaucoup ; il vécut trop peu pour devenir célèbre. f1g.314. — Chiffinch, par John Riley Les dernieres productions . (A la Galerie Nationale des portraits.) murales du Style qUl Commença 170 LA PEINTURE DANS LES ILES RRITANNIQUES avec Rubens furent la décoration, entre les années*] 777 et 1781, de la grande salle de la Société des Arts, par James Barry, et les pein- tures du grand escalier de Burghley, comté de Northampton, par Thomas Stothard (fig. 372), entre 1780 et 1783. A partir de ces productions, la peinture murale prit, en Angleterre, une orientation toute différente. L'une des causes du peu de cré- dit que l'on accorde, en Angleterre, à la peinture murale, tient à l'habi- — tude de laisser à des Fig. 3i5. Godert de amateurs la Ginkel, par Kneller. surveillance de ce genre de travail (A la Galerie Kalionale de Dublin.) et de les rendre responsables du résultat. Une erreur est toujours possible ; mais il faut que celui qui a la surveillance soit en état de se former un jugement sur les causes de cette erreur. Au heu d être effrayé par quelque insuccès initial, l'homme qui sait corrige et se remet à l'œuvre. C'est trop demander à de grands — personnages évéques, généraux, présidents de la Chambre des Communes, huissiers de la verge noire, lords commissaires de la trésorerie — que de les charger de telles surveillances. Ne sachant ni tirer parti de l'échec, m en saisir les causes, ils en arrivent à se persuader que la solution préférable est de renoncer à 1 entreprise. Ce qui a été fait dans la Cité et au Royal Exchange témoigne à la fois de la compétencç de beaucoup d artistes anglais et de 1 absurdité des errements suivis. Dans tous les essais de décoration de monuments, ceux du Parlement, par exemple, les insuccès sont une confirmation de ce que nous venons de dire. (Pour la Bibliographie, noir à la fin du chapitre XVI.) Fig. 3i6. — Reynolds, par lui-même. Fig. 817. — Raeburn, par lui-même. (Académie Royale.) ((¡alerie Nálionale, à Hdimbourg.) CHAPITRE XIV PEINTURE. - PÉRIODE MOYENNE de la peinture anglaise, depuis la destruction des L'HIScToOuvIeRntEs, où elle avait pris naissance, jusqu'au second quart du XVIIF siècle, est aussi celle d'une lutte contre l'envahissement des étrangers. En deux occasions, il est vrai, cet envahissement fut profitable. De grands artistes purent donner aux Anglais de bons exemples. Mais, d'une manière générale, les peintres qui vinrent en Angleterre n'auraient été, dans leur pays, que des médiocrités. Ils n'y furent attirés que par le lucre ; et la faveur dés grands, qui les y maintint, fit penser aux peintres anglais que leur seule chance de succès était d'imiter leurs rivaux. Entre ceux-là et ceux-ci, il n y eut aucune émulation. 11 en résulta que l'on eut presque toujours l'incapacité d'un côté et le manque de sincérité de l'autre. A la fin du XVII'' siècle, la peinture anglaise trouva son sauveur en la personne de William Hogarth. Ce grand artiste fut aussi le type d'homme qu'il aurait fallu dans le principe. Il organisa la résistance et rassembla les forces que la Réformation avait dispersées. Par la parole, par la plume et par l'exemple, il prépara le public anglais à cette idée que l'art n'est pas exotique. Ses premiers portraits furent 172 PEINTURE. — PÉRIODE MOYENNE une déclaration de guerre aux conventions banales qui s'étaient solidement établies entre la mort de Lely et celle de Kneller. Ils encou- ragèrent les peintres anglais à se montrer fidèles à leurs propres sentiments, à ne plus recourir à des formules mal comprises, venues d'ateliers continentaux sans renom. Malgré le contraste frappant qui Fiü. 3i8. — Mariage a ea mode : existe entre leurs œu- SCÈNE J>E LA TOILETTE, PAR llOGARTH. vres, on est presque tenté (A la Galerie Nationale.) de comparer Hogartb à Watteau. L'un et l'autre comprirent que leurs compatriotes suivaient une fausse voie. Hogarth de propos délibéré, Watteau d'une manière moins consciente s'efforcèrent pareillement de faire prendre à l'art de leur pays un caractère national, en lui donnant pour fondement leurs idées personnelles. Hogarth naquit à Bartholomow Close, le 10 novembre 1697. Il travailla d'abord chez un orfèvre et ne commença qu'à vingt et un ans à graver des planches de cuivre pour des libraires. En 1730, il épousa la fille de Sir James Thornhill et se mit à peindre des portraits et les scènes de moeurs qui lui ont valu surtout sa célébrité. Vingt- trois ans plus tard, l'artiste se fit écrivain. Son jJnalyse de la Beauté, publiée en 1753, mérite plus d'attention qu'on ne lui en accorde. Nommé peintre de la Chambre du Roi en 1757, Hogarth est mort en 1 764. Cet artiste fut le chef de ce qu'on pourrait appeler le mouvement pré- raphaélite du XVIII" siècle. 11 eut en horreur les grâces vides de Kneller et voulut leur substituer des réalités. Fig. Sig. — Mariage a la mode: Son appel fut entendu. Com- scène de déjeuner, par hogarth. (A la Galerie Nationale.) me nous venons de le dire, 173 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Hogarth ébranla la croyance aux formules, obligea les peintres à penser, et il en résulta qu'avant le milieu du siècle la peinture anglaise changea complètement de caractère. Elle avait été la plus faible et la plus conven- tionnelle de l'Europe ; elle devint la plus robuste et celle qui pro- mettait le plus pour l'avenir. Ce n'est dix ou Fig. 320. Les que depuis vingt — domestiques de Hogarth, Hogarth. ans qu on a par commencé à com- ((¡alerie Nationale.) prendre Hogarth. Il était de mode de le considérer comme une sorte de montreur d'images. On discutait sur ses tableaux, comme si tout leur mérite était fait des sujets qu'ils représentent. On a fini par s'apercevoir que Hogarth unissait en lui les qualités d'un technicien consommé, d'un artiste véritable, à celles d'un conteur qui n'avait pas eu son pareil. Dans ses Scenes de mœurs, le dessin et l'intensité de vie vont de pair et dépendent si bien l'un de l'autre qu'il nous serait difficile de dire si nous les admirons à cause des qualités de leur peinture ou de leur force dramatique. Les collections publiques d'Angleterre possèdent en grand nombre des œuvres de Hogarth. La Galerie Nationale en compte seize, entre autres ; Mariage à la Mode (fig. 318 et 319) ; la Vendeuse de crevettes ; le portrait de la sœur du peintre ; son portrait, où il est accompagné d'un chien ; celui de l'acteur Quin ; la Porte de Calais ; et le groupe merveilleux des têtes de ses domes- tiques (fig. 320). La Galerie Natio- nale des portraits a une ravissante petite toile qui le représente devant son chevalet. Au Soane Museum ! se trouvent le drake's progress , et les Elections; à l'Hôpital des r- r - • Enfants t1- I F le ig. 321.— D octeur J ohnson rouves, portrait en Reynolds. pied du Capitaine Coram, la (Galerie Nationale.) m PEINTURE. — PÉRIODE MOYENNE Marche de la Garde à F\,i- chley, et Moïse sauvé des eaux ; a l'hôpital de Saint- Bartholomew, le Bon Sama- ritain et la 'Piscine de Be- thesda, qui ne sont pas les plus remarquables de ses toiles. On trouve encore de bons spécimens des œuvres de Hogarth à la Galerie natio- nale d'Irlande, à l'Académie royale, au British Museum, Fig. 322. — Duchesse de Devonshire au Fitzwilliam Museum de et son enfant, par reynolds. (Che- le Duc de Cambridge, et dans d'autres Devonshire.) collections royales. Des collections particulières qui en possèdent, la plus riche est celle de Lord llchester, où figurent la Scène tirée de l'Empereur des Indes et la Conquête du Mexique, qui est peut-être le meilleur de tous les tableaux de Hogarth sous le rapport de l'exécution. Chez cet artiste, l'écrivain fit du tort au peintre. La renommée de son talent eut à souffrir de ses diatribes contre les étrangers, contre les vieux maîtres et, d'une manière plus générale, contre les goûts et les aversions traditionnels du peuple anglais. Elles furent peut-être nécessaires, eu égard à l'état de l'opinion ; mais elles Ihsolèrent, et ceux-là mêmes qui profitèrent de ses idées n'eurent pas le courage d'en convenir. Hogarth a libéré l'art britannique ; mais plus d'un siècle s'est écoulé avant qu'on le recon- nût. Son exemple eut une influence certaine sur Rey- nolds, qui fut, pourrait-on dire, le second fondateur de l'école anglaise de pein- ture ; cependant, c'est à peine si l'on trouve une allusion à Hogarth dans les écrits de Reynolds. Sir Joshua Reynolds était plus jeune que Hogarth de près d'une génération. Il na- quit dans le comté de Devon, Fig. 323. — Garrick entre la Tragédie et la Comédie, par Reynolds. (Che^ Lord Rothschild.) 175 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE en 1 723. A l'âge de dix-huit ans, alors qu'il possédait déjà une cer- taine habileté acquise dans sa famille, Reynolds fréquenta l ate- her de Thomas Hudson, Deux ans plus tard, une brouille avec son maître le ramena à Plymouth Dock, aujourd'hui Devonport, dans le comté de Devon, où il s'établit comme portraitiste. En 1 746, Reynolds vint à Londres. Trois ans plus tard, il entreprit, avec le Commodore Keppel, un voyage en Méditerranée, qui se termina par un séjour en Italie, Fig. 324. — Deux gentlemen, surtout à Rome. En 1752, Rey- par Reynolds. nolds retourna à (Galerie Nationale.) Londres, où il mourut en 1792. Il était, depuis 1768, président de l'Académie royale. Les qualités maîtresses de Hogarth étaient fondées sur son indépendance, son manque de respect pour tout ce qui l'offusquait et sa résolution de bâtir sur son fond personnel ; celles de Reynolds furent toutes différentes. Sir Joshua employa une grande partie de son activité intellectuelle â trouver de bonnes raisons pour ne porter aucune atteinte aux réputations établies, fussent-elles injustifiées. Cependant ce fut l'un des peintres anglais les moins routiniers ; son esprit toujours en éveil ne pouvait pas admettre les formes immua- bles et ne tolérait pas davan- tage le laisser-aller. Le talent de Reynolds est surtout caractérisé par la variété de ses productions. Ce peintre eut des contempo- rains qui, à d'autres égards, lui fui ent supérieurs ; aucun ne „ r t , , . 320. — La, ge de l . , , 1 Fig. innocence, iegafa dans fa rectrerctie inces- Reynolds. santé de la nouveauté. Tout ce Gaieru Nationale. 176 PEINTURE. - PÉRIODE MOYENNE qu'il a peint, même lorsqu'il ne s'est agi que de têtes, représente un effort de sa pensée. La pré- occupation de la couleur, l'émo- tion que procure la beauté, le sen- timent de la ligne, que n'eurent point toujours les peintres anglais, sont des qualités que l'on trouve chez Reynolds. Ses premières œuvres, c'est-à-dire celles qu'il produisit avant d'habiter Londres, trahissent l'influence de Hogarth, de Gandy d'Exeter et de Rem- brandt. Quelques caricatures qu'il fit à Rome sont hogarthiennes dans leur excellente technique. Fig. 326. — Nelly O'Brien, par Reynolds. Quatre de ces pièces existent (Collection Wallace.} dans la Collection nationale irlan- daise. La plus curieuse est une parodie de \ Ecole d Alheñes de Raphaël, où les philosophes grecs sont remplacés par des Anglaiis vivant à Rome. Mais de bonne heure il eut un style si personnel que nous pouvons le reconnaître à première vue. Durant les trente dernières années de sa vie, Reynolds se rapprocha de Michel-Ange et de 1 école Bolonaise. Ses regards n'en continuèrent pas moins d être tournés vers 1 école vénitienne, dont le charme l'attirait. 11 est même probable que beaucoup de ses pein- tures, à Somerset House, possédé- rent, dans leur première fraîcheur, autant d'éclat lumineux que les œu- vres de Titien. Sir Joshua Reynolds n'est pas bien représenté dans les collections publiques anglaises. G est surtout chez des particuliers que se trouvent les tableaux qui nous don- nent la plus haute idée de son talent. Il nous suffit de citer, parmi, ceux- ci : Lady Groshie, dans la collec- Sir Edw^ard 2 Ro tion de eynolds. Tennant; la Fig. 827. — Gibbon, par j i r\ 7» rji (D'après une Gravure.) Duckesse de Devonshire et sa fille 111 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE (fig. 322), chez le Duc de Devon- shire ; Garrick entre la Tragédie et la Comédie (fig. 333) chez Lord Rothschild ; plusieurs tableaux à Althorp ; Charles James Fox chez Lord Leicester ; Master Crewe, à Crewe Hall, et le grand tableau de famille, conservé à Blenheim, du Duc de Marlborough avec sa femme et ses enfants. A la Galerie nationale, Reynolds est représenté par son Lord Heathfield, sa Lad^ Coclfiurn et ses enfants, ses Têtes d'anges, son Age de l'innocence (fig. 325) et ses Trois Grâces ; à la collec- tion Wallace sont Nelly O'Brien (fig. 326) et Mistress Carnac. Les Fig. 328. — Miss Monckton, tableaux de ces deux derniers par Reynolds. groupes constituent néanmoins une (D'aprùs une Gravure.) exposition des oeuvres de Reynolds supérieure à celle que les musées britanniques peuvent montrer des œuvres de Gainsborough. Gainsborough, né dans le Suffolk, en 1727, avait quatre ans de moins que Reynolds. A l'exception des cinq années, de 1741 à 1746, qu'il passa à Londres, dans les ateliers du dessinateur et graveur français Gravelot et de Francis Hayman, la-carrière active de ce peintre se divise en trois périodes de quatorze ans chacune. De 1746 à 1760, il est à Ipswich ; de 1 760 à 1 774, à Bath; de 1774 à 1888 (date desa mort), à Londres. Gainsborough ne quitta jamais les Iles ; tous ses voyages se bornèrent à une ou deux ex- cursions dans le pays de Galles et le Nord de l'Angleterre. Le déve- Fig. 829.—Mistress Stone Norton, par Gainsborough. loppement de son talent fut nor- (Che^ M. A. de Rothschild.) PEINTURE. - PÉRIODE MOYENNE mal. Il peignit d'abord avec un soin extrême, dans un style inspiré de celui des tableaux hollandais, à cette époque fort nombreux dans l'Est de l'Angleterre. Ses premiers paysages rappellent ceux de Wynants, et ses premiers tableaux avec personnages ceux de Metsu et de Terborch. A Bath, sous l'influence de Van Dyck, son dessin devint plus large et . plus vigoureux, son coloris plus chaud, ses procédés plus libres et plus personnels. A Londres enfin, toutes ces qualités s'affirmèrent encore ; mais il n'y a pas, entre les deux dernières manières de Gainsborough, une différence aussi Fig. 33o.— Hon. Mistress tranchée Graham, par qu'on le Gainsborough. prétend ; c'est sur- (Galerie Nalionale, à íidimbourg.) tout entre les manières d'Ipswich et de Bath que cette différence existe. Il n'est pas possible de se faire une idée complète du talent de Gainsborough par celles de ses œuvres qui sont dans les musées anglais. A Londres, la Galerie natio- nale possède, de ce peintre, un portrait de premier ordre, celui de Mistress Siddons (fig. 332) et un beau paysage, XAbreuvoir (fig. 333). La collection Wal- lace a Mary Robinson (fig. 334) et Miss Haverfield (fig. 335). Le portrait célèbre de Mistress Graham est à la Galerie natio- nale d'Ecosse. Mais aucune de ces œuvres n'est à l'abri de lé- gères critiques. Le rideau rouge du portrait de Mistress Siddons pourrait être meilleur ; Mary Robinson a des incorrections de dessin; XAbreuvoir est trop sombre. De nos jours, le prix d'un bon tableau de Gainsbo- rough est si énorme, que les mu- Fig. 33i. — Gainsborough, sées anglais n'auront sans lui-même. doute par (Académie Royale.) jamais la possibilité d'en acquérir GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE d'autres. Il en résulte que celui qui voudra connaître cet artiste, pendant la phase la plus heureuse de sa carrière, devra chercher : la Promenade du Matin (fig. 336) et le portrait de Mistress Sheri- dan, chez Lord Rothschild ; Miss Linley et son frère, à Knole ; le Mail, à Gnttleton, dans la collec- tion de Sir Audley Isfeeld ; trois portraits de femme à Seamore Place, chez M. Alfred Roth- schild; le Blue Boy (fig. 337), à Grosvënor House ; la Lady Mulgrave (fig. 338), dans l'an- Fig. 332. — Mistress Siddons, cienne collection Groult, et, au- par Gainsborough. tant que possible, des dessins (Galerie Nationale.) admirables qui assurent à Gains- borough une place parmi les grands maîtres du crayon. Comme Reynolds, Gainsborough est remarquable par la souplesse de son talent. On rapporte que ce peintre, mis en présence d'une exposition des œuvres de son rival, s'écria : « Quelle variété de talent ! >> L exclamation peut lui être appliquée, car il excella à la fois dans les portraits, les paysages, les figures d'animaux et le dessin. Gains- borough l'emporte même sur Reynolds par une technique meilleure. Les grattages, les empâ- tements, le chaos que l'on observe de près sur la toile, se fondent à distance en un ton bar- monieux. Gainsborough n a été égalé, sous ce rapport, que par Franz Hais, Rubens, Velas- quez, Manet et Sargent. Le troisième peintre qui édifia l'école anglaise sur les fondements posés par Hogarth fut George 333 _ abreuvoir, par Gainsborough. Romney. Né à Dalton, (Galerie Nationale.) PEINTURE. -PÉRIODE MOYENNE dans le comté de Lancastre, à la fin de 1734, cet artiste avait onze ans de moins que Reynolds et sept ans de moins que Gains- borough. Il se forma presque seul, aux leçons d'un artiste errant, de médiocre valeur, appelé Steels, qui parcourait, à cette époque, les comtés du Nord. Romney, dès les premières années de sa carrière, fut un technicien consommé et un dessinateur habile. En 1756, il se maria et s'établit à Kendal comme peintre portraitiste. Six ans plus tard, il vint à Londres, mais en laissant sa famille à Kendal. En 1773, il fit un vpyage en Italie, et ce n est Fig. 334. — Mistress Robinson, qu'à son retour, deux ans après, par Gainsborough. qu'il se fixa, toujours seul, à Ca- (Collection Wallace.) vendish Square, où il partagea, avec Reynolds et Gainsborourgh, la faveur du beau monde. En 1 793, Romney se rendit à Hampstead ; il y construisit un atelier, qurfait actuellement partie du Local Conservative C/uè. Enfin, quatre ans plus tard, Romney revint à Kendal, où il mourut, en 1 802, entouré de sa femme et de son fils, qu'il n'avait revus qu'à de longs intervalles pendant qua- rante ans. La popularité de Romney a subi plus de fluctuations que celle des autres peintres anglais de valeur. Il n'y a pas un demi- siècle, on ne prétait aucune Fig. 335. — Mis .-i IIaverfiei.d. attention à ses tableaux. Ils par Gainsborough. (Collection Wallace.) n'atteignaient, en vente publique. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE que des sommes insignifiantes, et l'opi- mon commune, surtout mal éclairée parce que les œuvres de Romney n'existent pour ainsi dire pas dans les musées anglais, voulait ne voir dans ce peintre qu'un artiste de second ordre. Le talent de Romney est pourtant, à certains égards, de ceux qui plaisent à la foule. Romney a été le peintre par excellence de la jolie Anglaise. Nul mieux que lui n'a su faire passer sur la toile les traits d'une héroïne de roman. Cependant Romney n'est pas exclusivement anglais. Son talent Fig. 336. — La pro.menade est exotique ; ses meilleures œuvres du matin, ont de l'affinité avec celles des mai- portraits d'un gentilhomme tres du noir et du blanc. et be .mistress hallett. français par Gai.nsrorougii. Romney a été plus près des seul- i'L/iet Lord Rothschild.) pteurs grecs que de ses contempo- rams. Il serait difficile de citer un tableau, de n'importe qu'elle école, où l'art moderne et le sentiment classique soient mieux associés que dans la danse en rond ' des En- fants du comtz Gower (fig. 340). Cette toile est une composition charmante, sur des données qui, en d'autres mains, n'ont presque toujours conduit qu'à des produc- tions ennuyeuses. C'est surtout un dessin : la couleur y est, pour ainsi dire, employée comme dans une carte géographique. Mais cette couleur est excellente en soi : Romney travaillait si nettement que ses tableaux sont restés trans- parents et lumineux. Même quand la tonalité en est trop chaude, leur vue n'a rien de particulièrement j. • iG- — desagre-a1ble1. /^Ce 11 I" 337. Le Blue Boy, qui surprend le Gainsrorough. plus, chez ce peintre, est la con- (Chez te Duc de Westnñuster.) PEINTURE.-PÉRIODE MOYENNE naissance parfaite des qualités académiques qu'il acquit presque tout de suite. Autant que nous puissions en juger, il manqua d'éducation artistique, dans le sens moderne que l'on donne à cette expression, et, cependant, ses premiers portraits, faits à Londres, sont remarquables par la perfection du dessin, l'habileté et le bon goût de l'arrangement. Fig. 338. — Lady Mulgrave, par Gainsborough. {Collection Groult.) A cet égard, Romney n'a été surpassé par aucun autre peintre ; il l'emporte notam- ment sur le classicisme de David et d'autres artistes français de la Révolution. Fig. 339. — Paysage, par Gainsborougi Les œuvres de i'C/ieî Mistress Romney Joseph.i sont encore plus rares, dans les musées anglais, que celles de Gainsborough et de Reynolds. Ils ne contiennent, pour ainsi dire, aucune de ses toiles qui puisse nous permettre d'apprécier son talent sous son véritable jour. La Galerie des por- traits de Londres a son portrait, par lui-même, qui est un des plus remarquables spécimens de ce genre de peinture où l'auteur et le — modèle ne font qu'un la Fig. 340. Enfants uu ço.mte Gower, ; par Romney. Collection Wallace possède (Chez le Duc de Sutherland.) GRANDE -BRETAGNE ET IRLANDE un superbe et célèbre portrait de Mary Robinson, celle qu'on a appelée Perdita-, mais les toiles de Romney, au nombre de sept, qui sont à la Galerie nationale, ne comptent pas parmi les meilleures qu'il ait produites, et les musées de province ne contiennent presque rien qui lui soit attnbuable. Ses meilleures compositions se trouvent chez des particuliers. Le Duc de Su- tberland possède les Enfants du comte Gower et LordStafford en costume Van Dyck ; Sir Fig. 341. — Lady Arabella Ward, George Russell, Mistress R ussell par Romney. et son enfant ; Lord Powis, Ho- (Che^ le Vicomte Hangor.) norahle Charlotte Cliüe; Lord Iveagb, Ladx) Hamilton Spinning ; Lord Bangor, Lady Arabella Ward (fig. 341) ; Lord Warwick, Lady Warwicl^ et ses enfants, et Miss Vernon en Hébé-, Sir Edward Tennant, Mistress Jordan (fig. 343) et la Comtesse de Derbp ; Lord Catbcart, la Comtesse de Mansfield ; M. Léopold Hirsch, Mistress Raifies ; M. G. Wertheimer, Ladies Caroline et Elizabeth Spencer et Mistress Johnson ; Sir Hugh Cbolmeley, Catherine et Sarah Cholmeley ; M. L. Raphaël, Lady Beauchamp Proctor (fig. 344) et Lady Pres- cott et sa famille ; M. Tankerville Chamberlain, Lady Hamilton en Bacchante ; M. Ralph Bankes, Miss Woodlep {M istress Ban fies). Aux trois portraitistes que nous venons de nommer correspondit le paysagiste Richard Wilson. Né en 1713, Wilson était le plus âgé ; Fig. — Mistress mais ce ne fut qu'à 342. Currie, son retour par Ro.mney. d'Italie, en 1755, qu'il renonça (Galerie Nationale.) 184 PEINTURE. - PÉRIODE MOYENNE au portrait, 'dans lequel il avait acquis un certain talent, pour se consacrer exclusivement au paysage. Ce changement lui fut, dit-on, conseillé par Zuccarelli ; cependant il est bien probable que la célébrité de Reynolds, de Gainsborough et de Romney, y fut pour quelque chose. Ri- chard Wilson dut redouter de ne pas avoir assez de travail. Comme ses émules, Wilson fut un peintre qui avait ses racines dans la tradition, mais sa tête en plein soleil. Dans ses mé- thodes, aussi bien que dans son Fig. 34:5. — Mistress Jordan, idéal, on saisit l'influence de par Ro.mney. Claude, de Lucatelli, de Panini (D'après une (iravure.) et de Zucarelh ; mais on y trouve également une imagination de poète, une aptitude particulière à inspirer le charme, le don du dessin et le sentiment de la beauté, qui lui sont des qualités toutes per- sonnelles. La distinction de Wilson ne sera égalée que par Corot. Malheureusement, la vie de ce peintre ne fut qu'une longue lutte. Il produisit trop de tableaux, et il en est beaucoup, parmi ceux qu'il a signés, qui témoignent d'une défail- lance de son inspiration. Wilson n en demeure pas moins un véritable artiste, qui a su donner de la vie à ses œuvres et a trouvé, par ce motif, des imitateurs. A son époque, toutefois, le seul artiste de quelque talent formé à son école fut l'Irlandais George Barret, dont les peintures finirent par acqué- Fig. 344. -- l.adv Beauchamp • dr 1 • 1 • Rssez RRalogie avec les siennes Proctgr. par RO.mnkv. (Chex. M. !.. Raphaël.) pour qu'on ait pu quelquefois les armstrong. grande bretagne et irlande. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE = lui attribuer. Ses autres disciples, comme Farnngton et William Hodges, n'eurent relativement que peu de talent, Wilson mourut en 1 782. Les meilleures de ses œu- vres sont, en général, des com- positions simples, plutôt petites, largement traitées, bien dessinées et très lumineuses. Deux Scènes en Italie, conservées à la Galerie nationale, sont délicieuses ; elles ont la hardiesse des peintures de Guardi et la technique de celles de Chardin. La Niobé, Fig. 345. — Euphrosyne, Par Romney que possède aussi la Galerie na- (D'après une Gravure.) tionale, et dont Reynolds a trop médit dans son quatorzième entretien, est un effort plus ambitieux, mais moins satisfaisant, du même peintre. Sa préoccupation des dieux et des déesses lui a fait négliger la transparence de la couleur et l'harmonie du dessin, qui font le charme de ses meilleurs tableaux. Résumons-nous. C'est l'esprit des oeuvres de Hogarth, de Gainsbo- rough, de Romney et de Wilson, complétées plus tard par celles de Constable, qui constitue le fonde- ment de la peinture moderne. L'activité de ces peintres s'exerça entre 1735 et 1795 et donna une vitalité nouvelle à un art qui se mourait. Certes, les bons artistes contemporains ne manquèrent pas en d'autres pays. L'Italie eut An- tomo Canale et Giambattista Tie- polo ; la France compta Watteau et Chardin. Mais les uns et les au- tres étaient les successeurs d'autres peintres de talent. Ce furent, en quelque sorte, des soleils couchants, Fig. — Lady Louisa dont les oeuvres consolèrent, bien 346. CouNOLLY, par Allan Ramsay. plus qu'elles ne servirent de stimu- (A Holland House.) PEINTURE. — PÉRIODE MOYENNE lants. D'aucuns pourraient objecter que Wilson a mérité le même reproche. Mais, comme artiste rétrospectif, il n'a ni gagné ni mérité d'estime. Son influence ne repose que sur le dévelop- pement des capacités inhé- rentes du paysage, sous le rapport de l'atmosphère et de la couleur. A côté de ces novateurs, — d'autres Fig. Caroline Lady peintres méritent 347. Holland, par Allan Ra.msay. qu'on les cite. Le plus sym- (A Holland House.) pathique, comme artiste et comme homme, est l'écossais Allan Ramsay, né à Edim- bourg en 1713. Ramsay devint membre fondateur, dès l'âge de seize ans, de l'Académie de Saint-Luke à Edimbourg, dont l'exis- tence fut éphémère. Son père était le libraire poète Allan Ramsay. Vers 1734, Fig. 348. — Marine, par Brooking. (Clie^ le Colonel Hutcheson Poë, Commandeur de l'Ordre du Bain ) le jeune peintre vint à Londres ; il y resta quelque temps, puis se ren- dit, pendant deux ans, en Italie, d'où il retourna, en 1739, à Édim- bourg. En 1752, il se fixa à Lon- dres, où il mourut trente-deux ans plus tard. Georges III avait fait de lui, en 1767, son peintre ordinaire. Jusqu'à ce jour, les mérites de Ramsay n'ont pas été suffisamment Fig. 349. — Horace Walpoi.e, reconnus. Il le doit en partie à de par Nathaniel Hone. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Fig. 35o. — Mistress Margaret Fig. 35i. — Garrick, par R. E. Pine. Opie. (D'après une Crowe, par Gravure) mauvais tableaux qu'on a eu le tort de lui attribuer, en partie également à ce qu'aucune de ses œuvres de valeur ne figure dans une galerie métropolitaine et enfin à cette circonstance qu'il n'était du Roi. La Galerie nationale pas fait pour devenir le portraitiste écossaise possède, de Ramsay, un délicieux portrait de sa femme, nièce de Lord Mansfield. De ce même peintre, un bon portrait d'homme à la Galerie nationale d'Irlande ; il en existe d'autres est dans les collections de Lord Lothian, de Lord Stair, de Sir Thomas Gibson Carmichael et de M. Thomas Baring. Un grand nombre de ses œuvres sont à Holland House (fig. 346 et 347). Avec plus de confiance en lui-même, Ramsay aurait été un des meilleurs portraitistes du xviiP siècle. Ses compositions, qu'une teipte rose caractéristique permet de reconnaître, se distinguent par une sensibilité exquise, une réserve et une légèreté d'exécution qui approchent parfois de la timidité. l·ig. 'ib2. — Pai^i. Sanuv, D'autres peintres du XVIII*^ siècle par Cotes. (Galerie Nationale.) ont acquis à bon droit quelque renom : — PEINTURE. - PÉRIODE MOYENNE Fig. 353. — Les enfants Douglas, Fig. 354. — Les sœurs Frankland, par Hoppner. par Hoppner." (D'après une Gravure.) (D'après une Gravure.) Francis Hayman (1708-1776), surtout connu parce qu'il eut pour élève Gainsborough; Arthur Pond (1705-1758); Joseph Highmore (1692-1780) ; George iCnapton (1698-1778) ; Arthur Devis l'aîné (1711-1787); Nathaniel Hone (1718-1784); Tilly Kettle (1740-1786) ; Henry Walton (1720 ?-1790 ?) ; et Charles Brooking (1723-1753), peintre de marines (fig. 348). Tous furent capables de faire, à 1 occasion, de bons tableaux; il est fâcheux qu'on ne cherche pas à recueillir, de nos jours, quelques- unes de leurs oeuvres dans les col- lections publiques d'Angleterre. Ce qui surtout les distingua fut leur aptitude à peindre. Le maigre em- pâtement, la couleur frottée plutôt que déposée sur la toile de tant d'œuvres qui, depuis, ont vu le jour, nous paraissent pitoyables à côté de la manière grasse, franche et libre de la vieille école anglaise. L'exemple de Reynolds, de Gains- borough et de Romney porta ses Fig. 355. — Inconnue, par Hoppner. fruits. Les peintres de second ordre (Chez Mistress Fleischmann.) GkANDE-BRETACNE ET IRLANDE qui travaillèrent entre le milieu du XVIII» siècle et les premières années du XIX» s'appliquèrent à produire des tableaux d'une cer- taine signification. Leur pléiade comprit au moins un homme de talent, Hoppner, et beau- coup d'artistes suffisamment bien doués. Il suffit de citer : Francis Wheatley (1747-1801); Tho- mas Beach (1738-1806); Na- thaniel Dance (1735-1811); John Opie (1761-1807) ; Wright de Derby (1734-1797); Robert Edge Pine (1730- Fig. 356. — Inconnue, par Hoppner. 1788); Mistress Trevor Hugh D. Hamilton (Che^ Martin.) ( 1 734 ?-1803) ; John Downman (1 730-1824), dont les dessins, mis en couleurs, ont aujourd'hui tant de vogue ; enfin Francis Cotes (1723-1770). En réalité, ce dernier peintre fut un contemporain de Reynolds. Mais il subit à tel point son influence qu'on est fondé à le compter parmi ses élèves. Des tableaux de Cotes, des dernières années de sa vie relativement courte, ont été vendus sous le nom de Reynolds. On a même pu en exposer aux Old Masters ", de la même manière, sans sou- lever beaucoup de protestations. Hoppner lui-même, tout bon peintre qu'il était, n'aurait jamais produit les œuvres qu'on recher- che, sans l'influence de Rey- nolds. Hoppner était d'origine allemande ; rien cependant n'est moins allemand que son art, sauf toutefois une certaine ten- dance à une coloration chaude. Il naquit en 1739 et fut d'abord choriste à la Chapelle royale. La voix lui ayant man- qué, il fit de la peinture et étu- Fig. 357. — Inconnue, par Hoppner. dia à l'Académie. La protection (Chez Mistress Trevor Martin.) PEINTURE. - PÉRIODE MOYENNE du prince de Galles lui valut, plus tard, de partager pendant près de vingt ans, avec Law- rence, la faveur des habitants de Londres. Hoppner mourut, en 1810, dans un état voisin de la folie. Ce peintre a été plus malheureux encore que Ram- say pour l'admission de ses ta- bleaux dans les collections pu- bliques anglaises. On ne peut se faire aucune idée de son talent en visitant la Galerie nationale ou la Galerie des portraits ; les musées de province ne sont guère mieux favorisés. Les meil- Fig. 358. — Inconnue, par IIoppner. leures Mistress Trevor compositions de Hop- (Chez Martin.) pner ont fréquemment changé de mains au cours de ces dernières années ; elles ont atteint, chaque fois, des prix énormes. Le beau groupe des Quatre enfants de Douglas (fig. 353), qui faisait partie de la collection de Lord Morton, à Dalmahay, est aujourdhui la propriété de Lord Rothschild ; le tableau célèbre des Sœurs Fran- friand (fig. 354) appartient à Sir Edward Tennant. En 1905,1e ravissant Portrait d'une inconnue a été acheté par M. G. Werthei- mer. La Lady Louisa ¿Mlanners et le groupe des Enfants se bai- gnant, qui sont les propres en- fants du peintre, la Comtesse de Darnley et son enfant, à Lord Darnley, William Pitt, à Lord Rosebery, trois beaux portraits de femme, en la possession de Mistress Trevor Martin, à Portland Place, peuvent encore compter parmi les meilleures œuvres de Hoppner (fig. 356, 357 et 358). Fig. 359. — Lord Newton, Raeburn. Deux hommes d'une égale ori- par (Galerie Nationale, à Èdimbourg.) ginalité, Raeburn et Lawrence, GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE que nous avons déjà nommés, furent les contemporains de Hoppner et appartien- nent, comme lui, à la seconde génération de portraitistes. Raeburn était le plus âgé. Il naquit, en 1 756, près d'Edimbourg, et travailla sous la direction de David Martin, peignit des miniatures, puis se maria, à l'âge de vingt-deux ans, ce qui lui permit, grâce â la fortune de sa femme, de visiter l'Italie. Il y fit un séjour d'environ deux ans et retourna â Edimbourg, où il devint, pendant plus d'une génération, le chef m- contesté de l'école de peinture du pays. A l'exception de Robert Burns, Raeburn Fig. 36o. — Major Clunes, a fait les portraits de tous les personnages par Raeburn. marquants de la de l'Ecosse (A la Galerie capitale qui Nationale, à Édimbourg.) vécurent de son temps. Il occupe une place dans le petit nombre des hommes qui furent des pionniers. Lorsqu'il fit ses études, une foule de pein- tres, dont trois au moins obtenaient de brillants résultats, travaillaient autour de lui dans la forme d'art qu'il s'était choisie. Cela ne l'empêcha pas d'acquérir un style tout différent du leur, d'une sin- cérité manifeste, qui est devenu l'idéal des peintres européens. Autant que nous puissions en juger, le tableau qui l'impressionna le plus fut le Portrait du pape Innocent X, par Velas- quez, au palais Doria Pamfili. Tout au moins est-ce avant lui le seul chef-d'œuvre qui soit dans sa manière et qu'il ait pu connaître. Rien n'indique, en effet, que Raeburn ait vu des tableaux de Franz Hais. Mais il suffit d'une étincelle pour enflammer un génie. Van Dyck n'eut besoin que de la vue de quelques minia- tures dues â Samuel Cooper pour devenir le grand peintre anglais. Le tableau de Velasquez a fort bien pu peser d'un même poids sur l'esprit de Raeburn. Fig. 36i. — Nathaniel Depuis son établissement définitif â Spens, par Raeburn. (Au Archer's Hall, Edimbourg jusqu'à sa mort, en 1823, à Édimbourg.) 192 PEINTURE. - PÉRIODE MOYENNE cet artiste progressa sans cesse. Mais, contrairement à la plupart des peintres dont le talent n'est pas resté station- naire, Raeburn passa d'une largeur de touche peut-être excessive et de la simplification des plans à un modelé plus ferme, à un empâtement plus régulier. On peut suivre les phases du développement de son art dans plu- sieurs de ses toiles que possèdent les deux principales collections écossaises : la Galerie nationale d'Edimbourg et le Musée de Glasgow^. Mais aucun autre établissement public n'est pareil- lement favorisé, et nous pourrions même en citer un où trois tableaux attribués à Raeburn sont de Fig. 362.— Sir John Sinci.air ne pas of Ulbster, par Raeburn. ce peintre. Voici la liste des œuvres de Raeburn, exposées dans des musées, qui nous paraissent les meil- leures. À la Galerie nationale d'Edimbourg : Mistress Campbell of Balliemore ; Lord Newton (fig. 359); Glengarry (prêté); John Wauchope; Major Clunes (fig. 360); et le propre Portrait de Raeburn (fig. 317); à Archer's Hall : Nathaniel 5pens (fig. 361 ); à Leith (Trinity House) : Vis- count Duncan ; au musée de Glasgow ; Mistress W. Urqwhart et Sir John Sinclair of Ulbster, baronet (fig. 362) (prêté). Il faut y ajouter les suivantes : Sir John et Lady Clerk, à Sir George Douglas Clerk ; Lord President Dundas, à Sir Robert Dundas ; Williams Ferguson of Kilrie, General Sir Ronald Ferguson Grand Commandeur de l'Ordre du Bain, Ronald et Robert Fer- guson et Robert Ferguson of Fig. — Mistress Ferguson, Raith, à M. Munro Fergu- par Raeburn. son ; Lady Stewart of Coltness GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE (fig. 364), à Mistress Fleíscl·i- mann ; Lady Raehurn, a Lord Tweedmouth ; John Tait of Haroieslon et son petit-fils, à Mistress Pitman ; les Macdonald of Clanranald, a Mistress Ernest Hills ; Mistress Crui/^shank, à M. Arthur Sanderson ; Mistress James Campbell (fig. 365), à M. Lionel Muirhead ; Rev. Sir H. Moncrieff Wellwood, à Lord Moncrieff ; Mac Nab, à Mistress Baillie Hamilton; James War- drop of Torbanhill, a M. J. C. Wardrop ; un portrait d'homme, Fig. 364. — Lady Steuart à Mistress Joseph. of coltness. par raeburn. Le talent de Raehurn eut, (Clie^ Mistress Fleischmann.) comme nous l'avons dit, de l in- fluence sur les contemporains écossais de ce peintre ; mais un seul d'entre eux. Sir John Watson Gorden, acquit assez de valeur pour que nous puissions trouver dans les meilleures de ses oeuvres comme un écho fort honorable de celles de son maître. L'originalité de Lawrence ne ressemble pas à celle de Raeburn ; elle est cependant certaine. Sans doute, cette originalité, qui créa un nouvel idéal de portrait, ne peut pas être comparée à celle de Reynolds, de Gainsborough, de Romney et de Raeburn lui- même. Mais il n'en demeure pas moins que Lawrence, avec une grande sincérité d'esprit, parvint à se frayer une route à travers les idées de la grande époque où il vécut. L'art de Lawrence est fondé sur l'aspect superficiel des choses. 11 nous plaît un peu à la façon des femmes que nous voyons Fig.365. — Mistress James Campbell, dans un bal, mais dont nous igno- par Raeburn. rons l'esprit. La technique de ce (Chez M. Lionel Muirhead.) 194 PEINTURE. — PÉRIODE MOYENNE peintre laisse, d'autre part, à dé- r sirer. Il n'est pas coloriste ; il a des idées fausses sur l'état dans lequel doit être laissé un tableau. Sespein- tures sont un document caracténs- tique de la société mondaine au temps des derniers Georges. Lawrence naquit en 1 769. Ce fut un génie précoce, qui devint le soutien de sa famille avant d'avoir vingt ans.Dès l'âge dedixans. Law- rence était portraitiste et travail- lait à Oxford. 11 se rendit, un peu plus tard, à Bath et, à dix-huit ans, s'établit à Londres, où il ne cessa d'avoir du succès. En 1791, on' le ' nomma associé honoraire de l'Académie royale, bien qu'il n'eût pas atteint l'âge voulu. Trois ans plus tard, il devint membre de cette même Académie, qu'il présida, en 1820, après avoir reçu 1 acco- lade cinq ans auparavant. Lawrence mourut en 1830. Pour ce qui regarde les collections publiques anglaises, nous sommes obligé de répéter â l'égard de ce peintre ce que nous avons déjà dit d'autres maîtres. Ses œuvres n'y sont re- présentées que d'une manière très insuffisante. La Galerie nationale possède un bon portrait peint par Lawrence, celui de 'John Julius Angersiein (fig. 367), dont la collection a formé le noyau de ce musée. La Galerie des por- traits en contient vingt-quatre ; mais â part trois ou quatre, comme Warren Hastings, The- Fig. 365. — Mistress Wolff, mas Campbell, Sir James Mac- kiniosh et Wilberforce, les toiles par Lawrence. de cette Galerie ne permettent {D'après une Gravure.) Fig. 367. — J.-J. Angerstein, de Lawrence comme par Lawrence. pas juger (Galerie Nationale.) portraitiste. C'est à Windsor et ig5 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE dans les collections particulières qu'il faut aller chercher les plus belles manifestations de son talent. A Wind- sor Castle, sont le Pape Pie VII (fig. 368) et le Cardinal Consalúi ; dans la collection du Duc d'Abercorn, quatre portraits d'enfants en ovale et Mistress Maguire et Arthur Fitzja- mes ; chez le Comte de Durham, Master Lamhton ; chez le Duc de Suther- land, la Corntesse Gower et son enfant et Lady Elizabeth Belgrave ; chez le Comte Grey, la Comtesse Grey et ses filles ; chez Sir Thomas Dyke Fig , 368. — Le pape Pie VII, Acland, Lady Acland et ses deux fils ; par Lawrence. M. H. (D'après iiiie Gravure.) Pierpont Morgant a Miss Parren (fig. 369), jadis en la posses- sion de Lord Wilton ; Lord Annaly, Lady Dover et son enfant (fig. 370) ; M. Moulton Barrett, Miss Mary Moulton Barrett {"Pinkid") ; le Comte de Jersey, le Duc de Wellington, à Middel- ton Park, dans le comté d'Oxford ; le Marquis de Londonderry, le Vicomte Castlereagh, la Vicom- tesse Castlereagh et Charles, troisième marquis de London- derry, en uniforme de hussard. Lawrence forme le trait d'union entre la splendeur de l'art anglais du portrait de la seconde moitié du xviip siècle et sa décadence dans la première moitié du xixl II est difficile de dire quelle part de responsabilité lui revient dans cette décadence et jusqu'à quel point elle apparaît dans ses œu- vres. Mais on ne risque pas de se montrer injuste à son égard en écrivant que l'exemple qu'il — Miss Farren a donné Fig. a été nuisible à la pein- 869. (Lady Derby), par L.awrence. ture anglaise. (D'après une Gravure.) PEINTURE. — PÉRIODE MOYENNE Le talent de Lawrence, en ce qu'il a de particulier, n'était pas anglais et ne pouvait, chez ses imitateurs anglais, conduire qu'à l'affectation. Dès la fin de sa vie, d'autre part, l'art du portrait avait perdu, à Londres, sa vitalité et sa fraîcheur ; une renaissance ne devait se produire qu'en 1850. A côté des portraitistes doivent pren- dre place d'autres artistes, qui pour- suivirent leur idéal avec des succès très différents. Les premiers sont les peintres ¿'histoire. En parlant du mouvement d'activité qui commença avec Rubens et son plafond de Whitehall, nous avons cité plusieurs décorations de monuments Fig. 370. — Lady Dover qui n'eurent son pas un succès éclatant, et enfant, par lawrence. une comme celles de Barry à la Société (D'après Gravure.) des Arts, et de Runciman à Penicuik. En 1773, quelques membres de l'Académie royale naissante firent une proposition singulière : celle de décorer l'intérieur de Saint- Paul, c'est-à-dire de continuer l'œuvre commencée par Sir James Thornhill. Cette proposition, d'ail- leurs présentée en des termes fort généreux, ne fut pas acceptéie. Per- sonne ne doit le regretter, car Saint- Paul n'était pas un corpus vile sur lequel on pouvait se livrer à une expérience hasardeuse. 11 était certainement beaucoup plus sage de laisser les artistes aux travaux que leur commandait alors l'éditeur Boy- dell. Un grand nombre de peintres, Fig. 871. — Princesse Charlotte, quelques-uns même des plus connus, par Lawrence. comme Reynolds et Romney, et (C/iec le Comte de llchesier.j dont les principaux furent avec ceux-ci : West, Opie, Northcote, Stothard, Fuseh, Smirke, Hamil- ion, Westall et Barry, travaillèrent, en effet, pour cet éditeur, qui leur commanda des tableaux pour illustrer son édition des œuvres '97 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE de Shakespeare On eut ensuite la Bible de Macklm et le Milton de Fusell ; mais tou- tes ces entreprises n'aboutirent qu'à une décadence artistique, qui n'é- tait point faite pour encourager d'autres travaux Fig. 372. — L'intempérance, par Stothard. (Galerie Nationale.) du même genre. La peinture d'his- toire, en Angleterre, eut à souffrir, d'un autre côté, de l'enseignement de Reynolds. Lui-même fut un peintre d'histoire qui ne manqua pas de talent ; mais le résultat le plus immédiat de ses Entretiens, sur l'esprit des jeunes peintres, fut de détruire leur individualité, de priver leur art de tout caractère. Le seul homme qui sût réagir, en combinant d'une manière acceptable le style et la vérité, est John Sm- gleton Copley, dont la Mort de Chatham et la Mort du Major Fig. SyS. — J.-L. Curran, par Hugh Hamilton. M la Galerie Nationale, à üüblin') Pierson (fig. 375) sont de bonnes compositiqns. Copley naquit à Boston (Etats-Unis), en 1737, d'un père anglais et d'une mère irlandaise. 11 vint en Angleterre, en 1 773, et le Fig. reste de sa 374. — Cheval y passa vie. Il blanc et groo.m, par Stubs. mourut en 1815 ; son fils fut (Galerie Nationale) Lord Lyndhurst. Opie fit PEINTURE. — PÉRIODE MOYENNE aussi quelques tableaux de valeur. Son Meurtre de Riccio, au Guidhall de Londres, a de la vigueur. Le seul peintre religieux qu'il soit nécessaire de mentionner pour l'époque qui nous occupe est Benja- min West. 11 débuta, comme Romney, par un tableau, la Mort de Wolfe, où l'on voyait des soldats anglais Fig. SyS. — La mort du Major Pierson, par Copley. revêtus d'uniformes moder- (Galerie Nationale.) nés et non de toges romaines. Lnjeorges III eut bien vite de l'admiration pour le talent de ce peintre. Sa protection mit West à l'abri du besoin pour le reste de sa vie ; mais celui-ci y ajouta d'autres revenus en peignant des portraits et, à l'occasion, des pan- neaux décoratifs pour des parti- culiers (fig. 377). Quelques-unes Fig 376. de ses œuvres de — . peg WoFFiNGTON. faites la sorte par pond. sont d'ailleurs préférables à celles, (Galerie Nationale des Portraits.) plus ambitieuses, qu'il fournit au roi. West naquit en 1738, en Pennsylvanie, et mourut en 1820. Il vint en Angleterre en 1763, et s'établit à Londres, qu'il ne quitta plus. Il fut un des fondateurs de l'Académie royale, dont il reçut la prési- dence, en 1792, à la mort de Reynolds. Le seul artiste qui essaya de marcher sur ses tra- ces est Benjamin Robert Hay- don ( 1 786-1846). Haydon au- rait eu du talent dans le genre lui Fig. 377. — Plafond, par West. qui était propre. Malheu- (A Burlington House.) 199 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE reusement, il essaya de mettre en pratique quelques-unes des théo- ries de Reynolds sur le grand art, et les échecs auxquels il aboutit furent lamentables. Après une vie toute de désappointement, Haydon se suicida. Le meilleur de ses tableaux décore l'une des salles d'un restaurant, près de la gare de Charing Cross. (Pour la Bibliographie, voir le chapitre XVI.) CHAPITRE XV LA PEINTURE MODERNE. — DE TURNER A WATTS seule La peinture de paysage que le XVIIP siècle ait réellement encouragée est la peinture "topographique ". Des tableaux repré- sentant des habitations et des parcs furent exécutés en grand nombre, qui remplissent, de nos jours, les maisons de campagne. Le créateur de cette forme d'art fut un peintre de talent, John Wootton, éléve de Van Dyck ; il ne lui manqua que des conditions plus favo- rabies pour occuper une place très respectable parmi les maîtres anglais. Wootton naquit vers 1668 et mourut en 1 765. Il peignit des animaux, surtout des chevaux de course, et des paysages topogra- phiques, dont le style rappelle celui de Gaspard Poussin et de ses imitateurs. Certaines toiles deWootton sont excellentes. Les meilleures que nous connaissions de lui garnissent la salle extérieure de Althorp. D autres dessinateurs de sites et de monuments eurent aussi de la vogue dans ce même siècle. Les pluFs iregno.mmés furént ceux de la — famille Maltón, leur Ulysse à et qui joignirent connaissa3n7ce8.de la perspective Polyphème. par Turner. architecturale quelques-unes des qualités des bons peintres. (TAoutlea- Galerie Nationale.) fois, le paysage, tel que nous le comprenons, fut totalement négligé. 201 -— ARMSTRONG. GRANDE BRETAGNE ET IRLANDE. grande-bretagne et irlande ; En colportant ses tableaux et les cédant au premier venu, Wilson ne put gagner qu'un salaire d'ouvrier. Et il fut même, en cela, plus heureux que Gainsborough, qui, pres- que jamais, ne vendit de ses paysages, bien que les murs de son habitation en fussent couverts et que ses clients Fig. 379. — Chapel Fields, eussent l'occasion de passer a Norwich, par Crome. (A la Galerie Xationale.) devant journellement pour se rendre dans son atelier. Une coutume prit naissance, qui vint au secours des paysagistes. Ce fut celle, qui a persisté, de faire du dessin le complément nécessaire de toute éducation brillante. L'école anglaise d'aquarellistes lui doit son existence. Des artistes, en effet, qui n'auraient pas vécu de leur art, gagnèrent leur pain comme professeurs et purent tra- vailler en toute indépendance. La seconde pléiade des paysagistes anglais, qui correspondit à la génération de Raeburn, de Hoppner et de Lawrence, commença vers la fin du dernier quart du XVIIP siècle et compta au moins trois hommes de génie. Le premier en date est John Crome, que l'on désigne habituellement sous le nom de Crome le vieux. Il naquit à Norwich, en 1769, et com- mença son existence comme peintre carrossier. Il abandonna cependant bien vite ce métier pour devenir professeur dé dessin et paysagiste. Crome mourut à Norwich en 1821. Son mérite est d'avoir su choi- sir d'excellents modèles et ra- fâîchir constamment son art en ne travaillant que d'après la nature, ne s'inspirant que de — >•1 I •. I '• fl j Fig. 38o. Le Chêne de PoringlAnd, ce qu il ressentait. L mtiuence de Crome. Hobbema et d'autres peintres iciie^ ié Rev. c. j. steward.} 202 r LA PEINTURE MODERNE. — DE TURNER A WATTS 1 hollandais du XVIIP siècle est aussi évidente, dans les œu- vres de Crome, que celle de Wilson et de Gainsborough ; mais la nature perce à travers tout ce que cet artiste a pro- duit, et c'est en cela que ses tableaux ont une grande ori- ginalité. Quelques-unes des œuvres de Crome ont l'am- pleur de celles de Philippe de Koninck ; d'autres Fig. 38i. — par Turner. por- L'orage, (A la Galerie l'extrême Tate.) tent à ce que Rus- km appelait la minauderie d Hobbema. Crome est assez bien re- présenté dans les collections publiques anglaises. La Galerie nationale a ses Ardoisières et sa Lande de Mousehold; le Musée Victoria and Albert possède aussi une Lande de Mousehold et la Galerie Tate un Paysage, qui nous font apprécier son talent sous différente jours. Deux autres bons tableaux du même pein- tre, le Chêne de Porin- gland (fig. 380) et Clair de Lune appartiennent, le premier au Révérend C. J. Steward, le second à M. Darell Brown, qui le prêta dernièrement à l'exposition franco-anglai- se. Crome a fondé l'école de peinture de Norwich, Fig. 382. — Clapham Common, par Turner. dont nous aurons l'occa- (A la Galerie Nationale.) sion de reparler. Joseph Mallord William Turner, qui vient ensuite, était le fils d'un coiffeur. Il naquit dans Maiden Lane (Covent Garden), le 23 avril 1775, c'est-à-dire le jour de la fête de Saint Georges, ce que Ruskin ne manquait point de faire remarquer avec plaisir. Pen- dant son enfance, il remplit divers emplois qui avaient plus ou moins de rapports avec l'art ; puis il entra, en 1 789, en qualité d'étudiant, à 1 Académie royale, qui se l'associa, dix ans plus tard, et le compta, parmi ses membres, en 1802. Turner, au cours de sa carrière, par- 2O 3 GRANDE-BRETAGN E ET IRLANDE courut une grande partie de l'Europe occidentale. Il a peint des aquarelles et des tableaux et gravé à l'eau-forte et à la manière noire. L'existence la- borieuse qu'il mena et la diversité de son talent, qui lui valurent la richesse, le classent à part parmi les pein;: tres anglais. Son œuvre est Fig. 383. Jardins des IIespérides. tellement considérable, qu on par Turner. la Galerie Nationale.) ne saurait (A l'envisager en en- tier dans le simple cadre d un manuel. Il laissa, à sa mort, plus de tableaux qu'aucun autre artiste de ses devanciers ou de ses successeurs, et chacun a été fait de sa main ; car Turner, qui travaillait presque en secret, n'eut jamais de collaborateurs. Cet artiste fut si profondément attaché à son art qu'il én fit pratiquement son unique moyen d'expression, son seul lien avec le monde. La carrière de Turner peut se diviser en trois périodes : dans la première, le peintre fait des copies littérales de la nature ; dans la seconde, il cherche à expérimenter les styles d'autres artistes ; dans la troisième, il exprime en toute liberté ses propres sentiments. Elle se termine par quelques années de chaos, durant lesquelles de splendides lueurs d imagination jettent comme des éclairs dans l'obscurcissement de son génie. Lès trois périodes de Turner, mais surtout les deux dernières, sont parfaitement représentées dans la collection qu'il a léguée à son pays. On y ren- contre une centaine de toiles complètement ter- minées et beaucoup de compositions moins avan- cées. Parmi ces dernières, on peut citer les splen- dides paysages, compara- bles à des rêves, qui se trouvent actuellement à la Galerie Tate. Indé- _ spithead, par Turner. pendamment de ces pein- (A la Oalerie Nationale.) 204 LA PEINTURE MODERNE. — DE TURNER A WATTS tures, Turner a donné à l'An- gleterre environ 19 000 des- sins. Les uns sont des aqua- relies où il a mis en jeu toutes les ressources de son art ; les autres ne sont que des esquisses. On conçoit corn- bien il est difficile de faire un choix dans une pareille masse de tableaux. Les œuvres sui- Fiü. 385. — Soleil de Venise, vantes toutefois nous sem- par Turner. blent plus particulièrement de (A la Galerie Nationale.J nature à faire apprécier le talent de Turner : Kilgarran Castle, à Lord Armstrong ; Conway Castle, au Duc de Westminster ; Pêcheurs, a Lord Iveagh ; Walton Bridges, à Lady Wantage ; ¿Mercure et Hersé, à Lord Swaythling ; le Déluge, à M. Darell Brown ; Fusées et feux de Bengale, dans la collection Yerkes ; enfin, à la Galerie Nationale : Passage de ruisseau. Rade de Spithead (fig. 384) (équipage levant une ancre). Un matin glacé, XEnterrement de Wilkio, le Fighting Téméraire, Ulysse narguant Polyphème (fig. 378), le Soleil de Venise (fig. 385), Pluie, vapeur et vitesse : le Great Eaestern Railway. Nous aurons, du reste, l'occasion de reparler de cet artiste. John Constable complète le triumvirat des grands peintres paysagistes de la fin du XVIII» siècle. 11 naquit à East Bergholt, dans le comté de Suffolk, en 1776. Son père était meunier, et lui-même travailla de cet état dans ses jeunes années. A vingt- quatre ans, il entra, comme étudiant, à l'Académie royale. Constable se maria en 1816 ; il fut d'abord asso- Clé de l'Académie en 1819, puis membre en 1829, et il mourut en 1837. Constable fut une puissance, avec Tins- tmct impérieux de l'expression esthétique, réunie à un amour intense des formes simples de la nature et une obsti- Fir.. 38(5. Giudkcca. Turner. nation le rendit — par qui impo- (An Musée ]'icluria and Albert.) pulaire comme homme, en 205 — ■ GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE assurant sa grandeur d'artiste. Constable aimait les haies, les venelles, les moindres traits du paysage ; mais il ne les peignait qu'à bon escient, et nul paysa- giste peut-être n'a su mieux choi- sir. Nul ne s'est moins incliné devant " les idoles d'autrui. Je me figure, disait-il, que je plante un clou. Après les premiers coups, un peu de persévérance pourrait me permettre de l'enfoncer à fond. Mais, si je laisse ce clou pour en Fig. 387. — Chaumière planter d'autres, quelque plaisir que dans un champ de blé, j'y trouve, mon premier travail par Constable. n'avancera pas, parce que le clou (Au Musée Victoria and Albert.) que j'ai abandonné restera immo- bile. La carrière de Constable fut des plus tranquilles. Il vendit un certain nombre de ses paysages et fit, à l'occasion, des portraits. Il eut des clients intelligents, qui contribuèrent à augmenter ses petits revenus personnels et ceux de sa femme, et l'encouragèrent de leur sympathie. Le premier d'entre eux fut le Révérend John Fisher. Ce qui flatta le plus Constable fut l'admiration que provo- quèrent ses ta- bleaux aux sa- Ions dé 1824 à Paris et de 1825 a Lille. On a pu pen- ser avec rai- son que le paysage fran- çais moderne lui doit beau- coup. L'art de Constable, ce- pendant, n'est pas indiscuté. Fig. — E.squisse pour le cheval qui saute, D'aucuns ont par Constable. porté, contre (Au Musée Victoria and Albert.) 206 LA PEINTURE MODERNE. — DE TURNER A WATTS Fig. 389. — Esquisse pour la charrette a foin, par Constable. (A^l Musée Victoria and Albert.) ce peintre, l'accusation absurde d'être trop réaliste. D'autres ont pré- tendu qu'il ne savait pas dessiner. Mais un tableau, tel que le Champ de blé (fig. 387), par exemple, où l'harmonie et le réalisme vont de pair, est une composition autre- ment difficile à exécuter, par la sélection qu'il a fallu faire des détails, qu'une toile conçue sur des données purement idéales. Le second reproche n'est pas mieux fondé. Si Constable ne s'est pas perdu dans les minuties, il n'en demeure pas moins que ses tableaux, dans leur ensemble, sont merveilleusement vrais. La forme, le modelé, le champ et tout ce qu'il contient y sont reproduits d'une manière infaillible. Du reste, même dans ses moindres œuvres, 1 1 - FIG . 3ûO. — La ferme de la Constable Ceux vallée, est un maître. constable. qui connaissent ses dessins et (A la Galerie Nationale.) GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE ses quelques portraits le savent aussi bien que nous. On peut dire qu'il occupe la première place parmi les paysagistes du XIX" siècle. De même que celles de Tur- ner, les œuvres de Constable sont assez nombreuses, dans les mu- sées anglais, pour que nous puis- sions apprécier son talent sous toutes ses formes. La Galerie Nationale a le Champ de Blé (fig. 387), la Charrette à foin et la Ferme de la Vallée (fig. 390), qui datent de sa maturité, et un Fig. 391. — Paysage avec moulin certain nombre d'autres toiles de a vent. par Stark. Mistress Joseph.) moindre importance ; la Galerie (Che^ Diploma, à Burlington House, conserve le Cheval qui saute, dont une superbe esquisse est au Musée Victoria and Albert (fig. 388), avec une autre, tout aussi belle, de la Charrette à foin (fig. 389) ; enfin, ce même musée possède encore prés de 500 toiles, aquarelles ou dessins, qui, presque tous, lui ont été légués par la fille du peintre, miss Isabel Cons- table. William Turner et John Constable marquent l'apogée de la flo- raison d'art qui prit naissance entre 1740 et 1750. Après eux, la peinture anglaise perdit progressivement de sa vigueur. Elle devint routinière, n'exprima plus que des émotions superficielles, chercha l'admiration facile de la foule, non celle d'une élite. Il y eut des exceptions ; les principales furent fournies par l'école de Norwich, par l'école des aquarellistes et par Watts. Mais on peut dire, d'une façon générale, que l'esprit de la peinture anglaise, depuis 1815 jusqu'à Fig. — Vallée de la Yare. l'exposition de 1851, fut des 392. par Stark. plus étroits. (A la Galerie Nationale.) LA PEINTURE MODERNE. - DE TURNER A WATTS L'école de Norwicli est le meilleur exemple que l'on puisse citer, en Angleterre, jusqu'à une époque toute récente, d'une réunion d'hom- mes travaillant sur des lignes communes, sous l'inspiration d'un même maître. Le carac- lère britannique n'est pas fait pour des associations de cette sorte. Tout Anglais est une Fig. SgS. — Navires a le.mbouchure île ", prétend-on, ce qui veut de i.a Tamise, par Cotman. dire que l'Anglais est Musée Victoria trop (Ah and Albert.) individualiste, trop impatient des résultats pour travailler dans une fra- ternité. Il en est d'ailleurs résulté que les peintres anglais n'ont pas eu, en matière d'art, une instruction aussi solide que leurs rivaux du Conti- nent, et qu'ils furent moins aptes et moins préparés qu'eux à former des élèves. Un changement s'est produit pendant ces vingt dernières années. L'exemple des Français a servi aux peintres anglais et ceux- ci ont gagné, à la tendance nouvelle dé se grouper autour d'un maître, de devenir de bien meilleurs artistes. L'école de Norwich se distinguait plutôt par un travail en commun que par des principes uniformes. C'était, avant tout, une réunion de paysagistes, qui travaillaient simplement mais solidement d'après nature. Ils composaient leurs tableaux avec soin, d'une manière quelque peu artificielle, car ils n'oubliaient point que leurs oeuvres étaient faites pour des acheteurs de condition moyenne. Les peintres les plus connus de cette école sont, avec John Crome lui-même : les Lad- brooke ; John Bernay Crome dit Crome le Jeune (1793- 1842), dont les meilleures œuvres valent plus que sa réputation ne le fait suppo- ser; James Stark (1794- 1859) ; Joseph Stannard (1797-1830); George Vin- Fig. 796 ?-l et un 394. - Greenwich, Vincent (1 830) ; par . (Chett, Sir Cuthbert Quilter, baronet.) homme de grand talent, john 209 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Sell Cotman ( I 782-1842). Les œuvres capitales de cette pléiade ne sont pas dans nos musées. Stark seul est représenté, à la Galerie nationale, par un tableau qui le fait bien connaître (fig. 392). Sir Cutbbert Quilter possède le chef- d'œuvre de George Vin- Fig. 395. — Chateau de la Duchesse cent, le fameux Hôpital de de Berri, par Bonington. Greenwich, vu de la Tamise (Che^ Misb-ess Joseph.) (fig. 394), que l'artiste a refait plusieurs fois. La peinture de Cotman déroute le connais- seur. Les toiles qui lui appartiennent, ou celles qu'on lui attribue, sont de style fort variable. Ceux qui voudront l'étudier, pour la classer, y trouveront la matière d'intéressantes observations. Les aquarelles et les dessins noir et blanc de Cotman sont plus homo- gènes. Les derniers, en par- ticulier, témoignent d'une ima- gination fort élevée. Il nous semble que des dessins comme XEmottage et le Centaure, que possède le British Mu- seum (salle des gravures), l'emportent sur les composi- tions du Liber studiorum de Turner. Cotman était aussi un aqua- fortiste et un dessinateur — ar- Fig. 396. L'étable, par Morland. chitectural de beaucoup de (Au Musée Victoria and Albert.) valeur. Sa réputation a grandi depuis peu, mais nous estimons qu elle est encore fort au-dessous de la place qu'elle mérite. Une petite catégorie de peintres qui ne peuvent être rattachés à aucun des groupes précédents sont les animaliers. L'amour des Anglais pour la vie des champs engagea, de bonne heure, une classe d hommes à faire métier d'illustrer les sports, de peindre des chiens de chasse et des chevaux de course. De temps à autre, quelques-uns de ces hommes sortirent de la médiocrité. Wootton, nous lavons dit, fut de ce nombre. Un autre est George Stubbs 210 LA PEINTURE MODERNE. - DE TURNER A WATTS (1724-1806), qui peignit son type propre de cheval avec une vigueur et une adresse remarquables. Geor- ge Morland (1763-1805) vaut surtout d'être cité. Il devint, tout à la fois, un dé- licieux artiste et un des pein- tres les plus parfaits des temps modernes. Morland avait de qui tenir. Son grand- Fig. 397. — Bestiaux d'Aldeknki, père, George Henry Mor- par Ward. (A la Galerie Tate.) land (mort en 1 789), et son père, Henry Robert (1730 ?-l 797), ne furent pas de mauvais peintres. Un petit tableau que l'on attribue au premier : la Mar- chande d'huîtres, à la Galerie nationaU de Glasgow, accuse même un certain talent. Sa mère. Maria, exposait à l'Académie royale. Mais George Morland, comme artiste, l'emporta sur tous les siens et, comme homme, se montra bien supérieur à son père, encore que sa conduite n'ait pas été irréprochable. Henry Robert s'employa à des œuvres sans dignité ; son fils George ne 1 imita jamais, malgré l'état précaire de sa fortune. Car George Morland connut la pauvreté pendant toute sa vie. Il est vrai que ses débauches — peut-^étre beaucoup moins exagérées qu'on ne l'a dit — en furent surtout la cause. Ayant l'habitude de ne point compter, cet artiste vécut dans de perpétuelles dettes. Il eut à souffrir de créanciers tenaces et de ceux qui connaissaient le moyen de tirer profit de sa misère. George Morland était admirablement doué ; il possédait au plus haut point le sentiment de la beauté et de l'harmonie et travaillait fort vite. Peintre de genre et animalier, on ne saurait dire dans laquelle de ces deux formes d'art son talent s'est le mieux mani- festé. Dans la peinture de , genre, ses meilleures toiles „ „ Fig. „ 398. — Incertitude, par Landseer. ® ; - • j (Au Musée Victoria and Albert.) sont la série des Lavinia, 211 ' p GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE la Visite à Venfant en nourrice, et le Jour noir ; comme animalier, Morland n'a nen fait qui soit supérieur à l'Intérieur d'étable, que possède la Galerie nationale, et à VÉtable (fig. 396) du Musée Victoria and Albert. James Ward (1 769-1859), F io. 399. beau-frere de - La guerre, tra- par Landseek Morland, . {Au Musée Victoria and Albert.) vai.la Comme lui, mais dans un style très différent. Sa personnalité, poussée à l'extrême, ne devient complètement acceptable que dans les plus grands de ses tableaux. Ceux qui nous le montrent sous son meilleur jour sont les suivants : Harlech Castle, dans la Collection nationale ; Taureau d'Aiderney. Vache et veau dans un paysage (fig. 397), et Gordale Scar, dans le Comté de York, à la Galerie Tate ; Château de Saint-Donat avec Combat de taureaux, au musée Victoria and Albert. C'est à James Ward que revient l'honneur d'avoir formé, quel qu'il puisse être, le talent d'animalier de Sir Edwin Landseer (1802-1873). Pendant longtemps, Landseer a été le peintre préféré des Anglais ignorants de l'art, qui aimaient les tableaux. Sa façon de donner aux animaux une expression quasi bu- marne leur plaisait. Sa banalité ne les choquait point, et ils ne pou- vaient pas se rendre compte de la pauvreté de son coloris et du vide de sa facilité. Landseer a joui, durant toute sa vie, d'une vogue que connurent bien peu d'artistes. Les meilleures de ses toiles, comme la Mort de la loutre, appartiennent à des particuliers. Mais il est plus que suffisamment représenté à là Galerie nationale et au Musée Victoria and Albert (fig. 398 F IG. 400. ^ ECCK 11 O.MO, et PAR ETTV. 399). (A la Galerie Tate.) „ — 212 LA PEINTURE MODERNE. - DE TURNER A WATTS LecommtAcementdu XIX" siè- de a compté de nombreux peintres d'une réelle sincérité, quoique leur talent soit plus ou moins agréable. Les principaux furent les Écossais David Wilkie (1 785- 1841), Patrick Nasmyth (1786- 1831 ), William Dyce ( 1806- 1864) et John Philip (1817- 1867) ; l'Irlandais William Mul- ready (1786-1863) ; les Anglais Augustus Wall Callcott (1779- 1844), William Etty (1787- 1849) et George Lance (1802- 1864) ; et 1 es Anglo-Américains Charles Robert Leslie (1794- Fig. 401. — Baigneuse, par Etty. 1859) et Gilbert Stuart Newton (A la Galerie Nationale.) (1795-1835). Etty, qui fut mé- connu de son vivant et vite oublié après sa mort, avait le don de peindre les nudités. Un séjour dans quelque grand centre, au temps de sa jeunesse, lui aurait permis de développer ce don, d être favo- rablement accueilli et de devenir un maître. Mais il fut obligé de vivre dans l'obscurité et, des toiles qu'il a peintes, les unes sont des combinaisons éclatantes ou crayeu- ses, froides, quelquefois msigni- fiantes, les autres expriment la beauté humaine avec un réalisme et un succès extraordinaires. Ti- tien, Rubens, Rembrandt eurent de magnifiques conventions pour les chairs ; Etty, dans ses meil- leures œuvres, nous a donné, pour ainsi dire, la chair elle-même, réelle, animée, palpable. Cet artiste est bien représenté dans les collec- tions publiques anglaises. La Gale- rie nationale a la Jeunesse à la proue et le Plaisir au gouvernail, Fig. 402. — Le refus, et la Baigneuse (fig. 401) ; South PAR Wilkie. (Au Musée Victoria and Albert.) Kensington, Cup idon et Psyché ; GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE la Galerie de Manchester, l'Orage ; la Galerie natio- nale d'Edimbourg a une série de sujets héroïques. Mais les plus belles de ses toiles, que possèdent des établissements publics, sont à nos yeux une triple étude de nu au musée de New-York et une Vénus, qui est presque une copie de celle de Titien, Fig. 4o3. — Cottage a Hyde Park, dans la Salle du Conseil par nasmyth. (\ la Galerie Tate.) de l'Académie royale d'E- cosse. Les sujets de genre réussirent beaucoup mieux aux hommes de talent. Wilkie fut gâté, durant toute sa vie, par la fortune. Son premier malheur fut la maladie dont il mourut. Ses meilleures com- positions dénotent une rare aptitude à exécuter des tableaux d'une originalité réelle, bien que modeste, sous l'inspiration d'une école étrangère d'une autre époque que la sienne. Parmi celles de ses œuvres qui sont accessibles au public, nous citerons : le ¿Ménétrier aveugle et la Foire du village, à la Galerie nationale ; l'esquisse de Colin-¿^aillard, à la Galerie Tate ; les Enfants à la chasse au rat, à la Galerie Diploma, à Burlington House ; le Refus (fig. 402), à South Kensington. Une toile inachevée, presque à peine com- mencée, Knox administrant les sacrements à Calder House, con- servée à la Galerie nationale d'Ecosse, a beaucoup de charme. Peut-être cependant promet-elle plus qu'elle n'aurait donné si Wil- kie l'eût terminée. En dehors de son genre particulier, une Bethsahée, chez Mistress Naylor, de Leigh ton Hall (Welshpool), représente, sans doute, son meilleur effort. La Lecture d'un Testament, à Munich, a été détruite ^par une cF- ig. d 404. Byron, r, — par Phillips. restauration. (D'après une gravure.) 214 LA PEINTURE MODERNE. — DE TURNER A WATTS Les paysages de Patrick Nasmylh, dans un style fondé sur celui de Hobbema, ont tou- jours été fort recherchés par ceux qui aiment le fini dans les petits détails (fig. 403). La Ga- lerie nationale en possède plu- sieurs bons exemples. William Dyce s'est fait une réputation par ses peintures murales du vestiaire du roi, à Westminster, dont on peut dire qu'elles sont excellentes, eu égard à l'époque. John Phillip naquit à Aber- Fig. 4o5. - Le sonnet, deen. Il étudia à l'Académie par Mulready. royale et peignit d'abord des (Au Musée victoria and Albert.) scènes populaires écossaises. En 1846, il se rendit en Espagne. Il y fut séduit par les tableaux de Velasquez, et il commença, dès ce moment, la longue série dillus- trations larges et colorées de la vie espagnole, qui lui ont valu vives, " le surnom de Philippe d'Espagne". La Galerie Tate a de bons tableaux de cet artiste, mais le meilleur est probablement la Fête espagnole ou la Gloria, que possède le Musée d Edimbourg. Un autre excellent peintre contemporain, qui se consacra à des sujets tirés de la vie espagnole, est F. Y. Hurlstone (1800-1869), dont il existe aussi une toile de valeur à la Galerie Tate. Il a peint grasse- ment dans une couleur juste. William Mulready naquit à Ennis, comté de Clare, en 1 786. Il vint à Londres en- core enfant et entra aux éco- les de l'Académie en 1800. Mulready fut d'abord asso- Clé, puis membre de l'Aca- démie royale, dans l'intervalle des expositions de 1815 et de 1816. Son travail était Fig. 40ô. - La mégère apprivoisée, laborieux. Trente- par Leslie. . , , , (Au Musée Victoria and Albert.) trois de ses tableaux, presque — 215 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE tout ce qu'il a fait, sont au Musée Victoria and Albert. Le Sonnet (fig. 405) et le Choix de la robe de noce nous paraissent les deux meil- leurs. La peinture de Mulready est gâtée par une tonalité chaude et criarde. L'art de Leslie, gracieux, presque féminin, plaît davantage. Le tort de cet artiste a été de s'embarrasser d'un texte. Presque tous les sujets qu'il a traités sont tirés d'écrivains, comme Shakespeare, Molière, CerVantès, ^terne. Le Sage, etc. De même que F ig. 407. — L'oncle Toby Mulready, Leslie est bien représenté et la veuve Wa D M. AN , à South Kensington, où se trouvent par Leslie. (A la Galerie Nationale.) vingt-quatre de ses toiles. Newton fut un esprit plus rare. Par malheur, la folie l'atteignit et le nombre des toiles qu'il nous a laissées n'est pas considérable. Ahélard est à la Galerie Diploma (Académie Royale) ; Yorick et la Grisette à la Galerie Tate ; le Capitaine ¿Mlacheath, chez Lord Lansdowne. Augustus Léopold Egg et William Collins peuvent être classés dans la même catégorie d'artistes que Leslie et Newton. L'un et l'autre eurent un genre de talent qui est inadmissible en peinture. Le pre- mier dessine bien et groupe son sujet intelligemment ; mais ses oeuvres n'ont ni enveloppe, ni motif pictural. Le se- cond est meilleur coloriste ; le paysage tient, dans ses tableaux, une place aussi grande que l'anecdote. Collins fut cependant dépassé par un peintre de natures mortes, George Lance, dont plusieurs compositions de valeur se trouvent dans les musées de Londres (fig. 409). Callcott, auquel on a parfois donné — j • v 1 1 " 1 1 • F ig. 408. Les femmes le nom ridicule de L^laude auxnxglxauilso ,, , savantes, par leslie. naquit en 1779. Comme Hoppner (Au Musée Victoria and Albert.) - LA PEINTURE MODERNE. — DE TURNER A WATTS dont il fut l'élève, il commença par être chantre. Ses paysages, qui valent mieux, en général, que ses tableaux de genre, sont inspirés de Cuyp aussi bien que de Claude. Les musées anglais ont peu de tableaux de Callcott. Son chef- d'œuvre est probablement XEm- bouchure de la Tyne, dans la col- lection de Lord Ridley. Paul Falconer Poole, né à Bris- Fig. 409. — Fruits, par Lance. toi, jamais d'éducation (A la Galerie Nationale.) ne reçut régulière. Il obtint de bonne heure un certain succès et fut, pen- dant longtemps, le principal peintre anglais des sujets allégoriques, après Watts. La Galerie Tate et le Musée Victoria and Albert ont de ses toiles. Tous les peintres que nous venons de nommer eurent pour con- temporains des portraitistes qu'il serait inutile de rappeler. Pour des raisons que l'on n'aperçoit pas, l'art pictural du portrait disparut presque entièrement entre la mort de Lawrence et la venue de Millais. La seule exception à la médiocrité générale nous est fournie par Watts, qui sut unir la largeur du style et l'imagination artistique aux exigences objectives. L'art du portrait tomba dans un tel discrédit, que Millais crut né- cessaire de s'excuser, lorsqu'il s'y consacra. Watts lui-même, malgré toutes ses qualités, ne fit couramment des portraits que durant la seconde moitié de sa carrière. George Frederick Watts, né en 1817, était originaire du pays de Galles. Son art et son carac- tère avaient de nombreux traits celtiques. L'éducation de cet artiste fut décousue. Il travailla pendant un laps de temps assez Fig. 410. — 1,e lecteur, court aux écoles de l'Académie par T. s. Good. (A la Galerie Tate,} et fréquenta l'atelier du sculp- G RANDE-BRETAGNE ET IRLANDE teur William Behnes. Watts avait coutume de dire que son véritable maître était Phidias, et son école, les marbres du Parthénon. Nul plus que lui n'eut de la constance dans ses amitiés. 11 a peint plusieurs généra- tions d'une même famille. Fig. 411. — Hastings, par Chalo Une famille a même, de cet (Au Musée Victoria and Albert.) artiste, des portraits qui s'étendent sur six générations ! Watts envoya, en 1847, au con- cours de Westminster Hall, une toile représentant la Première Vie- toire navale des Anglais, qui lui valut un prix de 12500 francs. Cette toile, achetée par l'Etat, est actuellement dans une salle de Comité de la Chambre des Lords. Une fresque, qu'il peignit pour cette même Chambre, a été détruite ; mais il en existe une autre, dans la grande salle de Lincoln's Inn, qui peut passer pour la plus belle peinture murale moderne de toute l'Angleterre. Vers la même année 1847, Watts commença la série de ses tableaux allégoriques, aussi faciles à comprendre que superbes au point de vue de l'art. Il n'est pas téméraire de penser que ce sont ces tableaux qui rappelleront le mieux son talent. Quelques années plus tard. Watts aborda une autre série de peintures et fit les por- traits de diverses célébrités. Ils sont très inégaux, mais, dans le nombre, quelques têtes partíeu- lièrement fines témoignent d'une maîtrise consommée. Ceux de Lord Stratford de Redelyffe, Russell Gurney (fig. 416), Wal- ter Crane (fig. 425) et William ¿JtíCorris, à la Galerie nationale des portraits, peuvent compter parmi les meilleurs. Watts consa- era une partie de son temps à la sculpture. Il aurait certainement ^ ^ , — Portrait de , f ,, Fig. 412. Jackson, , brille dans cette torme d art s il lui-même. avait concentré sur elle toutes ses (Au Musée victoria and Albert., 218 LA PEINTURE MODERNE. — DE TURNER A WATTS facultés. Nous reparlerons plus loin des œuvres de pierre qu'il nous a laissées. Cet artiste est mort à Little Holland House (Kensington), en 1904. L'An- gleterre possède un grand nom- bre de ses œuvres. Il se mon- tra très généreux pendant sa vie et offrit beaucoup de ta- bleaux à des musées de pro- vince. Le plus beau, parmi ceux qui reçurent cette destination, est la Fée éMlorgane, au Mu- sée de Leicester. Une autre de Fig. 4x3. — Statue de Colleone, ses bonnes toiles, le Temps, la a Venise, par J. Holland. éMlort et le Jugement, décore (Cheg Mistress Joseph.) la cathédrale de Saint-Paul. Watts a donné trente et un portraits de célébrités à la Galerie nationale des portraits et vingt-trois ta- bleaux à la Galerie Tate. Cette dernière galerie s'est enrichie également d une immense toile de ce même peintre, qui lui a été donnée par le Cosmopolitan Club, établi depuis de nom- breuses années dans Charles Street (Mayfair), où Watts a possédé un atelier. Cette toile, un des spécimens les plus puissants de sa peinture décorative, a pour sujet YHistoire de Nostagio degli Onesti, tirée du Décaméron. Une grande collection des œuvres de Watts est enfin Fig. 414. — Callisto, par Rotiiwell. visible dans la maison (A la Galerie Nationale de qu'il Dublin.) habitait, à Limnerslease, près de Compton, dans le comté de Surrey. (Pour la Bibliographie, voir à la fin du chapitre XVI.) 219 Fig. 4í5. de Morgan. — Le Pardon et la Vérité, par Mistress CHAPITRE XVI LA PEINTURE, DEPUIS L4 PÉRIODE PRÉRAPHAÉLITE JUSQU'A NOS JOURS du talent de Watts marque le terme de l'histoire de L'APOl'aGrtÉaEnglais, avant l'éclosion du mouvement qui l'affecta d'une manière si profonde vers la fin de la seconde moitié du der- nier siècle. Il est vrai que Watts a vécu jusqu'en 1904 ; mais son art n'a été influencé que faiblement par les différents genres de mo- dernisme. .En 1848, sept jeunes gens formèrent une sorte d'association à laquelle ils donnèrent le nom de Confrérie préraphaélite {Pre- Raphaelite Brotherhood, P. R. B.). C'étaient les peintres Dante Gabriel Rossetti, William Holman Hunt, John Everett Millais, James Collinson et Frederic George Stephens ; le sculpteur Thomas Woolner ; l'écrivain William Michael Rossetti, Le groupe faisait de Raphaël un apostat de l'idéal et un apôtre du savoir-faire. Le but qu'il poursuivait était de rompre avec les conventions stériles qui avaient des peu à peu dominé l'art anglais ; de les remplacer par idées réelles, même primitives, et par l'étude sincère de la nature jusque dans ses moindres détails. Ce mouvement fut d abord accueilli — LAPEINTURE-DEPUIS LA PÉRIODE PRÉRArHAÉL·ITE par les injures ridicules et vio- lentes des académiques., Mais les P. R. B. trouvèrent un défenseur en la personne de John Ruskin, qui parvint, par son éloquence, à les faire res- pecter. Dans les premiers temps, les Préraphaélites exagérèrent leur tendance. Ils se modéré- rent par la suite, et le résultat de leur mouvement a été, en définitive, tout à fait salutaire pour la peinture anglaise. Ga- briel Rossetti était l'âme diri- geante de ce mouvement. Peut- Fig. — être avait-il subi, plus Russell on 416. Gurney, qu par Watts. n'en peut juger aujourd'hui, (A la Galerie Nationale.) l'influence de son ami Ford Madox Broivn, dont les œuvres portent en germe les principes pré- raphaélites. Brown (1821-1893) étudia à Bruges, Gand et Anvers et ne se fixa en Angleterre qu'en 1847. Il prit part au concours de Westminster Hall (1845- 1848) et fut chargé, trente ans plus tard, d'exécuter, pour l'Hô- tel de Ville de Manchester, une série de douze fresques, qui sont ses chefs-d'œuvre. La Galerie Tate possède deux toiles importantes de Brown : Le Christ lavant les pieds de Saint Pierre et Chaucer à la Cour d'Edouard III ; la Galerie de Manchester conserve un tableau extraordinaire, d'une perver- sité" voulue et.achevée, intitulé Le Travail. Deux de ses^ meil- leures sont Elie et Fig. 417. — L'espérance, compositions par Watts. le fils de la veuve (fig. 418), au (A la Galerie Tate.) Musée Victoria and Albert, et 221 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Roméo et Juliette dans la collection Leathart. Le tempérament de Brown était essentiellement germanique. Ou bien il ne sentait pcis, ou bien il s appli- quait à repousser certaines règles, qui s'imposent d'instinct aux artistes de sang latin ou celtique. C'est ainsi que Brown bourrait son récit jusqu'à le tuer. Le drame, chez lui, finissait en caricature, la passion en grimace. Son art est resté, toute sa vie, celui d'un jeune homme. Brown ne fit jamais partie des Préra- phaélites, sans que l'on puisse savoir s il refusa d'entrer dans ce groupe ou s il Fig. 418. — El,ie et le fils n'y fut pas invité. Mais son influence de la veuve. n'en a pas moins été considérable. par Madox Brown. Musée Victoria and Albert.) Gabrief Rossetti (1828-1883) fut, (Au dans un sens, l'élève de Madox Brown ; mais il peignit son premier tableau, L'Enfance de la Vierge, avec l'aide de Holman Hunt. Cet artiste étudia à l'Académie royale, où il ne fit que passer. Son art n'aurait pu que gagner à un plus long séjour dans cette école. Rossetti ne sortit jamais de l'an- tique pour entrer dans la vie. Ce manque d'éducation artistique le rendit impuissant, pendant toute sa carrière, à réaliser avec sa palette et son pinceau les conceptions de sa pensée. Ros- setti traita de préférence des scènes légendaires, mystiques ou poétiques, qui ne sont pas strie- tement des sujets de peintres. 11 n'est pas exagéré de dire que ses aquarelles nous renseignent mieux que ses tableaux sur ses qualités. Avec Burne-Jones, William Mor- ris et d'autres, il peignit les murs de la salle des séances de l'Ox- ford Union ; mais son œuvre est devenue presque invisible. Parmi Fig. 419. — Mistress Morri.s, ses meilleurs tableaux, on peut par Rossetti. 222 LA PEINTURE DEPUIS LA PÉRIODE PRÉRAPHAÉLITE citer : la Chambre bleue, la Bien-aimée et la Lady Lilith de 1864 (fig. 420). Son Rêne de Dante, que possède la Galerie de Liverpool, est une toile pré- tentieuse et manquee, surtout si l'on considère qu'elle a été peinte au XI X« siècle. La Gale- rie Tate a deux tableaux de Rossetti : Beata Beatrix et une autre toile plus ancienne, Ecce ancilla Domini. Une • grande partie du public n'a connu l'art de Rossetti qu'après sa mort. Mais l'influence qu'il exerça sur Fig. 420. — Lilith, par Rossetti son entourage fut énorme. C'est à lui, en grande partie, qu'il faut attribuer cette décadence marquée dans la technique de la peinture qui se produisit en Angleterre, à côté d'efforts très sincères, parfois heureux, pour relever le niveau intellectuel de l'art national. Le plus brillant de tous les préraphaélites fut Sir Edward Burne- Jones (1833-1898), d'origine celtique, comme Watts. On le destina d'abord au clergé ; mais, à l'âge de vingt-deux ans, il fit la connais- sanee de Rossetti, qui le décida à quitter Exeter College, à Oxford, pour se consacrer à la peinture. Burne-Jones a fait un grand nombre de dessins de vitraux. Il collabora, comme nous l'avons dit, avec Rossetti et Morris pour la décora- tion de l'Oxford Union, voyagea en Italie avec Ruskin, copia des maîtres vénitiens, décora des salles pour Lord Carlisle, William Morris et Birket Poster, fit des études de tapisseries et de mosaïques, et pei- gnit, enfin, de nombreux tableaux. Burne-Jones est resté ignoré du Fig. 421. - Regina Cordium public , jusqu'à l'ouverture, en 1877, par Rossetti . de la Galerie Grosvenor, où trois 223 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE de ses toiles, les Jours de la Création, l'Enchante- ment de Merlin et le Mi- roir de Vénus, firent sensa- tien. Un an plus tard, il peignit Laus Veneris et le Chant d'Amour (fig. 422), qui sont probablement ses deux chefs-d'œuvre. On peut encore citer, parmi ses Fig. 422. — Chant d'ajiour, tableaux : le Roi Cophetua par Sir E. Burne-Jones. et la Jeune mendiante, dans (Chex_ M. James Ismay.) la Collection nationale ; la Roue de la Fortune, chez M. A.-J. Balfour ; l'Escalier d'or, chez Lady Battersea ; les Profondeurs de la Mer (fig. 423), chez M. Benson ; la Tour d'airain et la Rose sauvage. Burne-Jones fut nommé, en 1885, associé de l'Acadé- mie royale. Il exposa un tableau l'année suivante et démissionna en 1893. La dignité de baronet lui fut accordée en 1894. Ce peintre mériterait d'être compté parmi les meilleurs artistes s'il n'avait des par- ticularités et des défauts qui lui viennent presque s,ürement de Rossetti. Son imagi- nation était efféminée, sa critique de lui- même peu pénétrante. Il ne dessinait pas juste ; le sens de la structure et de la soh- dité lui manquait. Comme peintre, Burne- Jones ne savait pas donner à sa technique la richesse de matière qui lui aurait con- venu. Bien que ses plus belles œuvres soient d'un coloris splendide, la pauvreté de leur substance les empêche d'occuper une place à côté des grands maîtres vénitiens dont elles sont inspirées. D'autres peintres, qui travaillèrent d'après les mêmes méthodes et firent de ig. — Les profon- bonnes compositions qui n ont jamais été F 423. dkurs de la mer, beaucoup appréciées, sont James Collinson, par Sir E. Burne-Jones. membre de la P. R. B., Charles Allston (Chez M. R. H. Benson.) 224 PÉRIODE PRÉRAPHAÉLITE —" lA PEINTURE DEPUIS LA Collins, Arthur Hughes, Matthew James Lawless et W. L. Windus. On peut encore citer G. P. Boyce, W. H. Deverell, Walter Crane (fig. 426), Frederick Shields, J. E. Sonthall, Henry Wallis, Gerald Moira, E. J. Gregory,]. M. Strud- wick. Spencer Stanhope, Fairfax Murray, Evelyn Pickering (Mrs. de Morgan), T. M. Rooke, Mane Spartali (Mrs. Stillman), Archibald Macgregor, Byam Shaw, Reginald Frampton, Graham Robertson, Gay- ley Robinson, etc. Fig. 424. — Burd Ellen, Je reviens à la Confrérie des par Windus. Préraphaélites, dont un membre William Holman Hunt, mérite d'être cité pour l'isolement où surtout, est il s'est complu pendant un demi-siècle. Hunt naquit en 1826 ; c le plus ancien des Préraphaélites actifs et 1 un des peintres, peut- être plus nombreux en Angleterre partout ailleurs, qui ont mis au que service de théories mauvaises des qualités esthétiques indéniables. Cette erreur nous a valu une foule de tableaux d'où ne se dégage point le sentiment de repos que doit inspirer le bel art. Un tableau discuté n'est pas nécessairement un bon tableau. Or il n'est presque pas de peinture de Holman Hunt qui ne puisse faire 1 objet d une controverse. Ses meilleures œuvres, au seul point de vue de l'art, sont les Moutons égarés, le Berger. Fig. 425. — Walter Crane, l'Ombre de la Mort (fig. 427), et par G. F. Watts. le Christ découvert dans le temple. Mais tous ses tableaux sont intéressants par la personnalité qui s'en dégage. Seulement, comme pour Mantegna, cette person- nalité n'est pas entièrement celle d'un peintre. A la suite de Holman Hunt, d'autres artistes tels que W. S. Burton, R. B. 225 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Martmeau et Frédéric Sandys sont à nommer, bien que quel- ques-uns n'eussent peut-être pas voulu se dire ses élèves. Le dernier préraphaélite de talent est Sir John Everett Mil- lais. Né à Jersey en 1829, cet artiste vint à Londres à l'âge de neuf ans, et fut, à dix-sept ans, l'un des plus brillants élèves de l'école royale de peinture. Asso- Clé de l'Académie à vingt-quatre ans, membre à trente-quatre ans, il en reçut la présidence quel- ques mois avant sa mort, en 1896-. Millais peignit d'abord suivant les img. 426. — L'Annonciation, méthodes conventionnelles de son par G. A. Storey. temps. Lorsque parurent les Pré- raphaélites, il adopta dans toute leur rigueur les principes delà Con- frêne et fit des tableaux dont 1 exposition souleva de véritables tempêtes d'injures et de railleries. De ces tableaux, Ferdinand et Ariel, ¡Atelier du menuisier, la Fille du bûcheron et Lorenzo et Isabella (fig. 428) sont à la Gale- rie de Liverpool ; le Retour de la Colombe à l'Arche est à la Ga- lerie d'Oxford ; Mariana dans la Grange aux Douves et la Mort d'Ophélie sont à la Galerie Tate. La première peinture de M illais qui obtint tout à la fois les suifra- ges du public et ceux des criti- ques à l'esprit plus ouvert est le Huguenot de la Collection Mil- 1er. Elle fut suivie de l'Ordre d'élargissement, aujourd'hui à la Galerie Tate; ¿.u Proscrit roya- liste, de la Délivrance, du Black Brunswicker, de la Vallée du Fig. 427. — L'ombre de la mort, repos et de Sir Isumbras au gué, PAR IIoLMAN Hunt. la Galerie de chez (A Majichester. M. R. H. Benson, et, par- A vec la permission de MM. Agnewelfils.) 226 LA PEINTURE DEPUIS LA PÉ RI OD E P RÉRAP H AÉLITE dessus tout, de la Veillée de Sainte-Agnès, que possède Mme Pnnsep, où la poésie de la conception s'unit à une exécution serrée. Vers 1870, les idées de Millais se transformèrent. Il travailla avec plus d'ampleur, dans un meilleur sentiment de la décoration. De belles toiles comme Stella, Vanessa et Fig. 42H.. — Lorenzo et Isabella, Souvenir de Velasquez (fig. . par Mi LLAIS . la Galerie de 430) à l'Académie royale, la (A Liverpool.) Femme du Joueur et l'Enfance de Raleigh à la Galerie Tate, sont de cette époque. Ce fut aussi vers 1870 que Millais commença à faire régulièrement des portraits. Ceux qui appelèrent sur lui la plus grande attention sont les Saurs (portraits de ses trois filles). Miss Nina Lehmann, les Cœurs sont atouts (Mistress J. H. Seeker et ses deux sœurs jouant au whist) (fig. 431) et Mrs. BischofFsheim. Vinrent ensuite : Mrs. F. FI. Myers ; le Comte de Shaftesbury, que possède la Société biblique de l'An- gleterre et de l'étranger ; Mrs. Jopling ; les trois Glad- stone (un à la Galerie natio- nale, un autre à Oxford, à Christ Church, et le troisième chez le Comte de Rosebery ; Mrs. Perugini ; John Bright ; le Cardinal Newman ; Lord Tennyson ; Sir Gilbert Greenall; Lord Beaconsfield ; J. C. Hoolç, de l'Académie royale (fig. 432) ; Dorothy Thorpe ; Lady Peggy Primrose et Simon Fraser. Emile Zola a dit de l'art qu'il est la nature vue à tra- rig. 429. — Yeoman de la garde, , , Sil par Millais ^^rs un temperament. . (A la Galerie Tate.) fallait s'en rapporter à cette 227 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE définition, Millais, en' tant que paysagiste, ne serait pour ainsi dire qu'un photographe. Cela est vrai de son tableau bien connu le Frisson d'Octobre. Millais n'osa prendre aucune liberté avec les . modèles qu'il eut sous les yeux. Il les connut trop tard. En s'y prenant vingt ans plus tôt, . cet artiste nous aurait laissédes paysages d'une interprétation moins étroite, qui sans 'jdoute pourraient figurer à côté de la Veillée de sainte yignès et des portraits de Gladstone, de Tennyson et de Fig. 480. — Souvenir de Velasquez, Hook. par Millais. (A l'Académie Il Royale.) est difficile d'assigner à Millais la place qui lui convient dans 1 histoire de la peinture anglaise. Actuellement, on le juge surtout d après ses fautes, et sa renommée est moins grande que de son vivant. Mais le temps viendra, pour lui comme pour d autres, où une justice meilleure lui sera rendue, où l'on ne verra plus en lui que le peintre des belles œuvres rappelées plus haut. Le danger qui pourrait menacer sa réputation est un certain manque d'individualité. L'artiste à qui l'on doit à la fois le Christ dans la Maison de ses parents et les Bulles de savon paraîtra peut-être trop vague, com- me personnalité artistique, pour mériter un autel dans le temple de l'art. La puis- sanee de ses meilleures com- positions risque de ne point suffire pour le faire placer au premier rang. Mais on pardonne tout aux coloristes, et Millais, sous le rapport de la couleur, produit des cœurs sont a œu- atouts, j, • j ' • 1 1 1 ' Millais. vrcs ci une indcniá-DÍC D6â.utc. (Chci^MistrcssJ. H.Secker.) 228 LA PEINTURE DEPUIS LA PÉRIODE PRÉRAPHAÉLITF — — Pour trouver une application logique des principes préraphaé- lites, il faut s'adresser aux ta- bleaux de deux peintres qui n'eu- rent cependant rien de commun avec la Confrérie. L'un est J.-F. Lewis, de l'Académie royale ( 1805- 1876) ; l'autre est John Brett (1832- 1902). Lewis a été considéré par Ruskin comme l'un des chefs du préraphaélisme, et ce même criti- que, parlant d une toile de Brett envoyée à une exposition de 1 Aca- démie, ne craignait pas d'en dire qu'elle était la plus parfaite, après celles de Lewis, des peintures exposées, et qu'à certains égards elle l'emportait sur tout ce que les Préraphaélites avaient pu faire jusqu'à ce jour ". Lewis et Brett leur art sont bien représentés à la Galerie Tate; mais j'estime que est sans intérêt sérieux. Des historiens d'art voudraient nous persuader que la peinture anglaise moderne doit toute sa poésie, tout son amour de la beauté, aux Préraphaélites. Il est prudent de ne pas les suivre ; cependant, il faut bien reconnaître que le préraphaé- lisme a eu sur l'art anglais une influence qui se fait encore sentir. Jusqu'à quel point cette influence lui est-elle due en propre, ou doit-elle remonter aux vén- tables Préraphaélites que furent les Ita- liens du XV" siècle ? On ne saurait le dire sans entrer dans des développements beaucoup trop longs pour un manuel. Il peut suffire de constater que l'étude de ces maîtres a été le résultat du mou- vement de 1848. L'importance artistique de Brown demeure, par suite, considé- rabie. Le retour aux Primitifs, l'abandon presque complet des Italiens du xvii" siè- _ Auratum, par j. f. i .Ewis. cle lui sont dus. 229 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Après le préraphaélisme, aucun grand mouvement ne s'est produit qui intéresse spécialement l'art britanni- que. On ne peut que noter la tendance des Anglais à mettre leurs idées en har- monie avec celles des Conti- nentaux, c'est-à-dire, en ma- tiére de peinture, à se rap- procher des œuvres des ar- tistes de la France et de la Hollande. De cette com- Fig. 434. - La mère du peintre, munauté de Whistler. vues par résulte, .. (A Paris, au Musée du Luxembourg.) naturellement. Une grande similitude d'exécution. Il n'y a pas lieu, par suite, d'insister sur les nuances qui séparent l'école néo-écossaise de celle de Newlyn, et les éléves de ces deux écoles de ces peintres, plus franchement gallophiles, si forte- ment encouragés par le talent de deux Américains, les peintres Whistler et Sargent (fig. 434, 435 et 436). L'école écossaise, si florissante vers 1860, fut, en grande partie, créée par Robert Scott Lauder, dont l'en- seignement exerça une très grande influence sur les peintres qui commencèrent leur car- riére vers le milieu du dernier siècle. Deux de ses meilleurs éléves furent John Pettie et Sir William Quiller Orchardson. Le premier mourut relativement jeune, mais le second a su conquérir peu à peu, malgré l'extrême individualité de son style, un rang des plus honorables parmi les peintres eu- ropéens. Orchardson a fait des portraits, dont celui de Sir Walter Gilbey, baronet, est peut-être le plus beau, et des tableaux historiques, au premier rang desquels on doit citer : Voltaire, a la Galerie des Fig. Arts, 435. — Miss ¿ sur le Alexander, Hambourg ; Napoléon Bellérophon, - i i * t* parWhistuer a la Galerie Fate. . (Che^ M. Alexander.) La nouvelle école écossaise a été fondée à 23O LA PEINTURE DEPUIS LA PERIODE PRER/lPHAELJTi: Glasgow. Durant ces trente dernières années, les collections publiques de cette ville se sont enrichies de bons tableaux de romantiques français. 11 n'est guère possible de savoir si ces toiles, et d'autres de valeur, sont ou non la cause de l'inté- rêt que Glasgow porte à la peinture, et dans quelle mesure elles ont contribué au développement de cet art. On peut seulement constater qu'un nombre tou- jours croissant de peintres nés à Glasgow ont fixé l'attention par de bonnes toiles. Celui qui, le premier, fit preuve d'un sen- timent nouveau et personnel pour la na- ture fut J ohn Milne Donald (1819-1866). C'est lui qui a formé le talent de Colin Hunter, dont les meilleures œuvres : le Marché aux harengs au bord de la mer (à la Galerie de Manchester) et les Pê- cheurs de homards, par exemple, témoi- gnent de beaucoup de fidélité à la nature — et d'un don brillant de sélection La duchesse artistique. Fig. 436. de Portland, Toutefois, les œuvres qui exercèrent l in- par J. S. Sargent. fluence la plus forte sur l'école de Glas- gow furent celles de Whistler et d'un impressionniste local de grand talent, M. William Mac Taggart. Les meilleurs peintres formés à cette école sont Sir James Guthrie, John Lavery (fig. 439), George Hen- ry, Edward Hornell, Alexander Roche, James Paterson, E. A. Walton, T. Austen Brown, Jo- seph Crawhall, Harring- ton Mann et D. Y. Ca- meron. L'école de Newlyn n'est pas une institution Fig. — Sa première celle de 487. danse, locale comme par Orchardson. Glasgow. Elle fut for- (\vec la permission de MM. Ùowdeswtll.) GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE mée, à l'origme, par un cer- tain nombre de jeunes artis- tes, qui pensèrent qu'il serait à la fois agréable et sage de se retirer, pour y déve- lopper leurs idées, dans la tranquillité du littoral des Cornouailles. Le chef de cet exode, si l'on peut employer ce mot, fut Fig. Stanhope Forbes, 488. — Monsieur Bébé, dJon^t 1 £ m- ^ la temme OrCHARDSON. Liisab1 ethi par t7 1 r orbes est une des rares personnes de son sexe qui soient capables non seulement de con- cevoir une œuvre d'art parfaitement organique, mais aussi de l'exécuter. Les tableaux de prédilection du groupe de Newlyn sont des scènes de la vie do- mestique, toujours largement traitées, avec le respect absolu de la lumière. Avec Stanhope Forbes, ce groupe comprend Frank Bramley, Norman Gars- tin, John da Costa et quelques autres. En dehors de ces mouve- ments plus ou moins organisés, la peinture britannique accuse, comme les autres, des sympa- thies et des tendances. Dans l'état actuel de l'opinion anglaise, le groupe le plus apprécié est celui des peintres qui s'inspirent très exactement de la nature, suivant les principes de Courbet et de Constable, bien que beau- coup d'entre eux soient plus dis- posés à critiquer qu'à louer — ces 489. Le printe..ips, deux grands artistes. La plupart Lavery . . ^ (A Pans, an . Miisee du 1 Luxembourg.) sont des paysagistes, et comme la nature, dont ils se rapprochent autant qu'ils le peuvent, offre mille nuances, il y a, dans leurs œuvres, assez de variété pour qu'on 232 — — LA PEINTURE DEPUIS LA PÉRIODE PRÉRAPHAÉLITE puisse trouver hasardeux de les classer dans un même groupe. Un des meilleurs est James Clark Hook, peintre de . marines. Il naquit à Londres, en 1819, reçut dans sa jeunesse les conseils de Constable et obtint la médaille d'or de l'Aca- demie royale. Pendant un certain nombre d'an- nées. Hook fit des peintures de costumes ; mais, vers 1854, il trouva sa véritable voie et commença la série de sujets maritimes qui l'ont rendu célèbre. Hook est mort en 1907. Ses œuvres sont toutes si curieusement égales sous le rapport du style, du mérite et de l'impor- tance, qu'il est difficile de faire un choix. Son Luff Boy (1859) et ses quatre tableaux de la Fig. 440. — An Early Galerie Tate le représentent bien. Victorian, Deux autres paysagistes, Henry Moore par W. Lògsdail. (1831-1895) et Napier Henry, sont encore plus réalistes que ne l'a été Hook. Moore, en particulier, eut un style à lui pour représenter la mer, et jamais aucun peintre ne l'a égalé pour la vivacité, la couleur et le mouvement. Les mers peintes par Moore sont bleues ; l'éclai- rage leur vient par devant, et l'illusion est presque com- plète. Parmi les meilleures œuvres de Moore, on peut citer : le Paquebot de New- haven ; le Beau Temps après la pluie, qui obtint le grand prix à l'Exposition de Pans en 1889; Journée parfaite et Une Fin. 44 i._Warfdale, par Cecil Lawson. pourune croisière, mer en juin. M. Napier Henry a plus de variété, mais moins de fraîcheur que Moore. Deux de ses tableaux : les Pilchards (sardines communes) et la Rivière de Londres le représentent suffisamment bien à la Galerie Tate. L'Irlandais Edwm Hayes a beaucoup travaillé dans le même style. M. W. L. Wyllie peint également la vie sur l'eau avec un senti- ment très vif de ses qualités scéniques. On peut s'en rendre compte à la Galerie Tate, où sp trouvent deux de ses tableaux : Peine, 233 - armstrong. — gr-nde bretagne et irlande. 1ü GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE éclat, malpropreté et richesse à marée montante et la Ba~ taille du Nil. M. Thomas Somerscales voit la nature avec plus de largeur et de simplicité. Son tableau Au large de Valparaiso, à la Ga- lene Tate, est remar- quablement vrai et nous donne bien l'im- F4g. 442. — Retour d'une promenade a cheval , pression du mouve- par Charles Furse . ment et de la lumière (A la Galerie Taie.) Parmi les peintres paysagistes, dans le sens littéral du mot, se classent des indépendants dont le plus remarquable fut Cecil Gordon Lawson (1851-1882). Sa santé délicate est probablement la seule cause qui l'a empêché de devenir le plus grand paysagiste anglais depuis Turner. Ses meilleures œuvres réunissent à une sm- cérité d'observation remarqua- ble une imagination poétique et une grandeur de style peu com- muñes. Lawson n'a pas assez vécu pour produire beaucoup. On peut citer, parmi ses meil- leures toiles, le Jardin du Pasteur à la Galerie de Man- cbester, la Lune d'Août à la Galerie Tate, les Houhlonnie- res d'Angleterre, le Nuage et Barden Moor. Les influences que cet artiste paraît avoir subies sont celles de Watts et de Ruysdael. On croit les retrouver, jointes à celles de —• Corot, chez Fig. 443. Diane des un autre peintre, plateaux, par Charles Fiírse. M. Alfred East, qui cepen- (A la Galerie Taie.) 34 ^ LA PEINTURE DEPUIS LA PÉRIODE PRÉRAPHAÉLITE — dant a une tendance plus grande vers la décoration. L'influence de Constable sur le talent de M. Mark Fisher fait moins de doute. Les meillleurs tableaux de M. Fisher, Baignade d'enfants (à la Galerie de Dublin) et Sur la riviere S tour, par exemple, sont à la fois de brillantes pa- ges de la nature et des créations pleines de vie. M. J. R. Reid travaille, de même, dans un t style qui rappelle celui de Fig. 444. — Leçon de musique, plusieurs autres peintres, sans PAR Leighton. manquer pourtant d'individualité. Dans le courant du dernier quart de siècle, la mort a fait des vides cruels dans les rangs des jeunes peintres de l'école anglaise. Avec Lawson, emporté à trente et un ans, elle a ravi G. W. Furse à trente-six ans, et Robert Brough à trente-trois. Furse (1868-190^^^ naquit à Staines; son père. Canon Furse, était apparenté à Reynolds. Il étudia d'abord à Londres, à l'école Slade, et suivit ensuite les cours de l'atelier Julian, à Paris. Ses débuts furentassez lents. Ses premières compositions, suffisantes toutefois pour attirer l'attention, ne faisaient nullement prévoir la très haute valeur de ses derniers tableaux. C. W. Furse, que la phtisie minait, nous a laissé, entre autres œuvres remarquables de Retourd'une promenade à cheval (fig. 442), la Diane des plateaux (fig. 443) et le Portrait équestre de Lord Roberts, qui sont à la Galerie Tate ; la Robe lilas (portrait de Miss Mabel Terry Lewis), et Cubbing with the York and Ainsty (portrait de fa- mille). Le talent de Robert Brough (1872-1905) était d'un genre tout différent de celui de Fur- se. 11 résidait peut-être plus qu'il n'aurait fallu dans une conception habile, une grande dextérité manuelle, une en- Fig. 445. —.Lune d'été, par Leighton . tente parfaite de 1 effet. Ce 235 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE talent évoluait et semblait sur le point d'acquérir plus de largeur et de tenue, lorsque Brough succomba dans un accident de chemin de fer. Des œuvres que ce peintre nous a laissées, Sainte Anne de Bretagne et Entre le soleil et la lune sont à la Galerie moderne de Venise ; Fantaisie en Folie est à la Galerie Tate. Puisque nous venons de parler de Venise, nous en profiterons pour citer deux peintres, M. Henry Woods et M.- William Logsdail, qui Fig. 446. — Le livre ouvert, ont pour cette ville une par Albert Moore. prédilection marquée. L'un et l'autre y ont tra- vaillé, et l'on peut même dire que M. Woods a consacré toute sa carrière à peindre des scènes de la vie vénitienne. Il a par- fois, dans ce genre, trouvé un compagnon en la personne de son beau-frère, M. Lukes Fildes, dont la réputation cependant est surtout faite de ses tableaux de la vie moderne anglaise, comme la Noce villageoise, par exemple. Il y a des peintres qui se figurent qu'être bon archéologue est aussi être bon artiste. L Angleterre en compte un certain nombre, qui croient travailler suivant des traditions classiques et produisent des œuvres où ils voient des reconstitutions plausibles de la vie antique. Lord Leighton (fig. 444 et 445) a été le chef d'une école qui s est attachée particulièrement au côté décoratif de ces recon- stitutions ; Sir Laurence Aima Tadema est à la téte d'une autre qui donne plus d'ani- mation à ses sujets en les tirant de l'his- toire. Sir Edw^ard Poynter, Val Prin- sep, C. E. Perugmi et Alberî Moore font ou firent partie de ce groupe. Avec Moore, toutefois, le classique est tel, qu il r ig. 447. — Le Jeudi Saint, par -Linton. 236 LA PEINTURE DEPUIS LA PÉRIODE PRÉRAPHAÉLITE -— peut nous sembler que les Grecs ont dû peindre de la sorte. Ses meilleures toiles sont le Quatuor, Solstice d'été. Une nuit d'été et le Livre ouvert (fig. 446). Une autre catégorie de peintres, la Saint John's Wood School, dont les tableaux trouvent beaucoup de faveur, s'est consacrée à des sujets de costumes. P. H. Calderón, H. S. Marks, John Pettie, W. F. Yeames et d'autres, qui, de nos jours, continuent, avec autant de succès, leur tradition, en sont les principaux membres. M. J. Seymour Lucas, parmi ces derniers, nous prouve qu'il est artiste quoique archéologue, et M. A. G. Gow peint des soldats qui peuvent rivaliser avec ceux de Meissonier. Nous aurions à citer un grand nombre d'autres peintres, si nous voulions écrire un ouvrage complet sur l'art anglais. Mais, dans un manuel comme celui-ci, il nous suffira d'en nommer encore quelques-uns. Frank Holl(l845-1888) eut deux carrières. Il débuta dans le genre d'Israels, mais avec des teintes plus sombres, et se complut à représenter le désespoir le plus noir ; on ne saurait dire si c'était le désespoir ou le noir qu'il affectionnait le plus. Plus tard, en 1878, il envoya à l'Académie royale un portrait du graveur Cousins (fig. 448) qui fit sensation et lui valut un nombre considérable de commandes. Pas de nouvelles de la mer ; le Seigneur l a donné, le Seigneur l'a repris ; Calmé, etc., sont de bonnes toiles de sa première manière. Au nom- bre de ses portraits, on peut citer surtout ceux du Duc de Cleveland, du Comte Spencer (fig. 449), de Lord Overstone, de Sir Henry Rawlinson, de Lord Uolseley et de John Bright. Frank Hoil n'est pas toujours parvenu à saisir la ressemblance ; mais ses portraits ont de la décision et de la force : on peut les comparer à ceux de Léon Bonnat. John Macallan Swan, né en 1847, est d'origine écossaise. pio. 448. — S. Cousins, Son éducation artistique s'est par Frank Holl. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE faite à Worcester, à Londres et à Pans. Swan, comme peintre et comme sculpteur, est un ani- malier de premier ordre, qui sait non moins bien représenter la figure humaine. Ses dessins peuvent également compter parmi les meilleurs des temps modernes. La Galerie Tate possède de cet artiste un excellent tableau : le Fils pro- digue. Briton Rivière, né en 1840, est un autre peintre animalier ; mais ce qui le préoccupe le plus n'est pas, comme chez Swan, l'ana- Fig. 449- — Le Comte Spencer. tomie des animaux par Frank Holl. qu'il repré- sente. M. Rivière s'attache surtout au côté dramatique de leurs actions et au pittoresque de leurs formes. Une de ses bonnes toiles, à la Galerie Tate, est le Trou- peau de porcs qui se précipite dans la mer du haut d'une falaise. La qualité la plus remarquable de Sir Hubert von Herkomer — d'aucuns diraient son plus grand défaut — est d'être universel. Sir Hubert von Herkomer est, à la fois, peintre, graveur, émailleur, musicien, acteur, architecte et bien autre chose. Cette universalité l'a empêché, naturellement, de se perfectionner, comme il aurait pu le faire, dans l'une ou l'autre des branches artistiques où se disperse son talent. L'universalité ne suffit pas pour faire un Léonard. Parmi les meilleures toiles de Sir Hubert von Herkomer, on peut citer deux portraits de femmes, l'une en blanc, l'autre en noir, et des tableaux comme la Dernière assemblée, le Conseil muni- cipal de Landsherg, Bavière, et le Conseil de VAcadémie royale. Cette dernière toile est de 1906. J. W. Waterhouse est de ceux que l'on pourrait compter parmi les archéologues ; mais son archéologie est tellement moderne qu'il est préférable de le classer parmi les peintres décoratifs. Ses meilleures œuvres, entre autres Hylas et les Nymphes et Sainte Cécile, pourraient faire d'excellents modèles de tapisserie. Ses œuvres antérieures, comme Mariamne, Sainte Eulalie et le Cercle magique, ne sont pas aussi attrayantes. James Charles ( 1851 -1896) et MM. Bacon, Campbell Tayler, 238 ^ PEINTURE DEPUIS LA PÉRIODE PRÉRAPHAÉLITE — LA Charles Sims, Cadogan Cowper, Greiffenhagen, Mouat Loudan, E. J. Gregory (fig. 450) et La Thangue sont aussi des pein- tres dont les œuvres ont de l'individualité. Sims, en particu- lier, a attiré l'attention sur lui, durant ces dernières années, par des compositions où il a mis les ressources d'une extraordinaire habileté technique au service d'une imagination étrange et troublante. Tout d'abord, Sims s'est contenté de rendre plus fidèlement que beaucoup d'au- tres l'impression directe de la lumiere du soleil mais il est , Fig. 460. — Piccadilly, devenu plus ambitieux, et la par E. J. Gregory. série des poèmes peints qu'il a fait parvenir à l'Académie, même temps qu'elle excite une eu- en Un de ces riosité fort vive, est pleine de promesses pour 1 avenir. poèmes peints, la Fontaine, fait déjà partie des collections nationales. on ne Parmi les mouvements les plus récents de l'art anglais, peut omettre de mentionner la fondation, il y a une vingtaine d'années, d'une société dite le New English Art Club. Ses premiers se membres, qui sont tous parvenus à une certaine notoriété, nommaient W. J. Laidlay, T. G. Gotch, T. Stirling Lee, Frederic Brovv^n, S. J. Solomon, T. B. Kennington, J. Havard Thomas, P. W. Steer, etc. Leur trait d'union était d'avoir étudié à Pans. Actuellement, ce club compte des hommes de grand talent et, dans les le nombre, William Orpen est celui, peut-être, qui autorise encore plus belles espérances. La première œuvre de cet artiste, tout jeune, rappelle les peintures de quelques-uns des plus grands noms de l'art. Un autre membre, M. Augustus John, a aussi donné des preuves d'une habileté d'exécution de premier ordre. On peut remarquer que nous n'avons rien dit des impressionnistes, admettent en tant qu'école séparée. Les peintres de cette catégorie qu'un tableau doit produire sur l'œil le même effet que la nature, de la sous la seule réserve d'une sélection motivée par le sentiment une beauté. Le orincipe sur lequel iL se fondent est, en réalité, 2b9 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE forme mieux comprise de celui que défendait la Confrérie prera- phaélite et qui était de substituer aux choses telles qu'elles sont les choses telles qu'on les voit. L'inventeur et le propagateur en Angle- terre de l'Impressionnisme fut James Abbott Mac Neill Whistler (1834-1903). D'origine anglo-celtique, Whistler était Américain par sa nationalité et Français par son éducation première- Son exemple a si puissamment affecté la théorie et la pratique de l'art moderne, que ce serait une erreur de vouloir grouper ensemble les artistes qui l'ont imité (fig. 434 et 435). BIBLIOGRAPHIE DES CHAPITRES XIII à XVI. - Sir Walter Armstrong, Scottish Painters, 1888 ; Thomas Gainsborough, 1899; Sir Joshua Reynolds, 190! ; Turner, 1902.— G. Baldwin-Brown, The Glasgow School of Painters, 1908. — H. Bouchot, La Femme an- glaise, 1903. — M.Bryan, Dictionary of Painters and Engracers, 1898. — Lady Burne-Jones, Life of Sir Edward Burne-Jones, baronet, 1906.— E. Chesneau, La Théodore peinture anglaise, s. d. — Duret, Whistler, 1904. — Dictionary ofNational èt Bibliography. — Austin Dobson SirW. Armstrong, William Hogarth, 1902. — W. Holman Hunt, The Brotherhood (Contemporary Pre-Raphaelite Review), 1886. — C. R. Leslie et Tom Taylor, Letters Constable, 1876. of John — D. C. Mac Coll et Sir T. D. G. Carmichael, Nineteenth 1902. J. Century Art, Meier-Graefe, Entwinkclunsgsgeschichte der Modernen Kunst, 1904 (traduction anglaise par Miss F. Simmonds). — Mistress Meynell, The Wor^s of John 1903. J. Singer — G. Millais, Sargent, Life of Sir John Eueretl Millais, baronet. — Cosmo British Monkhouse, Contemporary Artists, \^99. — R. Muther, History of Modern Painting, 1899. — Claude Philipps, John Opie (Gazette des Beaux-Arts), 1892. — G. et R. Redgrave, Dictio- nary of Painters and Engravers, 1866. — R. de la Sizeranne, Whistler, Ruskin et sionisme (Revue de l'Art), ITmpres- 1893 ; Histoire de la peinture anglaise Lord R.Sutherland contemporaine, 1895. — Gower, Sir Thomas Lawrence, 1900. — Horace Walpole, Comte d'Or- ford. Anecdotes of Painting, édition Dallaway et Wornum. — T. H. Ward et W. Romney, 1904.— Roberts, T. R. Way et J. R. Dennis, The Art 'of James Mac Neill Whistler, 1903. George Vertue, Collections in the Print Room of the British Museum, — ms. C. Wherry, Turner, 1903. Fig. 461. — Enfant, Fig. 452. — Enfant, pau un i.mitateur inconnu par un imitateur inconnu DE Holbein. de Holbein. (Colleciion de M. G. Sailing.) (Colleciion de M. G. Sailing.) CHAPITRE XVII PORTRAITS EN MINIATURE Angleterre, les traditions des miniaturistes étaient allées Ensans cesse en s'afiaibhssant durant le siècle qui s écoula entre la disparition de la supériorité britannique dans l'art d'enlu- miner les manuscrits et l'arrivée de Holbem à la cour de Henry VllI. C'est à peine si elles avaient gardé suffisamment de vitalité pour inspirer le maître d'Augsbourg. Mais ce grand artiste ne tarda pas à faire comprendre aux enlumineurs anglais tout le parti qu ils pou- valent tirer de leur art (fig. 451 et 452). C'est de son exemple que datent les portraits en miniature, dont la vogue a persisté jusqu'à l'invention de la photographie (fig. 453). Le premier de ses imita- teurs fut Nicholas Hilliard (fig. 454 à 457). On a de lui cette phrase souvent citée : J'ai toujours imité la manière de peindre de Holbem, ' et je la considère comme la meilleure. Cependant il ne faudrait pas en conclure que les miniatures de Hilliard sont tellement sem- blables à celles de son modèle qu'on puisse les confondre, comme on le fait pour les peintures de Holbem et celles d autres artistes qui vécurent de son temps. Hilliard avait un sentiment de 1 élégance que le maître d'Augsbourg ne possédait pas au même degré. Ses personnages sont plus gracieux, avec des contours plus doux. Par 241 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE contre, il est moins bon coloriste, et son dessin ne possède ni la vigueur, m la sûreté de celui de Holbein. Hilliard eut deux suc- cesseurs, dont le talent l'emporta sur le sien : Isaac Oliver ou Olivier, et Peter, son fils. Bien qu'il fût né en Angleterre, à une date inconnue, Isaac Oliver était probablement d'origine fran- çaise. Il mourut en 1617, à Black- friars, oû Van Dyck eut plus Fig. 453. — Anne de Clèves, tard ses ateliers. La méthode d O" par Holbein. (Collection Salting.J liver rappela d'abord de très près celle de Hilliard; elle se simplifia par la suite (fig. 458 à 466). Peter Oliver travailla d'emblée dans le style que son père adopta plus tard. Il se peut que l'exemple de Van Dyck y ait contribué. Cet artiste peignit aussi des portraits à l'huile. Des toiles que l'on attribue à Van Dyck, mais qui ne répondent pas exacte- ment au style de ce maître ou à celui de ses élèves connus, sont probablement de Peter Oliver. Il mourut en 1647. De bons Fig. 454. — N. Hilliard, par lui-même. spéci - (Collection Salting.J mens des miniatures des deux Oliver appartiennent au Roi EdouardVII, à Lord Derby, Lord Exeter, M. Burdett Coutts, M. Wingfield Digby, le Duc de Buccleuch et d'autres collectionneurs. Le Mu- sée Victoria and Albert possède, dans la collection Jones, une ad- mirable miniature en pied de Sackville, Comte de Dorset, par Fig. 455. — N. Hilliard père, Isaac. par Hilliard fils. (Collection Salting.J D'autres miniaturistes travail- 242 PORTRAITS EN MINIATURE lèrent aussi suivant la tradition de Holbein. Les deux plus ha- biles furent Penelope Cleyn, fille d'un dessinateur de la manufac- ture de tapisseries de Mortlake, et John Hoskins (mort en 1664). Ce dernier (fig. 469) L été surpassé, dans son art, que par ses propres neveux et élèves : Alexandre et Samuel Cooper. Le second, surtout, est non seule- ment le meilleur des miniaturistes que l'Angleterre ait possédés, mais aussi l'un de ceux qui con- tribuent le plus à sa gloire artis- Fig. 456. — Arabella Stuart, tique. Samuel Cooper (1609- par N. iillliard. 1672) étudia pendant un certain fC/it'i Mrs. Joseph.) temps dans des ateliers de France et de Hollande. Il est bien probable qu'il fut le créateur du style que l'on attribue exclusivement à Van Dyck. Certaines de ses miniatures, faites avant l'arrivée de Van Dyck en Angleterre, ont, en effet, l'air de distinction consciente que le grand artiste flamand sut donner plus tard à ses œuvres. Parmi les plus belles composi- tions de S. Cooper,on peut citer les minia- tures de Cromwell à Chatsworth (fig. 468), de Monk à Windsor, et un as- sez grand nombre d'autres qui font partie de la riche collection du Duc de Buccleuch. Les miniatures de Sa- muel Cooper sont Fig. 457.— Double médaillon, par Hilliard. (Collection Salting.) peut-être plus ex- GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE pressives que les portraits peints par Van Dyck. Chacune d'elles remplit à la perfection la surface étroite qui lui est assignée. Le dessin, le modelé, la couleur en sont irréprochables. Nul effort pour produire plus d'effet que le sujet n'en comporte, nulle tentative pour se rapprocher de la grande pein- ture. Toute l'attention de l'aYtiste a porté sur. les têtes. Il n'est pas ua coup de pinceau qui ne contri- bue Fig. 458. — Lady IIunsdoa', par I. Oliver.- (Chesi Mrs. Joseph.) ten- sité de l'expression. Une bonne miniature de S. Cooper est un triomphe de sé- lection, de précision, d'inspiration et d'harmonie. Encore que beaucoup aient disparu pour diverses causes, les œuvres de cet artiste ne sont pas rares. Le Roi Edouard VII, le Duc de Sutherland, le Duc de Devonshire, le Duc de Portland, le Comte Spencer, Fig. 459. — Sir: Philip Sidney, Mrs. Jo- par I. Oliver. seph et (Au ciidteau de Windsor d'autres collectionneurs en ont de fort belles. Avec Cooper, la première période de la peinture anglaise de portraits en mi- matures parvint à son apogée. Elle con- nut encore quelques beaux jours, grâce au talent de Thomas Flatman (fig. 467, 470 Fig. 460. — Inconnu, et 471), Laurence Crosse et Nathaniel par I. Oliver. Dixon ensuite elle [Au Musée Victoria and ; tomba, pour un Albert.J certain temps, entre les mains d'artistes PORTRAITS EN MINI ATURE Fig. 4Ô1. — Jacques le-, Fig. 462. — Anne de par I. Oliver. Danemark, par I. Oliver. Fig. 463. — — Henry, prince Fig. 464. Prince de Galles, par I. Oliver. Charles, par I. Oliver. Fig. 4Ó5. — Henry, prince | Fig. 466. — Lady inconnue, de G.alles, par I. Oliver. | parI. Oliver. (Colleclion Salting.) CRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE étrangers peu cloués, qui satisfirent leur clientèle par des grâces fac- tices, auxquelles on a eu recours, depuis lors, beaucoup trop sou- vent. Une seconde période brillante commença vers l'époque où fut fondée l'Académie royale (1769). Des miniaturistes de cette généra- tion, le meilleur est John Smart, qui exposa ses œuvres, à Londres, de 1762 à 1813 (fig. 472). Au point de vue technique, et sous le Fig. 467. — Inconnue, rapport de l'exactitude, les Flatjian. por- par CChez Mrs. Joseph.) traits de Smart sont sans rivaux. Leur modelé égale celui des œuvres de Holbem, mais leur coloration est quelquefois peu harmonieuse et, pour cette cause, ne plaît pas toujours. Cosway, qui fut un ami de Smart, avait un talent tout différent du sien. Smart poussait jusqu'au scrupule l'amour du détail et du fini ; Cosway travaillait plus largement et n'arrivait à l'effet que par le sentiment qu'il possédait de la beauté (fig. 476 à 478). Parmi les artistes de moindre talent, la plupart plus jeunes qu'eux, on peut citer : Andrew (1763-1837) et Nathaniel Plimer 0757- Fig. 468. — Richard Cromwell, Fig. 469. — Inconnue, par par S. Cooper. J. Hoskîns. (Chez Mrs. Joseph.) (Chez Mrs. Joseph.) PORTRAITS EN MINIATURE 1822) (fig. 474) ; Ozias Humphrey (1742-1810) (fig. 473); James Nixon (1741-1812) ; George Engleheart (1 752- 1829); Samuel Shelley (1 750?-1808) ; Richard Crosse (1740?-1810) et Horace Hone ( 1756-1825). D'autres, qui les valent encore moins, sont : Na- thaniel Hone (1718-1784) ; Henry Edridge (1769-1821); Samuel Cotes (1734-1818); William Wood (1768- 1809) ; Thomas Hazlehurst (1760- 1818); Richard Collins (1755-1831); Fig. 470. - Inconnu, ' \WY/i'lilr C Flatman. iam L»ri- (Collection Saltmg.J maldi (1751- 1830) ; Samuel Finney (1721-1807); John Bogie (1769-1792) (fig. 475 et 480) ; Andrew Robertson (1777- 1845) (fig. 479) ; etc. Avec le XIX" siècle, le caractère gènè- ral des portraits en miniature évolua fâcheusement. Ils tendirent davantage vers la peinture à l'huile et perdirent de l'unité avait Fig. qui 471. — Inconnu, fait leur par Flatman. (Collection Salting.J charme. Andrew Robertson, en particulier, ne manquait pas de talent ; mais ses miniatures se rapprochent beaucoup trop des portraits de grandeur naturelle (fig. 479). 11 en fut de même pour les oeuvres de Mrs. Mee (1770?-1851), Newton (1785-1839), Ross (1794-1876), Chalón (1781-1860) et Thorburn (1818-1885), qui travaillèrent après Robertson, jusqu'à l'appari- Fig. tion de la photographie. 472. — Inconnue, par J. S.mart. La splendeur de l'école anglaise (Che^ Mrs. .Joseph.) ■ 247 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE - de portraits en miniature repose sur un sentiment de la forme, sur une puissance de concentration, sur un talent de synthétiser sans tomber dans le vide, que l'on ne retrouve pas au même degré dans toutes les autres branches de l'art britannique. Aucun miniaturiste du Continent n'a égalé, dans certaines de leurs qualités, Samuel Cooper, Flatman, Hoskins, Lau- rence Crosse, John Smart, ou Cosway, et même certains artis- tes de second ordre, qui surent Fig. 473. — Warren Hastings, placer, sur quelques pouces carrés par O. Humphrey. d ivoire ou de carton, juste ce qui convenait, tout en nous donnant la preuve d'un talent et d'une technique qui leur auraient permis des travaux d'une importance bien plus grande. Des miniaturistes anglais travaillèrent sur émail. Il est bien certain, comme nous l'avons dit, que l'Angleterre eut des émailleurs pendant la période gothique. On a des règlements, émanant de sou- verains, qui le prou- vent. Fig. 474. — Inconnue, D 'ail- par N. Pli.iier. leurs, un pays qui sut porter à la perfection l'art des vitraux ne pouvait man- quer de pratiquer l'émaillure. Ce- pendant la mode des miniatures sur émail fut introduite par Jean Petitot l'aîné (1609-1691) et son ami Pierre Bordier, deux étrangers, originaires de Genève. Après avoir Fig. 475. — Inconnu, par Bogle. étudié pendant un certain temps 248 — PORTRAITS EN MINIATURE Fig. 47Ó. — Inconnu, Fig. 477. — Due de Wellington, par Coswav. par CoSWAY. {Chez Mrs. Joseph.J {Chez M¡-s. Joseph.J en Italie, l'un et l'autre vinrent en Angleterre, où ils furent accueillis par leur compatriote Sir Théodore de May.erne, médecin de Charles P'. Mayerne, qui les présenta au Roi, avait longtemps étudié les émaux. La connaissance qu'il possédait de cet art seconda l'expérience technique des deux amis, pour le plus grand profit de leurs travaux. Petitot était logé à Whitehall. 11 fit le portrait du roi et de plusieurs membres de la famille royale et Fig. 478. — Lady Anne Fane, Fig. 479. — Inconnue, par CoSWAY. par {Chez Mrs. Joseph.J Andrew Robertson. , ; 249 ar.mstkong. grande bretagne et ireande . 17 ■-BRETAGNE ET IRLANDE copia des tableaux de Van Dyck, jus- qu'au moment où le triomphe du Parle- ment et la mort de Charles vinrent troubler sa carrière. Ayant émigré, il fut protégé par, Charles II, qui le fit connaître à Louis XIV. Petitot, son fils Jean (après 1650?- 1695) et son ami Bordier travaillèrent alors pour la cour de France et firent de nombreux émaux destinés au roi. Jean Petitot l'aîné mourut à Genève, Fig. 480. — Inconnu, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. par Bogle. Son fils retourna en Angleterre, où il étudia, pendant un certain temps, sous la direction de Samuel Cooper. Il se trouvait encore à Londres en 1695. Les émaux de Bordier sont relativement rares. Le plus célèbre est le Joyau de Fairfax, offert par le Parlement à Sir Thomas Fairfax, après la bataille de Naseby ; il appartient à Lord Hastings. On en connaît bien davantage des Petitot. Leur valeur est surtout faite de la perfection de leur technique, d où résulte beaucoup d'éclat et de vivacité. On en trouve de fort beaux au Musée Victoria and Albert, dans la collection Wallace, au Musée du Louvre et chez de nom- breux particuliers. Le premier successeur des Peti- tot, en Angleterre, fut un Franco- Suédois, Charles Boit, qui avait commencé par être professeur de dessin. Sa carrière fut mouve- mentée et ses oeuvres sont peu communes. Les meilleures se trou- vent chez M. Jeffrey Witehead, Lord Spencer, le Capitaine Hol- ford et dans les collections vien- noises. Boit eut pour élève un Saxon, Christian Friedrich Zincke, qui Fig. 481. — Portrait sur é.mail nous a laissé beaucoup de por- de H. Bone, par lui-même. 25O PORTRAITS EN MINIATURE traits. Quelques-uns, d'une interprétation large, sont remarquables par leur éclat. Il en existe d'excellents dans toutes les grandes collections de miniatures. Zincke vécut à Londres pendant soixante ans ; il y mourut en 1767. Parmi les artistes étrangers qui travaillèrent sur émail, en Angleterre, dans le courant du xviip siècle, il convient encore de nommer: George Michael Moser (1704?- "fuR 1783) et Jeremiah Moser (1375-1789), par Gervase Spencer. tous deux membres fondateurs de l'Académie royale ; Rouquet (1702?-1759) ; Groth (1650-?) ; Christian Rich ter : (1680?-! 732) ; les frères Hurter (1730-1790). Les émailleurs d'origine anglaise furent peu nombreux. Gervase Spencer (mort en 1 763), qui gagna d'abord sa vie comme domes- tique, a produit quelques bonnes miniatures sur émail et en aquarelle (fig, 482). Nathaniel Hone, dont nous avons déjà cité le nom comme miniaturiste, fit aussi des émaux ; ils ne valent pas ceux de son fils Horace (1756-1825). Henry Spicer, William Prewitt, d'autres encore sont connus par leur signature sur quelques pièces. Un nom beaucoup plus important est celui de Henry Bone (1755-1834); un meilleur sentiment de la couleur aurait sans doute permis à cet artiste de prendre rang parmi les plus célèbres émailleurs. Bone, né dans les Cornouailles, fut d'abord décorateur sur porcelaine à Plymouth. Il se spécialisa dans l'émaillure, copia de nombreux ta- bleaux et toute une série de portraits du temps d'Elisabeth. On le nomma membre de l'Académie Royale en 1811 (fig. 481). Ses fils, Henry Pierce Bone (1779-1855) et Robert Trewick Bone ( 1 790-1840), travaillèrent de son art. Leurs œuvres sont au-dessous des siennes. Avec Henry Pierce Bone se ter- mine la série des artistes qui furent sou- tenus par la renommée des Petitot. Dans ces dernières années, l'art de la peinture sur émail a repris faveur. Sir 251 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANÜE Hubert von Herkomer, M. et Mrs. Nelson Dawson et un petit nombre d'autres artistes l'ont pratiqué avec succès. Mais aucun n'a fait de portraits. Les modes actuelles, d'ailleurs, ne s'y prêtent guère. BIBLIOGRAPHIE — J. J. Foster, Miniature Painters, British and Foreign, 1903. — — J. L. Propert, A History of Miniature Art, 1887. Andrew Robertson, Letters of, with a — Treatise on the Art of Miniature, 1895. G. C. Williamson, Catalogue of Special Exhi- bition of Miniatures at the South Kensington Museum, 1865 ; Catalogue of Exhibition of Miniatures at the Royal Academy, 1879; Illustrated Catalogue of Exhibition of Minia- tures, Burlington Fine Art Club, 1889; Portrait Miniatures, 1897. , t Fig. 484. — Esquisse pour un paysage, par Gainsborough. (Collection J. P. Ueseltine Esq.) CHAPITRE XVIII aquarelles, pastels et dessins I, AQUARELLES ET PASTELS. est une des trois branches où l'Angle- L'aquare artistiques terre nellceraint pas de rivaux. Les deux autres, nous l'avons dit, sont la gravure à la manière noire et les portraits en miniature. Les peintres aquarellistes duXVllP siècle n'inventèrent rien. L'art de l'aquarelle avait ètè pratiqué, dans la même forme, par les paysa- gistes hollandais du siècle précédent. Mais ceux-ci ne s'en étaient servis que par exception et n'avaient pas eu le souci d'en dèvelop- per les qualités spéciales. Le créateur de l'aquarelle moderne est Paul Sandby (1725-1809). 11 naquit à Nottingham et fut succès- sivement cartographe militaire, dessinateur pittoresque et professeur de dessin à l'Académie militaire de Woolwich. Sandby a fait d«6 eaux-fortes, mais ses aquarelles surtout l'ont rendu célèbre, D'excel- 253 : ^ GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE lents spécimens de ses œuvres sont au British Museum et dans les collections publiques d'Edimbourg, de Dublin et de Kensington. Parmi les con- temporains de Sandby, dau- tres artistes, pour la plupart à demi oubliés, furent aussi des aquerellistes. 11 peut suffire de citer le peintre de mari- nés Charles Brooking ( 1 723- Fig. 485. — Paysage, par Girïin. 1 759) ; Dominic Serres ( 1 722- (Au Musée Victoria and Albert.) 1 793) ; le pasteur W. Gilpin (1723-1804) ; Savrey Gilpin (1723-1807), membre de l'Académie royale ; George Barret et Gainsborough (fig. 484), dont il n'est pas utile de parler plus longuement, et Alexander Cozens (mort en 1786). Cozens était le fils naturel de Pierre le Grand et d'une Anglaise qui avait accompagné le tsar à son retour en Russie. Il étudia la peinture en Italie, vint en Angleterre en 1 746 et fut bien vite estimé. On le nomma professeur de dessin du Prince de Galles et d'Eton College. Il épousa une sœur de Robert Edge Pine et en eut un fils, dont la renommée dépassa la sienne. On peut étudier les œuvres d'Alexander Cozens au Musée Victoria and Albert et au British Museum, qui en possèdent un certain nombre. Ses dessins ont une qualité d'imagination étrange et troublante, qui nous prépare aux productions plus vigoureuses, quoique dans le même style, de son fils John Robert. Celui-ci, connu sous le nom de Cozens le Jeune (1752-1799), peignit, selon une méthode presque mo- nochrome, des paysages dont Constable s'enthousiasmait. Les Alpes le tentèrent avant tout autre ; Turner nous a laissé des tableaux qui ne sont que des versions, faites à sa manière, des œuvres de Cozens. Malheureuse- ment. Cozens le jeune avait Fig. 486. — Navires hollandais, un germe de folie qui se par Thomas Hearne. développa avant la fin de sa (Au Musée Victoria and Albert.) 25A AQUARELLES, PASTELS ET DESSINS carrière. Le British Museum et le Musée de South Kensington ont de bonnes collections de ses dessins. Un grand pas en avant était déjà fait, lorsque Thomas Girtin (1773-1802), qui avait vingt ans de moins que J. R. Cozens, com- mença à se faire connaître. Gir- tin fut le premier des aquarel- i. 487. — Le Tholsel, a Dublin, listes anglais dans le sens mo- par Maltón. Il servait franchement (Au Musée Victoria and Albert.) derne. se de la couleur, en lui donnant toute la puissance dont elle est susceptible. Ce fut un artiste consommé, qui travaillait largement, sans perdre de vue les détails caractéristiques. Son influence sur Turner a été considérable : Si Girtm avait vécu, disait Turner, je serais mort de " faim. Et cette boutade était en partie fondée, car aussi longtemps que Girtm et Turner travaillèrent parallèlement, ce fut le premier de ces deux artistes qui l'emporta sur l'autre. Mais Girtin, dont la fin fut hâtée par l'inconduite, disparut à vingt neuf ans. Comme pour Cozens, fig. 488. — vérone, un assez grand nombre de ses dessins par Bonington. sont au British Museum et au musée (AuMuséeVictoria and Albert.) de South Kensington. Quelques- uns ont pour sujet des scènes de Pans, de Durham, du Pays de Galles ou d'Ecosse (fig. 485). Une Rue Saint- Denis, d'une conception magnifique, a été exposée, en 1908, chez Christie. A côté de Cozens et de Fig. — Macbeth et les Girtin, d'artistes 489. Meurtriers, une pléiade par G. Gattermole. firent des aquarelles avec plus (Au Mtisée Victoria and Albert.) 255 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE OU moins d'intelligence et d'habileté. Il suffit de nom- mer Henry Edndge (1769- 1844), qui se distingua dans plusieurs genres ; A. W. De- vis (1763-1822); John Web- ber (1752-1792) et William Alexander (1767-1816), qui travaillèrent dans des parties du monde alors peu connues ; Fig. 490. — Été calme, par F. O. Finch. Musée Thomas Hearne (Au Victoria and Albert.) (1744- 1817) (fig. 486 et 487) ; John Cleveley (1745-1786) et Robert Cleveley (mort en 1809); Nicholas Pocock (1741-1821) ; Michael Angelo Rooker (1743- 1801 ), associé de l'Académie royale ; William Marlow ( I 740-1813) ; William Pars (1742-1782); William Payne, qui exposa de 1786 à 1813 ; Edw^ard Dayes (1 763-1804), dont l'influence sur Turner ne fut pas moindre que celle de Girtin ; les trois Maltón, dont nous avons déjà parlé dans le chapitre consacré à la peinture moderne (fig. 487), etc. Mais aucun de ces artistes n'existait lorsque Turner appliqua, dans la mesure où il le pouvait, un travail Imaginatif à l'aquarelle et ouvrit la route où il progressa si victorieusement. Turner aurait pu avoir une crainte résultant de l'emploi d'un matériel trop vite périssable. Mais, il y a cent ans, cette crainte n'existait pas. Rien ne présageait alors la ruine où sont tombées tant d œuvres de cette époque, et rien ne venait encore gâter le plaisir de les peindre. Dès que les années de tâtonnement de Turner furent passées, cet artiste élargit le. domaine de l'aquarelle. Il perfectionna ses moyens et ne s'arrêta que le jour où il fut capable de pro- duire des œuvres comme Edimbourg ou la Ba- taille de Fort Rock, à la Galerie nationale, ou encore cet admirable Ra- lais du Doge, qui est â la Galerie nationale d'Ir- — lande. Fig. 491. Vallée d'Irthing, par Copley Fielding. L'étude de Turner, en (Au Musée Victoria and Albert.) 256 LA COUSEUSE (MISS VERNON) Par Romney (D'après une gravure en couleurs par T. Cheesman) m#a:;?:' AQUARELLES, PASTELS ET DESSINS tant qu'aquarelliste, peut se faire dans trois musées pu- blics : d'abord à la Galerie nationale, qui contient de nombreux dessins achevés, d'un accés facile, ^quoi qu'on en ait dit ; ensuite aux Ga- leries d'Ecosse et d'Irlande, où se trouvent deux petites — collections léguées Idenry 492- O xford, par de W int. par • (Au Musée Victoria and Albert.) 11 VauIgtian. L.elles-ci ont meme Le cet avantage, qu'elles conserveront, d'une fraîcheur parfaite. donateur, effet, a exprimé le désir que les dessins ne soient en exposés à la lumière du jour que sous certaines conditions, de nature à les prémunir contre toute dégradation possible. Au commencement du X1X« siècle, quelques peintres aquarellistes dirigeants sentirent assez forts pour fonder une Académie ou se Société d'exposition. Ceux qui, les premiers, en firent partie, furent George Barret le jeune (mort en 1842), W. Havell (1782-1857), Joshua Christall (1767-1847), J. Varley (1781-1873), et onze autres, dont les noms sont moins connus. François-Louis-Thomas Franck (1772-1839), né à Calais, mais établi à Londres, y entra de bonne heure et s'employa beaucoup pour assurer l'avenir de l'insti- tution. Son action sur le développement du talent de Richard Parkes Bonington (1801-1828) a été considérable. L'exemple de cet artiste bien doué est peut-être le plus remarquable que l'on puisse citer du triomphe ^de la race sur le mi- lieu. L'éducation de Bonington fut complètement française, ce qui ne l'empêcha pas d'être entièrement an- glais dans son art (fig. 488). Au XIX° siècle, l'histoire de l'aqua- relie anglaise n'est plus qu'un catalo- gue coupé de notes sur l'habileté et l'idéal des différents artistes. La pé- riode la plus florissante est celle qui est comprise entre la Vieille So- " ciété et le commencement du doute F1G.493. — L incoln, par de W int. .... SUr (Au Musée Victoria and Albert.) que 1 OU eut, il y a Vingt-ClUq anS, GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE la durée des aquarelles. Dix ou quinze hommes, qui tous professèrent le dessin, ont surtout jeté sur cette période le plus vif éclat. Ce furent : George Barret le jeune, déjà cité, Samuel Prout (1783- 1852), William Henry Hunt (1790- 1864), Peter de Wint (fig. 489), (1784- 1849), Anthony Vandyke Copley Fielding (1 787-1855), David Cox (1 783- 1859), George Cattermole (1800-1868) William James Muller (1812-1845), Francis Oliver Finch (1802-1862) et James Holland (1800-1870). Ils durent à leur métier de Fig. professeur des 494- — Venise qualités , de facilité parj. Holland richesse, et de vig®ueur q^ui , , . . , , (Au Musée Victoria and Albert.) sont la Caractéristique de leur groupe. La nécessité de produire le meilleur effet dans le temps le plus court fut une excellente discipline. Elle ne permettait pas de couvrir deux fois le fond. Les tons devaient être posés du premier coup, avec le degré de force qui convenait. Le modelé était obtenu moins en ajoutant qu'en effaçant. Ainsi les aquarelles gagnèrent en luminosité. George Barret était le fils de l'élève irlandais de Wilson, dont il a été question dans un chapitre précédent. Il se distingua princi- paiement par son habileté à représenter l'atmosphère. Ses œuvres, sous ce rapport, nous rappellent celles d'Albert Cuyp; elles s'en éloignent par leur dessin, laborieusement équilibré dans un goût classique qui les rapproche de l'art de Claude. George Barret peignit aussi des ta- bleaux. Un bon spécimen de son talent est au Musée de South Kensington. Francis Oliver Finch (fig. 490), comme Barret, excella dans un style voisin de celui de Claude. Samuel Prout se rendit célèbre par ses aqua- 11 1 ■ -j-- 1 Fig. relies de medievales. 4q5.—Chateau de Windsor, ruines David Cox. GojM1 ey riri-elIdJi-ng £tut L un bon (Au Musée victoria and Albert.) AQUARELLES, PASTELS ET DESSINS technicien (fig. 491). Peter de Wint, d'une adresse consommée, ne fit point mentir son origine hollan- daise (fig. 492-493). Muller et James Holland eurent de l'éclat décoratif (fig. 494), David Cox, le meilleur de tout le groupe, se distingua par l'expression de son style et sa façon de mettre en ^ ^ — Champ de ble. par David (^ox. ^ ' j 1 49^* relief l^es beautés de la na- victoria and Albert.) ture (fig. 495 et 496). Wil- liam Henry Hunt fut le plus imitatif. Quelques personnes hésitent à le considérer comme un artiste, et, à la vérité, il a si peu le senti- ment de la composition qu'on serait fondé à lui dénier cette qualité, s'il était moins bon coloriste. Beaucoup d'aquarellistes, les uns célèbres, les autres d une certaine renommée, resteraient à citer. Nous les connaissons déjà comme peintres. De ce nombre sont Madox Brown, Millais, Rossetti (fig. 497-498) et Burne-Jones. Mais un groupe que4'on ne peut pas passer sous silence est celui qui eut pour chef Frederick Walker (1840-1873). Son art est agressivement anglais et fondé, pour ce qui regarde l'inspiration, sur ce les Allemands appelleraient de la que sentimentalité. Il se justifie, dans une certaine mesure, par la qualité souvent exquise de l'exécution. Après Walker lui-même, le membre le plus distingué de ce groupe fut George Pinwell (1842-1875). Comme pour Walker, on sent qu'il existe une force vigoureuse sous la forme anecdotique, un peu puérile, à laquelle il consacra la plus grande partie de sa vie. Elle aurait pu le conduire loin, si le sort s'était mon- tré, à son égard, plus favorable. Walker et Pinwell eurent des imitateurs durant leur vie. Il est d'ailleurs probable qu'ils en auront Fig. 497. — Borgia s amuse , toujours, car leur art en appelle à par Rossetti. . .11 QC lâ. TâCC (Aîi Musée Victoria and Albert.) UnC paSSlOTl pcrm&nCntG 259 ^^ GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE anglo-saxonne. La génération qui a suivi est remarquable dans son ensemble. Certains peintres de talent, comme Tho- mas Collier, M. Thornewaite (fig. 500), Sir Ernest Waterlow (fig. 499) et E. M. Wimperis (fig. 501), se sont contentés de la simplicité des vieux procédés et ont continué les traditions de David Cox et de Peter de Wint. Mais d'autres paraissent avoir senti que de nouvelles méthodes sont nécessaires pour que le public continue à s'intéresser à l'aquarelle. Il en est résulté de nom- breux développements Fig. techniques, se 498. — Lune de miel la du Roi René, par Rossetti rapportant pour plupart à la gouache. Ces changements sont dus en grande partie à une association plus " jeune que la Vieille So- " ciété : l'Institut des Pein- tres Aquarellistes. D'autre part, durant ces dernières années surtout, on a cherché à donner une plus grande extension à l'aquarelle, à la faire rivaliser avec la pein- ture. Cette tentative fâcheuse ne tient pas, d'ailleurs, à des Fig. 499. — Chateau de Warkworth, considérations par Sir Ernest Waterlow. purement artis- tiques. Les aquarellistes :i'onl voulu que satisfaire au goût de nou- Fig. 5oo. — Labour dans le Comté de Sussex, par Thornewaite. (Au Musée Victoria and Albert.) 260 AQUARELLES, PASTELS ET DESSINS veauté qui caractérise notre génération blasée. L'exemple du Continent a aussi contri- bué à faire sortir l'aquarelle anglaise de sa voie. Dans les œuvres de nos modernes aquarellistes, l'art sincère tient moins de place que l'ingénio- sité ou l'habileté. Les jeunes aquarellistes français, en par- ticulier, travaillent surtout en F ig. Soi. — C hamp dp foin a Amberley, virtuoses. par Wl .mperis. iAu Musée Victoria and Albert.) L'aquarelle venant parfois en aide au pastel, les deux arts peuvent être placés sous la même rubrique. La seconde moitié du XViil" siècle a été pour l'Angleterre la période brillante du pastel. Il fut pratiqué par une foule de pein- tres, depuis Arthur Pond et Francis Cotes jusqu'à John Russell (fig. 503) et John Raphaël Smith. Les pastels d'Arthur Pond seraient nombreux ; mais on les conteste, pour la plupart. De nos jours, 1 art du pastel a été remis en vigueur. Il a déjà produit de très bonnes œuvres. II. DESSINS. L'école anglaise n'a relative- ment que peu de dessins. Le génie anglo-normand s'est mon- tré rebelle à cette forme d'art. Les peintres anglais ont toujours préféré commencer directement leur travail sur la toile, en ne faisant que le moins possible d'é- tudes pour la recherche de la structure ou du mouvement. Le XVIIP siècle n'a presque pas eu de dessinateurs portraitistes. F ig. 5o2. Le B uveur, Les esquisses de Reynolds ne par Wainwright. sont que de grossiers griffon- nages ; elles ne donnent que des indications générales sur le sujet que le peintre comptait traiter. Hogarth ne faisait aussi que des pochades ; GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Rommey, dans la pratique, s'abs- tenait complètement. Gamsbo- rough est le seul, parmi les grands portraitistes, qui ait dessiné à la manière des Italiens et des Fran- çais. Et ses dessins, qu'il s'agisse de personnages ou de paysages, outre qu'ils peuvent compter parmi les meilleurs, se vendent aujour- d'huides sommes énormes. Gains- borough ne s'occupait pas de la structure ; il n'a laissé que des études de mouvement, agrémen- tées de draperies décoratives pour les personnages, d ombre et de Fig. 5o3. — Portrait au pastel, lumière Russell. pour le paysage (fig. 504). par John (Au Musée Victoria and Albert.) Hoppner a fait de bons dessins de paysages, où l'on sent trop le désir de copier Gainsborough. Lawrence, qui avait commencé sa carrière comme dessinateur, le resta plus ou moins pendant toute sa vie. Mais les œuvres qu'il nous a laissées sont étonnamment faibles ou vides. Il n'en est point dont on puisse comparer la facture à celle de ses toiles telles que YJíngerstein ou le Warren Hastings, pour ne citer que ces deux peintures. Les petits por- traits de Downman, dont la technique se rapproche du noir et blanc, sont des chefs-d'œuvre dans leur genre (fig. 505). On a aussi un certain nombre de bons dessins dus à Wilkie, Raphaël Smith et Bonington ; mais, d'une manière géné- raie, l'habitude du crayon ne fut jamais assez suivie par les portraitistes pour donner des résultats vraiment sérieux comme qualité ou quantité. A cet égard, les paysagistes font bien meilleure figure. Les dessins de Turner sont de fort bonnes préparations pour ses tableaux, des notes de phénomènes naturels, quel- Fig. 604. — Portrait de attribué quefois transformés, mais qui nous don- femme a Gainsborough. nent toujours comme une sensation de (Au British Museum.) 262 - AQUARELLES. PASTELS ET DESSINS ce que l'artiste a éprouvé en leur présence. Les dessins de Constable méritent, à tous égards, de grands éloges (fig. 506 et 507). Crome fut un maître du noir et blanc, dont le talent, ce- pendant, n'atteignit pas celui de Cotman. Quelques dessins de ce dernier, le Labour et le Centaure par exemple, tous deux au British Museum (fig. 508, 509 et 510), accusent au plus haut degré une imagination de peintre. Sauf ces quelques exceptions. Fig. 5o5. — Mistress Siddons, par Downman. (D'après une Gravure.) les peintres de la première moitié du XIX" siècle ne se sont pas dis- tingués comme dessinateurs. Ce n'est que du temps du préraphaë- lisme, lorsque l'attention fut appelée sur les habitudes de travail des primitifs italiens, qu'on commença à s'occuper de dessins. Ils ne sont pas, du reste, entièrement linéaires. Alfred Stevens, un des meilleurs dessinateurs connus, est le premier Fig. 5o6. — Arbres, par Constable. (Au Musée Victoria and Albert.) Anglais moderne qui ait pro- duit des chefs-d'œuvre au crayon (fig. 51 1, 512 et 513). Depuis cet artiste, il semble que les peintres anglais soient plus disposés que leurs devan- ciers à se servir de la pointe. Ce n'est pas que son exem- Fig. Soy. — Salisbury, par Constable. pie les y incite ; il est même (Am Musée Victoria and Albert.) 263 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE remarquable que la notoriété de Stevens ne date pour ainsi dire que de nos jours. Mais la renais- sanee du dessin est une des mani- testations du grand mouvement qui est venu souffler de la vitalité, sinon de la perfection, à toutes les formes d'art britanniques. Les dessins de Leighton, de Sir Edward,Burnes-Jones et d'Albert Moore ont des qualités qui les sauveront de l'oubli. Ceux de Whistler doivent prendre place à côté de ses lithographies et de ses Fig. 5o8. — Le Labour, cotiman. gravures à l'eau-forte et compter, par (.l!i Brilish Museum.) comme elles, parmi les plus belles oeuvres modernes. Il est plus diffi- cile de parler des vivants et de notre époque. Un peintre peut ne pas avoir de toiles de valeur à son actif, tout en produisant d'une manière plus ou moins secrète, de bons dessins. Mais il est bien certain que la postérité conservera précieusement les oeuvres à la pointe de M. J.-M. Swan, de M. Augustus John, de M. Mui- rhead Bone et de quelques autres. En Angleterre, et depuis plus d'un siècle, les dessins destinés à des illustrations de livres sont fort nombreux. Mais il ne semble pas que leurs auteurs, pendant long- temps, aient suivi la meilleure voie. Au heu de se fonder sur la ligne, ils se sont appuyés, pour la plupart, sur la couleur, le ton et d'autres qualités qu'on n'obtient pas facile- ment avec la pointe. Cette remar- que est surtout vraie pour Frede- rick Walker et les élèves de son école. Dans ces dernières années, un — notable changement s'est Fig. Le opéré. 609. Centaure, par COT.man. Nous pourrions citer une foule d'ar- (Au British Museum ) 264 AQUARELLES, PASTELS ET DESSINS tistes qui sont attentifs aux limi- tes de leur art et savent lui faire exprimer toute sa puissance. On le doit, en grande partie, aux journaux illustrés et aux revues à bon marché. UIllustrated London ü\C<^ins, fondé depuis plus d'un demi-siècle, et le Graphie, venu vingt ans plus Fig. 5io. — Paysage, par Cot.man. (Chez. Sir Hickman Bacon, Baronnet ) tard, y ont contribué, surtout le second, dans une très grande me- sure. Les directeurs de ces deux périodiques surent réunir autour d'eux une pléiade de jeunes artistes, qui donnèrent au dessin un stimu- lant dont l'action se fait encore sentir. Pendant un certain temps, toutes les productions au crayon fu- rent Fig. 5ii. — Dessin au crayon, gra- par Alfred Stevens. (.Aií Musée Victoria and Albert.j vées sur bois. Plus tard, des procédés photo- graphiques permirent d'obtenir, à peu de frais, des fac-similé des dessins eux-mêmes, et le dessin à la plume fit son apparition. Il se prêtait mieux aux méthodes nou- velles, qui avaient l'avantage de ne pas déformer le travail de l'artiste et de donner des résultats brillants avec une certitude que limitait seule la capacité de chacun. Le dessin à la plume est la forme d'art la plus Fig. 512. — Dessin au crayon. caractéristique du dernier quart par Alfred Stevens. de siècle. Il a exercé une influence (Au Musée Victoria and Albert.) armstrong. — grande bretagne et irlande. 18 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE énorme, en répandant dans le peu- pie des idées sur l'art moins fausses que celles qui avaient cours. Au- jourd'hui, l'Angleterre a tellement de dessinateurs habiles qu'il serait difficile de faire un choix. Mais on ne peut parler des dessinateurs à la plume sans citer les noms de Charles Keene et de Phil May. BIBLIOGRAPHIE. - Sir W. Armstrong, A Ifred Stevens, 1881; Tourner, 1902.— D¡ciio- nary of National Biography. — P. G. Hamer- ton. 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CHAPITRE^ XIX SCULPTURE. — PREMIÈRE PÉRIODE. — PÉRIODE GOTHIQUE Angleterre, l'histoire de la En sculpture primitive offre les lacunes et les particularités de celle de tous les arts. Les iconoclastes ont supprimé des anneaux entiers de la chaîne qu'elle devrait former. D'un autre côté, le passage de la barbarie à la civilisation ne s'est pas effectué, dans les lies, d'une manière continue. 11 y eut successivement plusieurs conquêtes, et l'on vit se succéder des races à un degré différent d'évolution. L'art s'en est naturellement ressenti. Les spécimens les plus anciens de la sculpture que nous puissions citer dans ce chapitre sont des croix d'inspiration celtique, que l'on désigne communément sous le nom d'angliennes. La plus belle est celle de Bewcastle, dans le Cumberland. Elle a une figure du Christ d un côté et des ornements celtiques sur les trois autres faces. Cette croix porte, de plus, des inscriptions qui permettent de l'attri- huer au commencement de la dernière moitié du Vii - siècle. D'autres croix angliennes, entières ou mutilées, existent près du Border. Les moins anciennes sont d'une technique perfectionnée, qui les a fait attribuer à des sculpteurs indigènes instruits par des artistes venus d Orient. Mais on peut se demander si cette influence étrangère n'a pas été exagérée ou mal comprise. Elle ne fait pas de doute ; mais ce fut la technique seule qui la subit. Son action resta presque nulle sur l'esprit des artistes celtiques. Dans le Sud de l'Angleterre, autour de Winchester, la conquête saxonne modifia bien davantage les con- ceptions premières des occupants. Une école y prit naissance, dont 1 idéal s'inspira des nouveaux venus. La sculpture cessa d'être simple. ■ : 267 ^ GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Elle s'efforça de devenir dramatique. Les spécimens les plus célèbres que cette école nous ait laissés de son art, dans son plein épanouis- sement, sont les bas-reliefs de la cathédrale de Chi- chester, qui se rapportent à l'histoire de Lazare. Ils re- présentent le Christ arrivant à la maison de Marthe et de Marie (fig. 515) et la résur- rection du frère de ces sain- tes femmes (fig. 516). On Fig. 5i5. — Bas-Rei.ief Saxon : Le Christ y sent un grand effort dans a la de.meure oe Marthe et de Marie, la recherche du raffinement a la Cathédrale de Chichester. et aussi une ambition tech- nique considérable. On s'y essaie à des choses difficiles, comme les figures vues de trois quarts. Parmi les autres productions de l'école saxonne, sont de grandes croix de jubé. Les églises de Bradford-on-Avon et de Romsey en possèdent les meilleurs exemples. Parfois la figure du Christ y était accompagnée d'anges, dont on a, de même, des spécimens. La conquête normande apporta d'autres change- ments. Lorsqu'ils passèrent en Angleterre, les Normands, issus des Pays Scandinaves à une date relativement récente de leur histoire, formaient une race pleine de vigueur, animée d'ambitions artistiques que les Celtes continentaux leur avaient transmises. Ils couvrirent de monuments la Grande-Bretagne ; mais leurs oeuvres furent purement architecturales. Leurs plus Fig. 5i6. — Bas-Relief Saxon : grandes cathédrales, comme La Résurrection de Lazare, celle de Winchester, de a la Cathédrale de Chichester. — SCULPTURE. PREM 1ÈRE PÉRIODE. PÉRIODE GOTHIQUE — Saint-Albans et aussi, sans doute, de Londres et de Can- terbury, avaient des fresques ; mais elles n'étaient pas or- nées de sculptures. La façade ouest de la cathédrale de Ldn- coin a, il est vrai, des bas- reliefs importants, qui seraient des exemples primitifs de la sculpture normande, si leur date était bien celle de la ma- çonnerie qu'ils décorent. Cette façade fut, en effet, construite en 1075, par l'évêque Remi- gius. Mais les bas-reliefs Fig. 517. — Clef de ne Voûte, la Cathédrale de Chichester. paraissent pas de la même époque. On peut tout aussi bien les dater de la période saxonne ou de la première moitié du xir siècle. Il n'est pas utile de s'appesantir sur les sculptures de la période gothique à plein cintre. Même dans leur forme la plus développée, comme au portail occidental de la Cathédrale de Rochester, ces sculptures purement architectoniques manquent d'intérêt pour l'étude de la sculpture britannique. On peut dire, d'une manière générale, que la sculpture gothique Fig. 5i8. — — Les Frères de Joseph, Sig. Ange encenseur, a la Cathédrale de Salisbury. a la Cathédrale de Lincoln. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE ne date que du moment où l'on introduisit des têtes sculptées dans les constructions du pre- mier style ogival. Elles étaient décoratives, mais les corbeaux, les consoles, 'es tympans et les cordons des arêtes en saillie pouvaient être travaillés, en raison de leur forme, aussi librement que si l'artiste ne s'était trouvé que sous la dépen- dance de ses outils et de la ma- tière. Les chapiteaux, les cor- dons en saillie et les tympans avaient, au contraire, des formes qui limitaient la pensée et le travail du sculpteur. Souvent, sans l'architecture environnante, Fig. 520. — Porte Sud du Chœur ce travail n'aurait aucune signi- des Anges, a la Cathédrale Lincoln. fication. Prior et Gardner ont de bien indiqué la cause qui expli- que la lenteur du développement de la sculpture dans l'architecture ogivale. Les artistes gothiques, ayant trouvé leur voie dans l'ossature de la construction, ne voulurent admettre que le moins pos- sible de ce qui risquait de la troubler. Les plans des premiers architectes qui travaillé- rent dans le style ogival ne comportaient pas d i- mages taillées. Liles man- quent à Canterbury, à Chichester et ailleurs, et n'apparaissent au Nord de l'Humber que vers — TAILS DU rnilieu du XIIP siècle. Fig. 522. Personnages portail sud de la occidentale f , \ 1 oil façade de la Caïuedrai.e Le tut dans le bud du de la Cathédrale de Lincoln pays que s'éveilla la seul- de Wells. . 270 ¡— SCULPTURE. PREMIÈRE PÉRIODE. PÉRIODE GOTHIQUE pture gothique, où elle produisit ces magni- fiques têtes sculptées dont l'Angleterre pos- sède un si grand nombre. Des destructions continuelles, disent Prior et Gardner, ont pesé sur ces images pendant six cents ans ; mais l'Angleterre en contient encore des milliers d'une variété et d'une beauté éton- " nantes. Dans la plupart des cas, on les a taillées en place. Cependant, dans certains districts, on en trouve beaucoup, de pierre locale, que les maçons reçurent d'un ate- lier voisin de sculpteurs. Au milieu du XI11"= siècle, les constructeurs anglais avaient à leur disposition des imagiers dont les oeuvres nous surprennent. Dès cette épo- que, la sculpture de tètes se faisait remar- quer par sa pureté d'exécution et sa déli- catesse de sentiment. Elle était pratiquée par des artistes dont l'habileté progressait sans cesse. Cette sculpture ne fut d'abord qu'à l'usage exclusif de l'ar- chitecture. Les con- soles, les clefs de voûte (fig. 517), les chapi- teaux où elle se trou- vait, comme nous ve- nous de le dire, fort à l'étroit, et les tympans furent seuls travaillés (fig. 518 et 519). Après les tètes, les plus beaux spécimens de sculpture primitive que nous puis- sions citer sont ceux qui garnissent les tympans Fig. 523. — Statue des cathédrales de Lm- dans la Chapelle coin et de Salisbury et de Henri Y, Fig. 524. —Vierge, de West- a l de abbaye l'abbaye n.\ns la salle de Westminster. mmster. A Lincoln et à DU Chapitre, a York. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Westminster, la forme des tympans a dicté celle des fi- gures. Celles-ci, dans la prati- que, sont des anges dont les ailes remplissent le champ d'une manière très heureuse. Lincoln possède les meilleurs, qui ne le cèdent en rien aux sculptures analogues de la même époque ou d'une époque plus tardive des églises du Continent (fig. 520 et 521). Les anges de Westminster sont à peine moins beaux, surtout ceux qui garnissent les angles du transept nord. On peut encore citer, comme bon- Fig. 525. — Personnage de la porte conduisant au Clos, a Peterborough. nés œuvres dans le même style, les soldats du Sépulcre de la Résurrection (Pà- ques), dans la Cathédrale de Lincoln (fig. 514). A Salis- bury, les figures sont moins dans la dépendance de l'ar- chitecte. Il leur arrive même de s'en affranchir, comme, par exemple, dans le beau groupe de Loth et ses Filles ou celui, non moins remar- quable, quoique restauré, des Frères de Joseph (fig. 518). Les dates approchées de ces diverses œuvres sont : 1240 pour Lincoln, 1250 pour Westminster, 1 270 pour Salisbury. La Cathédrale de Wells est certainement la SCULPTURE. PREMIERE PÉRIODE. PÉRIODE GOTHIQUE —¡ r- plus riche d'Angleterre en sculp- tures médiévales. Elle en possède de toutes les formes, depuis les têtes des consoles et des corbeaux jus- qu'aux statues en pied, en passant par les figures des chapiteaux et les bas-reliefs des tympans (fig. 522). Dans le Sud de l'Angleterre, la production des statues fut un peu brusque ; mais il est facile d en trouver la raison : façonnés à leur métier par de fréquents travaux décoratifs, les sculpteurs avaient fini par acquérir une habileté telle, qu'il leur fut Fig. 527.—Tombeau pos- de l'Archevêque Gray, a York. sible de satisfaire, dès qu'elles leur vin- rent, à toutes les commandes de statues. Dans l'hypothèse que les statues de Wells furent taillées à l'étranger, on s'est complu à les attribuer à des artistes français, ita- liens ou même grecs. On a oublié Fig. 528. — Tombeau du Comte qu'il n'existe sur le Continent aucune et de la Co.mtesse d'Arundel. œuvre du même genre. Le seul l'on pourrait invoquer, en faveur de 1 témoignage hypothèse que dont nous parlons, est la présence de chiffres arabes sur le dos des statues du plus haut rang du front ouest. Quelques auteurs y voient des marques d'ouvriers italiens ; mais, outre qu'il ne Fig. 529. — To.mbeau de l'Archevêque Peckiiam, faut pas oublier que a Canterbury. les chiffres arabes (Statue de bois.) GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE furent employés en Angleterre dès le milieu du XIIF siècle, d'autres explications peuvent être données de ces chiffres. Prior et Gardner, par exemple, sont d'avis que les statues furent déplacées, pour leur éviter des accidents, lorsque les deux tours de Wells furent bâties, entre 1380 et 1430. On les aurait alors numérotées afin de pou- voir les remettre, sans erreur, à leur place primitive. Quoi qu'il en soit de cette sup- position, nous répétons que l'absence par- tout ailleurs d'oeuvres du même genre est la preuve la plus forte de leur origine locale. Les statues de Wells ont la F'iG. simplicité se- 53o. — pleta, reine qui caractérise les Breads all, Comté sculptures primi- tives de Derby. toutes les de écoles ; mais elles se . (Albâtre.) plient à l'esprit de l'architecture qui les encadre et sont d'ailleurs de pierre de Doultmg, comme les murs eux-mêmes de la cathédrale. Dans le principe, le nombre de ces statues était de 225 environ ; il en reste Fig. 53i. — Évêque Fig. 532. — Saint tenant Fig. 533. — Vierge. DÉCOUVERT A Fi.AWFORD, UNE ÉGLISE, A FlAWFORD, aFlAWFORD, CoSlTÉ Cû.MTÉ DE NOTTINGHA.M. CO.MTÉ DE NOTTINGHAM. DE NOTTINGHAM. (Albâtre.) {Albâtre.) (Albâtre.) SCULPTURE. PREMIÈRE PÉRIODE. P ÉR J ODE GOTH IQUE — i r— encore 183 qui doivent à la difficulté de les atteindre de ne pas avoir beaucoup souffert. Leur type se rapproche de celui des figures de Lincoln et de Salisbury. On peut aussi leur trouver une certaine ressemblance avec les deux figures qui représentent l'Annon- ciation et sont placées au-dessus de la porte de la salle capitulaire de Westminster. Après Wells, la cathédrale anglaise la plus riche en sculptures médiévales est celle d'Exeter (fig. 85). Les statues qui la déco- rent sont aussi de pierre locale. Leur conser- vation ne vaut pas celle des statues de Wells. — Les unes et les autres sont mutilées mais, Fig. ; 534. L'Annonciation. tandis que la pierre d'Exeter s'effrite, celle (Au British Museum. Albâtre.) de Doulting se casse en gardant ses arêtes vives. Il est résulté que les détails techniques, si en précieux pour la détermination des origines et des dates, ne sont plus reconnaissables qu'à Wells. Toutefois, on se rend bien compte que les statues d'Exeter différentes de celles plus anciennes de Wells. sont toutes A Exeter, la sculpture est plus mouvementée et plus dramatique. Il est probable qu'on doit l'attribuer à des artistes moins respectueux que ceux de Wells des formes de 1 architecture. Indépendamment des statues de cathédrales, 1 Angleterre a de nombreuses églises con- tenant des images qui témoignent, aux XII l" et XIV siècles, d'une vaste école de sculpture. La Black Death (la peste) l'atteignit, comme toutes les autres branches de l'art ; mais, une bonne sculpture n'étant pas l'œuvre du hasard, nous pouvons conclure de l'existence d'une seule Fig. 535. - Tombeau a Holme-Pierrepoint. ^ Comte de Nottingham. d autres ont (Albâtre.) coup qui GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE disparu. Des statues comme la Vierge qui orne le pilier central du portail conduisant à la salle capitulaire de la cathédrale d'York (flg. 524), comme les figures de la cha- pelle de Henri V à West- mmster (fig. 523) ou encore comme les personnages de la porte principale de l'église de Burford, dans le comté Fig. 536. — Tombeau de Sir Raphael d'Oxford, sont l'indice d'un Green, a Lowick. Comté de Nortiiants. large et continu (Albâtre.) développe- ment. Une phase importante de l'architecture gothique anglaise eut pour cause l'exploitation, dans l'île de Purbeck, comté de Dorset, d un calcaire dur, chaudement nuancé, capable de recevoir le poli du marbre. Les carrières d'où on le tirait appartenaient à la Couronne et se trouvaient à proximité du château royal de Gorfe. Il en résulta que les demandes de ce calcaire furent très nombreuses, beaucoup sans doute à l'instigation du roi, et qu'une école régulière de sculpture se fonda sur les lieux mêmes. Au début de la seconde moitié du XIF siècle, les ateliers de Purbeck commencèrent à fournir des chapiteaux et autres pièces décoratives, aussi bien que des statues pour des niches ou des tombes. Il se développa à Purbeck un style à part, qui dura plus d'un siècle et demi, de 1 175 à 1325, et rendit tout le pays tributaire des marbriers et des polisseurs de cette île. L'abbaye de West- mmster et l'église du Temple ont une foule d'oeuvres qui leur viennent de Purbeck. Des sta- tues du Temple les unes sont anciennes, les autres de date plus récente. Peterborough a les tombes de cinq abbés ; Worcester peut montrer une belle figure couchée du roi Jean (fig. 526) ; York a la tombe de l'archevêque — Gray (fig. 527). Fig. 537. Tombeau a Holme- Au I^ierrepoint, Comté de Nottingham. commencement du (Albâtre.) ^ SCULPTURE. PREMIERE PÉRIODE. PÉRIODE GOTHIQ;UE —i Xiv siècle, le calcaire de Purbeck ne fut plus de mode. Ceux qui le travaillaient, ne sachant pas se limiter, causèrent peut-être sa disparition. Ils avaient pris l'habitude de le peindre ou de le dorer complètement, ce qui lui faisait perdre la valeur qu'il tenait de sa nature et permettait de dans la Cathédrale le remplacer par d'autres Fig. 538. To.mbeau de Southwell. matières moins coûteuses. (Albâtre.) L'achèvement des statues de la cathédrale de Wells et la décadence des ateliers de Purbeck rendirent sans emploi un grand nombre de sta- tuaires, qui se dispersèrent dans différents centres, où ils formèrent des élèves. L'homogénéité qui caractérise la sculpture gothique anglaise du XIV·' siècle en découle peut-être, au moins en partie. Les matières qui remplacèrent le calcaire de Purbeck et que l'on travailla, semble-t-il, surtout à Londres, furent la pierre de taille, le bois, l'albâtre et le bronze. Depuis le milieu du XIIP siècle, d'ailleurs, la capitale de l'Angleterre avait fourni un assez grand nombre de sculptures et fait sentir partout son influence. On peut, naturelle- dans les attitudes ment, constater des variétés de style, aussi bien calmes des statues de Wells et le plissement de leurs draperies que dans les mouvements plus libres et les vêtements ondulés d'au- tres images de quelques grands centres du Nord et de l'Est. Mais, dans tous les cas, on peut trouver des analogies dans les sculptures de Lon- dres. Parmi les oeuvres de pierre de taille, sorties des ateliers de cette ville ou faites sous l'inspiration de ses artistes, Fig. 539..— To.mbeau. (Albâtre.) on peut citer : les statues de GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE la croix d'Eléonore, à Northamp- ton, qui furent taillées, en 1290, par un certain William d'Irlande ; un chevalier couché, très dégradé, à Aldworth, dans le comté de Berks, qui rappelle étonnamment yAdonis de Michel-Ange ; les statues de Lady Aveline, de son mari (Crouchback, Comte de Lan- castre) et d'Aymer* de Valence, à / Westminster ; celle de Fig. Lady Lit- 540. — Tête d'Édouard II, j Gloucester. zallan, à Chichester, et la Tombe a (Albâtre.) Burghersh, à Lincoln. | Parmi les nombreuses statues de bois qui existent encore sur tous les points d'Angleterre, la plus belle j est probablement celle de l'archevêque Peckham, à Canterbury I (fig. 529). L abbaye de Westminster possède la statue complète- ment plaquée de cuivre de William de Valence, et le noyau gros- 1 sier de ce qui fut, peut-être, une magnifique image de Henry V. La mode des statues d albâtre, qui vint ensuite, dura plus long- temps et prit plus d extension que celle des statues de pierre ou de bois. Plus de 500 statues d albâtre existent encore. Cette mode tira son origine de 1 exploitation des riches dépôts de la matière, connue sous le nom d albâtre anglais, qui sont compris entre le Sud du comté de Lincoln et le comté de Strafford. Cependant, l'emploi de cet albâtre, facile â tailler, ne fut pas une nouveauté. Les sculpteurs anglais s'en étaient servis fréquemment, avant que ne commençât l'industrie des statues de tombeaux. Une curieuse P/efa, qui fait penser aux tableaux de Mantegna (fig. 530), une série de figurines (fig. 531, 532 et 533) et des bas-reliefs, comme 1 Annonciation, que possède le British Museum (fig. 534), nous sont parvenus de cette première' mise en œuvre de l'albâtre anglais. Mais, â partir du jour où cette matière devint de mode, une école d'albâ- triers surgit, qui eut â fabn- quer des images funéraires ^41. - Portrait de i.a rk.nk Ki.konork. 1. a 1 1 /— par William Toree. a l'abbaye pour 1 Angleterre, le Con- de tinent Westminster. et même l'Islande. Liles (Bronce.j ^ 278 — SCULPTURE. PREMIERE PERIODE. PERIODE GOTHIOJIE —i ne dépassaient guère, dans la plupart des cas, le mveau des productions m- dustrielles. Il est bien vrai qu'on en peut citer quelques-unes, qui sont des œuvres d'art ; mais, en général, la façon dont les statues d'albâtre sont taillées est de nature à nous faire supposer qu'on les vendait au poids. On ne connaît pas d'albâtner qui soit un grand artiste. Du reste, il faut reconnaître qu'aucune école de dessin ne pouvait être plus mauvaise que celle dont la principale occupation était de sculpter des — figures d'hommes couchés, revêtus Fig. 542. Tête de Richard II, a l'Abbaye de Westminster. d'une armure. Dans le nombre des (lironxe.) images funéraires d'albâtre qui nous sont parvenues, on peut citer le portrait de John of Eltham, â Westminster ; celurde William Fettiplace, dans l'église de Swmbrook, comté d'Oxford, et d'autres encore, qui sont ici reproduits (fig. 535 â 540). Les deux plus beaux, parmi ces derniers, sont les statues d'Edouard II â Glocester (fig. 540) et d'un chevalier â Holme- Pierrepoint (fig. 535). On ne possède qu'un très petit nombre d'œuvres de métal remontant â la période gothique ; mais des documents d'archives nous font connaître que les orfèvres anglais, aussi bien que ceux des autres pays, fabriquèrent des statues et des figurines de bronze. Ils plaquèrent du bronze sur du bois et s'appliquèrent â orner par diffé- rents moyens la pierre et le marbre. Les noms de quelques-uns de ces orfèvres sont connus. La renommée d'une famille anglaise de bronziers, celle des Torel, qui travailla â Londres pendant plus d'un siècle, est surtout considérable. En l'année 1291, on paya â William Torel, aurifaber, une som- me de 2850 francs environ de notre monnaie pour trois images funéraires de bronze, dont les portraits de la reine Eléonore (fig. 541) et de Henry III, qui sont les plus Fig. 543. — Effigie d'Edouard III, l'Abbaye Westminster. beaux bronzes que contienne a de (¡ironie.) l'abbaye de Westminster. 279 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE L'image funéraire d'Edouard III, bien que plus récente, est en effet étonnamment raide (fig. 543), et les portraits de Ri- chard II et de sa femme, Anne de Bohême (fig. 542 et 544), ne les valent pas. 544. — Effigie de R ichard II et de sa femme. Les tombes l'A go- a bbaye de Westminster. (Hronge.) thiques sont souvent accompagnées de pe- tites figurines de pleureuses qui les entourent. Leur conception est généralement plus libre que celle de la figure principale. Les phases ultérieures de l'architecture gothique n'eurent rien de particulièrement remarquable. Les albâtriers travaillèrent jusqu'au XVIII" siècle et finirent par supplanter les imagiers locaux et ceux de Londres. Bien des niches du style perpendiculaire demeurèrent, à ce qu'il semble, vides de statues, ou ne reçurent que des images dont la valeur artistique était à peine supérieure à celle des fonts, des chaires, les lutrins et autres articles d'église de vente courante. (Pour la Bibliographie, voira la fin du Chapiire XXI.) CHAPITRE XX SCULPTURE. — PÉRIODE MOYENNE Angleterre, En après l'extinction de la période gothique, la sculpture ne fut plus une branche des beaux-arts. On commanda des images funéraires avec autant de zélé qu'on en mit plus tard à se procurer des portraits ; mais ces œuvres des albâtriers, encore qu'elles témoignent parfois de beaucoup de talent, furent plus commerciales qu'esthétiques. Elles contribuèrent à décourager la sculpture, bien plus qu'elles ne lui fournirent les moyens de se développer. Le premier sculpteur, quoique simple maître rnaçon, qui rendit à son art quelque peu de vie, fut Nicholas Stone (1586-1647). Cet artiste, d'une individualité considérable, étudia pendant un certain temFpsigà .Amsterdam, socusélandoiretcatiopnhdeu filds— e W par A lfred du célèbre S tevens. sculpteur Hendrik 5de45. dont il la fille. ellington, Keyser, épousa De retour en Angleterre, il travailla aux palais royaux d(eALolnadreCsathédrale Saint-Paul.) et d'Edimbourg et fut appelé, en raison de sa profession, à exécuter plusieurs des plans d'Inigo Jones. Le porche de l'église de Sainte- Marie, à Oxford, que l'on attribue à ce grand architecte (fig. 173), et les belles portes du Jardin de médecine ou Jardin botanique de la même ville sont, selon toute probabilité, l'œuvre de Stone. On lui doit plusieurs tombes à l'abbaye de Westminster et la statue, à Saint-Paul, du docteur Donne dans son suaire. Sa meilleure œuvie 281 : : armstrong. — gr/nde bretagne et irlande . jr. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE peut-être est la tombe du jurisconsulte Sir Julius Caesar, dans la grande église de Saint-Hélène. Stone est un des rares vieux artistes qui nous aient laissé des docu- ments. Son livre de comptes est au Musée Fig. 546. — Mélancolie et Folie furieuse, Soane. Son fils aîné, par Gibber. Henry, est le (Hôpil(il Bethlehem.) peintre que l'on désigne sous le nom de Vieux Stone. Gains Gabriel Gibber (1630-1700), né à Flensborg, dans le Holstein, étudia sous la direction de Nicholas Stone. Get artiste est surtout connii par les deux statues, t^Mélan- colie et Folie furieuse (iig. 546), qu'il a faites pour l'asile d'aliénés de Bethlehem. Gibber travailla aussi à Ghatsworth et sculpta le Phœnix qui est au-dessus de la porte sud de la cathédrale de Saint-Paul. On lui doit également le panneau en relief qui décore ' la façade ouest du Monument de Wren ", à Londres. Gibber épousa une Jane Colley, qui lui donna pour fils Colley Gibber. Il faut arriver jusqu'à Grinling Gib- bons pour trouver un sculpteur qui ait travaillé hardiment, et d'une manière réellement expressive, dans l'esprit de la Renaissance. Gibbons, aux mérites duquel on ne rend pas encore suffi- samment justice, naquit en Hollande de parents anglais. Gomme artiste, il fut à la fois un dessinateur habile et un technicien de premier ordre. Mieux favorisé par les circonstances, ces deux qualités l'auraient certainement rendu beaucoup plus célèbre. Ses meilleures œuvres se trouvent à Ghatsworth, à Petworth, à Burghley, à Saint-Paul Fig. 547. — Colley Gibber, de Londres et terre cuite coloriée au Collège de la Tn- nité d'Oxford (fig. 179). Un des bron- par un inconnu. (A la Galerie Nationale zes les plus beaux de toute l'Europe des Portraits.) — .— 282 SCULPTURE. - PÉRIODE MOYENNE est sa statue de Jacques II, autre- fois derrière Whitehall, et que l'on a transportée, il y a quelques années, dans le parc Saint-James (fig. 548). Gibbons dessina et exé- cuta le piédestal de la statue de Charles II, de la grande cour rec- tangulaire du Château de Wind- sor, et il se peut qu'il ait fourni des esquisses pour le beau piédestal, sculpté par Marshall, de Charles F' par Le Sueur, qui est à Charing Cross. On. attribue aussi à Gibbons, mais contre toute probabilité, un grand nombre de sculptures sur Fig. 548. — Jacques II, bois. par Grinling Gibbons. Francis Bird, né à Londres (A Sainl-Jarne's Park.) (1667-1731), fut plus ou moins l'héritier des méthodes de Gibber et de Gibbons. Après avoir passé son enfance à l'étranger, cet artiste profita de l'exemple de ces deux maîtres. On a beaucoup décrié ses œuvres ; cepen- dant sa statue de la reine Anne, devant l'église de Saint-Paul, méritait mieux que le mépris où elle a été tenue pendant deux siècles : une copie de Belt nous prouve qu'elle ne manquait pas d'équilibre artis- tique et d'unité. Son grand relief du fronton de la porte ouest de Saint-Paul a des fautes de goût. La lumière solaire, en rayons de pierre, n'est pas heureuse : le côté pitto- resque du travail est généralement exagéré. .Mais les personnages pris individuellement Le sont de bonnes sculptures. Il en est de Fig. 549. — Docteur Johnson, par Bacon. même de la statue du docteur Busby, à (A la Cathédrale l'abbaye de Westminster. Saint-Paul.) Tous ces artistes travaillaient sous l in- spiration du mouvement décoratif de la Renaissance. Les draperies leur donnaient la possibilité de faire des oppositions de lumière et d'ombre. Ils compliquaient les mouvements de leurs personnages et 283 —— ^ GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE rechei chaient les occasions de faire passer de l'ornement dans leurs oeuvres. Cette tendance, convenablement employée, aurait permis à la sculpture anglaise de s'élever au niveau de la peinture; elle fut abandonnée pour une sévérité classique qui ne peut se concevoir que chez les Grecs, c'est-à-dire dans une société où l'habitude de voir nu le corps humain avait conduit à un sentiment de la forme que l'on ne peut acquérir dans un atelier, en copiant des modèles dociles. Fig. 55o. — Samuel Les idées classiques furent funestes aux wilberforce, artistes anglais du XVIIF siècle. Elles par s. Joseph. tendirent à de les faire renoncer aux (A l'Abbaye Westminsler.) prin- cipes justifiés sur lesquels s'étaient fondés leurs devanciers, pour n'accepter, en retour, que le mirage d une science qui ne vaut que si elle est complète. Quatre sculpteurs peuvent surtout être cités dans le nombre de ceux qui pensèrent faire renaître la pureté et la modération classiques ; ce furent Thomas Banks, Joseph Nollekens, John Bacon et John Flaxman. Banks (1735-1805) fut le premier sculpteur anglais qui fit appel à 1 élégance grecque pour donner du charme à son art. Nollekens (1735-1823), originaire des Pays-Bas, avait les mêmes prédilections ; mais une destinée plus heureuse l'obligea à faire surtout des bustes, et il trouva le moyen de leur don- ner assez de vie, encore que les détails en soient négligés. John Bacon (1740-1799) fut le premier étudiant de l'Académie royale qui obtint une médaille d'or pour la sculpture. Sa meilleure oeuvre est probablement la statue de Johnson (fig. 549), à Saint- Paul. Le mouvement de cette sta- tue est convenable ; les draperies en sont bien jetées. L'ensemble se rapproche suffisamment de l'esprit Fig.55i.—Georgesm, bronze ^ . ç . par Wyatt. ^ romain. Bacon fut aussi un assez (Cockspur street.) SCULPTURE. — PÉRIODE MOYENNE bon sculpteur décoratif, comme le prouve son mausolée de Lord Halifax, à l'abbaye de West- minster, Flaxman (1755-1826), sui- vant la loi qui semble régir tou- tes les renaissances, ne chercha à s'inspirer que de l'esprit grec. Son art, d'une conception sou- vent enjouée, avait une telle F ig. 552. — Outram, bronze sévérité de forme qu'il resta par Foley. impopulaire. Les commandes (A Calcutta.) que reçut cet artiste ne furent pas en rapport avec sa renommée. Flaxman est aujourd'hui surtout connu par les dessins qu'il a faits pour illustrer les oeuvres d Homère, d'Eschyle, de Dante, etc., et qui sont inspirés des peintures de Un bon spécimen de sa sculpture est le mausolée de vases grecs. Lord Mansfield, à l'abbaye de Westminster. La figure qui se lamente, à la partie postérieure de ce mausolée, nous montre sa technique meilleur jour. Mais Flaxman, de même que les autres sous son classiques, n'a jamais compris la nécessité absolue d une science fondamentale. La simplicité du sculpteur grec nous transporte parce nous sentons qu'il y a derrière elle une connaissance que parfaite de l'anatomie du corps humain ; celle de son imitateur nous laisse indifférents, car nous avons l'impression qu'elle ne masque que le vide. Une œuvre, par exemple, telle que l'éphèbe à genou de Subiaco, qui est à Rome au musée des Thermes, est aux productions de Flax- man ce qu'une miniature de Cooper ¡ ou de Smart est aux meilleures minia- ! tures de nos expositions modernes. | Les anciens miniaturistes apprenaient j à être artistes ; ils savaient dessiner et | peindre l'homme aussi bien que les j portraitistes. Il en résultait qu'ils ne | Fig. 553. — Athlète devenaient jamais quelconques en sim- et Python, bronze par Leighton. plifiant leurs procédés. Leurs succès- (A la Galerie Tate.) seurs modernes, au contraire, se con- 285 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE tentent d'apprendre la miniature; cela ne peut suffire, et il n'est pas nécessaire d'étudier longuement jeurs œuvres pour acquérir la cer- tiiude qu'elles sont dépourvues de toute véritable science. Rien ne pouvait être plus simplement conçu que l'épbèbe de Subiaco, dont nous venons de parler, et, cependant nous éprouvons, en le voyant, cette sensation que le cerveau qui le créa connaissait admirablement le corps humain. Ni Flaxman, ni les autres classiques anglais comme Banks et Gibbons, ni aucun clas- sique d'Italie, de France, d'Aile- magne ou d'ailleurs, ne nous pro- curent la même sensation. En étu- diant leurs œuvres, on acquiert la Fig. 554. — Le Prince Noir, conviction que la beauté extérieure bronze par Brock. de la (A Leeds.) sculpture grecque les a séduits et qu ils se sont appliqués à l'imiter, sans posséder d abord 1 anatomie du corps humain en la forme base. Les qui moyens dont dispose le sculpteur pour donner de l'expression à son œuvre sont SI . limités, quand on les compare à ceux du peintre, qu il ne peut rien négliger de tout ce qui est capable de donner plus de force à sa pensée. Il est évident que la seule ébauche de sculpture supportable est celle qui sé fonde sur le mouvement et la structure. Et, si elle nous suffit, c'est parce que nous sommes instinctive- ment conduits à supposer qu'une telle ébauche, quand elle est vraiment réussie, implique la faculté de mener l'œuvre à bonne fin. La première moitié du xix'' siècle a compté, en Angleterre, beaucoup de sculpteurs qui jouirent d'une assez grande — vogue. Mais leurs Fig. 555. œuvres sont presque toujours caractérisées Gainsborough, par la recherche d'une par simplicité Brock. qui ne signifie rien (A la Galerie Taie.) 286 SCULPTURE. — PÉRIODE MOYENNE. ella négligence des qualités les plus expressives de la sculpture. De bonnes conceptions resté- rent, pour ainsi dire, dans le marbre par le manque de mo- delé. Des statues comme les deux Eve, par E. H. Bailly (1788-1866), ou la Vénus, dite teintée, par John Gibson (1 790- Fig 556. — L'Évêque Philpot, par Brock. (A Worcester.) 557. cénotaphe de Lord 1866), seraient des œuvres d'art Fig. — Leighton, bronze et jiarbre passables, si leur modelé avait cIt!lLra^e7h-Pau!.) plus loin. Et leurs 61 la au- teurs les ont faites de cette ma- nière, non point par incapacité, mais bien plutôt parce qu'ils n'ont pas interpréter la simplicité grecque et su se sont fait une idée fausse des limites qu'il convenait de donner à la sculp- ture. Avec Bailly et Gibson, déjà cités, les artistes les plus connus de cette période malheureuse sont : Sir Fran- cis Chantry (1781-1842), dont les bustes ont souvent beaucoup de va- leur ; Sir Richard Westmacott (1 775- 1856) ; Samuel Joseph (mort en 1850), qui nous a laissé deux belles statues, l'une, Wilkin, à la Galerie nationale Fig. 558. — La Vaillance, ; par Alfred Stevens. l'autre, Samuel Wilberforce (fig. 550), (D'après le modèle pour à îabbaye de Westminster; Patrick le ilonumeni de Wellington.) GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE Macdowell (1799-1870) et james Wyatt (1795-1850) (fig. 551). Mais celui qui les dépassa tous est John Henry Foley (1818-1874). Ses statues d'Outram à Calcutta (fig. . 552), de Goldsmith, Burke et Grattan à Dublin, du Prince Consort à Hyde Park, celle- ci souvent critiquée injustement, sont de bonnes œuvres, encore qu'elles manquent de génie. ^ Foley disparu, son influence persista dans les œuvres de Lord Leighton et de M. Thomas Brock. On a, de Lord Leighton, deux bonnes statues : Athlète Fig. 559. — La Vérité, luttant contre un Python (fig. 553) et par Alfred Stevens. le Paresseux, qui sont à la (D'après le modèle Galerie pour le Monument de Wellington.) Tate. On possède de même, deM.Tho- mas Brock, un certain nombre de grou- pes et de statues où cet artiste a fait preuve d'un grand talent. Le Prince Noir (fig. 554) à Leeds, le ¿Moment de danger, Eve et Gainsborough (fig. 555) à la Galerie Tate, l'Évêque Philpot (fig. 556) à Worcester, le Cénotaphe de Lord Leighton à Saint-Paul (fig. 557), le Robert Raikes sur la Victoria Embankment à Londres, et la Reine Victoria des dernières mon- naies frappées à l'effigie de cette souve- rame, sont les principales œuvres de M. Brock. Indépendamment de leur valeur, qui est considérable, ces œuvres témoignent d'une diversité peu commune. Deux autres sculpteurs de talent, qui peuvent être classés avec M. Brock et Lord Leighton, sont le préraphaélite Thomas Woolmer (1725-1892) et George Armstead (1828-1905). Les meilleures productions du second pour- raient être son Tombeau de Lord IVin- Fig. 56o. — Mo.nument marleigh et la porte intérieure du de Wellington, par Alfred Stevens. restaurant Holborn, à Londres. (A la Cathédrale Saint-Paul.) SCULPTURE. - PÉRIODE MOYENNE Mais le plus grand artiste anglais du XIX" siècle est un sculpteur, Alfred Stevens (1818-1875), qui fit ses premières études dans le sanctuaire des principes stériles dont ne peuvent s affranchir que les hommes de génie. Stevens, encore très jeune, entra, à Rome, dans l'atelier de Thorwaldsen. Heureusement son talent fut si robuste, sa recherche de tout ce qui se rapportait à 1 art fut si passionnée, qu'il évita l'écueil de se former au moule d'autres hommes. Stevens fut réellement son propre éducateur, comme sculpteur, comme peintre, comme architecte et comme ornemaniste. De retour en Angleterre, il accepta toutes les besognes qui impliquaient l'emploi de ses connaissances. Il enseigna dans des écoles d art, dessina des garnitures de foyer, décora des maisons. La mort de W^ellmgton Fig. 56i. — L'Énergie vitale, bronze, par G. F. Watts. (,lardi7is de Kensington.) 289 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE lui permit de se révêler. Après les vicissitudes qui accompagnent tous les concours, il fut chargé d'exécuter le mausolée de l'illustre Duc. Stevens, demeuré jusque-là sans notoriété, dut à la renommée de son oeuvre d'avoir d abord un petit cercle d'amis, ensuite quelques commandes qui don- nérent de la variété à ses travaux. La conception générale du monument de Wellington est fondée sur les tombes voûtées de la Renaissance italienne et, plus spécialement, sur la tombe de Marie- Stuart, à l'abbaye de Westminster. Mais Stevens s'est montré de beaucoup supérieur à tous ses modèles, aussi bien sous le rapport de la cohésion Fig. 562. — Projet et de l'harmonie du projet que sous de Monument C om.mé.moratif celui du dessin grandiose des groupes pour l'Exposition de i 85 i, et des personnages. Pour trouver par A lfred Stevens. mieux (Au Mtcsée Victoria and Albert.) que sa Vaillance (fig. 558) et sa Vérilé (fig. 559), on est obligé de s'adresser à Michel-Ange, c'est-à-dire au plus puissant de tous les sculpteurs Imaginatifs ; son portrait de Wellington, avec le sarcophage qui lui sert de base, n'a pas été dépassé sous le rapport de la dignité et de la valeur décorative (fig. 560). Les autres oeuvres de Stevens comprennent : une esquisse splendide (fig. 562) pour un monument commémoratif de l'Exposition de 1851, à laquelle on pré- féra une production sans caractère de Durham, aujourd'hui reléguée derrière l'Albert Hall ; ses dessins pour la décoration des dômes de la cathédrale de Saint-Paul et de la Salle de lecture du British Museum ; les décorations 1 — scuIlpt. ura dje rDvorchI estI er Hu F C es ouse ig. 563. aryatides y compris deux belles caryatides (fig. 563) (A Dorchester House.) 290 SCULPTURE. — PÉRIODE MOYENNE de nombreux dessins pour des ou- vriers en métaux et autres artisans. Stevens est au nombre de ces artistes dont le moindre croquis a de la valeur. La Galerie Tate possède une bonne collection de ce que l'on pourrait appeler les miettes de son talent. Elle comprend, en particulier, son dessin pour la mosaïque d'isaïe à la cathédrale de Saint-Paul, cinq ( tableaux à l'huile et un certain nom- I bre de dessins et d'esquisses. C'est Fig. 564. — Hugh Lupus, Comtk j à Stevens qu'appartient l'honneur dk Chester, par G. F. Watts. (D'après le modèle.) 1 d'avoir inventé la forme particulière de dessin, développée par M. Alfred Gilbert et d autres artistes, j ! qui est fondée sur un système de lignes courbes et d où dérive ce qu'on appelle l'art nouveau. G. F. Watts est le dernier sculpteur qui soit à mentionner dans ce chapitre. 11 étudia la sculpture sous la direction de Behnes ; mais, comme nous l'avons dit, ses véritables maîtres furent Phidias et les ' marbres du Parthénon. Ses meilleures œuvres sont la Clytie, dont la Galerie Tate possède un bronze, l'Énergie vitale (fig. 561), dans les Jardins de Kensington, et le magnifique groupe équestre de Hugh Lupus (fig. 564), à Eaton Hall. Il serait vivement à souhaiter qu'une copie de ce groupe fût érigée à Londres. On peut bien dire, d'une I manière générale, que la capitale de l'Angleterre n'est pas gâtée en belles œuvres d'art. Elle n'a gardé, pour ainsi dire, que les pro- I ductions de second ordre de ses sculpteurs ; les meilleures sont dans les provinces ou les colonies. Il n'est d'ailleurs pas impossible que la surveillance trop étroite, exercée par les comités londoniens, sur les artistes qu'ils emploient soit la principale cause de cette infé- riorité. {Pour la Bibliographie, voir à la fin du chapitre XXI.) 291 4 Fig. 565. — Retable a la Cathédrale de Saint-Albans. par Alfred Gilbert. CHAPITRE XXI LA SCULPTURE CONTEMPORAINE est difficile de trouver l'origine réelle de tout mouvement dans IL les Beaux-Arts. Le plus souvent, on se contente de l'hypothèse post hoc propter hoc ; en présence de deux mouvements simi- laires, on conclut que le plus ancien est à l'origine de l'autre. Encore que cette argumentation mène facilement à l'erreur, ce n'est pas ici le lieu d'en démontrer la fragilité, car elle est absolument vraie pour l'Angleterre. Rien ne semble plus fondé que l'affiliation artistique qui relie la dernière phase de la sculpture anglaise à l'école fran- çaise de la génération qui nous a précédés. Cependant la sculpture française du milieu du XiXi= siècle, si elle se montra plus avancée que celle des Iles, ne sut pas se pénétrer aussi complètement qu'il l'aurait fallu de la sincérité de l'art grec. Le changement qui se produisit, au siècle passé, dans la sculpture, tint aux mêmes causes que le romantisme en littérature. Carpeaux, qui manqua parfois de goût, mais fit toujours preuve de talent, en fut le principal instigateur. Il eut pour élève, ou tout au moins pour disciple, Jules Dalou, que des raisons politiques forcèrent à s'expa- trier en Angleterre au lendemain de 1870, et dont l'enseignement = 292 - LA SCULPTURE CONTEMPORAINE à Lambeth fut des plus féconds. Dalou apprit aux.jeunes Anglais qu'une instruc- tien superficielle et une fausse interpré- tation de la tradition classique étaient les seules causes de 1 infériorité de leur art national. 11 indiqua à ses élèves l'ana- tomie comme fondement de leur science substitua l'étude approfondie de l'or- et ganisme à la simple connaissance de la forme apparente du corps humain. A partir de ce moment, les jeunes gens formés à son école se trouvèrent en bonne voie pour expri- mer leurs idées, quelle qu'en fût la valeur, et leurs œuvres ga- gnèrent en sin- cénté. Le premier Fig. 566. — Artémis, artiste de la par Hamo Tiigrnycroft. jeune pléiade, (A Eaton Hall,) qui dut beau- coup à l'enseï' gnement de Da- lou, fut M. Ha- Fig. 567. — Le Général mo Thorny- le Gordon, bronze croft, dont par Hamo Thornycroft. père et la mère (A Trafalgar Square.) étaient seul- pteurs. Il appela sur lui l'attention par deux statues, YArtemis (fig. 566) et surtout le Teucer (fig. 368), qu'il exposa en 1881, et qui fit immédiatement sen- sation. M. Thornycroft a inauguré le nou- veau mouvement de la sculpture britan" nique par le modelé irréprochable et Fig. 568. — Teucer, bronze l'intensité de vie de ses personnages. Son par Hamo Thornycroft. Teucer fut suivi d'une série d'autres sta- (A la Galerie Taie.) 293 — GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE tues, dont on ne peut dire d'aucune qu'elle soit absolument manquee. Le Général Gordon (fig. 567), le Faucheur (fig. 569), YÉvêque Goodwin à Carlisle, le plâtre d'Edouard F' (fig. 571) resté à l'état de projet, le Crom- Toell que l'on a si mal placé à Westminster, le Gladstone, dans le Strand, dont les aco- lytes vocifèrent peut-être plus qu'il ne fau- drait, et YEvéque Creighton (fig. 570), dans la cathédrale de Saint-Paul, peuvent compter parmi les plus belles. Un autre artiste de grand talent, au- jourd'hui décédé, est E. Onslow Ford, dont Fig. 569. — l'éducation fut un Le peu Faucheur, bronze par Hamo Thornycroft. cosmopolite. Celle de (A la Galerie de Liverpool.) ses œuvres qui le fit connaître est une statue de Rowland Hill. Ford produisit ensuite la belle statue déIrving dans le rôle de Hamlet (fig. 572) ; le Huxley, qui est au Muséum d'Histoire naturelle ; le Monument commémo- ratif de Shelley, à Oxford ; le Gordon érigé à Woolwich ; le monument élevé à la mémoire du T)octeur Jowett, et la statue man- quéede Lord — Strathnairn, Fig. 570. L'évêque Creighton. bronze a Knights- par Ha.mo bridge. Thornycroft. L'histC la 'ire {A Cathédrale de Saiiit-Paul.) de cette der- niére œuvre est un exemple, qui vaut d'être cité, de l'ingérence fâcheuse des Comités dans le tra- vail des artistes. Le premier pro- jet de Ford était excellent ; le Fig. 571. — Édouard It, pi.atre cheval était campé au bord du par Hamo Thornycroft. socle et baissait la téte, tandis 294 LA SCULPTURE CONTEMPORAINE que le cavalier, vu de face, regardait au loin, comme s'il observait un combat. L'uniforme de Lord Stratbnairn était celui de colonel du L' Life Guards. Toute la conception se faisait remar- quer par son unité de ligne et d'action. Le Comité du monument n'en voulut pas ; il demanda à l'artiste des modi- fications qui lui firent beaucoup de peine, mais auxquelles il dut se résou- dre, et le résultat de ses efforts fut le groupe relativement sans caractère que nous possédons. En pareille matière, la faiblesse de jugement des Comités an- glais est Fig. 572. — Irving dans le rôle d'hamlet, étonnante. par E. Onslow ford. Que dirait- (A la Galerie Guidhall.) on d'un pa- tient qui se mêlerait de conseiller son chirurgien ? Et cependant, ce travers, à tout prendre, ne serait pas plus ridi- cule que celui d un comité de généraux ou de fonction- naires ci- vils de- mandant Fig. 573. —Monument la modifi- de la Reine Victoria cation des a Manchester, bronze et lignes marbre par E. Onslow Ford. d'une sta- tue. Il est regrettable d'avoir à le reconnaître ; mais, en Angleterre, les Comités de monuments ne sont presque jamais intervenus que pour faire preuve de mauvais goût. Beaucoup d'oeuvres sont manquées, — non par la faute des Fig. 574. Maternité, architectes ou des sculpteurs qui les partip: postérieure du Monu.ment de la Reine ont signées, mais par celle de per- ^'ictoria a Manchester, sonnes qui n'ont pas su distinguer les par E. Onslow Ford. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE bonnes choses des mauvaises. A cet égard, il semble bien, toutefois, qu'un changement soit sur le point de se produire. Durant ces dernières années, on a agi plus sainement, et tout permet d'espérer que les Comités du XX ° siècle sauront éviter les fautes de leurs devanciers du X1X°. Ford est l'auteur du Monument de la Reine Victoria, à Manchester (fig. 573 et 574). Pour ter- miner ce que nous avions à dire de cet artiste, nous ajou- Fig. 576. — terons qu'on lui doit d'Orphée, aussi La Jeunesse plâtre par J. M. swan. quelques bustes, dont les deux d'Orphée, plâtre meilleurs sont . ceux de Sir parJ m . Swan. WilliamOr- (Vue de dos.) chardson et du peintre paysa- giste Ridley Corbet. M. John Mac Allan Swan, qui fut son ami, eut un genre tout différent du sien. De même que beaucoup de sculpteurs anglais depuis une quarantaine d'années, cet artiste forma son talent dans plusieurs pays, sur- tout en France. En Angleterre, il étudia à Fig. 577. l'école de Lambeth. — Le Duc de Devonshire, par J. Goscombe John. M. Swan peut être considéré (A Eastbourne.) comme un élève de Barye et de Frémiet. Ses œuvres valent les leurs ; à certains égards, elles leur sont même supérieures. Plus que personne, il a tra- vaillé de dedans en dehors, n'oubliant Fig. jamais qu'un animal 578. —Léopard et Tortue, bronze par j . m . Swan. LA SCULPTURE CONTEMPORAINE vivant est une sorte de ma- chine qui se meut comme le lui permettent ses articulations et ses leviers. Cependant cet artiste ne s'en est pas tenu à l'impeccabilité de la structure ; il a modelé l'enveloppe de ses sujets avec plus de vérité que ne l'avaient fait avant lui les meilleurs sculpteurs anima- liers, sans en excepter, comme nous venons de le dire, Barye et Frémiet, qui furent ses ptio- déles. M. Swan est un des rares artistes mo- dernes que l'on puisse comparer aux Italiens du début de la Renais- sanee. 11 est à la fois sculpteur, peintre orne- maniste et dessinateur. Les meilleures de ses œuvres nous paraissent la Jeunesse d'Orphée (fig. 575 et 576), un Puma et Macao, un Léopard et Tortue (fig. 578) et la Fée Mor- gane. M. Swan, au moment où nous écrivons, s occupe de modeler les lions colossaux Fig. 58o. — Dame qui Alice Owen, dé- par George Frampton. re- ront, dans le Sud- Africain, le Mausolée de Cecil Rhodes. Un autre animalier, dont le talent a de nombreux points com- muns avec celui de Fig. 58i. — Chiens en laisse, plâtre M, Swan, fut Harry par Harry Bates. Bates. D'abord sculp- (A la Galerie Taie.) armstrong. — grande bretagne et irlande. 20 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE teur sur bois, cet artiste eut un goût de la ligne que l'on peut dire génial. Sa vie, malheureusement très courte, ne lui permit pas de produire beaucoup. On lui doit deux bas-reliefs, l'un ¿iEnée, l'autre d'//omère et un groupe de Chiens en laisse (fig. 581). A la même génération d'artistes appar- tiennent encore : M. Roscoe Mullins, dont l'œuvre maîtresse est le Fronton du Musée Preston ; M. George Simonds, à qui l'on doit la statue de l'Aurore Scandinave, la Déesse Gerd ; M. Stirling Lee, qui a sculpté les bas-reliefs de la Halle Saint-George, à Liverpool ; M. Lucchesi, Fig. 582.^— La Fortune, F.Pegram. d'origine italienne, auteur par de la Destinée et de / Envolée de VImagination ; enfin, M. Pome- roy, qui a travaillé sous la direction de Dalou, à Lambeth, et à qui l'on doit beaucoup de bonnes statues, dont la meilleure est celle de Burns, à Paisley. M. Pomeroy a fait aussi un très grand nombre de sculptures architectomques. Parmi les sculpteurs d'une époque plus ré- cente, M. George Frampton, élève des écoles de Lambeth et de Paris, tient sans doute la première place. Cet artiste, qui commença a ex- Fig. 583. — Joseph poser en 1884, Priestley, devint la par Alered par Drury. suite un fidèle habitué de l'Académie royale et lui envoya les Enfants de la Louve (Romulus et Rémus rapportés par le berger Faustulus), Mysteriarch, Lamia,Dame AliceOwen (fig. 580) et d'autres œuvres notables. Autant par ses qualités que par ses défauts, Fig. 584. — Groupe, par Alfred Drury. M. Frampton est très personnel. (Au War Office.) Aucun de ses contemporains ne l'a LA SCULPTURE CONTEMPORAINE égalé dans sa puissance d'inspiration ; d'autre part, il est curieux de con- stater, dans ses dessins, un défaut d'unité résultant d'un léger manque de relation organique entre les par- ties. M. Frampton a produit beau- coup de bonnes œuvres décoratives et contribué grandement à dévelop- per le goût du public anglais en matière d'art. On peut citer, dans le nombre de ses sculptures : Charles Mitchell, à Newcastle ; la statue de Lord Salisbury, à Hatfield ; et la statue de Quintin Hogg, dans Re- gent Street, où le resserrement du — dessin Fig. 585. Victoire. est pleine- par Albert Toft. ment en harmonie avec l'exiguïté de 1 emplacement. M. J. Gos- combe John est encore un autre élève de Lam- beth. Comme Bates, il commença par sculpter sur bois et n'obtint la médaille d or de 1 Aca- démie royale qu'à un âge relativement avancé. Ce qui surtout le caractérise est le modelé Fig. 585. — Saint de ses figures. Georgîis. Son torse de par II. G. Fehr. MorphéeòXXive à la perfection. D'autres bons exemples de son talent sont : un Saint-Jean-^aptiste, la statue assise du Duc de Devonshire (fig. 577), à Eastbourne, et XElfe (fig. 579). Il nous reste encore à citer M. Pegram (fig. 582), M. Alfred Drury (fig. 583 et 584) et Fig. 587. —Base de Candélabre, M. Albert Toft (fig. 585), qui par Alfred Drury. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE ont su profiter d'occa- sions exceptionnelles pour nous donner la mesure de leur valeur. M. Drury, en particulier, a doté plusieurs villes d'oeuvres importantes. Les meilleures pou- raient être son Groupe du WarOffice{^s,.5Ç>4) et le Joseph Priestley (fig. 583), que possède la ville de Leeds. M. Fig. a 588. Drury fait — Le Trouveur plus, — en nous montrant, dans Fig. 589. circé, d'images, par W. R. par Bertram Mac colton. cette même ville, que Kennal. les objets d'une sévère utilité se prêtent parfaitement à l'emploi du grand art (fig. 587). Le square de Leeds a, de cet artiste, le meilleur groupe décoratif de toute 1 Angleterre. A le constater, les hommes qui sont responsables de l'aspect actuel de Parlement Square, à Westminster, devraient' éprouver quelque confusion. Au milieu du groupe de Leeds, est la statue du Prince Noir (fig. 354), par M. Brock ; huit lampes élec- triques l'entourent, dont les sup- ports sont des femmes nues, d'un modelé admirable, et cette dispo- sition est heureusement complé- tée par quatre statues colossales, auxquelles ont travaillé M. Drury et M. H. C. Fehr. Les meilleures œuvres de M. Toft sont propablement sa Victoire (fig. 585) et son Esprit de contemplation. „ Fig. „ L, a ^ Encore 590. — Ceinture, plus près de nous, -i i i PAR w. r. colto.v. hommes d un talent supe- (A la Galerie Taie.) rieur sout M. Bertram Mac 3oo LA SCULPTURE CONTEMPORAINE Kennal et M. W. R. Colton. Le pre- mier, né en 1865, est le fils d'un sculp- teur écossais qui émigraen Australie. Il fit son éducation à Londres et la compléta à Paris. A l'âge devingt-quatre ans, il obtint, au concours, de déco- rer le palais du Gouvernement, à Fig. Melbourne. On lui 592. — L'Épine, Fig. 591. — Icare, par A. G. Walker. bronze par Alfred doit, dans le nom- Gilbert. bre de ses productions de valeur, deux sta- tues, l'une de Circé (fig. 589), l'autre de T)iane blessée. Cette dernière est à la Galerie Tate, où se trouve aussi ^un groupe du même auteur, la Terre et les Éléments, conçu à la manière de Rodin. L'éducation de M. Colton s est faite à Lam- betb, à l'Académie royale et à Pans. Celles de ses œuvres qui ont le plus de renom sont le Trouveur d'images (fig. 588), la Ceinture (fig. 590) et le Printemps de la Vie. La Galerie Tate a les deux dernières. Cette même génération de sculpteurs compte encore : M. A. G. Walker, à qui l'on doit l'Epine (fig. 592), le Sommeil et un beau bas-relief ayant pour titre le Dernier Fléau ; M. J. Wenlock Rollins ; M. Gilbert Bayes : M. Taubman ; M. Paul Montford et M. Der- went Wood. M. Wood, surtout, s'est fait re- la marquer par la souplesse de son dessin et pureté de ses modelages ; un grand avenir lui Fig. 593. — Porte d'entrée semble réservé. de la Galerie Quelque peu en dehors des autres sculpteurs écossaise se place un artiste, M. Havard Thomas, qui des Portraits, est l'auteur d'une fort belle statue : 1 Esclave, par Birnie Riiind. GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE et d'une pièce très discutée : le Lycidas. Le modelage du Ly- cidas est admirable ; mais cette qualité d'une sculpture est- elle suffisante pour la faire accepter comme œuvre d'art et peut- elle compenser le man- que presque total de dessin organique ? En d'autres termes, une imitation parfaite des formes extérieu- res du corps humain est-elle du bon art ? La réponse à cette question ne peut faire aucun dçute. En Ecosse et en Irlande, la sculpture a été jusqu'ici peu flo- rissante. En Ecosse surtout, elle n'a rien produit qui ne soit faible. du- Fig. 594. — Monu.ment Cependant, de la Reine Victoria, rant a Winchester, ces par Alfred Gilbert. vingt der- (Vue postérieure.) niéres années, on a pu constater des gres sérieux. pro- Parmi les artistes vivants, M. Mac et M. Birnie Gillivray Rhind ont à leur actif quelques bonnes œuvres. Les statues, dues à ce dernier, qui décorent la porte d'entrée de la Galerie nationale écossaise des portraits (fig. 593) sont de ce nombre. D'une manière générale, la capitale de l'Irlande a été heureuse plus que celle de l'Ecosse. Tandis que les statues qui Prince's garnissent Street sont lamentables, le plus grand nombre de celles de Dublin méritent qu'on les loue. Une exception, toutefois, doit être faite pour un Thomas Mcore de plomb, qui est une honte pour les 302 LA SCULPTURE CONTEMPORAINE grand homme. L'Irlandais Foley a beaucoup lait admirateurs de ce pour sa ville, et le Parnell d'Augustin Saint-Gaudens méritera de l'Irlande certainement des éloges. Il y a peu d'années, la capitale s'est enrichie d'un monument de grande valeur élevé à la mémoire de la Reine Victoria (fig. 596). Son auteur est un jeune Irlandais, Le socle triangulaire de ce monument est habi- M. John Hughes. lement travaillé. L'ensemble est d'une exécution remarquable et d'une originalité de conception du meilleur goût. Nous n'avons cité jusqu'ici, dans ce chapitre, que des hommes dont les facultés dépassent notablement celles du plus grand nombre des sculpteurs an- glais. Il nous reste à parler d'un dernier artiste, M. Alfred Gilbert, dont le ta- lent, comme celui de Stevens dans une génération précéden- te, doit être mis à part. M. Gilbert est le fils d'un musicien. Il fit son éducation à South Kensington, à l'Ecole des Beaux- Arts, à Rome, et dans l'atelier de Sir Edgar Boehm. Celle de ses oeuvres qui le fit connaître est un groupe intitulé Mère eíFí7s.Ila,depuis,exé- cuté Icare (fig. 591 ), qui est une des plus belles concep- tions de la sculpture ; des bustes comme ceux deJ. S.Clayton, Watts et le Baron la Reine Victoria, Huaaleston unesta- Winchester, par Alfred Gilbert. ; ^ tue de la Reine Vic^ (Vue de face.) 3o3 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE toria pour Winchester (fig. 594 et 395) : le Monument commémoratif de Fawcett, à l'abbaye de West- minster ; la statue splendide de Hoxùard a Bedford ; la Fontaine de Shaftesbury ; le Monument du Duc de Clarence, à Windsor, et le retable étrange, mais qui fascine, du grand autel de la cathédrale de Saint- Albans (fig. 565). Cette liste, quoique longue, n'énu- mère que les plus importantes des œuvres de M. Gilbert. Il faut y ajou- ter un grand nombre de statuettes (fig. 597 et 598) et de dessins décoratifs, depuis celui de l'objet d art qui fut offert, les officiers Fig. 596. — Monument par de la Reine de 1 armée Victoria, a Dublin, anglaise, à la Reine Vie- par John Hughes. ioria, à 1 occasion de son premier jubilé, jusqu'à de menus tels que des objets, cachets, dont le plus beau a été fait pour Lady de Vesci. ^ M. Gilbert est de tous les sculpteurs anglais contemporains celui qui possède le cerveau le plus puissant. Quoique parvenu à l'apogée de son talent, cet artiste n'accepte jamais de commande sans y trouver la matière d'un problème. Sa tête se remplit d'idées esthétiques ou techniques en pensant à la composition . qu'il doit fournir, et il en résulte fréquemment une lenteur d'exécution qui n'est pas sans lasser la patience de ses clients. On peut pres- que dire que pas une sculpture de M. Gilbert ne traduit sa pensée pre- mière. A l'appui de cette assertion, il nous suffira de citer le buste du Baron Huddleston. L'artiste eut d'abord Tinten- ^97- - Saint Georges . , . , tion de lui donner |1, , du tombeau du Duc aspect du bronze et d'en faire Clarence, a Windsor, une œuvre qui aurait rappelé le par Alfred Gilbert. LA SCULPTURE CONTEMPORAINE célèbre buste, en terre cuite colorée, de Colley Gibber (fig. 547). Il y renonça, mais pour revenir à son idée en exécutant les retables, restés inachevés, de Saint- Albans. L'habileté technique et les ressources de M. Gilbert sont comparables à celles de Cellini. La critique n'a de prise que sur ce qu'on peut appeler son jugement externe. S'il a un espace à remplir, on peut être sûr que M. Gilbert, en y mettant le temps, pro- duira un chef-d'œuvre. Malheureusement, ce chef-d'œuvre ne sera pas toujours celui qui conviendrait. La Fontaine de Shaftesbury, reproduite Fig. 598. — LaTragédie en argent, ferait une admirable garniture de et la Comédie, bronze table de salle à par Alfred Gilbert. manger ; elle y serait à sa vraie place. Mais, dans la plaie encore béante de Piccadilly Circus, sa beauté est comme perdue, et 1 emplacement qu'elle devrait occuper demeure à moitié vide. On pourrait critiquer avec non moins de justesse la tombe du Duc de Clarence, à Windsor. Le sarcophage et la grille, envisagés séparément, sont fort beaux ; mais la grille cache le sarcophage, et le marbre blanc de celui-ci obstrue les décou- de celle-là. Ainsi cette grille qui entoure la tombe pures exquises du Duc de Clarence est presque aussi fâcheuse que la grille de bronze qui masque la statue de Henri VII, dans la chapelle de Westminster. La plus grande tragédie de l'art est l'impuissance de celui qui s'y consacre à réaliser pleinement ses rêves. L'artiste est comme l'or pur qui s'use trop vite. Et de même que l'or pur a besoin d'un alliage qui le rende plus apte aux divers usages auxquels on le destine, de même il est nécessaire que 1 artiste possède ce sentiment que le mieux est l'ennemi du bien. Il faut qu'il sache retirer sa main d'un chef-d'œuvre qui pourrait encore être amélioré. En courant après la perfection, la première inspiration s'éteint trop souvent. Il n'est malheureusement pas donné à tout le monde de ressem- hier à Stevens et d'être, comme lui, un créateur génial et le critique infaillible de soi-même. ^ 3o5 GRANDE-BRETAGNE ET IRLANDE BIBLIOGRAPHIE DES CHAPITRES XIX A XXL ~ Sidney Flaxman the Colvin, The DraJ wings of in Gallery of University College. London, with a Notia his 1876. — Dictionary of of National Life, Biography. — M. R. James, The Chapel Ely The Sculpture in the at ; Sculpture on Wells Lady- Cathedral, dans Archaologia, t. LIX. ■— house, The C. Monk- Works of Stevens, 1881. — E. S. Prior et A.Gardner, dans XArchitectural English Medieval Seul- pture, Review, t. XII-XVII. — M. H. Spielmann, British and Sculptors of Sculpture to Day, 1801. — H. Stannus, Alfred Stevens, 1891. — Les Art Union Journal, Art périodiques Journal, Architectural Review. INDEX ALPHABÉTIQUE ' Arc de Marbre (Les Portes Balfour (Collection de M 124. A.-J.), 224. de D, Bangor (Collection de Lord), 95. Abbotsford, 10. Archer, 92, Abel (John), 76. Archer's Hall, 193. 184. Bankes (Collection de M. Abercorn (Collection du Duc Aristote, 4. 184. d'), 196. Armagh (Le Livre d), 14, ; Ralph), ' Banks ("Thomas), 284. _ Académie (L ) royale, 175, 138. 176, 195, 203, 205, 224, Armstead (George), 288 Banque (La) d'Angleterre, (Tombeau de Lord ]Vin- I 102. 227. Barcheston, comté de War- ^ Académie ( L') royale d'Ecosse, marleighy 288). de wick, 1 34. 214. Armstrong (Collection de), comté • Adam (Les), 97, 98. Lord), 205. Bardsey (Eglise d'York, 20. Adelphi (Les), 97. Arras, 8. 158. Baring (CZollection de M.Tho- Adonis (L'), de Michel-Ange, Arun(íel, 134, Ascoli (La Chape d'), 1 33, mas), 188, 278. 166. TEdelwyrme, 132.. Ashburnham House, 84. Barlow (Francis), Barnack (Eglise de), comté de Aelflede, femme d'Edouard Ashfield (Edmond), 167. Ashmoléen (Musée), 86, 136, Northampton, 17, 20. 132. 160, 166. Barret (George), 185, 254. TElgithe, femme du roi Canut, Birmingham, Barret le jeune (George), 132. Aston Hall, à 257. Agecroft Hall (Manoir de), 76. Aston Webb (Sir), 1 1 3. Barry (E. M.), 52. 77. Barry (Sir Charles), 103, 104. Aix-en-Provence, 1 34, Athenœum Club, 102. 66. Barry (James), 171, 197. Alcuin de York, 139. Atherington (Eglise d'), (Eglise de), Alexander (William), 256. Atkinson (M.), 114. Barton-on-Humber comté de Lincoln, 1 7, 20. Alfred le Grand, 140. Aubusson, 1 34. 286. Algernon Coote (Collection de Audley End, 74. Barye, (Collection de Bates (Harry), 297 (Enée ; Sir), 164.. Audley Neeld Chiens en laissCt Ail Saints (Eglise de), à York, Sir), à Grittleton, 180. Homère ; 105,129. Augsbourg (Cathédrale d'), 298). de), 59, 63, Ail Souls (Collège d'), à 125. Bath (Abbaye Oxford, 64, 90, 94, 129 Austen Brown (T.), 231. 96. 10. 169. Avebury (Eglise de), comté Battersea, Bàttersea (Les émailleurs de), Allston (Zollins (Charles), 224. de Wilts. Altamira (Peintures des grottes Aveline (La Statue de Lady), 124. Westminster, 278. Battersea (Collection de Lady), d'), 1. à Althorp, 178, 201. Aylesford (Comté de Kent), 224. Bayes (M. Gilbert), 301. Altyre, 10. 9. (Cathédrale d'), 41, Aymer de Valence (Tombeau Bayeux (La tapisserie de), Amiens 56. de), à Westminster,51, 278. 132. Beach (Thotnas), 190. Ampthill (Château de), 77. Beale (Marie), 165, 166. Andrew, 246/ ! Beard (Thomas), 147. Anges (Tour des), à Canter- Beauchamp (Chapelle), à bury, 59. 284. Warwick, 58. Annaly (Collection de Lord), Bacon (John), | ' 196. Bacon (Nathaniel), 159 (La Beaulieu (Abbaye de), Hamp- ' 44. Anne (Tombeau de la Reine), Cuisinière, 1 59). shire ^ Beauvais, 134. à Westminster, 57. Bailly (E.-H.), 287 (Eve, ' Anne (Statue de la Reine), 287). Beckett (Isaac), ,146. 18,1 Beckington (L'Evêque) (ses devant Saint-Paul, 283. Baldwin Brown (M.), 16, à Wells), 59. ' Anvers, 163. 19. ! constructions 3O7 IN DEX ALPHABÉTIQ Bedford, 304. Bourse (La seconde) royale, Burke (Thomas), 149. Beak (David), 162. 92. Behnes (William), Burlington Magazine (Le), 218, 291. Bourse (La), de Copenhague, 159. Belcher (M.), 111. 84. Burlington Belfast (Hôtel House, 161. de Ville), 1 15. Bovey Tracey (Eglise de), 67. Burne-Jones, Bell 222, (Henri), 92. 223, 259, Bow (Eglise de), à Cheapside, 264 (Les Belt, jours de la Créa- 283. 87. tion ; L'Enchantement Benedetto de da Rovezzano, 70. Bower (Edouard) (Charles F' Merlin ; Le Miroir de Vé- Benedictional (Le) de Chats- devant ses Juges\ 163. nus; Laus worth, 140. Veneris; Le chant Boyce (G. P.), 225. d Amour Le Roi Bénédictins ; (L'Abbaye des) Cophetua Boydell, 149, 197.. et la jeune Mendiante La de Glastonbury, 140. ; Bradford-on-Avon (Eglise de), Roue de la Fortune Benson L'Esca- (Collection de M. R. ; comté de Wilts, 20, 268. lier d'or; Les H.), 224, 226. Profondeurs Bramley (Frank), 232. de la La Tour Bentley, mer; d'ai- 116, 124. Brandon (Raphaël), 105. rain ; La Rose Bernay Crome (John), 209. Branston Sauuage, (Eglisede), comté de 224). Bettes (John), 1 58. Lincoln, 20, 23. Burns 192. Bettes (Robert), (Thomas), 1 58. Branston (Robert), 145. Burton (W. S.), 225. Beverley (Cathédrale de), 50, Brasenose (Collège de), à Bury 51. Saint-Edmunds, ■ 26, 28, Oxford, 60. 29. Bewcasle (La croix de), 267. Bréchin (La Tour de), 13. Busby (Statue du Bewick à (Thomas), Docteur), 144, 145 Brett (John), 229. (Les Westminster, 283. quadrúpedes anglais; Bridgewater House, 103. Bushey Park, 89. Oiseaux anglais, 145). Bristol, 105, 128. Butterfield, 105. Bibracte (Les Fouilles de), Bristol (Musée de), 10. Byam Shaw, 225. 120. British Muséum, 10, 11, 102, Bigg (W. R.), 149. 133, 135, 136, 139, 144, Bird (Francis), 283. 154, 175, 210, 254, 255, C ■ Birdlip, 8. 263, 278. Birket Foster,.223. Briton Rivière, 238 (Le Trou- Caerlaverock (Château Bishopstone (Eglise de), de), comté peau de porcs), 238. 79. de Sussex, 20. Brixworth (Eglise de), comté Caesar (Sir, Julius) Black Death (La) (Tombe (La Mort de Northampton, 19. de), à l'Eglise de Sainte- Noire), 141. Brock (M. "Thomas), 288, Hélène, 282. Blenheim Palace, 93, 161, 300 (Le Prince Noir,\ Le Calderón (P. 237. ' 178. Id.), . Moment de (Église Danger; , Eue ; Callcott, Blois 216, 217 (Embou- de), 40. Gainsborough ; chure de la Blomfield (M. L'Ecéque 217). Reginald), Tyne, 71, Philpot; Le Cénotaphe de Cameron (D. Y.), 231. 72, 74, 84, 92. Lord Leighton ; Robert Campanile Blomfield (Le) de (Sir Arthur), 105. Venise, Raikes ; Embankment ; La 108. Blooteling (Abraham), 146, Peine Victoria, 288). Campbell (Château 148 (Le de), 79. Monmouth, 148). Bromley (J.-C. et James), 150. Campbell 95. Bloxham (Flèche (Colin), de), 92, 5 1. Brooking (Charles), 189, 254. Canada (Les au Boadicée, Portes), 131. pa- Brooks (James), 148. lais Bodley, Buckingham, 124. 105, 168. Brooks (John), 105, 147. Canale Bogie (Antonio), 186, (John), 247. Brough (Robert), 235 (Sainte- Canterbury (Cathédrale Boit (CJharles), de), 250. Anne de Bretagne ; Entre 26, 34, 37, Bologne (La Chape 38,56,63, 126, du Musée le soleilet la lune ; Fantaisie 134, 269. de), 133. en folie, 236). Cardiff (Château Bomfield de), 105. (M. Reginald), 1 14. Brown (Frédéric), 239. Carlisle Bonde (Sir (Cathédrale Edward) de), 50, (For- Browne (Alexandre), 146 52. trait de), 1 56. Brumwell (Sir E.), 1 15. Carlisle 223. Bone (Lord), (Flenry), 251. Bruxelles, 1 34. Carpeaux, 291, 292. Bone (Henry Pierce), 25 1. Bryanston Park (L'Hôtel Bone de), Cartmel (Eglise 67. (Robert de), Trewick), 251. 117. Casino Bonington, (Le), près de 262. Dublin, Brydon (James), 96, 1 13. 97. Bonnat, 165, 237. Buccleuch (Le Duc de), 242, Castle 93. Bordier (Pierre), Howard, 248, 249 243. Cathcart (Le (Collection de Joyau de Lord), Fairfax, Buckingham House, à Saint- 184. 250), James Park, 92. Cattermole Borthwick (Château (George), 258. de), 79. Burdett Cputts, 242. Cawdor (Château Bossam (John), de), 79. 158. Burford (Église de), 276. Boston Cellini, 305. (Eglise de), 63. Burges, 105. Central Criminal Bothwell (Château Court, 111. de), 78. Burghersh (La Tombe), à Botticelli, Cervantès, 216. 145. Lincoln, 278. Chalcote Bourse (La (Château de), 76. première) royale, Burghley (Château de), 76, 77. Chalón, 247. 167, 170, 171, 282. Chambers (Sir W.), 96, 97. 3o8 DEX ALPHABÉTIQÍ Champneys (M. Basil), 106. Commentaires (Les) de Cas- Croyland (Abbaye de), 59. Chantry (Sir Francis), 287. siodore sur les Psaumes. 1 38. Customs House, à Dublin, 97. Chapelle Sixtine (La), 1 34. Comp tón-Norton, 121. Cuyp, 21 7. Chardin, 186. Compton Winyates, comté de Charing-Cross, 52. Warwick, 60. Charlemagne, 125, 139. Comte de Surrey (Portrait du), D Charles l'"',82, 134, 159, 160, à Hampton Court, 1 58. 161, 162. Cong (Croix de), 1 3. Dabi (Michael), 168. Charles II, 88. Constable, 151, 186, 205,206, Dalou (Jules), 292, 293. Charles (James), 238. 232, 235, 254, 263 (Le Dance, 95, 190. Charlotte Square, à Edim- Champ de S/é,207 ; La Char- Darell Brown (Collection bourg, 98. rette à foin ; La Ferme de de M.), 203, 205. Charlton, 145. la Vallée ; Le Cheoal qui Darnley (Collection de Lord), Chartres (Cathédrale de), 36, sautCy 208). 191. 124. Constable (Miss Isabel), 208. Daroca (La Chape de), à Chartreuse (La vieille), 74. Constitution Hill (Le Couron- Madrid, 133. Chatsworth, 90, 92, 243, 282. nement de), 124. David, 183. Chelsea (Eglise de), 72. Cooper (Alexandre), 243. Davison (Jérémiah), 168. Chichester (Cathédrale de), Cooper (Samuel), 156, 161, Dawe (Philip), 148. 29,35,121,122,268. 164, 192, 243, 250. Dawe (George), 1 50. (Collection de Sir Corbridge, dans le Northum- Dayes (Edward), 256. Cholmeley Hugh), 184. berland (Eglise de), 19. Dean (John), 149. 4. Christall (Joshua), 257. Corot, 185, 234. Delphes (Les Temples de), Christ-Church, à Oxford, 21, Corpus Christi (Collège de), Denham (Sir John), 86. 29, 60, 105, 164, 166, 168, à Oxford, 60. Derby (Lord), 242. 227. Cosmopolitan Club (Le), 219. Derwent Wood (M.), 3C1. Christie, 255. Costa (Johnda), 232. Descamps, 162. Cibber (C. G.), 282 (Mélan- Cosway, 246. Deverejl (W. H.), 225. colie et Folie furieuse ; Cotes (Francis), 190,261. Devis l'aîné (Arthur), 189. Phénix, 282). Cotes (Samuel), 247. Devis (A. W.), 256. Clark Hook (James), 233 Cotman, 263 (Le Labour ; Le Devonshire (Collection du Duc {Luff Boy, 233). Centaure, 263). de), 158, 178, 244. 185, 217. Cotswold (Collines de), 8. Dickinson (William), 149. Claude, Cleveley (John), 256. Courbet, 232. Dierick Jacopsonne, 126. Cleveley (Robert), 256. Courtenay (Edward), 1 58. Dingle (Baie de), 13. Cleyn (Pénélope), 243. Cousins (Samuel) {Midsum- Dion Cassius, 131. Clint (Cleorge), 1 50. mer Nigh's Dream), 1 50. Diploma (La Galerie), 208, Cliveden House, 95. Cowper (Cadogan), 239. 214, 216. Clonmacnoise, 12. Cox (David), 258, 259. Dirleton (Château de), 79. Club (Le) des Etrangers, 103. Cozens (Alexander), 254. Dixon (John), 148. Club (Le) de la Réforme, Cozens le Jeune, 254. Dixon (Nathaniel), 244. 103. Craigmillar (Château de), 79. Dobson (William), 160. {Por- Coalbrookdale (Les Portes de) Crane (Walter), 225. trait d'Endymion Porter, Hyde Park, 124. Crawhall (Joseph), 231. 162, 163). Cobham Hall, comté de Kent, Crediton, 1 5. Doncaster (Eglise de), 105. 83. Cretz (John de), 1 59. Donné (Statue du Docteur), à Cockerell (C. R.), 103. Cretz (Thomas de), 160. Saint-Paul, 281. Collection (La) Nationale, 21 2, Cretz (John et Emmanuel de), Dorchester (Abbaye de), 52. 224. 160. Doria Pamfili (Palais), 192. " Collection (La) fJationale Crewe Hall, 178. Double Cube (Le), à irlandaise, 77. Crichton (Château de), 79. Wilton, 160. Collège (Le), à Edimbourg, 98. Critz(De), 159, 160. Doughty (William), 149. Collège (Le) de la Reine à Crome (John), 202 {Ardoi- Douglas Clerk (Collection de , Oxford, 169. stères; La Lande de Mouse- Sir George), 193. Collège Saint-Jean, à Oxford, hold; Paysage; Le Chêne Doulting (La pierre de), 43. 84. de Poringland ; Clair de Downman, 190, 262. Collège de la Trinité, 86, 87, Lune, 203, 209, 263). Drury (M. A.), 299, 300 89, 97, 282. Cromwell, 160, 164. {Groupe du War Office; Colley Cibber, 282, 305. Cromwell (Miniature de), 243. Joseph Priestley, 300). Collier (Thomas), 260. Crosby, à Londres, 59. Dryden, 166. Collins (William), 216. Croscombe (Eglise de), 67. Dublin, 97. Collins (Richard), 247. Crosraguel (Châteaude), 79. Dublin (La Galerie de), 10, Collinson (James), 220, 224. Crosse (Laurence), 244. 11, 235. Colton (M. W. R.), 300 (Le Crosse (Richard), 247. Duchesse de Milan (La), 1 56. Trouveur d'image ; La Cein- Crouchback (La statue de). Duleep Singh (Le Prince Pré- 1 59. ture; Le Printemps de la Comte de Lancastre, à West- déric), F/e, 301). minster, 278. Dulwich (Collège de), 165. 3O9 — IN DEX ALPH ABÉTIQiHE Dundas (Collection de Sir Ely (Cathédrale d'), 28, 42, Faithorne Robert), 193. (William), 144. 47. Faithorne le Dunkarton (Robert), Jeune 149. Emma, femme d'Ethelred, (William), 132. 144, 146. Dunkerque, 162. Enfants Trouvés (L'Hôpital Falconer Dunster Poole (Eglise 217. de), 66. (Paul), des), 175. Farnèse Durer, (Le 144. Palais), 93. Engleheart (George), 247. 186. Durham Farrington, (Cathédrale de), 29, Erith, 121. Fehr (M. H. 36, 300. 42, 50, 63, 121. G.), Escomb, comté de Durham Durham Fergusson, 41. (Collection du Comte (Eglise de). de), Fettiplace 196. (Wijliam) (Portrait Ethelred l'Irrésolu, 21. Durrow, de), dans l'Eglise de Swin- 12. Etty (William) 213 (La/eu- Durrow brook, 279. (Le Livre de), 14, nesse à la Proue et le Plat- Fildes (M. 138. Lukes), 236 (La sir au Gouvernail ; La Bai- Noce Dyce 236). (William), 213, 215. Villageoise, gueuse; Cupidon et Psyché ; Finch (Francis Dyke Acland (Collection Oliver), 258. de L'Orage ; Vénus, 213, 214). Finlayson Sir Thomas), (John) 196. (Elizabeth, Euston (Station d'), 102. Duchesse d'Argyll, 148). Evangiles (Le Livre des), de Finney (Samuel), 247. Saint-Cuthbert ou Manus- Fisher E (Edward), 148. crit Lindisfarne, 1 38. Fisher (M. Mark), 235 (Bai- Evangiles (Les), Bibliothèque Earlom, gnade Sur la 148, 149, 151. d'enfants ; impériale de Saint-Péters- rivière Earls-Barton Stour, 235). (Eglise de). bourg, 1 38. Fitzalan Comté de (Thomas, comte de Northampton, 1 7, Everett Millais, 217, 220, 226 Arundel) 20. (Sépulture à (^Ferdinandet de), Ariel; L'Aie- 65. East (M. Arundel, Alfred), 234. lier du menuisier; La Pille Fitzallan statue Eastwood, (La de comté d'Essex, 121. Lady), du bûcheron ; Lorenzo et à 278. Eccleston (Eglise d ), Chichester, 105. Isabella ; Le Retour de la Ecole de Fitzroy Square, 97. théologie, à Oxford Colombe à l'arche ; Mariana Fitzwilliam 59, (M. Ò2. George)] (Col- dans la grange aux douves ; lection de Ecole d'Athènes (L'), de Ra- de), Milton, 159. La mort d'Ophélie ; Le Hu- Fitzwilliam phaël (Parodie de), Museum, de Cam- par guenot ; L'Ordre d'élargisse- bridge, Reynolds, 177. 102, 175. ment ; Le Proscrit royaliste ; Flatman Ecoles 244. (Les), (Thomas), d'Oxford, 163. La Délivrance ; Le Black Flaxman Edge Fine (John), (Robert), 190. 284, 285. Brunswicker ; La Vallée du Fleischmann Edimbourg, (Collection de 98, 102, 106, 1 14, Repos; Sir Isumbras au Mistress), 194. 118, 163. gué, 226) — : La Veillée de Florence, 103. Edimbourg (La Galerie Na- Saint-Agnès; Stella; Va- Foley tionale d ), (John 214, Henry), 215, 203, nessa ; Souvenir de Velas- 288 (Outram Edith, femme d'Edouard ; Goldsmith le ; quez ; La Femme du Joueur; Confesseur, Burke ; Grattan Le Prince 1 32, ; L'Enfance de Ralligh ; Les Edouard le Consort, 288). Confesseur» 26. Sœurs ; Miss Nina Leihman Forbes Edouard 11 ; (Tombeau (Stanhope), 232. d'), 51. Les Cœurs sont atouts ; Forbes Edouard 11 (Statue (Elisabeth), 232. d), à Mrs. Bischoffsheim ; Mrs Ford Glocester, 148. 279. (Michaël), F. H. Myers ; Le Comte de Ford Madox 221 Edouard 111 (Tombeau Brown, (Le d'), à Shaftesbury ; Mrs. Jopling; Christ lavant les de Westminster, 56. pieds Gladstone ; Mrs. Edouard Perugini ; Saint Pierre ; Chaucer à la VI (Le Portrait d'), John Bright; Le Cardinal cour d'Edouard III ; Le 158. Newman; Lord ; Elie et le de Edouard Vil Tennyson Travail; (Collection du Sir fils Gilbert Greenall ; Lord la Veuve ; Roméo et roi), 242. Juliette, Beaconsjield ; J. C. ; 221,222, Edridge Hook 229). (Henry), 247, 256. Dorothy Thorpe ; Egg Lady Forman 163. (Augustus-Léopold), S'Aberdeen, 216. Peggy Primerose ; Simon Fotheringay Electra House, (Eglise de), à Londres, 111. 58, Eraser, 227) — ; Le Frisson 63. Eléonore (Le Tombeau de la d'Octobre ;Le Christ dans la 63. Reine), Fountains, à Westminster,' 122. maison de ses parents; Les Fountains (Les Cloîtres Eléonore (Les Croix de), d ), 52. Bulles de savon, 228, 259). 33. Eléonore (Les Statues de la Exeter (Lord), 242. Fountains-Abbey, 42. croix d'), à Northampton, Exeter (Cathédrale d'), 46, Four Courts (Les), à 278. Dublin, 52, 56, 275. 97. Eléonore (Portrait de la Reine), Exeter (Chapelle du Collège Fourment 163. à Westminster, 279. (Hélène), d'), 105. (F. L. Elgin T.), 257. (Cathédrale d ), Françia 44. Franks Elisabeth (La (Auguste), 10, 133, Reine), 73, 74, 135. 75, 159. zi=: F ZZZ Frampton (Réginald), 225. Elmes, 102. Eltham (John Frampton (George), 299 of) (Portrait 298, Faber (John), 147. (Les de), à enfants de la Louve Westminster, 279. ; Fairfax Murray, 225. Mysteriarch ; Lamia ; Dame 3lÓ - Il DEX ALPH ABÉTIQ Alice Owen^29S; — Charles Gibson (John), 287 (Vénus, Gresford (Église de), 63. Nilchell Lord Salisbury; dite teintée^ 287). Gresham (Sir Thomas), 75. ; Quintin Hogg, 299). Gilbert (M. Alfred), 291, Gresham, 76. du Frémiet, 286. 303 (Mere et Fils ; Icare ; Grey (Collection Comte), Fresques (Les), de Galilée, à Watts; Le Baron Huddles- 196. Durham, 153. ton ; La Reine Victoria ; Grimaldi (William), 247. Frye (Thomas), 148. Le Monument de Fawcett ; Grimsthorpe, .93. Fuller (Isaac), 166, 169. Howard ; La Fontaine Grostête (L'Evêque), 40. Furse (C. W.), 235 (Le Shaftesbury ; Le Duc de Grosvenor House, 180. retour d'une promenade à Clarence, 304). Grosvenor (La Galerie), 223. . cheoal ; La Diane des pla- Gillivray (M. Mac), 302. Groth, 251. Portrait équestre de Gilpin (W.), 254. Groult (Ancienne Collection), teaux ; Lord Roberts ; La Robe Gilpin (Savrey), 254. 180. Lilas ; Cubbing with the Giotto, I 54. Grozer (Joseph), 149. Yorkand Ainsty, 235). Giovanni da Majano, 69. Grumhol (Thomas), 76. Fusell, 197, 198. Girtin (Thomas), 255 (Rue Guardi, 186. Fyvie (Château de), 79. Saint-Denis, 255). Guerre (La) des Deux Roses, Glamio (Château de), 79. 68, 141, 154, 155. Glasgow, 102, 1 12, 114, 1 18, Guildhall, 96, 199. == G 231. Guillaume le Conquérant, 26, Glasgow (Galerie nationale 132. Gainsborough, 151, 178, 179, de), 193, 21 1. Gundulph (L'Evêque), 29. 180,186,189, 194,202,254, Glasgow (Cathédrale de), 44. Guthrie (Sir James), 231. 262 (.Mistress Siddons ; Gloucester, 56, 59, 62, 63, Gwillim Strete, 1 58. L'Abreuvoir ; Mary Robin- 128. Gwydyr House, 72. son ; Miss Haverfield ; Gloucester (Cathédrale de), Mistress Graham; La Pro- 29,51,121. menade du matin ; Mistress Godeman, chapelain dVEthel- zi=i H =zziiz: Sheridan ; Miss Linley ; Le wold, évêque de Winchester, Mail; Le Blue Boy ; Lady 140. Haarlem, 164. Mulgraue, 180). Godfrey Kneller (Sir), 146 Haddiscoe, 121. Gaîté (Théâtre de la), à 147. Halesowen (Abbaye de), Londres, 1 10. Goldie, 105. Shropshire, 44. Galerie des Arts, à Flambourg, Goncourt (Les), 170. Halifax (Mausolée de Lord), 230. Goscombe John (M. J.), 299 à Westminster, 185. Galerie (La) nationale, à (Morphée ; Saint Jean-Bap- Hall anglais (Le), 31. Londres, 158, 161, 162, tiste ; Duc de Devonshire ; Halle Saint-George, à Liver- 164, 165, 168, 174, 178, Fife. 299). pool, 102. 179, 184, 186, 191, 195, Gotch (T. (Ç.), 239. Hais (Franz), 180, 192. 203, 205, 208, 210, 212, Gouda (Basilique de), 124. Hamilton, 197. 214, 227, 256, 257. Gow (M. A. C.), 237. Hamilton (Hugh. D.), 190. Galerie (La) nationale de Gower (Georges), 159. Hampton Court, 60, 66, 69, Peinture de Dublim 146. Gower (La Sépulture du 70, 73, 87, 88, 89, 164. Galerie nationale Ecossaise, Poète), Cathédrale de Hanneman (Adrian), 162. 106,179, 188,193,214,257. Southwark, 65. Harberton (Eglise de), 66. Galerie nationale d'Irlande, Graham Robertson, 225. Hardwicke (Château de), 77. 175,188,256,257. Grandison (L'Evêque), d'Exe- Harrington Mann, 231. Galeries de l'Université d'Ox- ter, 136. Harvey (William), 145. ford, 103. Grantham (Flèche de), 51. Hastings (Collection de Lord), Gallerus (Oratoire de), 1 3. Graphie (Le), 265. 250. Gandon, 97. Gravelot, 178. Hatfield, 74, 77. Gandy d'Exeter, 177. Great Malvern (Eglise abba- Havard Thomas (M.), 239, Gardiner (M. Starkie), 123. tiale de), 129. 301 (UEsclave ; Lycidas, Gardner, 270, 271, 274. Grebber (Pieter de), 164. 302). Garmanou German (Edward), (ireen (Valentin), 149 (Les Hawell (W.), 257. 92. Ladies Waldegraoe; Lady Haverforwest (Le Prieuré de), Garstin (Norman), 232. Betty Delme ; Countess of 44. Gasear, 167. Aylesford Ozias Hum- Hawker (Edward), 166. ; Gawdie (Sir John), 166. phry, 149). Hawksmoor, 92, 94. Gayley Robinson, 225. Greenhill (John), 165, 166. Haydon (Benjamin Robert), Geddes (Andrew), 141, 142. Greenstead (Eglise de), 17, 199, 200. Georges 111, 187 199. 18. Hayes (Edwin), 233. Géorgienne (L'c-poque), 150. Greenwell (Le savant), 8. Hayls (Jones), 166. Gibbons, 282, 283. Greenwich (L'Hôpital de), Hayman (Francis), 178, 189. Gibbs, 92, 94, 95. 84, 87. Hazlehurst (Thomas), 247. Gibson Carmicbael (Collection Gregory (E. J.), 225, 239. Hearne (Thomas), 256. de Sir Thomas), 188. Greiffenhagen, 239. Hécatée de Milet, 4. 3l I ^ IN ALPHABETIQ Hélène (L'Impératrice), 131 Jeune Homme ; Thomas Hugh (L'Évêque), 40. Henri III, 44. Morrett; Sir Bryan Tuke ; Hughes (Arthur), 225. Henri IV, 1 26. Sir Thomas More ; Les Hughes (M. John), 303 (La Henri IV (Sépulture de), à Deux Rois : Henry VU et Reine Victoria, 303). Canterbury, 65. Henry VIII, 1 57 — Jane Hugo Van Der Goes, 156. Henri VI, 56, 58. Seymour, 158). Humphrey (Ozias), 247. Henri VII, 58. Holbeton (Eglise de), 66. Humphry (Sépulture de), duc Henri VII (Chapelle de), à Holborn (Eglise baptiste d ), de Gloucester, à Saint- Westminster, 39, 59,' 70. 1 14. Albans, 65. Henri VII (Statue de), à Holdenby (Château de), 76. Hunter (Colin), 231 (Le Westminster, 305. Hole (W. E.), 143. Marché aux Harengs au Henri Vlll, 58, 68, 72, 155, Holford (Collection du Capi- bord de la mer ; Les 156,241. taine), 250. Pécheurs deHomards,23\). Henry 111 (Portrait d'), à Holkham House, 93. Hurlstone (F. Y.), 215.. Westminster, 279. Holl (Frank), 237 (Portrait Hurter (Les frères), 251. Henry V, 278. du graveur Cousins ; Pas de Huth (M. Edouard) (Collée- Henry (óeorge), 23 L. nouvelles de la mer ; Le tion de), 157. Herbert de Losinga (l'Evêque), Seigneur Va donné, le Sei- Huysman» 167. 29. gneur l'a repris ; Calmé ; Le Hyde Park Corner, 102. Hereford (Cathédrale de), Duc de Cleveland ; Le 121. Comte spencer ; Lord Overs- . _ Hériot (l'Hôpital), à Edim- tone ;Sir Henry Rawlinson ■ ; I bourg, 83. Lord i\olseley ; John Herkomer (Sir Hubert von), Bright, 237). llchester (Lord) (Collection 238, 251 (.La dernière Holland House, 76, 188. de), 175. assemblée ; Le conseil muni- Holland (James), 258, 259. Illustrated London News (L'), cipal de Landsberg ; Ba- Hollard, 166. 265. viere; Le Conseil de VAca- Holman Hunt, 220, 222, 225, Imperial Institute, à Londres, demie Royale, 238). 258, 259 (Les Moutons éga- 115. Hérodote, 4. rés ; Le Berger ; L'ombre Institute of Chartered Accoun- Hertfort (Cathédrale de Salis- de la Mort ; Le Christ tants, à Londres, 111. bury), 75. découvert dans le temple, Insurance Office (L'), à Lon- Hexham (Crypte de), comté 225). dres. 111. de Northampton, 19. Holme Pierrepoint (Statue Invalides, Paris, 88. Highmore (Joseph), 189. d'un chevalier), 279. lona (Ecosse), l 1. Hilliard (Nicholas), 241. Holt (Thomas), 76. Irvingite (Eglise), Gordon Hirsch (Collection de M. Léo- Holyrood, 79, 156. Square, 105. pold). Home Office, 83. Israels, 237. Hobbéma, 149, 151, 202,203. Hone (Horace), 247. Iveagh (Collection de Lord), Hodges (W.), 186. Hone (Nathaniel), 189, 184, 205. Hogarth. 151, 167, 172, 173, 247. 174, 175, 176, 177, 180, Hoogstraten, 167. 186, 261 (Le Bon Sa- Hoppner, 151, 190, 191, 216, J mariiain ; La Piscine de 262 (Les quatre Enfants Bethesda, 170; — Scènes de Douglas ; Les Sœurs Jackson (M. T. C.), 107. de mœurs ; Mariage à la FrankJand ; Lady Louisa Jackson (Michaël), 148. mode ; La Vendeuse de ere- Manners; Enfants se bai- Jacques 1", 81, 134, 159, 169. celles ; La Porte de Calais; gnani; Comtesse de Darnley ; Jacques 11 (La Statue de), au Rake's Progress ; lections ; William Pitt, 191). Parc Saint-James, 283. Capitaine Coram ; La Hornell (Edward), 231. Jacques 111 d'Ecosse (Portrait Marche de la garde à Horse Guards (Les), à Whi- de), 156. Finchley ; Moise sauvé des tehall, 93. James, 92, 95. eaux ; Scène tirée de l'Em- Hoskins (John), 243. Jamesone, 163, 167. pereur des Indes ; La con- Hôtel de l'Amirauté, à Jarrow (Eglise de), comté de quête du Mexique^ 174, Londres, 113. Durham, 19. 175). Hôtel de ville d'Halifax, 103. Jean (Le roi), 44. Hogarth- Analyse de la Houghton, comté de Norfolk, Jeffrey Wyatville, 104. Beauté ",173. 95. Jersey (Collection du Comte Holbein, 66, 70, 72, 73, 144, Houston (Richard), 148. de), 196. 145, 155, 156, 157, 158, Howard Hodgee (Charles), Jessé, 1 28. 161, 167, 241, 242, 246 150. John (Olivier S.), 86. (Miniature des deux fils de Howden, 56, 58, 63. John (M. Augustus), 239,264. Charles Brandon, Duc de Howth Castle, 79. Johnson (Statue de), à Saint- Suffolk; Vierge de Darm- Hudson (Henry), 149. Paul, 284. stadt ; Les Ambassadeurs ; Hudson (Thomas), 168, 176 Jon.es Inigo, 68, 69, 76, 81, 83, George Ghisze; Duc de (Portrait de Samuel Scott, 84, 85,90, 91,92, 110, 111, Norfolk ; Portrait d'un 168). 113, 281. 3 I 2 ¡NDEX ALPH ABETIQUE Jones (John), 149 (.Lady Ca- Lansdowne (Collection de Lincoln roline Price (Cathédrale ¡Charles James de), Lord), 216. 36, 38,40,41, Fox; Dulce Domum, 149). 44, 52, La 122, Thangue, 126, 239. 272 jonson 133, 271, 275. ou Janssen van Ceulen Lavery (John), 231. Lindisfarne (Corneli'us), 160, 162. (Angleterre). 1 Law 1. Courts (Les), 105. Joseph (Collection de Linlithgow Ma- Palace, 79. Lawless (Matthewjames),225. Littlecote dame), 160, (Château 244, de), 77. Lawrence, 151,165, 191, ! 94, Liverpool Galerie Joseph (Samuel), 287 (La (Will^ie de), ; 195 (John Julius Samuel Angers- 223, 226. Wilherforce, 287). tein ; Warren Hastings ; Llananno Jules César, 4. (Eglise de), 67. Thomas Campbell ; Sir Local Conservative Julian (L'Atelier), Club à Paris, (Le). James Mackintosh ; Wilber- Lochar Moss, 10. 235. force ; Le Pape Pie VII ; Locki (Nicholas), 159. Le Cardinal Consalüi ; Logsdail (M. William), 236. Quatre Portraits d'enfants; K Londonderry (Collection du Mistress Maguire et A. Fitz- Marquis de), 196. james ; Master Lambían Londres Keble College, ; à Oxford, 105. (Cathédrale de), 269. La Comtesse Gower et son Londres, Kedleston Hall, 97, 98. 106, 114, 134. enfants ; Lady E. Keen Belgraoe ; Longford (M.), 1 14. (Château de), 76. La Comtesse et ses Keene (Charles), 266. Grey Longleat (Château de), 70, filles; Lady Acland et ses 74. Kells (Le Livre 71, de), 14, 137, deux fils ; Miss Farren ; 138. Loseley (Château de), 77. Lady Dooer et son Kenillworth, 121. enfant-. Loth et ses filles ; Les Frères Miss Mary Moulton Bar- de Kenna (M. Bertram Mac), Joseph (Cathédrale de rett ; Le Duc de 300 (Circe; Diane Welling- Salisbury), 272. blessée; ton ; Le Vicomte Castle- Lothian La Terre et les (Collection de éléments, Lord), 301). reagh ; La Vicomtesse Cas- ] 88 tlereagh ; Charles, marquis Lucas Kennington (T. B.), 239. (David), 150, 151. de Kensington Londonderry, 196, 197 Palace Gardens Lucatelli, 185. 217; L'Angerstein ; Le Lucchesi (Habitation n° 10 de), (M.), 298 (La Des- 103. Warren Kensington Palace Hastings, 262). tinée L'Envolée de Gardens ; Lawson (Cecil l'imagi- (Hôtel Gordon), des), 1 1 234, nation, 298). 7. 235 (Le Jardin du Pasteur Kent, 92, 93, 94. ; Luke Clennell, 145. La Lune d'Août ; Les Hou- Kenton (Eglise Lupton de), 67. (Thomas), 1 50. blonniéres Kenwood, 98. d'Angleterre ; Luther, 1 45. Marden 234). Luton Keppel (Le Boor, House, 98. Commodore), 176. Layer comté Kettle Mamey, Lutterell CTilIy), d'Essex, 189. (Edward), 146. 60, 69. Keyse Sherwin Lydd (John), (Eglise de), comté de 144. Leathart 222. Keyser (Hendrik (Collection), Kent, 20. de), 281. Leghtone (Thomas Killigrow de), 122. (Anne), l66. Lyemore (Manoir de), 77. Leicester, 121. King's College, Lyminge (Ruines à Cambridge, de), comté Leicester (Le Musée 219. 56, 58,60, de), de 19. 61. 67, Kent, 126, 130. Leicester (Collection de Kingston-Lisle, Lord), 121. Lyndhurst (Lord), 198. 178. Kirkby Hall, 76. Lyne (Richard), 1 58. Leighton Kirby (Lord), 236, 264, Housse, 76. 288 (Athlète luttant contre Kit-Cat Club (Portraits des un Le membres Python ; du), Paresseux, M 147. 288). Kneller, 168, 170, 173 Leith ^ (Trinity House), 193. (L'Eoéque Mac Ardell Alterhury; Sir (James), 148 Lely, 147, 151, 162, 163, Jonathan 164, 166, Trelawney (Lady Chambers). ; Go- 167, 173 (Charles dert de Dormer, Macdowell Ginl^eU (Patrick), 288. comte comte de Carnaoon Le d'Athlone, 167, 168). ; Macgregor (Archibald), 225. Duc d'Albemarle Le Knapton Duc (George), ; Mackenzie (M.), 106. 189. de Knole, Buckingham ¡Charles II; Macklin à Bible Buckhurst, 76, (La 180. de), 198. Marie Davis ; Nell Koninck Gwyn ; Mac Neill (Philippe de), Whistler, 142. 203. La Comtesse de Shrewsbury ; Mac Taggart (William), 231. Wycherley ; La Duchesse Madeleine (Collège de la), à de Y ork ; Les Beautés de Oxford, 63, 64. Windsor; Lady Bellasys, Madox Brown, 259. 164, 165). Ladbrooke, 209. Magdalen Collège, 124. *Le Sage, 216. Laguerre, Malouel 169, 170. (Jean), 1 55. Leslie (Ch. Laidlay (W. Robert), 213,216. J.), Maltón, 239. (j. 201,256. Lewis 229. Lance (óeorge), F.), Manchester, 106. 213, 216. Lewis Landseer (L'île de) (Sir (Hébrides), Manchester Edwin), (La Galerie 212 135. de), (La Mort delà Loutre,2\2). 214,221, 231,234. Liber Studiorum Lanfranc, (Le), 151. Manchester 26, 39. (Hôtel de Lichfield Ville Lanier (La Cathédrale (Nicholas), de), de), 221. 163. 16,46, 130. Man (lie de), 5. 3i3 ARMSTRONG. GRANDE BRETAGNE ET IRLANDE. DEX ALPHABET1QÍ Manby (Tomas), 166. Montacute (Château de), 76. Newark (Flèche de), 51. Manet, 180. Montagu (Mrs.), 97. i Newcastle House, 92. Mans (Cathédrale du), 124. Montford (M. Paul), 301. New College, à Oxford. 56, Mansard, 91. Monument (Le), de Londres, 64, 129. Mansfield (Mausolée de Lord), 87. New English Art Club (Le), à Westminster, 285. Moore (Henry), 233 (Le Pa- ; 239. Mansion, à Bryanston Park, quebot de Newhaoen ; Le Newgate (Ancienne prison de), 95, 98. beau temps après la pluie ; I 95. Mantegna, 225. Journée parfaite pour une New-Grange (Irlande), 7. Maoris (Les), 7. croisière; Une Mer en Juin, Newlyn, 230, 231, 232. Mappin's Shop, à Londres, 233). New Scotland Yard, 1 10. 111. Moore (Albert), 236, 264 (Le Newton, 216 (Abélard ; Yorick Marchi (Guiseppe), 148. Quatuor ; Solstice d'Eté ; et la Grisette ; Le Capitaine Margaret-Roding, 121. Une nuit d'Eté; Le Livre Macheaih, 216, 247). Marguerite de Danemark ouvert, 237). New-York (Le Musée de), (Portrait de), 156. Moreton Old Hall (Manoir 214. Marischall College, à Aber- de), 77. New-Zealand Chambers, 1 10. deen, 106. Morland (George), 210, 211, ' Nixon (James), 247. Marks (H. S.), 237. 212 (.Lavinia, 21 1 ; Visite à Nollekens (Joseph), 284. Marlow (William), 256. l'enfant en nourrice ; Le Nonsuch Palace, 77. Marseille, 4. Jour noir ; Intérieur d'éta- i Norique, 4. Marshall Mackenzie (M.), ble; L'Etable, 212). Norman Shaw (Richard), 1 10, 112. Morland (George Henry) (La i 111,117. Martin (David), 192. Marchande d'Huîtres, 211). Norses (Les), 23, Martineau (R.-B.), 226. Morland (Henry Robert), 211. Northcote, 197. Martyrs (La Croix des), 52. Mooris (William), 222, 223. Norwich, 26, 58, 203, 208, Mathieu, Paris, 24. Mortlake, 134. 209. Maurice (L'Evêque), 28. Morton (Collection de Lord), I Notre-Dame, à Paris, 121, Maxstoke, 121. 168. 122, , May (Phil), 266. Moser (G. M.), 251. Nouveau Collège des Sciences Mayer, 97, Mouat Loudan, 239. (Le), à South Kensington, Mayerne (Sir. T. de), 249. Moulton Barrett (Collection ¡ 113. Medical Association (Le Bâti- de M.), 19f.. Noyon (Cathédrale de), 36. ment de la), à Londres, 111. Mountford, 111. I Mee (Mrs.), 247. Muirdach (Les croix de), 12. Meissonier, 237. Muirhead Bone, 264. Melrose (Abbaye de), 53, 60. Muller (William James), 258, G =::zz Mendips (Les), 43. 259. Meres, 1 59. Mullins (Roscole), 298 (Le Ockwells (Manoir d'), 77. Mereworth, comté de Kent, 95. Fronton du Musée Preston, O'Connor, 79. Merton College, à Oxford 298). Old Masters (Exposition des), (Chapelle de), 47, 58, 63, Mulready (William), 213,215 158, 190. 128. (Le Sonnet ; Le Choix de Old Somerset House, Meryon (Charles), 142, 143. la Robe de Noce, 216). Oliver (Isaac), 242. Metsu, 179. Munro Ferguson (Collection Oliver (Peter), 242. Metz, 139. de M.), 193. Onslox Ford (E.), 294 (Row- Meyer (Henry), 1 50. Murphy (John), 149. land Hill; Irving dans le Meyrick (La Collection), à Musée Britannique, 6. rôle d'Hamlet; Huxley; Goodrich Court, 1 36. Monument de Shelley ; Gor- Michel-Ange, 93, 1 77, 290. don; Le Docteur Jowett; Middle — Temple (Le Hall de), N Lord Strathnairn, 294 — ; à Oxford, 67. Sir William Orchardson ; Middleton, 137, 139. Nanteuil, 144. Ridley Corbel, 296). Mijtens le Vieux (Daniel), Napier Henry, 233 (Les Pil- Opie (John), 190, 197 (Le 162. chards ; La Rivière de Lon- meurtre de Riccio, 198, Millais (Voir Everett Millais). dres, 233). 199). Miller (Andrew), 147. Nasmyth (Patrick), 21 3, 215. Orpen (William), 239. Miller (La Collection), 226. National Gallery, 105. Orrin Smith (John), 145. Milne Donald (John), 23 1. Nativité (La) (Reynolds), 129. Ossian, 170. Mistress Jane Middleton (Por- Nelson Dawson (M.' et Mrs.)!" O'Toole, 80. trait de), 165. 251. Oxenbrigge, église de Bridde, Moira (Gérald), 225. Nelson (Sépulture de), 70. 72. Molière, 216. Nesbitt, 145. Oxford (La Galerie d'), 226. Monasterboice, 12. Netley (Abbaye de), 44. Oxford (Eglise d'), 21. Monk (Miniature de), 243. Neustrie, 23. Oxford Union (L'), 222. Monkwearmouth (Eglise de), Neylor (Collection de Mis- Oxford, 52, 63, 100, 106, 107, «iomté de Durham, 19. tress), 214. 136,169. 3I4 DEX ALPHABET/Q p Porvio (Collection de Lord), Reculver (Ruines de), comté 184. de K.ent^ 19. Padoue (Jean de), 70, 71. Poynter (Sir Edward), 236. Register House (Le), àEdim- Paine (J.)¡ 98. Pre-Raphaelite Brotherhood bourg, 98. Palladio, 91, 117. (La Confrérie préra- Reid (M. J. R.), 235. Panini, 185. phaélite), 220, 225. Reinach (M. Salomon), 6. ' Panthéon, Paris, 88. Prewitt (Williatn), 251. Reine Anne (Style de Paris, 23. Prinsep (Collection de Mme), la), 1 10. Paris (Cathédrale de), 36. 227. Rembrandt, 141, 142, 143, Park (Thomas), 149. Prinsep (Val), 236. 148, 165, ¡77, 213. Parkes Bonington (Richard), Prior, 270, 271, 274. Remigias (L'Evêque), 269. 257. Prout (Samuel), 258. Repton (La crypte de), 18. Parlement (Le), 104. Pugin, 104, 105. Revett (Nicolas), 100. Parliament House (Banque Purbeck (L'ile de), 276. Reyn (Jean de), 162. d'Irlande), à Dublin. 97. Purcell (Richard), 148. Reynolds, 98, 129, 147, 148, Pars ("William), 256. Pyrénées (Les), 4. 149, 150, 151, 168, 175, Paterson (James), 231. 176, 180, 189, 190, 194, Paul (Lemoine), 27. 197, 261 (Lady Grosbie ; ' Payne (William), 256. Q == La Duchesse de Devonshire Peake (Sir Robert), 158, et sa fille; Garrick entre la 162. Quiller Orchadson (William), Tragédie et la Comédie; Pearson, 105. 230 (Sir IValter Gilhey ; Charles James Fox ; Master Peckham (Monument de 1 ar- Voltaire; Napoléon sur le Crewe ; Le Duc de Malbo- chevêque), 52, 278. Bellérophon^ 230). rough; Lord Heathfield ; Pegram (M.), 299. Quilter (Collection de Sir Lady Cockburn ; Fêtes Pembroke College (Chapelle Cuthbert), 210. d Anges; Age de l'Innocence; de), à Cambridge, 86. Les Trois Grâces; Nelly Penicuik Hoyse (Le Salon O'Brien ; Mistress Carnac, de), près d'Edimbourg, 170. R 177, 178). Pennethorne (Sir J.), 103. Reynolds (Les Entretiens de), Penshurst (le Hall de), 53. Radcliffe (La Bibliothèque), à 198. Pepys, 160, 166. Oxford, 94. Rhind (M. Birnie), 302. Percy (Tombeau des), 51. Raeburn, 151, 191, 192, 193 Richard, comte de Warwick Perrier (Fran ois), 169. (Mistress Campbell of (Sépulture de), à Warwick, Perugini (C. E.), 236. Balliemore ; Bord Newton ; 65. Péterborough (Abbaye de), Glengarry ; John IVau- Richard 11, 56. 20,63, 121, 276. chope ; Major Clunes; Por- Richard 11 (tombeau de), Pether CWilliam), 148. irait de B