g. geffroy . les |g: MUSÉES ■ ii D'EUROPE ; IÍ! biblioteca ^(kso·'ii·yoj'ii G 4 k> i -A '2'S VV-íSS-í-^ "ï^^feíífcs, ^. " m. " . -'jèAT··'^ LBS '^T^VSEES'D*'EVRDPE^'JTAB- 5 MXjVS TAV E&gE Fp R-0"y 'W ir •FLORENCE» ^EDITIONS # NILSSON 4»PARIS ÎJ? DU MÊME AUTEUR Éditions Nilsson La collection illustrée des Musées d'Europe, de Gustave Gefîroy, comprend les quatorze volumes suivants : LE LOUVRE. — La Peinture française. LE LOUVRE. — La Peinture étrangère. LA SCULPTURE AU LOUVRE. LE PALAIS DU LOUVRE (Mobilier et objets). VERSAILLES. LA NATIONAL -GALLERY. LA HOLLANDE. LA BELGIQUE. MADRID. BERLIN. • , FLORENCE. — I. La Ville. Les Églises. Les Monuments. Les Fresques. La Galerie des Offices. FLORENCE. — II. Or San Michèle. Le Palais Riccardi. La Chapelle des Médicis. Le Bargello. L'Académie. Le Palais Pitti. ROME. — I. Le Vatican. La Chapelle Sixtine. Michel-Ange. LES GOBELINS. chez fasquelle Notes d'un Journaliste (Vie, Littérature, Théâtre) 1 vol. Le Cœur et l'Esprit (Nouxelles) 1vol. L'Enfermé (avec le masque de Blanqui, gravé à l'eau-forte par Bracquemond) 1 vol. Pays d'Ouest (Nouvelles) 1 vol. L'Apprentie (Roman) 1 vol. Hermine Gilquin (Roman) 1 vol. L'Idylle de Marie Biré (Roman) 1 vol. L'Apprentie (Drame historique en 4 actes et 10 tableaux). . 1 vol. Cécile Pommier (Roman) 2 vol. La Comédie bourgeoise (Nouvelles) 1 vol. chez différents éditeurs Les Chefs-d'œuvre de Versailles. Nombreuses illustrations (Éditions Nilsson) 1 vol. Les Industries artistiques françaises et étrangères à l'Exposi- tion de 1900. Nombreuses illustrations (chez E. Lévy) ... 1 vol. L'Œuvre de Carrière. Nombreuses illustrations (chez Masson et Piazza) 1 vol. La Cité et l'Ile Saint-Louis. Dessins et bois d'Auguste Lepère (chez Ollendorff) 1 vol. Belleville. Dessins et bois de Sunyer (chez Ollendorff). ... 1 vol. Rubens. 24 illustrations (chez Laurens) 1 vol. Yvette Guilbert. Étude sociale du café-concert. Lithographies de H. de Toulouse-Lautrec (chez Marty). . . . épuisé 1 vol. La Bretagne. In-4° illustré (chez Hachette) épuisé 1 vol. La Vie artistique. Huit séries ornées de pointes-sèches et de lithographies de Carrière, Rodin, Renoir, Raffaëlli, Pis- sarro, Fantin-Latour, Vierge, Willette (chez Floury). . . 8 vol. chez crès et c^® Constantin Guys. L'historien du Second Empire, 36 illustra- tions hors texte en noir et en couleurs 1 vol. Claude Monet. Sa vie, son temps, son œuvre, 54 illustrations hors texte en noir et en couleurs. 1 vol. Nouveaux contes du Pays d'Ouest. Frontispice de Louis Le- grand, couverture illustrée de Malo-Renault 1 vol. Notre temps. — I. Scènes d'Histoire. Frontispice de Daumier. 1 vol. Notre temps. — II. Souvenirs des années de la guerre. Fron- tispice de Louis Anquetin 1 vol. L'Apprentie, avec une eau-forte et des illustrations de Ber- nard Naudin (Collection des "Maîtres du Livre") 1 vol. Clemenceau, texte français et anglais, illustrations de Rodin, Manet, Raffaëlli, Evenopoël 1 vol. chez larousse La France héroïque et ses alliés, en collaboration avec Léopold Lacour et Louis Lumet, in-4° illustrés 2 vol. Georges C/emenceau, avec des illustrations, petit in-4°. . . . 1vol. LE BAPTISTÈRE GUSTAVK GEFFROY DE L'ACADEMIE CONCOURT LES MUSÉES D'EUROPE FLORENCE LA VILLE. — LE BAPTISTÈRE. — LA CATHÉDRALE. — LE CAMPANILE SANTA CROCE. — SAN MARCO. — SANTA MARIA NOVELLA LA CALERIE DES OFFICES AVEC 42 ILLUSTRATIONS HORS TEXTE ET 184 ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE COUVERTURE DE LÉON JAUSSELY Photo Aliñar i EDITIONS NILSSON 8, RUE H ALÉ V Y, 8 PARIS i"'... Photo Alinari' Vue de Florence. INTRODUCTION G e volume sur Florence devait indiquer, avant d'aborder les couvents et les églises, les palais et les musées, l'aspect de la ville, qui s'est conservé à travers les temps, par une telle quantité de monuments, de statues, de fresques, de vestiges supérieurement marqués du sceau de l'art. L'ancienne capitale de la Toscane s'est changée en une capitale du monde par la Renaissance dont elle fut la scène lumineuse. C'est là que fut créé, fondé, l'art de l'Italie, plus que partout ailleurs, c'est là que brilla le foyer prin- cipal autour duquel rayonnaient déjà, ou rayonnèrent presque simultanément tant d'autres foyers qui ont gardé une auréole aux villes de la péninsule, grandes villes déchues de leur puissance, petites villes pétrifiées, dans leur ceinture de murailles et de tours, toutes aujourd'hui de vieilles villes, et restées vivantes par cette vie excessive, violente, enivrée, que les artistes ont fixée par le marbre des monuments, le métal des statues, la peinture des murailles. Avant Florence, il y eut Ravenne et Pise. En même temps que Florence, il y eut Sienne, Pérouse, Assise. Après Florence, il y eut toute l'Italie, jusqu'à Rome, où c'est encore l'art de Florence qui Photo Alinari. Loggia del Lanzi (place de la Seigneurie). Lion (Sculpture antique). triomphe. C'est une incomparable histoire, et pour avoir voyagé, pour avoir séjourné à travers ces villes, ces bourgades, ces paysages, on revient avec le respect, l'admiration des artistes qui surent résumer en de telles œuvres leur vision de l'humanité et de la nature, on revient surtout avec l'émotion d'avoir revécu ces années, ces siècles, d'une telle eiïervescence d'enthousiasme et d'amour, d'une telle volonté obstinée, d'une telle science conquise. C'est le sentiment qui domine l'esprit au retour de Florence. Si l'on ne peut se défendre d'un mouvement de surprise, — quelle heureuse et bienfaisante surprise ! — devant l'imprévu des monu- ments italiens, si opposés à nos monuments gothiques, on reconnaît vite que les artistes d'Italie étaient dans leur vérité, dans le plein exercice de leur raison, dans la foi superbe de leur cœur, lorsqu'ils Photo Alinari. Loggia del Lanzi (place de la Seigneurie). Lion (Sculpture florentine). se rattachaient à l'antiquité latine, retrouvée à travers les ruines accumulées de Rome, et qui leur donnait à entrevoir la splendeur de l'antiquité grecque. Aucune servilité dans cette recherche, cette imitation, ou plutôt cette suite. L'architecture de Florence s'élève vers le ciel bleu avec la force et le charme d'une œuvre nouvelle. Il fallait donc dresser le décor de la ville au seuil de ce livre : la Place de la Seigneurie, le Baptistère, la Cathédrale, le Campanile, — puis déployer la peinture des fresques avec ses formes vivantes, ses groupements équilibrés, ses harmonies fanées « couleur de temps », l'église de Santa Croce et Giotto, le couvent de San Marco et Fra Angélico, Santa Maria Novella et Ghirlandajo, — et enfin parcourir la Galerie des Offices où resplendit la peinture italienne, de Florence à Venise. Un tel sujet ne pouvait être resserré en un volume. Un autre suivra, avec Or San Michèle et Orcagna, le Carmine et Masaccio, le Palais Riccardi et Benozzo Gozzoli, Santa Maddalena dei Pazzi et le Perugin, la chapelle des Médicis et Michel-Ange, — puis ces trois grands musées de sculp- ture et de peinture, le Bargello, l'Académie, le Palais Pitti. G. G. IV — Photo Alinari. Andrea Verrocchio. L'enfant au dauphin. {Cour du Palazzo Vecchio). Pholo Álinari' Place de la Seitjneurerie, avec le Palazzo Vecchio, la Loggia dei Lanzi, la statue de Cosme 7®''. FLORENCE I. — LA VILLE, LA RUE, LES MONUMENTS i/histoire racontée par la pierre, le marrre et le bronze. — la place de la seigneurie. — le palazzo vecchio.—la loggia dei lanzi. — benvenuto cellini.—le palais strozzi. —le bigallo. — le ponte vecchio. — le vieux marché. — le marché neuf. Florence, belle et fière, nous apparaîtra tout à l'heure dans sa force concentrée, par ses lignes nettes, sa grâce hautaine sous laquelle il y a toujours une violence sourde, ses monuments précis 2 qui dominent la ville avec une sorte de mystérieuse légèreté, malgré leur rudesse et leur poids, son ciel d'un bleu de lin qui fleurit la cité des fleurs, entoure des tendres auréoles de l'Angelico les tours grises et les dômes rouges. Mais la première impression, qu'on le veuille ou non, est influencée par le mélange du passé et d'un présent qui ne s'adapte pas au reste du décor d'autrefois. Non pas qu'il y ait à regretter l'apparition des tramways, de l'électricité, de tout ce qui est qualifié confort moderne, ou sim- plement utilité. La continuation de la vie a des lois contre lesquelles il serait absurde de protester. C'est le cas de Florence, parce que Florence n'est pas une ville morte, enclose dans une enceinte infranchissable, et parce que la conformation du sol, au long de l'Arno, dans une vallée entourée de collines, de basses montagnes, a permis l'agrandissement incessant de la ville. L'affluence des voyageurs s'ajoute au nombre croissant des habitants, une capi- tale de tourisme mélange sa vie passagère très active à l'existence d'une cité ouvrière, développée par des rues droites, des maisons quelconques, à la place des rues, des ruelles, des logis pittoresques du Moyen Age et de la Renaissance. On accepte ces transfer- mations, mais on voudrait que les points principaux, la Place de la Seigneurie, la Place du Dôme, aient gardé leur unité d'aspect. Il n'en est rien. Des bâtisses banales font vis-à-vis au formidable Palazzo Vecchio et à la Loggia dei Lanzi, vaste et élégante tribune que Michel-Ange aurait voulu continuer tout autour de la place, et qui servait aux proclamations à la foule. Autour du Baptistère, de la Cathédrale, du Campanile de Giotto, de la Loggia du Bigallo, la vulgarité est la même. On se fait peu à peu au spectacle, on revit l'histoire agitée et sanglante que ces murs terribles, cette tour massive élancée à cent mètres de hauteur, ces sculptures raffinées, ont encadrée de leur pierre et de leur bronze. On oublie les lions à perrucfue et à Place de la Seigneurie, avec le supplice de Savonarole el de ses compagnons {Tableau du musée de Sainl Marc, par un arlisle inconnu du XVP siècle.) boule, prototypes de tant de gardiens paternes de villas et de maisons bourgeoises ; on oublie les dimensions démesurées de l'Hercule de Baccio Bandinelli, du Neptune d'Ammanati, œuvres théâtrales et redondantes auprès de l'étonnant, simple et superbe David de Michel-Ange (reproduction du marbre original qui est à la Galerie de l'Académie), dressé à la porte du Palais Vieux, auprès de l'Hercule ; on oublie l'encombrement de la Loggia où suffiraient la sanglante Judith de Donatello, le cruel Persée de Benvenuto, — on ne voit bientôt plus que la muraille violente, l'hoto ALinari. sauvage, implacable du Palais Vieux, faite pour soutenir tous les sièges, sup- porter tous les assauts, la tour tyrannique projetée au-dessus de la ville, le Médicis de bronze qui chevauche sur la Place, le — — pavé sur lequel une plaque ronde de 4 cuivre, marquée du profil de Savonarole, dit l'endroit où fut brûlé le Dominicain qui éleva sa voix violente contre le pape Borgia. Pour voir Florence avant de pénétrer plus avant dans la ville, montez, non pas à Fiesole, mais à San Miniato. Fiesole, c'est la vue du paysage de la contrée, paysage splendide qui absorbe presque Florence de sa verdure incomparable, entrelacements de vignes aux flancs des monts Chianti, collines grises d'oliviers, processions de cyprès. San Miniato, tout près de Florence, vous met subitement Photo Alinari. en face du Jean de Bologne. L 'enlèvemenl visage de la ville, tel qu'il des Satines faut le voir pour le comprendre. La vieille cité de la Toscane vous apparaît alors, tout près de vous, ramassée sur elle-même en largeur, s'allongeant au milieu de la vallée de l'Arno, suivant le cours de son fleuve, en une ligne ferme comme une crête rocheuse de montagnes, crête de tuiles rousses que dépassent ces merveilles de pierre et de marbre, la Tour du Palais Vieux, le toit octogone du Baptistère, le Campanile de Giotto, la forme géométrique de la Cathédrale, le Dôme génial de Brunelleschi, aux tuiles rousses comme les toits de la ville, divisées par des arêtes de marbre. On ne voit plus alors les constructions de la banlieue, qui gagnent du terrain vers les rives de l'Arno. C'est Florence, em- pourprée et dorée, jaillie de sa verdure, admirable d'harmonie avec son ciel et ses collines, — 5 — Florence, fine et dure, superbe et triste, couleur de feu et de soleil couchant, ses fumées lé- gères envolées vers le beffroi, comme si le bûcher de Savo- narole brûlait encore. Après avoir aperçu ainsi Flo- rence du haut des marches de San Miniato al Monte, ou plus bas, de la terrasse où se dresse le monument de Michel-Ange, on peut redescendre vers la ville, les rues, les places, les monu- ments, les musées, les églises, les cloîtres, les palais, on y trouvera Jean de Bologne. Statue de Cosme l'histoire et on y trouvera l'art. Ville héritière des cités étrusques, se rattachant secrètement et mystérieusement à Athènes par les voies mouvantes de la mer Tyrrhénienne, Florence connaît la domination romaine, la dévastation incendiaire des Barbares, la bienfaisante main de Charlemagne. Elle est l'un des enjeux de la lutte entre le Pape et l'Empereur. Barberousse l'emporte et la donne à Guelfe d'Est. L'affront fait à la jeune fille des Amadei par Messer Buondelmonte. qui lais.se là sa fiancée, le jour du mariage, parce qu'il a aperçu dans la foule la beauté de la Donati, déchaîne la guerre civile des Guelfes, partisans de Buondelmonte, et des Gibelins, parents de l'Amadei. Le XIII® siècle est plein de la clameur de cette bataille. Tour à tour, chaque parti gouverne la cité morcelée en quartiers, le populaire divisé en compagnies, puis en corporations de métiers, armée de soixante mille miliciens maîtres de la Toscane sans le secours des condottieres et des reîtres. C'est une démocratie ardente, jalouse de son pouvoir que deux anciens exercent par courtes périodes avec le concours d'un capitaine du peuple, ou podestat, qui a pour fonctions de juger les causes civiles et criminelles. Le fds des Cancellieri, en une rixe à Pistoie, blesse Ceri di messer Bertaccio, et lorsqu'il va porter les excuses de ce méfait involontaire, les Bertaccio lui tranchent le poignet sur une man- geoire de cheval. La lutte des rues gagne de Pistoie à Florence. Le chef des Cancellieri a épousé une Bianca, et ses partisans sont les Blancs, pendant que ceux des Bertaccio sont les Noirs. Les Guelfes se divisent en aristocraiici, qui sont avec les Noirs, et en popolari, qui sont avec les Blancs. Le Pape Boniface VIII s'allie aux Noirs, le poète Dante Alighieri est avec le parti popu- laire des Blancs. Le Pape excommunie Florence, qui a jugé et condamné trois Noirs, et appelle l'étranger. Charles d'Anjou • entre à Florence à la tête des Noirs. Dante est banni avec les Blancs. On conspire, on chasse les Français, le pouvoir est une loque disputée par les partis. La peste jette à la tombe Guelfes et Gibelins, Noirs et Blancs. Les Popolari, en 1378, érigent au Gouvernement le cardeur de laine Michèle di Lando. L'influence des marchands, des banquiers, lentement, patiemment préparée, fait alors sonner l'heure des Médicis. Les prêteurs d'argent se sont créé une vJientèle, n'ont jamais demandé ni remboursement de capital, ni paiement des intérêts. Les débiteurs sont devenus légion, forment la garde du corps de celui qui a, pour moyens de convaincre, le coffre-fort et la balance. Giovanni dei Bicci est nommé gonfalonier, mais déjà la famille des Médicis, à laquelle il appartient, exerce des fonctions publiques depuis 1282. — — Celui-ci (1360-1428) fait 7 construire par Brunelleschi la basilique de San Lorenzo. Son fils, Cosme le Vieux (1389-1464) arrêté, exilé (à Venise), rappelé comme Père de la Patrie en 1434, bâtit églises, couvents, monas- tères, abbayes, chapelles, le Palais des Médicis (aujourd'hui le Palais Rie- cardi, où sont les fresques de Benozzo Cozzoli), fonde des bibliothèques, in- stitue des rentes pour l'entretien de ses fondations. Les Médicis, au XIV® siècle, ont seize comptoirs en Europe où ils régnent par le change, prêtent à tout le monde, aux simples citoyens de Florence et aux rois de partout. Le fils de Cosme, Pierre le Goutteux, fonde une chaire où Marche Filin commente Platon pendant que Boccace traduit Flomère. Le fils de Pierre, Lau- rent le Magnifique (1448-1492), préside aux fastes de la Renaissance à Flo- rence. Il meurt jeune après avoir échappé, plus heureux que son frère Julien, à la conspiration des Pazzi, Photo AUnari- dont les chefs sont Benvenuto tenant la pendus Cellini. Persée par les tête de Méduse. pieds aux fenêtres de la facade du Bargello. Il est passionné de ranticjuité, de la science, des belles- lettres, de l'art volup- tueux et libertin, causti- que et habile (son portrait aux Offices, par Vasari, lui donne l'expression d'un Voltaire florentin). Et c'est la suite des Mé- dicis : Pierre II (I47I- 1503), périra noyé : Jean (1475—I52I) de- viendra le pape Léon X ; Julien II, duc de Ne- mours, victime d'une mauvaise fièvre dans l'abbaye des chanoines de Fiesole, revivra sculpté par Michel-Ange, entre les statues subli- mes du Jour et de la Nuit ; Laurent II, duc d'Urbin, père de Gathe- rine de Médicis, mourra à vingt-sept ans, comme Julien II, son cousin. Photo AlinaH. qu'il a peut-être empoi- Jupiter, slaluelle du piédestal du Persée . Michel-Auge dressera ce Julien face à l'autre, en statue du Penseroso, le Pensif, entre l'Aurore et le Gré- puscule, dignes frère et sœur du Jour et de la Nuit ; puis Jules, le futur pape Clément VIT, fds naturel — de — Julien 9 qui fut assassiné par les Pazzi ; Hippolyte, fds natuiel de Julien de Ne- niours, qui se coiffera du chapeau de cardinal ; Alexandre (1510-1535), fds naturel de Laurent II, assassiné par son cousin Lorenzo, le Lorenzaccio d'Alfred de Musset, lequel a réanimé, en ardent poète, l'ardente Florence du XVI® siècle. Après cet Alexandre assassiné, la deuxième branche des Médicis fait son entrée : c'est celle qui descend de Laurent, deuxième fds de Giovanni dei Bicci, et elle est con- duite par Jean des Bandes Noires, dit aussi l'Invin- cible et le Grand Diable, qui mérite tous ces sur- Mercure, slatuelte du piédestal du Persée. noms jusqu'à sa mort sur le champ de bataille de Borgoforte.. Après 3 lui, c'est Cosme grand-duc de Tos- cane, celui dont la statue équestre, par Jean de Bologne, est — sur la Place de la — 10 Seigneurie, devant le Palais Uguccioni. Cosme (1519- 1574) vient lorsque tous les grands artis- tes du XV® siècle ont disparu, il est contemporain de Jean de Bologne et de Benvenuto Cel- lini, qui sont encore de fière race, et il emploie les artistes de la décadence flo- rentine, Baccio Ban- dinelli, Tribolo, Am- manati, Vincenzo Danti, l'architecte Vasari. C'est un vio- lent, un homicide, un fratricide, un in- fanticide, il tue son Photo Alinari. frèco lo Cardinal Gio- Minerve, slaluelle du pUdeela! du Pereée. Garcia. Cela ne l'empêche pas de continuer l'art de Florence avec les éléments encore existants : il commande la Fon- taine de Neptune à Ammanati, il achète le Palais — Pitti, fait 11 — construire par Vasari les Offices pour in- staller les Tribu- naux, dessine et plante les jardins Boboli dont les mas- sifs, les pelouses, les vasques, les statues, les feuillages, reste- ront l'orgueil de Florence. Son fils, François (1541- 1587) fonde la Gale- rie des Offices, où il installe la salle de la Trib une, com- mande à Jean de Bologne le Géant et le Groupe des Sabines, épouse Bianca Ca- pello, qui lui donne un fils et trois filles, parmi lesquelles Photo Áíinari- Marie de Médicis. Danaë et Persée enfant, groupe du piédestal du Persée. Ferdinand (1549-1608) fait construire par Matteo Nigetti la í'hoto Alinari. Palais Strozzi {Benedetto da Majano et te Cronaca, architectes.) Chapelle des Médicis de San Lorenzo, où les millions se chan- gent en marbres rares et en métaux précieux, installe la statue de Cosme par Jean de Bologne, place de la Seigneurie, et la sienne, par le Tacca, place de l'Annunziata. Cosme II (I590-I62I) dispute Galilée au Saint-Office. Le défilé se ter- mine par Ferdinand II, Cosme III, Jean-Gaston qui nous mène jusqu'en 1737. Ce serait aller trop loin pour raconter l'art de Florence. Les maîtres du pouvoir écartés doivent faire place aux artistes. Arnolfo del Cambio (I240-I311), apprenti chez Pisano, maître à son tour, est le bâtisseur de Santa Croce, de la cathédrale de Santa Maria del Fiore, que Brunellescbi coiffera du dôme, la place de la seigneurie Photo Alinari attribuée a ORCAGNA LA LOGGIA DEI LANZI de la halle aux grains dont An- drea Orcagna fera l'église d'Or San Michèle, du — 13 — Palazzo Vecchio, construit comme une forteresse. Jamais destina- tionn'a été mieux dite par un mo- nument que par ce bloc fait de pierres visibles que l'on peut croire impossi- bles à desceller. Le Palazzo Vec- photo Aunan. Loge de Sainte Marie de la Miséricorde, dite le Bigallo {Place du Dôme). cbio sera modifié du XIV® au XVI® siècle, mais il gardera son aspect brutal et fermé de prison imprenable, le rez-de-chaussée à peine percé de quelques fenêtres, les deux grands étages séparés par un étage à lucarnes, la pesante couronne carrée et crénelée de sa plate-forme, son beffroi carré et couronné aussi, projeté dans les airs. Passez le seuil, c'est la merveilleuse cour aux cintres larges, séparés par des blasons, depuis le lys de Florence jusqu'à l'écu de Médicis, posés sur des colonnes recouvertes de dentelles de pierre, dont le cloître entoure l'Enfant au dauphin de Verroccbio. L'artiste, ici, est Micbelozzo Micbelozzi. Entrez, vous admirerez surtout les Portes de Benedetto et Giuliano da Majano et les fresques de Domenico Gbir- landajo consacrées à Sainte Zénobie et aux personnages de Rome. La Loggia del Lanzi, jadis pla- cée auprès d'un corps de garde de lansquenets — 14 — allemands, est une merveille de construction, avec ses trois arches cintrées sur la place, et la quatrième, lar- gement ouverte sur la voie qui s'ouvre entre les bâtiments des Offices. C'est An- drea Orcagna (né vers 1329) qui a disposé ces arcs largement ouverts, ces pilas- Photo Alinari. tres corinthiens, Le Vieux Pont, vue intérieure. cet entablement décoré de blasons et de sculptures. On a réuni, dans cette spa- cieuse Loggia, où l'on monte par un court escalier gardé par deux lions, des sculptures de divers temps et de diverses manières, des statues et des groupes antiques parmi lesquels gesticulent les personnages de marbre blanc de VEnlèvement des Sahines de Jean de Bologne. Sur la voie des Offices, se dresse la Judith de Dona- tello, meurtrière d'Holopherne. Enfin, le Persée de Benvenuto Cellini est debout sous le premier arc en venant du Palais Vieux. Le héros grec, façonné et exprimé à l'image des Florentins, qui tranchaient le poignet d'un adversaire dans une écurie, ou qui pendaient leurs adversaires par les pieds aux fenêtres du palais du Podestat, est debout sur le corps de la Méduse. Il vient de lui — trancher la - tête, il la montre à tous 15 avec un geste d'exécuteur des hautes œuvres. Sur le visage de Méduse, malgré la bouche tordue, les traits tirés, il y a la gravité de la mort, mais son terrible adversaire ne laisse voir ni angoisse, ni réflexion. De taille moyenne, de muscles solides, la tête trop grosse, les bras et les jambes d'un jeune Hercule, le torse fin, la pose d'un acteur en place pour le dernier effet de son rôle, ses pieds à talonnières ailées pétrissent le corps de la morte, sa main gauche empoigne féro- cement la tête par la chevelure. Il est satisfait et cruel, laisse voluptueusement couler le sang qui s'échappe à bouillons du col coupé, regarde, sans un tressaillement, d'autres flots de sang qui sortent du tronc pendant que pantèle toujours le corps lié comme celui d'un animal porté au marché. De sa main droite, il tient ferme son instrument, le coutelas à riche poignée, à lame droite recourbé à l'extrémité, qui lui a servi à accomplir son acte. On ne peut pas éprouver de sympathie pour ce jeune boucher, et il suffit d'un regard donné au David tout proche de Michel- Ange pour apprendre comment l'art doit exprimer le caractère d'un vrai héros. Mais Benvenuto, qui a si bien dit ses instincts par ce bronze sanglant, a aussi révélé son goût d'artiste, son amour du fini, de la richesse, de la nervosité qui peuvent parer une œaivre d'orfèvre. Malgré sa dimension de nature, le Persée reste en effet une œuvre d'orfèvre, une statuette agrandie au rôle de statue. Le piédestal achève de donner sa signification à l'œuvre. Sa pierre, creusée de quatre niches aux voûtes en coquillages, est ornée au sommet d'un crâne aux larges orbites, à la bouche démesurément ouverte, qui s'agrémente d'une chevelure et d'une barbe dont les flocons s'harmonisent aux autres ornements, rinceaux, feuillages, fleurs et fruits. A chaque angle, une tête de chèvre aux cornes con- tournées, et plus bas, des figures de Diane Ephésienne aux multiples mamelles, aux pieds rassemblés, coiffées de corbeilles chargées de grenades, de poires, de pommes, de blé : il n'y aurait à critiquer, en — 16 — acceptant cette ornementation chargée et bizarre, que les pieds de ces déesses-termes, apparus sans raison sous le rebord du pié- destal, charmants pieds de marbre, d'ailleurs, polis et repolis autant que ceux de la Vénus marine. Les vraies merveilles sont les statuettes de bronze placées dans les niches : un Jupiter, à demi drapé, agitant la foudre ; un Mercure mince, alerte, déli- cieux éphèbe de bronze noir qui voltige réellement dans l'espace restreint où le sculpteur l'a emprisonné ; une Minerve nue et casquée ; une Danaé, avec Persée enfant, deux irréprochables représentations de femmes vivantes et expressives, l'une fière, sereine, chaste comme il convient à une Athéné sans voiles ; l'autre, confuse et troublée, adolescente épouse du Jupiter aux pièces d'or. — Au-dessous du piédestal, un bas-relief aux détails amoncelés et grimaçants fait surgir, au milieu du groupe de Persée volant et du monstre grotesque sur la défensive, de Céphée et de Cassiopée, de Phinée et de ses guerriers, une Andromède fort belle, assise sur le rocher. C'est un délicieux artiste qui a modelé ce long torse aux petits seins, ces bras flexibles, ces jambes fines, ce visage éploré, cette chevelure défaite. Pour l'homme, vous le connaîtrez, naïf et violent, véridique et hâbleur, vaniteux emphatique, spadassin sans scrupules, à la lecture de ses étonnants Mémoires, où précisément il fait le récit, fort émouvant, de la fonte du Persée. La Place de la Seigneurie, où des objets aussi divers sont réunis, est un résumé de Florence. Vous reverrez le style du Photo Alinari. Le centre de la vieille cite de Florence: La place du vieux marché aux poissons et la statue de l'A bondanee. Palais Vieux au Palais Strozzi, commencé par Benedetto da Majano, achevé par Simon Pollajuolo, dit le Gronaca. C'est le premier qui a conçu ce bloc rival du Palais Vieux, avec son rez-de-chaussée grillagé, ses anneaux pour attacher les chevaux, ses portes mas- sives, ses lanternes hérissées de fer, ses deux étages aux fenêtres cintrées, et c'est le second qui a recouvert l'édifice d'un entable- ment d'ordre corinthien dont il avait trouvé l'idée à Rome. — C'est un artiste du XIII® siècle, Niccola Pisano, dit-on, qui a troué et sculpté la délicieuse loggia angulaire du Bigallo, hospice d'orphelins consacré à Sainte Marie de la Miséricorde. C'est Taddeo Gaddi, en 1345, qui a jeté sur l'Arno le Ponte Vecchio dont les arcades et les cintres s'aperçoivent, sous la galerie qui réunit les Offices au Palais Pitti, au-dessus des trois arches, parmi les cassines aux volets verts accrochées comme des nids à la mu- raille du pont couvert, s'étayant les unes les autres, logis singuliers suspendus sur le fleuve et qui ont leur ouverture de boutiques d'orfèvres tout le long du pont étroit sans cesse animé de piétons — — et de voitures. Un autre aspect du vieux Florence se présente 18 presque tel quel à la Place du Vieux Marché, pavé de larges dalles, avec la double colonnade de la Loggia des poissons et la colonne qui porte une souple statue de l'Abondance ; et c'en est une autre encore, au Marché Neuf, dont la Loggia a pour gardien l'admirable Sanglier de bronze fondu par le Tacca d'après le marbre des Offices, vautré ici parmi un monde grouillant d'in- sectes, de lézards, de grenouilles, qui fait songer à l'art de terre de notre Bernard Palissy. Photo Aliñari. Andromède, bas-relief du Persée. Photo Alinari. Lorenzo Ghiberti. Fragment de l'architrave de la Porte de l'Est du Baptistère. II. - LE BAPTISTÈRE LES PORTES D'ANDREA PISANO ET DE LORENZO GHIBERTI.— LA VIE ET L'ŒUVRE DE GHIBERTI. — LES STATUES DE CONTUCCI, SPINAZZI, RUSTICI, DANTI. — LA MARIE-MADELEINE DE DONATELLO. Le Baptistère, dont on ignore la première forme et la première date, temple antique ou basilique chrétienne, ne se réclame, dans son état actuel, que du nom d'Arnolfo di Cambio, architecte de la Cathédrale, de Santa Croce et du Palazzo Vecchio. Tel quel, c'est le plus ancien, le plus vénérable monument de Florence. Il a servi de cathédrale jusqu'en 1128. A cette date, il devient Baptis- tère, et l'église Santa Reparata devient Cathédrale. Le plan octo- gonal a subsisté depuis, quelles qu'aient été les transformations apportées par le temps, depuis 1293, époque où les surfaces sont revêtues d'incrustations de marbre, jusqu'au XVI® siècle, alors qu'Agnolo Gaddi modifie l'aspect extérieur et ajoute la lanterne. Chacune des faces non percées de porte présente des espaces rectangulaires divisés encore en rectangles par des bandes de marbres polychromes, et séparés par des pilastres à chapiteaux corinthiens. Les trois portes, surmontées de groupes en bronze, s'ouvrent entre deux colonnes rondes. Au-dessus, un étage orné de fausses niches à frontons triangulaires ou cintrés, placées entre de fins pilastres d'où jaillissent des cintres. Au-dessus de l'enta- Photo Alinari. I .ORENZO G HIBERTI. Angle de la Porte de l'Est du Baptistère. blement, trois carrés divisés en trois rectangles sur chaque plan, puis le toit octogonal et la lanterne. Avant d'entrer, il faut s'arrêter devant les portes, l'une d'Andréa Pisano, les deux autres, de Lorenzo Ghiberti, deux grands noms de l'art de Florence. Andrea Pisano (1273-1349) est un élève de Giovanni Pisano, considéré avec raison, autant que son père Niccola Pisano, comme un précurseur, et même comme le grand inventeur du sentiment qui anime une composition. On a, sur cette première porte, le nom de l'auteur et la date du coulage en bronze : « Andreas Ugolini Nini de Pisis me fecit. A. D. MCCCXXX. o II fallut vingt-deux ans à l'artiste pour concevoir et exécuter les vingt-deux compartiments où sont rassemblés les faits de la vie de Jean-Baptiste, patron du Baptistère. C'est une savante décoration de surfaces par une sculpture simple et énergique, violente avec la Décollation, gra- cieuse avec la Danse de Salomé. Andrea Pisano était un ami et un élève de Giotto, et nous les retrouverons tous deux en collabo- ration aux sculptures du Campanile. Ici, l'artiste a eu des colla- borateurs et continuateurs, Lorenzo Ghiberti et Vittorio Ghiberti, son fils, puis Pollajuolo, qui exécutèrent l'encadrement plus d'un siècle après la mise en place de la porte. ■ '-^i^--*- -^■*-. '^ ^ . ... --♦7í\. \ "^-'çv^ ■/.**„;^ Photo Alinari. Andrea Pisano. La porte du Sud du Baptistère. {Encadrement de Lorenzo, de Vitiorio Glüberti, et de Pollajuolo) Cette porte est celle du Sud, eu face du Bi- gallo. A l'opposé, au Nord, est la seconde porte, de Lorenzo Ghiberti.Et entre ces deux portes,une troi- sième, celle de l'Est, en face la porte prin- cipale de la Gathé- drale. Elle est égale- ment de Lorenzo Ghiberti (1378-1455). et a consacré sa gloire. Il était né à Florence, fils de Cione di Ser Buonac- corso et de Monna Eiore, qui se remaria à l'orfèvre Bartolo, ou Bartoluccio, di Michèle. Ghiberti passa pour le fils de celui - ci, accusé d'avoir vécu avec Monna Eiore bien avant la mort de son premier mari, mais malgré les termes Lorenzo Ghiberti. d'un acte rédigé en Lorenzo Ghiberti. Détail d'un montant de la Porte Détail de l'Est du Baptistère. 1444, d'un de lorsque Ghi- montant la Porte de l'Est du Baptistère. Photo Álinari. Lorenzo Ghiberti. La Création d'Adam et Eve. ( Premier panneau de la Porte de l'Est du Baptistère. ) Photo Alinari. Lorenzo Ghiberti Caín et A bel. {Deuxième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère.) berti voulut devenir un des douze magis- irais de la ville, acte qui donne une idée précise de la vio- lence florentine, l'en- — 24 — quête conclut en fa- veur de Lorenzo. L'enfant fut l'élève bientôt habile de son beau-père, et s'il crut à tort pouvoir abor- der toutes les formes de l'art,on doitrecon- naître que son métier d'orfèvre lui avait fait toucher à tout d'une main délicate et sûre. L'orfèvre devait, comme on l'a justement remarcjué, établir des niches, des colonnes, des frontons, qui relè- vent de l'architec- ture; dresser des sta- tuettes et des bas- reliefs qui font de lui un sculpteur ; ras- Lorenzo Ghiberti. sembler des cou- Lorenzo Ghiberti. Détaild'un montant de la Porte d'un montant de la Porte de l'Est du Baptistère, leurs d'émaux Détail qui de l'Est du Baptistère, Photo Alinari. Photo Alinari■ Photo Aliñar il Lorenzo Ghiberti. Le Déluge et Noë (Troisième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère). Photo Alinari. Lorenzo Ghiberti. Abraham et Isaac (Quatrième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère). 5 lui donnent allure de pein- tre. Mais ce sont là des frag- ments, des or- - 26 — nementations, plus que de l'ar- chitecture; c'est de la sculpture menue pour un autel ou un retable, et non pour le plein air et la grande lumière de la place publique; c'est de la colo- ration de détail pour une pièce rare et non pour une muraille. Il reste à l'orfèvre une tâche assez vaste et l'appli- cation de tous les dons qui peuvent être en lui : la gravure et la ciselure, Photo Alinari. Lorenzo Ghiberti. la connaissance Lorenzo Ghiberti. Figure d'un montant de la Porte des métaux, Figure d'un montant de la Porte du Sud du Baptistère. en- du Sud du Baptistère. fin la possibilité, comme à tout autre, de créer des œuvres exprès- sives. Cela, Ghiberti l'a fait, et triomphalement. S'il ne fut ni peintre, ni architecte, ni grand sculpteur (pas plus que Cellini) lorsqu'il s'agit de statues et de groupes aux dimensions de nature, il découvrit en son génie inventif le moyen de hausser l'orfèvrerie au plus haut faîte qu'elle pouvait atteindre. Il conçut une œuvre qui donne, sans aucun mécompte, la plénitude de la conception de l'orfèvre, la réunion des trois grands arts, architecture, sculpture et peinture. Cette œuvre sera la seconde porte du Baptistère. Avant d'y arriver, racontons l'histoire de la première porte de Ghiberti. Il était parti comme peintre pour Rimini, à la cour de Carlo Malatesta, en compagnie d'un artiste qu'il ne nomme pas, dans les Commentaires qui lui sont attribués, et que l'on croit être Antonio Vite, peintre giottesque supposé l'un des auteurs des fresques du Campo Santo de Pise. Mais, prévenu par son beau- père Bartolo di Michèle qu'un concours allait être ouvert pour l'exécution de la deuxième porte du Baptistère, sur l'initiative de la corporation des marchands de soieries, il revient en toute hâte à Florence, où il trouve pour concurrents Brunelleschi, florentin comme lui, lesSiennois Jacopo da Ouercia et Francesco Yaldambrini, les arétins Luca Spinelli et Niccolô Lamberti, etc. Il n'est resté de ce concours, dont de sujet était le Sacrifice d'Abraham, que les deux morceaux de Brunelleschi et Ghiberti : ils sont au musée du Bargello, où l'on peut se rendre compte que la composition et l'exécution de Ghiberti sont supérieures à celles de Brunelleschi. Néanmoins, il y eut chez les juges une décision égale dont Bru- nelleschi lui-même, reconnaissant la supériorité de son rival, refusa de bénéficier, en se retirant de la lutte. Ghiberti, dans ses Commentaires, ne souffle pas plus mot de cet acte de loyauté qu'il ne nomme le peintre qu'il accompagnait à Rimini. On sait d'ailleurs de quelle surprenante manière il paya plus tard à Brunelleschi la dette de reconnaissance qu'il aurait dû être fier de porter toute sa vie : lors de l'achèvement de la cathédrale, il n'hésita pas à disputer misérablement à Brunelleschi l'entreprise d'un travail que le grand architecte du Dôme pouvait seul mener à bien. Le concours de la Porte eut lieu de 1401 à 1402, et l'orfèvre victo- rieux commença son travail en 1403, avec l'aide d'une vingtaine de collaborateurs, parmi lesquels Donatello et Paolo Uccello. Il lui fallut vingt et une années pour l'achèvement, la porte fut placée en 1424, et l'effet trouvé si satisfaisant que la commande lui fut im- médiatement faite d'une seconde porte, la troisième du Baptistère, pour laquelle le secrétaire de la République florentine, Leonardo Bruni Aretino, indiqua les sujets, ce que Ghiberti cèle encore dans ses Commentaires. De fait, la porte placée en 1424 est un beau morceau de sculpture en bas-relief, aux vingt-huit compartiments quadrilobés, encadrés tous de feuilles de lierre avec des têtes de prophètes et de sibylles aux angles, et placés dans un grand cadre de feuillages, de fleurs, de figures, où Ghiberti a donné au bronze la forme et le caractère ineffaçable d'une ornementation de nature. On devine l'admiration des connaisseurs, le 23 avril 1424, jour de Pâques, lorsque la porte fut dévoilée et que l'on put voir, au dessus des quatre Évangélistes, Mathieu, Luc, Marc et Jean, au-dessus des quatre pères de l'Eglise, Grégoire, Ambroise, Augustin et Jérôme, vingt actes de la vie du Christ représentés par les per- sonnages et les gestes essentiels, de tailles égales aux premiers plans et dans les fonds, mais ayant bien leur place, leur allure, leur signification. Ghiberti a eu pour prédécesseurs, dans cet art de robuste sculp- ture nettement inscrite dans les compartiments égaux d'une porte de métal, d'abord les byzantins, puis au XII® siècle, Bonanno de Pise, l'auteur de la porte de la cathédrale de Pise, et surtout Giovanni de Pise, fils de Niccola, l'auteur de la chaire de la cathé- Lorenzo Ghiberti. Saill combaltant les Ammonites. — David et Goliath {Neuvième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère). Photo Alinarx. Lorknzo Ghiberti. Salomon et la reine de Saba {Dixième et dernier panneau de la Porte de l'Est du Baptistère). drale de Pise et des bas-reliefs de la façade de la cathédrale d'Or- vieto. Mais il devait aller plus loin que ses devanciers, plus même qu'il n'aurait dû, affirment ses historièas et ses critiques, lorsqu'il fit sa seconde porte, commandée le 2 janvier 1424, au moment de l'achèvement de la première. Celle-là, qu'il mit vingt-huit années à exécuter, de 1424 à 1452, quelles que soient les gloses et les réserves qu'elle a suscitées, il faut proclamer que c'est l'un des chefs-d'œuvre de l'art du métal. Dès lors, à quoi bon chicaner sur l'emploi trop étendu que Ghiberti a fait de la matière qu'il a su commander en maître pour la forcer à exprimer les effets de la sculpture en haut-relief, et même les effets de la peinture, ses lumières, ses ombres, sa perspective, ses groupements de person- nages de dimensions différentes, ses horizons lointains. On peut ici noter que Ghiberti, lequel ne savait guère que l'art gothique en 1402, lors de sa première porte, était en 1424 un collectionneur de statues et de morceaux antiques, qu'il acheta des marbres en Italie et en fit venir de Grèce, qu'il possédait une Vénus, un Génie ailé, un Narcisse, un Mercure, un Torse de Satyre (qui est aux Offices). Ce fut un connaisseur en sculpture, celui qui a ditet écrit que «certaines finesses étaient imperceptibles à la lumière, n'étaient sensibles qu'au toucher», et que «le regard croyant avoir tout mesuré et tout saisi, le sens du tact découvrait encore des perfections nouvelles». L'encadrement qui orne le chambranle est tout d'abord merveil- leux. Directement, à l'exemple des gothiques, Ghiberti est allé à la nature, et avec le simple point de départ de deux vases, et le simple lien d'une banderole qui s'enroule de la base au sommet autour des bouquets de feuillages, de fleurs et de fruits, il a réalisé d'une façon impeccable et définitive un des genres de décoration qui peuvent être fournis par la fiore et la faune inépuisablement offertes à l'observation et à la compréhension de l'artiste. Il en a usé ainsi Andrea Contuggi et Innogente Spinazzi. Le Baptême, de Jésus-Chrisí par Jean-Baptiste ( Groupe surmontant la Porte de l'Est du .Baptistère)^ pour les encadrements des trois portes, celle d'Andréa Pisano et les siennes propres, et sa science et sa poésie ne se sont pas démenties un seul instant. Il a su loger, avec une aisance, un goût, un charme rares et un sens de la vie délicieux, des oiseaux et des petits animaux parmi la richesse du feuillage abondant en fleurs et en fruits : un aigle déploie à demi ses ailes au sommet de l'architrave, des hiboux méditent, des colombes s'ébattent, une caille s'avance prudemment, un écureil grignote, une perruche 6 Photo Alinari. à longue est immobile, les oiseaux des bois et des queue jardins, pinsons, fauvettes, rossignols, regardent, écoutent, se blottissent, se découvrent pendant qu'une belette serpente. Ce monde vit parmi une végétation de feuilles de chênes, de figuiers, de vignes, de pins. Un second encadrement, aux vantaux de la porte, est fait de vingt statuettes de grands et de petits prophètes, de — 34 — sibylles, de personnages bibliques, debout à l'abri de niches finement ornées, séparés par des têtes en ronde-bosse qui sortent de la porte comme par des soupiraux pour regarder curieusement au dehors, et parmi lesquelles sont les portraits de Ghiberti et de son beau-père Bartolo. Enfin, les dix panneaux montrent rassemblées diverses scènes des dix motifs choisis : la Création d'Adam et Eve et toute la scène du Paradis Terrestre parmi le vol des anges ; Gain et Abel, le labour, le sacrifice, le meurtre, dans un terrible paysage de rochers où les sillons eux-mêmes semblent de roc ; Noé, l'arche pyramidale entourée de quadrupèdes et d'oiseaux, le sacrifice et l'ivresse du patriarche ; Abraham, la visite des anges, Sara à la porte de la tente, le sacrifice arrêté par l'ange qui désigne le bélier, pendant que les serviteurs attendent auprès de l'âne qui broute ; Jacob et Esaïi, le départ d'Esaü pour la chasse, la bénédiction de Jacob par Isaac, avec la mise en scène d'un portique à trois ouvertures en avant duquel se tient un groupe de femmes ; Joseph, sa vente par ses frères, la visite de ses frères alors qu'il est devenu un puissant personnage, la coupe dans le sac de Benjamin, les Israélites et les Egyptiens animant les abords et l'intérieur d'un édifice circulaire ; Moïse sur le Sinai, entre l'arrivée des Anges et l'attente des Hébreux ; la Prise de Jéricho, la traversée du Jourdain, le Josué barbu sur son char, puis faisant le tour de la ville, précédé des trompettes qui sonnent d'un mou- vement impératif, des prêtres portant l'arche, et suivi de toute l'armée et de tout le peuple jusqu'aux femmes avec leurs enfants m i — 35 — sur les bras ; David et Goliath, David tranchant la tête du géant ; Saül en général romain, et toute une ville somptueuse qui apparaît au-dessus d'une échancrure de montagnes ; Sa- toman et ta reine de Saba, la ren- contre en avant d'un palais splendide, le serrement de mains au centre de la nombreuse assemblée. L'unité de ces sujets divers se fait par les fonds alternés de rochers abrupts, d'arbres poussés droits, d'architectures har- monieuses, de groupes élégants. Si l'on peut oser déduire, par quelques traits connus et d'autres devinés, de la vie de Lorenzo Ghiberti, et malgré l'opinion des Commentaires sur l'inu- tilité de la richesse, qu'il fut un rusé compère, sachant se tenir toute sa vie adroitement derrière son comp- toir d'orfèvre, tout en essayant de faire aboutir des ambitions plus hau- tes, comme celles qui se brisèrent contre la force loyale de Brunelleschi, on doit aussi lui accorder qu'il fut emporté hors de ses limites par le désir de s'égaler à tous. Et surtout, il ne faut pas lui disputer le tribut d'admiration pour la maîtrise de son Phú'.o Alinari. Donatei.lo. métier et de son art, pour sa science Marie-Madeleine (Statue à Vintérieur du Baptistère). du pittoresque et de la fine expression pour son amour savant des choses de la nature qu'il manifesta par ces Portes du Baptistère, dont la seconde fut nommée, par Michel-Ange, la Porte du Paradis : « Che son tanto bette che starch- bon bene atte porte det Paradiso. » Pour ne rien omettre des œuvres qui ornent le Baptistère de Florence, il faut citer les groupes placés au-dessus des trois Portes : le Baptême du Christ, d'Andréa Contucci et Innocente Spinazzi ; la Prédication de Jean-Baptiste, par Rustici ; la Décollation de Jean-Baptiste, par \hncenzo Danti, sculptures élégantes, statues •espacées, personnages de théâtre comme on en trouvera un si grand nombre dans l'art italien. A l'intérieur, sous le large dôme orné des belles mosaïques restaurées des XIII® et XIV® siècles, l'art de Donatello installe sa réalité hardie par la statue de bronze du pape Jean XXIII et la statue de bois de Marie-Madeleine, décharnée, vêtue d'une peau de bête, joignant ses longues mains au-dessous de son beau visage à demi détruit. Lorenzo Ghiberti. Fragmentà'un montant de la Portede l'Estdu Baptistère. — 37 — Donatello. Enfants dansant {Musée de Santa Maria del Flore). III. — LA CATHÉDRALE l'architecture FLORENTINE. — l'oRNEMENTATION DE MARBRE. — ARNOLFO DI CAMBIO. — BRUNELLESCHI ET DONATELLO A ROME. — LE CONGRÈS DES ARCHITECTES. — LE DÔME DE BRU- NELLESCHI. — DONATELLO. — ■— LUCA DELLA ROBBIA. LES ENFANTS CHANTEURS, MUSICIENS, DANSEURS. — LE RETABLE D'ARGENT. — LE DANTE. — LE POGGE. Si le Baptistère est le plus ancien et le plus vénérable monument de Florence, la Cathédrale, — le Dôme, — dont le nom est aussi Sainte-Marie des Fleurs, est le plus beau monument d'architecture de la ville, et aussi, pour le voyageur qui vient de France, le plus Pnoto Alinari. inattendu, le plus étonnant, le plus troublant. Personne, je crois bien, n'échappe à cette émotion de la surprise, ressentie à Pise comme à Florence, Pise, que l'on doit voir tout d'abord. Pise la vaincue de Gênes et de Florence, dont la vie autrefois active et dominatrice s'écoule maintenant paisible comme l'eau de l'Arno — 38 — au bord duquel elle est bâtie. Pour celui qui est habitué aux porches profonds des cathédrales gothiques, à la forêt sculptée des contreforts et des tours, aux avan- où nichent à la - cées des gargouilles, aux creux de grottes les-statues, végétation de la pierre, à celte richesse de nature exprimée par les reliefs et les retraits de la lumière et de l'ombre, il y aura toujours une stupéfaction à apercevoir ces formes rigides, ces pans coupés, ces surfaces lisses, ces constructions en largeur coiffées d'un dôme, ce campanile mis à part pour ne pas prolonger l'édifice en hauteur. Un nouveau monde de l'art se révèle, une conception née sous un autre ciel et pour un autre climat. Tout ici est en lumière, aucune ombre ne creuse la forme qui se présente partout avec la même netteté. Ces formes planes et lisses, toutes visibles, sont toutes ornées. Cette ornementation est prodigieuse. Étudiez- la, depuis la façade (refaite) jusqu'au chevet, en vous arrêtant à la porte Canoniale, à la porte des Servi, dite aussi de la Mandorla, jusqu'aux parois percées d'ouvertures rondes qui sou- tiennent le toit octogonal du dôme de Brunelleschi, ce toit de tuiles d'une si admirable richesse brune, aux arêtes de marbre blanc. On ne sait, la première fois que l'on se trouve en présence d'une telle conception, si l'on a devant les yeux un monument en pierre, en ivoire ou en nacre. C'est une marqueterie de marbre, un ajustement prodigieux et précis qui revêt la Cathédrale et le Campanile, plus encore que le Baptistère, d'une parure précieuse. Les grands plans sont établis, les lignes principales permettent de suivre le dessin de la construction, de mesurer les largeurs et les hau- teurs, mais ceci fait, une multiplication de rectangles, de carrés, de losanges, couvre — 40 — l'édifice sans un seul repos, sauf que tout est clair, espacé, qu'un goût parfait a évité l'encombrement et la surcharge. Sur le fond blanc, légèrement doré par des siècles de soleil, les grandes divisions s'inscrivent en bandes de marbre noir, à angles ou en cercles, et les détails de l'orne- mentation prennent leur place dans un ordre absolu, les cer- des s'inscrivent dans les carrés, les losanges dans les rectangles, sans un arrêt, avec une tranquillité surpre- nante. Tout cela en marbres de différentes couleurs, gris, roux, La Cathédrale. La Porte Canoniale. bleuâtreS OU VerdâtrCS. Aucun de ces détails ne dépare l'ensemble, tant ils se commandent tous et se suivent en bon ordre, et rien n'enlève de sa grandeur et de sa force à la colossale construction, dominée de la coupole énorme, qui semble légère. La façade, divisée en trois parties qui correspondent aux trois nefs, percée de trois portes aux sommets gothiques triangulaires, — — surmontés chacun d'une rosace, s'achève, au-dessus de la nef 42 centrale, d'un cadre carré autour de la rosace principale, por- tant un fronton massif, triangulaire aussi, mais non plus cette fois à la façon gothique, plutôt à la façon grecque, si ce n'étaient les chapiteaux d'angles et l'ajourement de la bordure. Partez de cette façade où la décoration de marbre encadre, soutient, présente une quarantaine de sculptures, statues en pied ou bustes, faites le tour en passant entre la Cathédrale et le Campanile, où il n'y a guère que la largeur d'une ruelle, admirez le simple dévelop- pement de la muraille qui file droit, couverte de la décoration qui a été dite, percée seulement des portes des bas-côtés, et plus haut, de ces ouvertures rondes que l'on retrouve au soubasse- ment du dôme. Là, arrivé au chœur et au dôme, la muraille suit la forme fixée, dessine la croix par pans coupés, surmontés de loggias coiffées de toits et de dômes de petites proportions, qui sont les préparations et les points d'appui du dôme principal dont la masse s'élance hardiment en plein ciel, plus haut que le Campanile, au-dessus de toute la ville, au centre du paysage de collines, de feuillages, de champs, de vignes, où Florence allonge sa forme nerveuse comme en un vaste écrin de velours vert et bleu. Arnolfo di Cambio commença les travaux en 1296, les mena jusqu'à sa mort, en 1300. Giotto y présida pendant deux années, de 1334 à 1336, puis Andrea Pisano, de 1336 à 1349. Talenti conçut la nef principale, dont l'apparition est solennelle, dans sa grise nudité de pierre, après la vision de l'extérieur coloré. Une réu- nion d'architectes établit les plans du chœur et de la coupole Luca dellà Robbia. La Cathédrale. La porte des Servi, dite aussi de la Mandarla. en 1366, et les trois absides fu- rent exécutées de 1407à 1421. Res- tait la coupole, — 44 pour laquelle un concours fut ouvert le 19 août 1418.Un homme de génie se pré- senta pour ré- soudre le pro- blême de faire tenir cette masse de pierre sur l'édifice. Filippo Brunelleschi Photo Aiinari. Luca Robbia. Enfants et danseurs (^ i377_i446) est deli.a musiciens {Musée de Santa Maria del Flore). l'un dcS grands noms de la Renaissance. C'est lui qui réalisa l'acte le plus hardi pour créer une architecture nouvelle avec une science s'inspirant des données de l'antique. Que l'on préfère la cathédrale gothique, le temple grec ou romain, on ne saurait nier la logique de ce retour de l'Italie à sa tradition latine, ni l'originalité d'une œuvre sem- blable qui atteste par-dessus tout l'art de Florence. Brunelleschi, à vingt ans, est orfèvre dans sa ville natale. Con- current de Ghiberti pour l'exécution de la seconde porte du Bap- tistère, il déclare noblement la supériorité de son rival. Après le concours, en 1405, il vend un champ, part pour Rome, avec son ami Donatello, et tous deux courent la ville, explorent les ruines, assistent aux fouilles, descendent sous terre, cherchent l'esprit antique, dessi- nent, étudient ce qui reste des palais et des temples, rêvent - — et réédifient le 45 Forum et le Pala- tin,le Capitole et les Thermes. Do- natello s'éprend de la sculpture raisonnée et vio- lente de la réa- lité, Brunelleschi apprend le se- cret des murail- les sur lesquelles Photo Alinari. s'appuient les Luca delt.a Robbia. Joueurs de guitares voûtes. C'est {Musée de Santa lui, Maria del Fiare). l'architecte, qui s'attarde à Rome, d'où il ne revient qu'avec l'idée de poser le dôme sur la cathédrale avec les seuls points d'appui de la forme existante. Son ambition d'artiste ne put arriver à se faire comprendre parmi les discussions qui s'éternisaient entre les constructeurs de Florence. Il repartit pour Rome, d'où on le rappela. Il demanda un concours entre les architectes de tous les pays, les bâtisseurs du gothique, à charge pour chacun d'exécuter un modèle, affirmant, lui, qu'il lancerait la courbe de ses voûtes dans l'espace sans aucune espèce de support. On le railla. Le congrès eut lieu, proposa de faire porter le dôme par un pilier colossal, et rien n'en sortit que la nécessité de charger Brunelleschi se souvint pas du désintéressement que Brunelleschi avait montré envers lui, lors du concours, des Portes, et accepta de devenir le contrôleur et le profiteur du travail de l'autre. Brunelleschi resta chez lui, laissant Ghiberti aux prises avec l'œuvre. Le subtil, délicat, savant orfèvre, dut avouer son ignorance d'architecte, — 46 — son impuissance de créateur devant une telle tâche. Il se retira, contraint et forcé. Brunelleschi, une fois encore, rentra en scène, pour lutter contre les bourgeois de Florence, former,, enseigner des artisans nouveaux. Enfin, il triomphe. Écoutez Michelet : « Sans charpente ni contre-fort, ni arc-boutant, sans secours d'appui extérieur, se dressa la colossale église, simplement, natu- rellement, comme un homme fort se lève le matin de son lit, sans chercher bâton ni béquille. Et, au grand effroi de tous, le puissant calculateur lui mit hardiment sur la tête son pesant chapeau de marbre, la lanterne, riant de leurs craintes, et disant : Cette masse elle-même ajoute à la solidité. Voilà donc la forte pierre de la Renaissance fondée, la permanente objection à l'art boiteux du Moyen-Age, premier essai, mais triomphant, d'une construction sérieuse qui s'appuie sur elle-même, sur le calcul et l'autorité de la raison. L'art et la raison réconciliés, voilà la Renaissance, le mariage du beau et du vrai. Profondes religions de l'âme ! » Le compagnon de Brunelleschi à Rome, le sculpteur Donatello» était né, comme lui, à Florence (1386). De même que Brunei- leschi a créé une architecture nouvelle avec la science acquise aux monuments de l'antiquité, de même, Donatello, par quel- ques statues et fragments, qu'il a pu voir et toucher à Rome, devine la vision directe que les artistes d'autrefois ont eue de la nature. Il est un disciple, et par l'application, la com- préhension, par le don qui est en lui, il devient un maître. Avant la venue de Michel-Ange, Donatello est le grand sculpteur de Florence, et -fes chefs-d'œu- vre, les bustes, le Saint-Georges de marbre du Bar- gello, qui est — 48 — aussi à l'une des façades d'Or san Michèle en une copie de bronze, les autres statues d'Or san Michèle, du Campanile, les oeuvres du Baptistère, de la Loggia dei Lanzi, de Santa Croce, de San Lorenzo, la chaire de Prato, le Gatta- melata équestre et les statues, les bas-reliefs qui sont à Padoue, tout ce que l'on connaît de lui à Rome, à Venise, à Berlin, à Londres, à Paris, l'attestent un des grands artistes de toujours, un de ceux qui ont découvert la vie, réfléchie et exprimée par des mouvements, des attitudes, des visages, révélation des sentiments, des pensées du sculpteur qui sait lire en dedans, derrière l'enveloppe charnelle, les lignes des gestes, les traits de la physionomie. Un grand artiste est un voyant : il devine et révèle. Donatello a dix-sept ans, lors de son séjour à Rome avec Bru- nelleschi. Au retour, il exécute l'Annonciation de Santa Croce ; puis, vers 1410, les statues d'Or san Michèle ; de 1425 à 1427, Photo Álinari. Luga dellà Robbia. Joueurs de cymbales [Musée de Santa Maria del Flore). le tombeau de Jean XXIII au Baptistère, les tombeaux de Naples, Monte- pulciano. Sienne, — 50 — une statue à Rome ; en 1434,1a chaire de Prato ; puis les statues du Campanile, les bas-reliefs de la balustrade de l'orgue du Dôme... Nous trouverons la suite de ses tra- Photo Alinari. vaux au musée LuCA dei,la Robbia. Ronde d'enfanls. {Musée de Sania Maria del Fiare.) du Bargello, à Padoue, à Venise, et la fin à l'église San Lorenzo. Ici, nous nous arrêtons, au musée du Dôme, en face du chœur de la Cathédrale, devant les tribunes des orgues (récemment restaurées) ornées de bas-reliefs où Donatello et Luca délia Robbia ont représenté, le premier, des enfants qui dansent, le second des garçons et des fdlettes qui chantent et qui dansent. D'un magnifique mouvement, agité et ordonné à la fois, rythmé par les formes, les gestes, les attitudes, Donatello fait courir la ronde enfantine derrière les colonnes de cette Tribune des chantres, et ces génies ailés, ces joyeux enfants, robustes, épanouis, courent, marquent le pas, gambadent, sonnent du buccin, se passent l'un à l'autre des cou- ronnes. Ils devaient merveilleusement accompagner de leur course dansante la mu- sique de l'orgue et le chant des voix humaines lorsque l'allé- — 51 — gresse de Noël et de Pâques em- plissait les nefs de Santa Maria del Flore. A la suite de Donatello, Luca délia Robbia, son contemporain (1399-1482) qui n'est pas seule- ment le maître flo- rentin de l'émail- lerie sur terre cuite, mais qui est aussi un sculp- teur dont les figu- res de marbre et de bronze ont un caractère et une force auprès des œuvres de Dona- tello, une distinc- La partie gauche du Retable d'argent de San Giovanni. Danse tlOn aupiès dCS de Salomé et Décollation de Saint Jean-Baptiste (Musée de Santa „ . • i Maria del Fiore). figUrmCS dC (jrbl- berti, et une particulière grâce observée et naïve dont on voit précisément les plus beaux exemples au Musée du Dôme, dans la décoration de cette même Tribune des chantres, et aux bas- reliefs du Campanile. Les enfants chanteurs réunis autour d'un gros livre que tient l'un d'eux, sont merveilleux d'observation — 52 — lf^iOqnTcTDDDDOoCirioEPbnmüi U'STMVnQA\lS^A\N>ÍÓWaÒ(:v\\CTAPOmSVOV!'--DOC'IVSAD£STDANTESSVACM·1HjOB£KmSAEPH»Íte't - ! Nk.! OTVITTANTO AOi\S.S JVLPOCTA£^»*C&-Ln\1WA\VRTVS CARAIN lAAGOTAClTy^- Photo Alinari. Domenico di M ichelixo Dante et son poème {Cathédrale). exacte, les traits contractés, les bouches ouvertes, et merveilleux encore de groupement avec leurs tailles difïérentes, leurs têtes renversées ou penchées, leurs mains et leurs pieds expressifs : une de ces mains tient fiévreusement la chevelure d'un petit cama- rade, un de ces pieds bat visiblement la mesure. Des garçonnets, MUSÉE DU DÔME Photo Alinari LUCA DELLA ROBBIA ENFANTS CHANTANT nus, délicats et souples, agiles et rieurs, dansent en avant d'un groupe de fillettes ou d'anges qui jouent de la flûte et du tam- bourin. D'autres, assis, écoutent des joueuses de violes douce- — 53 — ment extasiées. Des joueurs de cymbales passent en écoutant, faces levées ou oreilles toutes proches, le bruit retentissant des plaques de métal qu'ils entre- choquent en cadence. D'autres forment une ronde, dansent et chantent en se tenant par la main, et l'harmonie est faite du cercle des visages, du mouve- ment des têtes tournées, des bou- ches largement ouvertes, des courbes des bras, du passage rythmé des jambes. Il est d'autres merveilles et d'autres curiosités à Santa Ma- ria del Fiore : le retable d'argent auquel ont collaboré dix artistes, orfèvres et sculpteurs réputés, pour figurer la vie de Jean-Bap- tiste par une série de tableaux en relief encadrés d'une architecture de clochetons et de niches qui Photo Alinari. abrite un monde de statuettes, re- donatello. siaïue du Pogge. table que l'on expose au Baptistère le jour de la Saint-Jean ; une peinture de Domenico di Michelino, représentant le Dante debout et ses nionu- entre une vue de Florence avec ses fortifications ments et la figuration du Paradis et de l'Enfer ; enfin, une statue de Prophète, attribuée avec vraisemblance à Donatello, et que croit le portrait du Pogge, — l'on Poggio Bracciolini, humaniste — — de Florence, érudit, archéologue, découvreur des écrivains de 54 l'antiquité, que l'on peut se plaire à reconnaître sous les traits de ce vieillard au large front chauve, au visage ravagé et malicieux, le regard acéré sous les paupières baissées, la lippe de la bouche éloquente et sensuelle. Photo Alinari. La Cathédrale. Détail de la seconde Parle du Nord. LA CATHÉDRALE GIOTTO LE CAMPANILE Photo Alinari. Photo Alinari. Giotto et Andrea Pisano. La Science qui Giotto et Andrea Pisano. La Tempérance. gouverne. IV. — LE CAMPANILE GIOTTO, ARCHITECTE ET SCULPTEUR. — VIE ORSCURE, ŒUVRE ÉCLA- TANTE. — LA CONSTRUCTION DU CAMPANILE. — LES BAS-RELIEFS EN LOSANGES ET EN HEXAGONES. — ANDREA PISANO. — LUCA DELLA ROERIA. — LES STATUES. — DONATELLO. — LE ZUCCONE. Le Campanile est en Italie à la fois le clocher de l'église et le beffroi de la cité. Il sonne les heures des offices, l'envolée des fêtes, le glas des 1 nèbres, le couvre-feu du soir, l'approche, de l'ennemi, l'appel aux armes des citoyens, le tocsin de l'incendie et de la guerre civile. C'est un édifice à la fois religieux et civil. En France et dans les Flandres, il est surtout laïque, municipal, qu'il s'élance du toit de l'hôtel de ville ou qu'il se hausse isolé sur la place publique comme une sentinelle vigilante. A Venise, il se dresse sur un angle de la place Saint-Marc. A Pise, il s'incline derrière la Cathédrale. A Florence, il s'élève à droite de la façade de Sainte-Marie-des- Fleurs,et il n'y a guère, entre lui — 56 — et la Cathédrale, que l'étroit pas- sage d'une ruelle. Il est, comme le Baptistère, comme la Cathé- drale, recouvert de revêtements de marbre, où des formes géomé- triques, rectangulaires, carrées, losangées, circulaires, sont tracées par des bandes de marbre grises Giotto et Andrea Pisano. La Valeur Militaire, ou la F et rouges. Son apparence est d'un gigantesque objet précieux, à justi- fier le mot de Cbarles-Ouint de- mandant pour lui un écrin. Mais ni la force ni la grandeur ne lui manquent. Sans gêne pour l'œil, d'un seul élan, malgré l'ornemen- tation fragmentée et détaillée, mais si bien ordonnée dans le sens des lignes montantes, le Cam- panile blanc, gris et rose, file d'une seule venue par ses angles aux pilastres hexagonaux, les surfaces harmonieusement divisées par les Photo Alinari. arêtes, les moulures, les sculp- Giotto et Andrea Pisano. Le Baptême. tures en relief ou abritées aux niches, les deux fenêtres accolées qui ajourent les deux étages du milieu de leurs formes cintrées coiffées de frontons triangulaires, l'unique fenêtre de l'étage supé- — 57 — rieur. Sa montée se juxtapose et s'évide ainsi jusqu'à 85 mètres. Giotto, qui l'a conçu et c{ui en a commencé l'exécution, voulait le hausser à 94 mètres par un clocher en pyramide installé sur la plate- forme, ainsi qu'au Campanile de Venise. Il posa la première pierre le 18 juillet 1334, après qu'il eut Giotto et Andrea Pisano. La peine du travail. été choisi pour succéder comme architecte de Sainte-Marie-des- Fleurs à Arnolfo di Cambio. Ce fut là son œuvre spéciale, sa part de création au magnifique monument de Florence. « ... La direction des travaux fut confiée à maître Giotto, notre concitoyen, le plus souverain maître en pein- ture de son temps et celui qui sut le mieux reproduire les figures et les gestes d'après nature. » Ainsi s'exprime le chroniqueur floren- tin Giovanni Villani. Qu'était-ce Photo Alinai'i. Giotto et Andrea Pisano. Le pasteur Jubal. que Giotto ? Un peintre, en effet, 9 si l'on songe à l'œuvre qu'il a élaborée aux murailles d'Assise, de Padoue, de Florence, œuvre forte et hardie, audacieuse et tran- quille, qui proclame, contre les formes religieuses byzantines, la variété de la nature, le droit d'ob- servation et de création, la mise en liberté de l'art. Il est aussi un architecte et un sculpteur si l'on contemple le Campanile, qui a jailli si haut de sa pensée et de sa volonté, et les bas-reliefs si simples, si touchants, si définitifs. Photo Aunari. ¿Qnt il a doublcmcnt ceinturé sa Giotto et Andrea Pisano. PtoUmée, ou l'Astronomie. tour de marbre. Il est en effet tout cela, architecte, sculpteur, peintre, il est, avec Brunelleschi et Donatello, des triumvirs pacifiques et splendides de la cité un de Florence qui ont fondé la première Renaissance italienne, ou plutôt qui ont commencé la Renaissance, l'ont établie sur ses bases solides de nature par la divination subite de l'antiquité retrouvée. Sur la vue des quelques œuvres intactes, des ruines, des fragments, ils ont appris la science et la mesure, les pro- portions et le modelé, la plus grande vérité des choses. Ces conquêtes nous paraissent simples aujourd'hui, mais pour s'em- parer de ce monde presque disparu, fragmenté, brisé par la haine, enfoui sous la poussière du temps, il fallait des hommes de génie simple, à l'intelligence directe, à l'esprit de au cœur haut vol. Le trio du peintre, de l'architecte, du sculpteur, fut ainsi. Giotto vint le premier. Il est né vers 1266, à Colle, près de Vespignano, dans la vallée de Mugello. Son père était un culti- vateur, Francesco Bondone, et il mit son fils en apprentissage à Florence, chez un artisan de la laine. Que Gimabue ait alors, comme le raconte Ghiberti dans ses Commentaires, rencontré Giotto dessinant une brebis sur une pierre, dans la campagne, ou que Giotto ait de lui-même découvert Gimabue qui avait son atelier à Florence, toujours est-il que Giotto devint peintre, élève de Gima- — 59 — bue. En dehors de cette indication, on ne sait presque rien de lui, que quelques séjours à Rome, à Assise, à Padoue, à Florence, à Naples, à Milan, séjours attestés par des œuvres, ou par les écrits de Vasari, de Benvenuto da Imola qui fait connaître la ren- contre de Giotto et de Dante à Padoue. D'après Vasari, Giotto serait aussi venu en France, à Avignon avec le pape Glément Y, et Benvenuto Gellini affirme qu'il fut le compagnon de Dante à Paris. De cette vie obscure, rayonne une œuvre éclatante. Ge qu'il y a de certain, dans le mystère de cette biographie évanouie, c'est que Giotto fut d'abord à Rome, qu'il y travailla comme peintre et mosaïste à Saint-Pierre et à Saint-Jean-de-Latran, qu'il connut la beauté des ruines anti- ques et des basiliques chrétiennes, la richesse des matériaux em- ployés par les césars et par les papes. Ge qu'il y a de certain encore, c'est que l'influence d'art naturiste de Giovanni Pisano, et aussi l'influence poétique de François d'Assise, ce mendiant que Renan salue comme le père de l'art italien, s'exercèrent sur Giotto, ' et peut-être l'âme Giotto et Andrea Pisano. L Art que de dresser pas- les chevaux. Photo AUnari. sionnée, dramatique, profonde du Dante, a communiqué sa brûlure à l'un des plus pathéti- ques parmi les artistes de tou- jours. Ce fut sans doute aussi parenté d'esprit, comme il peut — 60 — arriver aux génies d'un même temps, et tout ceci dit, toutes les influences possibles acceptées, il fallait un Giotto pour s'assimiler, sans déperdition de sa propre individualité, ce fiux d'art et de vie qui lui arrivait de tous côtés. Mais les hommes qui possèdent le don de Giotto Alinnri. ne distinguent Photo ' Giotto et Andrea Pisano. L Art de tisser. pas entre les apports de l'art et de la vie, ou s'ils distinguent, ce n'est que pour trouver dans l'art la preuve de la vie, et une raison de plus de prendre à la nature tout ce qu'ils pourront apercevoir et ravir de richesse et de non- veauté. Il faut ici approuver le biographe récent de Giotto (G. Bayet) qui voit surtout, comme cause de la formation de l'artiste, la vie vécue à Florence, la vie du dehors, le mouvement, la vio- fence de la rue, les scènes de contre Sienne Giotto et Andrea Pisano. L ' Art del'agriculture. départs guerriers et Pise, au bruit des cloches et des armes, les rixes, les meurtres aux carrefours agités, entre les maisons des rues étroites, autour des palais aux murs de prisons, des tours rébarbatives, dont les — 61 — créneaux et les meurtrières era- chaient la mort. Cette agitation, ce drame de Florence, mettait en scène pour l'artiste avide un monde de sentiments, de pas- sions, une multiplicité d'ex- pressions, un défilé sans fin de formes, de gestes, l'arrivée en foule de pensées nées de tous Giotto et AndreaPisa.no. L 'ArldelaCéramique. les actes et de toutes les inten- tions de la vie. Aux parois extérieures du Campanile, Giotto, sculpteur ou inspirateur de sculptures, des- sina une double frise de losanges et d'hexagones où il voulut in- scrire une série de scènes repré- sentatives de la réalité. On a beaucoup examiné, discuté, avant de lui faire honneur de ces beaux reliefs de figures et d'emblèmes, dont Ghiberti dit avoir vu les esquisses de sa main, et finale- ment, on lui a reconnu, comme Photo Alinari. Photo Alinari. Giotto et Andrea Pisano. L' 1 nvenlion du métal. collaborateur d'exécution, Andrea Pisano. Tous deux, d'ailleurs, ont connu, compris, admiré, les formes d'art de Giovanni Pisano, et l'art pisan et l'art florentin se marient à la base du Campanile. Prenons ces sculptures telles qu'elles sont attribuées, et n'oublions pas qu'il y a eu ici l'idée maîtresse de l'architecte, établissant les surfaces, les cadres, fournissant les modèles. Ajoutons aussi que, — 62 — postérieurement, un troisième artiste, Luca délia Robbia, vint se joindre à ses prédécesseurs, et que ses œuvres cont nuent harmo- nieusement, mais avec plus de surcharge, les œuvres conçues de 1334 à 1336 par Giotto et exécutées par Andrea Pisano, œuvres qui ont pour objet l'affranchissement de l'esprit humain par le travail, l'invention, l'art, la pensée. A Andrea, on donne ces personnages allégoriques : la Science du Gouvernement, figure de reine assise, couronne en tête, sceptre en main, et la Tempérance, encapuchonnée et auréolée, tenant en des vases à couvercles *' 1^' 'ç' ' ' I I Pholo Alinari. Giotto et Andrea Pisano. Apelle,oula Peinture, gemeut tonSUré et longuement le campanile c sr>, Photo Altnari attribué a GIOTTO PHIDIAS, OU LA SCULPTURE barbu qui verse l'eau lustrale. A Giotto et Andrea, on attribue des compositions hexagonales ; la Création de la Femme, où Dieu le Père, pareil à un Christ du Moyen — — Age, tire à lui d'un geste tendre 63 la douce Eve qui sort de la côte d'Adam endormi ; la Peine du travail, Adam qui brise le sol de son boyau, Eve qui l'accompagne, filant la laine, tournant son fuseau, pendant qu'un animal bizarre, semblable à un caméléon, essaie de grimper au tronc d'un figuier ; le Pasteur Juhat, assis au seuil de sa tente, devant laquelle pais- Giotto et Andrea Pisano. Le Commerce. sent des moutons que garde un petit chien ; Ptotémée ou VAstro- noniie, vieillard à la face inspirée, assis dans un fauteuil sculpté, le sextant en main, devant une table sur laquelle tourne une mappemonde ; au fond, sur une bande transversale, sont figurés les signes du zodiaque ; au-dessus du savant, la courbe du ciel laisse paraître, comme à un balcon, un Dieu entouré d'anges ; VArt de dresser tes chevaux, un jeune homme lancé au galop, un bras levé, l'autre tirant les rênes, les jambes serrées sur sa monture, figure qui ne serait pas indigne de suivre, de son allure un peu lourde, le défilé des cavaliers du Parthénon, et qui pourrait illustrer une page du Traité de l'Équitation de Xénophon ; VArt de tisser, une femme assise derrière un métier de tapisserie, tirant la broche pour la passer de nouveau à travers la chaîne, et une autre femme debout qui, cette fois sans lourdeur, avec une grâce infinie, retient sa tunique et ses voiles aux plis souples ; VArt de Vagri- Photo Alinari. culture, le couple de bœufs, l'un la tête basse qui fait effort pour tirer la charrue, l'autre, "la tête levée, qui meugle, l'homme qui appuie sur le soc, l'enfant qui excite l'attelage ; VArt de la céra- — 64 — miciLie, le potier sous son auvent, choisissant un vase sur une éta- gère ; VInvention du métal, le for- geron sur son escabeau, tenail- lant le métal sur l'enclume, devant la cheminée, près du soufflet accroché à un pieu, parmi les outils, les instruments de son in- dustrie ; le Commerce, l'homme Photo Alinari. Luca delira Robbia. Plototi et Aristoie, ou la Philosophie. dans un char attelé de deux chevaux, petits, alertes, qui font encore une fois songer à la Grèce ; Apelle, ou la Peinture, l'artiste environné de triptyques, et qui s'applique à tracer une figure ; Phidias, ou la Sculpture, la statue qui commence les gestes de la vie entre les mains du sculpteur ; VAri de la navigation, trois hom- mes dans une barque à la proue effilée qui fend les flots, admirable par l'attention de celui qui tient 1 • Photo Alinari-, e gOU\ email1 eit. d1es d1 eux ïameuis, Luca deli.a Robbia. Orphée, ou la Musique. Pholo Alinari y GIOTTO ET ANDREA PISANO LA CRÉATION DE LA FEMME tous trois les regards ardemment fixés sur l'horizon. A Luca délia Robbia sont : Platon et Aristote, deux beaux discuteurs aux dra- peries volantes, aux mains qui parlent — — avec la parole, paume 65 étendue, index pointé sur un livre (c'est Giotto qui a le premier représenté des mains aussi élo- quentes) ; Orphée, ou la Musique, le joueur de viole dans la forêt, parmi les animaux féroces et les bénins, les quadrupèdes et les oiseaux ; Pythagore, ou VArith- métiqiie, un vieillard à longue Photo Alinari. Luga dellà Robbia. Pyíhagore, ou V Arithmétique. robe qui inscrit des nombres sur une tablette, un jeune Florentin en robe courte, à long manteau jeté sur l'épaule, qui compte sur ses doigts ; Tubalcain, ou la Musique, autre musique, celle du forgeron qui frappe sur l'enclume avec deux marteaux alternés et qui écoute le bruit clair et vibrant : Richard Wagner modulera ainsi, dans Siegfried, le forgement de l'épée, et d'une manière impec- cable accompagnera un jour au piano, dans un village suisse, le Photo Alinari. Luga dellaRobbia. la Musique. maréchal-ferrant, dont les Tubalcain,ou coups 10 se frapperont net et juste dans les intervalles (récit de Judith Gautier). Ainsi se déroule en ses cadres nets, à grosses moulures, cette belle illustration de la vie — 66 — de l'homme. La naïveté et la force gothiques y rejoi- gnent par places l'harmonie grecque, et le phénomène n'a rien de surprenant, car toutes les grandes époques d'art, quels qu'aient été leurs moyens et leurs ma- nières, ont une orientation et une certitude communes par l'amour de la nature. A l'étage supérieur du Campanile, des niches abri- tent des statues, patriar- ches, prophètes, évangé- listes, dont les auteurs sout Andrea Pisano ; Thomas Stéfano, dit le Giottino ; Nicolas Aretino ; Luca délia Robbia ; Nanni di Bar- tolo ; Donatello. Toutes sont d'accord pour en- tourer le monument de Pholo Alinuri. marbre d'une garde solen- Donatello. Le roi David, dit le Zuccone. nelle par leurs gestes forts et tranquilles, leurs visages virils, graves et songeurs. Donatello, qui a sculpté Moïse et Josué, Abraham et Job, Habacuc, Jérémie — — et Jean-Baptiste, montre 67 ici deux chefs-d'œuvre, le Job et le Jérémie, qu furent primitivement Da- vid et Salomon, comme l'indiquent les inscriptions des piédestaux. Le Salo- mon (ou Jérémie) est un personnage robuste, d'une expression saisissante ; la figure carrée, anguleuse, au-dessus du col puis- sant, annonce par la bouche aux coins abaissés, la vio- lence concentrée, le m.é- pris combatif, et les bras de lutteur, les mains prêtes au combat, l'une qui tient violemment un parchemin, l'autre étendue impatiem- ment sur la cuisse, achè- vent de donner sa signi- fication à la physionomie hautaine et redoutable. Ce n'est ni Jérémie, ni le roi Sa- Photo Aliñar i lomon, c'est un être vivant, Donatello. Le roi Salomon, dit aussi Jérémie. Francesco Soderini, qui a posé devant Donatello. L'autre statue, le Job, ou le Roi David, et qui est en réalité le portrait de Giovanni di Barduccio Cherichino, dit le Zuccone, ou le Chauve, est plus extraordinaire encore. Singulier personnage drapé d'un long man- teau, la tunique attachée à l'épaule, et dont les bras nus et flexibles, les mains longues, disent un tempérament, un caractère, une philo- — 68 — Sophie cynique, qui diffèrent du tout au tout de l'aspect extérieur et de l'être intérieur que l'on devine en son actif voisin. Le Zuccone, au-dessus de ce corps en promenade à travers la vie, érige une tête pelée autant que le crâne de certains oiseaux mélancoliques et songeurs, tels que le marabout; mais ici, dans le long visage, il y a les yeux profonds, la grande bouche molle, une expression de vérité cruelle, et l'on comprend que ce pût être là l'œuvre de» prédilection du grand Donatello qui avait comme locution affir- mative : « Par la foi que j'ai en mon Zuccone ! » Photo Alinari. Giotto et Andrea Pisano. L 'Art de la navigation. Photo Alinnri. Eglise de Santa Croce, édifiée par Arnolfo di Cambio, campanile de Baccani, façade de N. Matas. A droite, la chapelle des Pazzi. V. — SANTA CROGE L'ÉGLISE. — LES TOMBEAUX ET LES MONUMENTS FUNÈBRES.— BER- NARDO ROSSELLINO ET DESIDERIO DA SETTIGNANO. — L'ANNON- CIATION DE DONATELLO. — LES FRESQUES DE GIOTTO, DE TADDEO GADDI, DE GIOVANNI DA MILANO. — LE CLOÎTRE. — LA CHAPELLE DES PAZZI. L'architecte Arnolfo di Cambio, qui devait être chargé par la municipalité de Florence de commencer magnifiquement la con- struction de la cathédrale, celui qui devait aussi élever les murail- les de forteresse du palais des magistrats, revêtir le Baptistère de plaques de marbre et refaire les fortifications de la ville, fut S d'abord l'architecte de l'église de Santa Croce dont la première pierre fut posée en 1294. Il ne termina pas — 70 — plus l'église que la ca- thédrale, et la façade de marbre à trois por- tes et à trois frontons, trouée d'une rosace scintillante et ornée d'une étoile à son som- met, est une oeuvre du XIX® siècle, pour laquelle un Anglais amoureux de Flo- rence a, dit-on, versé un demi-million de francs (1857-1863). Vasari. Tombeau de Michel-Ange. JVI aiS IcS archltcctcS qUl ont continué l'œuvre d'Arnolfo ont observé son plan, gardé à son œuvre le caractère de force austère qu'il lui avait donné tout d'abord. Derrière la façade neuve se développent les deux étages de l'ancienne muraille percée de fenêtres ogivales, jusqu'au campanile élégant et ajouré de Baccani, qui domine le cloître et la chapelle des Pazzi. Avant d'entrer, une statue moderne du Dante, sur la place de l'église, peut être considérée comme significative de la destination de Santa Croce, tout emplie de tombeaux et de monuments, con- sacrée aux grands hommes et aux illustrations officielles de Flo- rence. C'est, pour une seule ville, une sorte d'équivalent du Panthéon de Paris et du Westminster de Londres. Tous les genres de célébrité y sont mêlés, les notoriétés d'un moment y sont en contact avec les gloires de toujours, la richesse et la vanité des mausolées cherchent à s'égaler aux noms rayonnants qui suffisent à désigner les génies de l'art et de la pensée. Dans cette foule, le Dante (enterré à Ravenne) fait flamboyer le désespoir de l'Enfer et rayonner la gloire du Paradis : son mausolée vide surgit entre les tombeaux où repose ce qui fut l'ardeur farouche de Michel- Ange, l'intelligence de Machiavel, la science de Galilée. Autour d'eux, des artistes, des poètes, des musiciens, des hommes d'État, depuis Donatello et Léon Battista Alberti jusqu'à Alfieri, Ros- sini, Cherubini, Cap- poni, et les femmes qui se sont faufilées dans cette assemblée illustre comme les muses mondaines de l'austère Santa Groce : la comtesse d'Albani, Charlotte Bonaparte, Julie Clary Bonaparte. Mais les plus beaux tombeaux ne sont pas ceux des génies de Florence. Vasari a conçu froidement l'architecture de la tombe où doit rugir Photo Alinari. encore 1 âme du sculp- Foggini. Monument de Galilée. teur des Médicis et du peintre de la Sixtine. Celui-ci, seul, aurait pu accouder sur son cercueil des fdles de sa pensée : les figures sculptées par les Cioli paraissent des gardiennes provisoires atten- — 72 — dant qu'on vienne les relever de leur veillée funèbre. Les sta- tues debout auprès du buste de Galilée appartiennent au même art sans conviction, four- nisseur indifférent de tous les mausolées des églises et des cimetières. Pour Machiavel, on ne pouvait lui donner une com- pagne plus irrévérencieuse que la figurine aux grâces apprêtées qui domine ce qui reste du subtil secrétaire de la République flo- rentine. Ce sont des collègues de Nicolas Machiavel, Léonardo Photo Alinari. Bernardo Rossellino. Tombeau de Léonardo Bruni et Carlo Marsuppini, per- Bruni. sonnages savants et lettrés, mais non admis dans la région de gloire mystérieuse où se tient, immobile et secrète, l'ombre de l'auteur du traité du Prince ; ce sont ceux-là qui se présentent avec le sublime appareil de l'art. Le tombeau de Léonardo Bruni, par Bernardo Rossellino, et celui de Carlo Marsuppini, par Desiderio da Settignano, sont deux chefs-d'œuvre de l'architecture et de la sculpture funéraires. Le premier est admirablement équilibré par ses deux pilastres à cannelures et à chapiteaux d'acanthe surmontés de deux arcs puissants tressés de lauriers. Sous l'arc, une madone de Verroc- chio entre deux anges. Au-dessus du fronton, d'un mouvement hardi de montée, deux génies robustes soutiennent le lion de Florence debout, gueule ouverte et griffes sorties, sur son écus- son encadré de lourdes guirlandes de feuilles de chêne dont — — les torsades retombent autour du cintre du monument. Au bas, le 73 sarcophage, dont l'inscription est présentée par deux anges volants, le lit de parade, aux angles duquel veillent deux aigles, et sur lequel repose Léonardo Bruni, la face penchée, entièrement visible, admirable mélange de sommeil et de pensée, les mains croisées sur un livre. Au soubassement, la vie continue son agitation et sa danse : de chaque côté d'une tête de lion, des anges pareils à des amours portent des fruits, brandissent des bande- roles, courent, gambadent, s'amusent avec des allures de jeunes faunes en liberté dans un verger. L'artiste de cette œuvre, Bernardo Bossellino (1409-1470), de l'école de Luca délia Robbia, fut surtout un architecte au service des papes Nicolas V et Pie II, pour lesquels il construisit des édifices superbes à Orvieto, Spo- lète, Viterbe, Pienza, Sienne, et il sut ajouter la science du sculpteur à celle du constructeur en édifiant le beau monument funéraire de Santa Croce. Le second tombeau, celui de Mar- Photo Alinari. suppini, par Desiderio da Settignano, 11 œuvre plus ornée, plus riche, ne produit pas le même effet de simplicité, de gravité, d'émotion, le fronton supporte un vase d'une élégance un peu maigre et la longue retombée des guirlandes nuit à la forme générale du monument. Mais les orne- ments de nature du cintre, un peu semblables à ceux qui fleu- — — rissent la porte de Ghiberti, les palmettes du fronton, les ornements 74 Giotto. La Danse de Salomé, et la tête du Baptiste présentée ci Hérodiade. du sarcophage, les sphinx des angles et les feuillages entrelacés de chaque côté du vase placé au centre du soubassement, sont du goût le plus léger et le plus rare. L'œuvre est un peu encline à l'ingéniosité, et je n'aime pas le coquillage ailé placé sous le sarcophage, où il était si facile de ne rien mettre, mais les enfants dressés en bas et en haut (un peu en dehors du monument) sont charmants, les uns de vérité enfantine, les autres, de la grâce svelte de l'adolescence, et le visage de Marsuppini, Pnoto Alinari. SANTA CROCE -f;.]»! BLÍ< tiiká^,, OÙ tn & O O O & --èOiry^_' : Photo Alitiari donatello l'annonciation yeux clos, bouche serrée, est émouvant de fermeté, de vie inter- rompue. Le sculpteur de ce visage, de ces enfants, de ces fruits, de ces fleurs, Desiderio da Settignano, montrait là le gracieux talent de sa jeunesse fauchée par la mort. Né en 1428, il mourait en 1464, à trente-cinq ans, laissant le souvenir de sa douceur — 75 — Giotto. Ascension de saint Jean VÈvangéliste. et de sa beauté, — il bravo Desider si dolce et bello, disait Giovanni Santi, le père de Raphaël, — et la grande espérance d'un artiste délicieux, naïvement et tendrement amoureux de la vie. Le maître de Desiderio fut Donatello. Il est à Santa Croce avec un crucifix de bois où le corps du supplicié est modelé fortement, marqué des accents d'une réalité nouvelle. Et voici, de la jeunesse de Donatello (1406), une œuvre charmante, VAnnonciation, en grès bleuté rehaussé d'or. Les deux pilastres aux chapiteaux faits de masques expressifs, le fronton animé aux extrémités et au sommet par des génies portant des guirlandes, superbes enfants frères des danseurs de la Tribune du Dôme, encadrent la scène où l'une des rares figures de femmes sculptées par Donatello prouve quelle élégance forte, cjuel sentiment de la grâce robuste étaient en lui. — 76 — Photo Alinari. Giotto. Saint François traversant la flamme, devant le Sultan. La Vierge au sérieux visage, aux cheveux ondés, aux belles mains, qui salue, étonnée et troublée, semble vouloir se retirer, cepen- dant que l'ange, tout frémissant de respect, s'agenouille devant elle. C'est encore une grande œuvre de sculpture et de décoration que la chaire de Benedetto da Majano, aux bas-reliefs encadrés de pilastres. Il nous reste, après avoir admiré ce chef-d'œuvre fixé à l'un des piliers de la nef, à pénétrer dans les chapelles de Giotto, p í le créateur de la vérité de la peinture, celui qui est allé direc- tement des leçons encore archaïques de son maître Gimabue aux grandes sources de la nature, au déploiement des fastes de l'hu- inanité. Giotto, l'architecte du Campanile, qui a donné à Padoue et à Assise la plus haute expression de son génie pictural, est — 77 — Giotto. Mort de Saint François. représenté à Santa Croce, aux murs des chapelles Peruzzi et Bardi, et aussi de la chapelle des Médicis, par des fresques où se révèlent, malgré le temps et les restaurations, un sens extra- ordinaire de la composition, du groupement, de l'attitude, de la gesticulation, et pour la première fois, de l'émotion ressentie au spectacle des rencontres d'êtres, des colloques, des actes, des sentiments qui agitent une réunion, des passions par lesquelles l'influence d'un seul s'impose à tous. Que Giotto ait été un naïf berger ou un apprenti flânant par la ville, le fait à peu près certain, c'est qu'il fut élève à l'atelier de Gimabue, lequel est accepté pour avoir commencé d'affranchir l'art des pratiques religieuses inflexi- bles de Byzance. Mais quel écart subit et prodigieux marque Giotto ! Le génie est en lui, plus qu'en aucun autre, car s'il part des gothi- — 78 — ques, il a dû presque tout créer dans son art. Il représente, aux fresques de Santa Croce, les femmes empressées autour du lit où vient de naître saint Jean, et sous le regard et les mains de ces infirmières attentives, la mère au repos, doucement accoudée et profondément réfléchie. Auprès, dans un autre compartiment, Zacharie inscrit le nom du nouveau-né, et jamais figure de scribe ne fut plus interrogante, ni main mieux appliquée à tracer des carac- Photo Alinari. Giotto. Saint Jean l'Évangeliste ressuscite Drusiana. tères, de même que jamais encore nourrisson n'avait été si fortement tenu que par la femme au visage ardent qui avance le petit corps vers le vieillard. Quelles mains encore parlantes (c'est la grande observation de Giotto sur les gesticulations de ses compatriotes — 79 — qui animent toujours les rues des villes italiennes), quels visages tendus vers la même action, quelles attitudes véridiquement infléchies, ces gens debout ou agenouillés autour de saint Jean ressuscitant Drusiana ! et comme le geste d'autorité du thauma- turge va rejoindre le geste de confiance de la morte qui se lève de sa civière ! La cruelle Salomé danse devant Hérode, le bour- Taddeo Gaddi. Im Naissance de la Vierge. reau apporte la tête du précurseur, le musicien fait chanter les cordes de sa viole, Hérodiade reçoit le chef sanglant et auréolé, et tous les traits de la scène sont fixés. Des groupes d'hommes en — 80 — ruoto Atmaru Taddeo Gaddi. La Vierge présentée au Temple. longues robes, en larges manteaux, s'étonnent, s'exclament, devant l'ascension de saint Jean, et certains d'entre eux se penchent curieusement vers le sépulcre comme s'ils voulaient vérifier le miracle. L'histoire de saint François est aussi féconde en visions et en réalisations : le grave sultan sur son trône de marbre, dans une SANTA CROCE Photo Alinari taddeo gaddi galerie tendue de tapis d'Orient, le saint qui soulève légèrement sa robe de bure pour passer dans les flammes, plein d'assurance. — 81 — Taddeo Gaddi. Le Mariage de la Vierge. pendant que l'humble frère son suivant semble douter, les mains jointes cachées sous ses larges manches ; les moines rassemblés autour du saint qui meurt, couvrant ses mains, ses pieds, de leurs baisers, scrutant son visage doucement endormi de leurs regards 12 brûlants : jamais plus belle image de la douleur de la mort chez ceux qui restent n'a été évoquée par de — 82 — pareils traits de réalité. Giotto est le premier peintre italien de la vie pathéti- que, ressentie jusqu'au profond de l'être par ceux qu'il met en scène. S'il a des défauts, des inex- périences, des lourdeurs, on n'y songe plus lors- que l'on a été pris par le grand mouvement de vie qu'il a fixé aux murailles. Taddeo Gaddi. La Visite des Rois Mages. perfection pourra venir avec les artistes qui le suivront, ils ne le surpasseront pas en ingénuité qui devine, en force qui s'empare de l'essentiel, en science maîtresse par la simplicité. Son élève, Taddeo Gaddi (1300-1366), suit son enseignement aux murs de Santa Croce. La Naissance de la Vierge est entourée de beaux groupes de femmes, les unes apportant une corbeille, les autres accroupies avec l'enfant auprès du lit défait. La petite Vierge montant les degrés du temple de marbre sous les yeux — 83 — ravis et respectueux de son père et de sa mère témoigne que l'artiste a compris la leçon de son maître et qu'il s'efforce de susciter les attitudes, les gestes, les expressions d'une assemblée par l'action d'un personnage. De même avec le Mariage de la Vierge, dont la disposition est charmante, parmi les musiques et les palmes, en avant d'un bosquet plein d'oiseaux. De même, le baiser que le vieux mage à longue barbe blanche donne, age- Photo Alinari. Giovanni da IMilâno. La Naissance de la Vierge. nouillé, au pied minuscule de Jésus nouveau-né. Et Giovanni da Milano, lui aussi, avec une Naissance de la Vierge, fait se mouvoir de belles figures vivantes : Anne se lave les mains, la servante ^ 84 — Photo Alinuri. Brunelleschi et Michelozzi (?) Ix troisième cloître de Santa Croce. tient le bassin et raiguière, la femme assise tend les bras vers Marie, les deux femmes debout se transmettent un objet enveloppé de linges. Temps anciens de la peinture où l'on représentait ainsi la l'humble mise en scène d'un accouchement avec un sens de vérité aussi tranquille, un amour de la vie aussi chaleureux ! Auprès de l'église, le cloître, dominé par le robuste et fin clocher, encadré de ses colonnes doriques supportant de larges cintres, avec son puits à l'angle de la pelouse verte constellée de fleurs, conduit par ses tranquilles galeries au réfectoire où la Gène de Taddeo Gaddi, d'une pure inspiration giottesque, oppose le sommeil de saint Jean et la veille du Christ. Pour aller à la — 85 — Brunelleschi. Chapelle des Pazzi. chapelle des Pazzi, construite pour l'illustre famille de Florence, on suit une allée bordée de cyprès nains qui laisse voir la charmante façade antique mise au goût florentin par Brunei- leschi. Cette façade à la large ouverture cintrée repose sur six colonnes élégantes, laissant libre et aéré le vestibule percé d'une porte et de fenêtres séparées par des pilastres cannelés. Le même artiste qui a élevé au-dessus de Florence le dôme colossal a caché ce bijou de si fines proportions à l'ombre de la muraille de Santa Groce. Il a commencé la construction en 1429 ou 1430, Giuliano de Majano a dirigé la décoration avec des collaborateurs qui furent Donatello, sculpteur des.. visages de chérubins de la façade, et Luca délia Robbia, à l'intérieur, pour les Evangélistes — 86 — et les Prophètes qui méditent aux voûtes de la coupole au-dessus du portique, les têtes d'Apôtres et d'Anges, les écussons, toute une ornementation en terre cuite vitrifiée qui fleurit délicieu- sement le vieil édifice marqué au sceau de la jeunesse éternelle. Photo Alinari. i Benedetto da Majano. La chaire de l'église de Santa Croce. Photo Alinnri. Place et Eglise de Saint-Marc. VI. SAN MARCO L EGLISE ET LE COUVENT DE SAINT-MARC.— FRA ANGELICO DA FIESOLE. — LES SALLES, LES CELLULES, LES COULOIRS. — LA CÈNE DE DOMENICO GHIRLANDAJO. — LA MADONE DE FRA BARTOLOMMEO. — COSME L'ANCIEN. — LA CELLULE DE SAVONAROLE. Sur la place Saint-Marc, où la statue du général Fanti, drapé d'un manteau, le sabre au côté, se dresse au centre de quatre jardinets, l'église, à la façade quelconque, plaquée de pilastres, garde les tombeaux de Pic de la Mirándole et de Politien. Elle vaut pour cela une visite, et aussi parce qu'elle montre une œuvre de Fra Bartolommeo, une Madone entourée de Saints, où la richesse de la couleur, le groupement et l'équilibre de la composi- tion, font de ce tableau d'autel un de ceux qui représentent le mieux la manière solide, consciencieuse et monotone du savant peintre. Il y a, sur la place San Marco, mieux que l'église, et mieux — 88 — ÎMîchelozzo Michelozzi. Le premier Cloître. que Fra Bartolommeo. Il y a le couvent, il y a Fra Angélico da Fiesole, — et le souvenir de Savonarole. Auprès de l'église, une maison longue et basse, qui paraît cjuelconque, un seuil à franchir, quelques pas à faire, c'est l'ancien couvent de Saint-Marc. Il a été changé en musée sans perdre rien de ses dispositions et de son caractère, et l'on y trouve à leur place des peintures telles que la Cène^ de Ghirlandajo, qui con- tinue d'orner la salle du Petit Réfectoire, avec le Christ et les disciples réunis autour de la table couverte de cerises, en avant d'un jardin plein d'arbres autour desquels volent des oiseaux. Frâ Angélico. Jésus reçu à l'hospice des Dominicains Mais traversons le premier cloître, le promenoir aux larges dalles, aux fines colonnettes, à l'auvent de tuiles brunes, qui encadre une humble pelouse herbue et fleurie, ombragée d'un vaste mélèze. C'est ici, dans l'une de ces cellules dont on aperçoit les minuscules fenêtres, que Fra Angélico a vécu pendant dix années, de 1436 à 1445. Dans une autre. Fra Bartolommeo, qui se fit reli- 13 gieux en 1500. Dans cette autre, Jérôme Savona- role... Mais avant l'existence vio- lente — et ■— tragique 90 du moine pre- cheur, la vie pai- sible et sereine du moine artiste nous apparaît en des images, non pas si naïves et béates que l'on dit souvent, mais simples et voulues, très pures et très précises, très co- lorées et très F ra A ngélico. La Nalivilé. j.j0P0g Giovanni Guido, auquel son temps et la postérité devaient im- poser le nom de Fra Giovanni Angélico da Fiesole, était né au village juché sur la hauteur boisée d'oliviers et de cyprès, d'où l'on domine Florence. A vingt ans, il prenait la robe blanche du dominicain, entrait au couvent de Fiesole. Deux ans après, en 1409, la confrérie se déplace, s'en va à Gortone. Fra Angélico est déjà peintre, et il y a de sa peinture à Gortone, où il vit pendant dix ans. De là, il revient au couvent de Fiesole, y passe dix-huit ans, de 1418 à 1436. En cette dernière année, les Dominicains sont établis à Florence, par Cosme l'Ancien, qui fait restaurer leur couvent de Saint-Marc, sur les plans de Michellozzo Michellozzi. (Cosme a son portrait par le Pontormo dans une des cellules de Saint-Marc.) En 1445, Fra Angélico quitte Florence pour Rome, où il meurt en 1455, à l'âge de soixante-huit ans. Il n'est donc pas resté toujours confiné dans la même cellule, il a changé de logis, il a vu du pays, au cours de ces voyages, de Fiesole à — 91 — Cortone, de Cortone à Fiesole et à Florence, de Florence à Rome, qu'il a accomplis dans quelque carriole, ou sur un baudet tel que celui qu'il représente si bien dans la scène de la Fuite en Egypte. Peut-être aussi fit-il de longues routes à pied, le bâton à la main, le bis- sac sur l'épaule, chaussé de sanda- les en corde tres- sée. Il a traversé les champs et les bois, les vallées où mûrit le maïs, les coteaux où s'en- guirlandent les vignes, les villes agitées par les guerres, les villa- ges où il a eu chance d'aperce- voir des images de la vie paisible. Fra Angélico n'est pas un ignorant de l'existence, Photo Alinari. un extatique qui Fra angélico. Jésus au jardin des Oliviers. attend l'inspiration, le pinceau à la main. On ne peut affirmer qu'il ait eu des modèles, on ne peut le nier non plus, car il est certain, d'après les attitudes et les visages qu'il nous montre, que l'huma- nité ne lui a pas été étrangère, et jmSjjÊÊÊÊ^^IIIÊ que les Anges qui — 92 — vinrent, dit la lé- gende, terminer une œuvre de lui alors qu'il s'était endormi, n'ont guère pu qu'y ajouter un peu d'or et de bleu cé- lestes, pas beau- coup, car l'An- gelico n'avait pas attendu leur des- cente dans sa cel- Iule pour enlu- miner le paradis. Un en 1 umi- neur, c'est ce que fut Fra Angélico Fra Angélico. Jésus au prétoire. Ficsolc et il n'est pas besoin, cela reconnu, de lui cbercber des maîtres directs et de se demander où et comment il devint peintre. Ouelcjue missel aux images coloriées, aux lettres ornées et fleuries, dans la sacristie du couvent de Fiesole, suffit pour déterminer le goût et la science chez celui qui avait en lui la vocation du peintre autant que celle du religieux. Il fut accepté ainsi par les prieurs qui l'eurent SOUS leur direction, et c'est à ce même titre qu'il fut appelé à Rome par le pape. Que son fin talent ait grandi, que son délicat génie se soit épanoui, cela va de soi, mais tout de même, il y a un caractère immuable dans ses œuvres, *et sa perfection à lui, dans son genre à lui, est presque immédiate. Qu'il ait dépassé — 93 — les miniaturistes, on le croira sans peine, car ils sont légion, et il n'y a qu'un Angélico, mais il les dépasse en les continuant, en adoptant leurs trouvailles patientes, en les nuançant, en les aug- mentant de la rare sensibilité qui était en lui. Aux minaturistes s'est ajouté le grand Giotto, mort cinquante ans avant la naissance de Fra Angélico, Giotto, dont l'œuvre était dans tout son éclat lorsque les yeux du jeune moine s'ouvraient à la lumière de l'art. Cette œuvre, aujourd'hui dégradée, presque détruite, ou res- taurée, et qu'il faut, non seule- ment voir dans son état actuel, mais — — évoquer 94 dans son état d'autrefois, pour comprendre la hardiesse de dé- couverte et la puissance de réa- lisation d'un tel artiste, cette œuvre resplen- dissait alors à Florence, aux murs de Santa G roce, dans la chapelle Bardi et Photo Alinriri. i i it ■ Fra Angélico. ^ Jésus au sépulcre. chapcllc Pc- ruzzi, et. aussi les œuvres des élèves de Giotto: Taddeo Gaddi, Giottino, Giovanni da Milano, Orcagna, Agnolo Gaddi, d'autres encore, dont l'Angelico a vu et scruté, de ses yeux fins, les arrangements, les gesticula- tions, les fonds d'architectures et de paysages. Non, le frater, qui n'est pas étranger à l'humanité, n'est pas non plus étranger à l'art ! Restons, puisque nous y sommes, au couvent de San Marco, en attendant de retrouver l'Angelico ailleurs. G'est là, probable- ment, son œuvre de prédilection, celle qui fut accomplie par lui avec toute la tranquillité de sa méditation, toute sa conviction de moine pieux et toute sa fièvre d'artiste. Il est ici complet, le miniaturiste avec les précieux tableautins où sa main patiente a fait tenir toutes les splendeurs du paradis, des assemblées des saints et des anges, toutes les chastes grâces de la Vierge ; — le giottesque, avec les fresques des corridors et des cellules, où la pratique d'un autre métier oblige l'artiste à se hausser — à des 95 aspects d'humanité plus simple, à une représentation plus essen- tielle des gestes et des visages, de la mise en scène et des exprès- sions. Cet Angelico-là surpasse l'autre, quand cela ne serait que par l'ambition plus haute et la difficulté vaincue, mais nous pour- ron s apprendre plus tard, à la galerie de l'Aca- démie de Flo- rence, que le giottesque a in- fluencé le minia- turiste, et que des compositions restreintes, petits panneaux ou prédelles de ta- hleaux, se pré- sentent avec une originalité, une netteté, une gran- deur singulières. Tout de suite, à peine est-on entré à Saint- ■11^ - Photo Alinari. iVlarc, dans le Fra Angeugo. La Résurrection. premier cloître, que l'on aperçoit, dans les lunettes ogivales où s'ins- crivent des demi- figures, tel grou- — 9() — pement du Christ en pèlerin reçu par deux domini- cains à la porte de l'hôtellerie, qui renseigne immédiatement sur l'esprit d'ob- servation, la bon- homie et la pro- fondeur de l'An- gelico. Le regard Photo AUnari. Q 11 l" Í S t, qul Fra Angélico. Le Couronnement de la Vierge. scrute et qui rêve, les physionomies bienveillantes et sérieuses des moines hospita- liers, leurs attitudes accueillantes et déférentes envers le passant qui vient frapper à leur porte, leurs mains qui s'emparent doucement de l'étranger, tout révèle la pénétration de l'artiste, sa scrupuleuse attention à tout exprimer et à tout résumer. Une porte plus loin, on entre dans la salle du Chapitre, et c'est le CrLicifiement., où le Christ en croix, entre les deux larrons, est entouré des saintes femmes qui soutiennent sa mère, des apôtres et des fondateurs d'ordres. L'œuvre suffirait à elle seule pour certifier que l'artiste est maître de la variété des physionomies, de la différence des expressions : voyez les visages de ses moines SAN MARCO Photo Alinari FRA ANGELICO LE CHRIST ET LA MADELEINE et de ses évêques, dont chacun exprime une manière d'être de l'intelligence, en même temps qu'une vérité de la douleur. Quant aux trois femmes, à gauche de la croix du Christ, la mére qui s'ef- fondre, le visage défait, mortuaire, les bras abandonnés, la femme grande, droite, délicieusement fine qui se tient auprès de Marie, et cette autre, à genoux, vue de dos, dont le — — corps est admirable- 97 ment présent, comme sculpté et vivant sous les vêtements, il sera |' difficile de faire : croire que Fra Í''' ^ Angélico les a ex- tatiquement in- ventées, et il vaut mieux admettre que le naturisme de la Renaissance florentine a été la substance solide de son délicat mysticisme. On pénétre dans le couvent, on 'monte un étage. En face l'escalier, on se trouve devant la première des fresques peintes 1 . J'/wto Almari. Ur les mUl ailles angélico. Le couronnement de la Vierge. 14 — 98 — Photo Alinari. Domenico Ghirt.andajo. La Cène. des corridors et des cellules. C'est l'Annonciation. Un vestibule de cloître laisse apercevoir une cellule et la verdure d'un jardin, un ange s'approche en pliant le genou, une mince vierge blonde, aussi réelle qu'un portrait, au visage candide et stupéfié, immobile et passif, au frêle corps penché, aux deux longues mains de jeune fille croisées sur la taille, écoute le message comme une sentence : c'est une des apparitions délicieuses de la peinture, de celles que l'on ne peut plus oublier. Après cet accueil du palier, on va de cellule en cellule, de corridor en corridor. Les cellules sont petites, à peine trois mètres de long sur deux de large, les corridors sont étroits, tout est fai- blement éclairé par des fenêtres grandes comme des lucarnes, mais les chambres, les couloirs sont habités. Les personnages de l'Angelico continuent d'y vivre leur vie intérieure et silencieuse, rendue visible par les attitudes tranquilles, par les visages aux expressions où se lisent la volonté, la persistance, l'appuiement d'une pensée, d'une prévision, d'une crainte, d'une douleur. Les uns sont rassemblés, attentifs, autour de Jésus qui vient de naître; les autres dorment, méditent ou prient pendant que le Christ attend le destin au Jardin des Oliviers ; les disciples sont rangés — — autour de la table 99 au long de laquelle passe le Christ distribuant l 'Eucharistie ; les bouches insultent et les mains frappent le Christ au prétoire ; les femmes et le disciple ensevelissent le crucifié de leurs mains légères ; les femmes contemplent le sépulcre vide de leurs regards fixes pendant que l'Ange, familièrement assis sur le rebord du sarcophage, désigne le Christ environné de rayons dans les ténè- bres; la J\Iade- leine voit ap- paraître Jésus dans le jardin ombragé de pal- mi ers et de cy- près ; Jésus cou- renne la Vierge, paisible, respec- tueuse, humble, devant son fils divin. — Ce sont autant de repré- sentations des sujets consacrés, mais avec une variété infinie de physionomies qui décèlent le Bartolommeq. La Madone entourée de Saints. sens le plus vif de la vie délicate. Chaque être avoue sa person- nalité et son ca- — — ractère. 100 On trouve la H même perspica- cité de vision,' la même i n t e 11 i - gence des senti- ments aux ta- bleaux miniatu- resques exposés dans les cellules de San Marco : un Couronnement de la Vierge, une Annonciation, une Adoration des Mages, où les bleus, les rouges? Photo Alinari. |gg ye^ts et leS Le PoNTORjro. Cosme II de Médicis. ors des vieux missels sont la parure étincelante et riche d'une humanité vivante mise en scène pour la gloire intime de la religion. Ce moine pieux fut un tendre et grand artiste. Il ne fut sans doute pas jusqu'à prévoir que le couvent où il passait ainsi ses années de méditation et d'art serait un jour un musée ouvert aux touristes d'un monde dont il ne soupçonnait pas l'étendue. Pouvait-il même deviner le drame qui envahirait au lendemain de sa mort sa douce retraite, et qu'une cellule proche de la sienne, si paisible, allait recevoir un moine comme lui d'ap- parence, mais d'une terrible violence d'apostolat. L'artiste replié sur lui-même, scrutant son rêve intérieur, est suivi de l'homme d'action qui sort de son cloître, trouve la foule sur la place, l'entraîne 101 — Couvent de Saint-Marc. La cellule de Savonarole. sur ses pas vers Santa Maria del Fiore, où il monte en chaire pour ravager les cœurs qui battent autour de lui à flots précipités, les esprits tendus vers le sien par le fluide des regards. C'est ainsi que Jérôme Savonarole remplace l'Angelico de Fiesole, et sa cellule avec les souvenirs qu'elle contient, ses livres, son chapelet, ses vêtements, son portrait par Fra Bartolommeo, succèdent avec une signification terrible aux suavités du peintre de la Vierge blonde, des saints réfléchis et émus, du Christ bénévole. C'est un crucifix guerrier que brandit Savonarole, c'est la guerre civile, et non la paix entre les hommes, que le moine tribun apporte à la ville, c'est la déclaration d'hostilité aux pouvoirs établis, les Médicis de Florence et le pape de Rome, qu'il jette du haut de la chaire à prêcher, qu'il proclame par les places et par les rues. Il veut proscrire l'art païen, révo- — 102 — lutionner les mœurs, il rêve d'une austérité populaire mise à la place de la vie dissolue des marchands, des banquiers et des princes. Il est vaincu, après que le siège du couvent a été fait, que les murs peints par l'Angelico ont été défendus par les Domi- nicains armés comme des soldats, et il est brûlé sur la place de la Seigneurie, avec ses compagnons fidèles. .HIEliONYMl-FEimARI ENSJS/VDHD^ ^^<.MISSRPROPhÉT^'EFFiG IL S^'' " t'huto Alinari. Fra Bartolommeo. Savonarole. Photo Alinari. Place el Eglise de Sania María Novella. VIL — SANTA MARIA NOVELLA LA PLACE ET LES DEUX OBELISQUES. — LA LOGGIA DE SAN PAOLO. — LA RENCONTRE DE SAINT FRANÇOIS ET DE SAINT DOMINIQUE, PAR ANDREA DELLA ROERIA. — L'ÉGLISE. — LES TOMBEAUX. — LES FRESQUES. — CIMABUE. — ANDREA ORCAGNA. — DOMENICO GHIRLANDAJO. —FILIPPINO LIPPI. — PAOLO UCCELLO. —L'ÉCOLE DE GIOTTO. Sur la place de Santa Maria Novella, vaste et paisible, se voient encore les deux obélisques de marbre, posés sur des tortues, par Jean de Bologne, dit-on, et portant le lys de Florence à leur pointe. Ils servi- rent à marquer les buts des cour- ses en chars or- ganisées par Cosme pi', les- — 104 — quatre quadriges dont le vain- queur obtenait comme prix une' pièce d'étoffe era- moisie. Ce mou- vement de fête a disparu, mais le décor est resté : les deux obélis- ques d'abord, l'église Santa Maria Novella avec ses cloîtres, et en face la Log- gia di San Paolo, au fronton de la- quelle se voit cette Rencontre de saint François et de saint Donii- nique, terre cuite émaillée d'An- drea délia ,Rob- bia, œuvre si Photo Alinari. Andrea Orcagna. Les Elus {Fragment du Jugement dernier). émouvante par le sentiment de joie profonde qui est chez les deux moines, l'un, dans la force de — 105 — l'âge, respec- tueux et attentif, l'autre vieux, près de la tombe, tâtonnant et tremblant, tous deux réunis, prêts à se donner l'accolade, se ton- chant, se prenant de leurs mains trembl antes. Qu'ils vont avoir de choses à se dire ! On les suit, marchant lente- ment sous la voûte du cloître, se dirigeant vers le réfectoire, s'ar- rêtant pour se parler et se re- garder encore. L'église, qui a eu pour premiers i^/ioîo Atinan. Andrea Orcagna. Les Réprouvés {Fragment du Jugement dernier). 15 ~ 106 — Photo Alinari. Andrea Orgagna, Le Sauveur e.L les Anges. Photo AUitari. Photo Alinari. Andrea Orgagna. Andrea Orgagna. La Vierge et six Apotres. Saint Jean-Baptiste et six Apôtres. {Fragments du Jugement dernier.) architectes des Dominicains, vers la fin du xiii® siècle, et dont l'intérieur est gothique, se présente avec une façade classique, revêtue de marbre, dont Léon Battista Alberti a donné l'élégant modèle (1456-1470). Les œuvres d'art y sont nombreuses : tombeaux de la Beata — 108 — Photo Alinari. Domenico Ghireandajo. Joachim chassé du Temple. Villana, par Bernardo Rossellino , de Philippe Strozzi, par Bene- dette da Majano (1491) ; crucifix de bois de Brunelleschi, celui que le grand architecte exécuta pour lutter de vérité et d'art avec Donatello ; plaque tombale de Ghiberti ; dans la sacristie, délicieuse fontaine de Giovanni délia Robbia (1497). Mais c'est la peinture des murailles qui est la riche parure de Santa Maria Novella. Une fresque de Masaccio, à l'entrée de l'église, est mal- heureusement à peine visible, on peut dire perdue. Par contre, la i •í r' — 109 — l 'hutu Alinai'i. Domenico Ghirlandajo. Présentation de la Vierge au Temple. Vierge entourée cVanges, de Cimabue, dans la chapelle Ruccellai, est une œuvre admirablement conservée, dont il est impossible de nier la valeur représentative pour la période qui a précédé Giotto et qui est dominée par Cimabue, peintre et artisan, dont l'atelier et la boutique s'ouvraient sur une rue de Florence, où l'on voit passer le jeune Giotto, vite conquis par les grandes figures et les belles enluminures du maître-peintre. Cimabue est encore un byzantin, mais les formules qu'il emploie commencent à se pénétrer d'humanité. Il ignore la variété de mouvements et d'expressions, la multiplicité scénique que connaîtra Giotto, mais il fait déjà respirer, regarder, vivre les personnages invariables imposés à — 110 — Domenigo Ghireandajo. Lc Patriarche Zacharie au Temple. ses compositions, et ses contemporains ont su qu'il apportait quelque nouveauté avec ses Vierges et ses Anges, car ils ont été pris d'enthousiasme devant une œuvre de lui qu'ils ont portée en triomphe, et qui est précisément cette grande Madone de Santa Maria Novella. Dans la chapelle Strozzi, l'école de Giotto est présente avec le Jugement dernier d'Andréa di Cione, dit l'Orcagna : le Christ est au sommet de la composition, au-dessus d'une fenêtre, les Anges volent en tous sens, sonnant de la trompette, chargés des instru- ments de la Passion ; au-dessous, sont installés les apôtres, en deux groupes, l'un commandé par une Vierge charmante, jeune et douce, l'autre par un Jean-Baptiste, très hébraïque, le nez busqué. — Ill — Photo Alinari. Domenico Ghirlandajo. La Visitation. la lèvre lippue, laineusement chevelu et barbu ; au-dessus encore, les Réprouvés et les Élus témoignent du même esprit apte à saisir les différences physionomiques, encore plus visibles dans l'immense assemblée de la Gloire du Paradis échafaudée autour des admi- rabies figures du Cdirist et de sa mère et de deux Anges musiciens. Domenico di Tommaso Bigordi, dit Ghirlandajo (1449-1494), a peint les fresques du chœur en l'année 1490. Son surnom lui était venu à ses débuts d'orfèvre, pour l'invention d'une guirlande dont raffolèrent les dames de Florence. Il eut bientôt la même réputation comme peintre, fit un séjour à San Gimignano, un autre à Rome, appelé par le pape Sixte IV, mais c'est à Florence, à Ognissanti, au Palazzo Vecchio, à la Trinita, à Santa Maria Novella qu'il a donné le plus beau déploiement de son talent. Les fresques du chœur sont considérées comme les plus complètes, les plus expressives. — 112 — Domenico Ghiri-axdajo La Naissance de . Jean-Baptisic. les plus typiques, de ce savant et souple artiste. Au mur de l'autel, le Couronnement de la Vierge est accompagné, sur les côtés, de Saint François et saint Pierre martyrs^ de VAnnonciation de saint Jean-Baptiste, et au bas, des portraits de Giovanni Tornabuoni et sa femme Francesca Pitti, qui commandèrent la décoration à l'artiste. Sur le mur de gauche sont sept sujets de l'FIistoire de la Vierge, et sur le mur de droite, sept sujets de la vie de Jean-Baptiste. L'harmonie voulue par Domenico Ghirlandajo semble avoir sub- sisté malgré la restauration, l'ensemble est doux et somptueux, d'une tendre clarté argentée et dorée, d'une coloration grenat et capucine comme celle d'un cachemire de l'Inde, avec des accents — 113 — Domenico Guirlanda ro. Le Banquet d'Hérode el la Danse de Salomé. verdâtres et sombres. On découvre facilement les plans savamment marqués par des architectures, vestibules aux dalles de marbre, escaliers de temples, portiques et colonnes, perspectives de rues, autels entourés de bas-reliefs romains, paysages de rochers et de fortifications, où les arbres et les clochers surgissent, où les oiseaux volent vers les montagnes, chambre où les murs, les plafonds, les portes et les meubles donnent à contempler le décor lumineux et sombre de la vie intime, salle de festin aux voûtes supportées par des colonnes et des pilastres, et dont la baie centrale s'ouvre sur la campagne. Sur ces dalles, entre ces colonnes, par les sentiers de ces paysages, apparaissent comme sur un théâtre les personnages qui représentent les scènes de la vie de la Vierge et de la vie du 16 7 — 114 ~ Photo A linar i. Filippixo Lippi. Le patriarche Adam, Baptiste. Ghirlandajo est un artiste raffiné, supérieur metteur en scène de la vie italienne sous le couvert des récits du Nouveau Testament. Il se plaît à mêler aux personnages bibliques en longues robes, aux vieillards juifs coiffés de turbans, les Florentins vêtus de chausses collantes, de tuniques ouvertes aux entour- mires, coiffés de calottes posées sur les longues chevelures. Le dialogue de Zacharie et de l'Ange rassemble les humanistes de Florence, les doctes personnages coiffés de chaperons, enveloppés de capes. Au Banquet d'Hérode, un page des Médicis apporte la tête du Précurseur, et une jeune Florentine, jupes envolées, glisse un pas de danse entre les tables du festin. Ghirlandajo aime à faire défiler ou à grouper les matrones, les femmes et les jeunes filles de Florence : celles qui accompagnent Anne et Êlisabeth au jour de la Visitation ; celles qui assistent à la naissance de Jean- Baptiste et à la naissance de la Vierge ; celles qui regardent la petite Vierge monter les degrés du Temple à la cérémonie de — la Présentation. Grâce à — lui, nous voyons passer lentement, 115 sous leurs voiles et leurs mantes, ou dans leurs robes de brocart, les vieilles et les jeunes, les douces et les violentes, les graves et les souriantes, toutes celles que l'art religieux d'autre- fois ignorait ou refusait, et que nous avons tout le loisir d'observer, à leur place de cortège, ou prises par les soins des accouchées et des enfants nouveau-nés, versant l'eau d'une aiguière, portant une pile de linge ou un panier de fruits, berçant, caressant, allaitant. Il est, parmi elles, des humbles charmantes, des belles orgueilleuses, de délicieuses créatures vêtues d'étoffes légères sous lesquelles s'aperçoivent de sveltes corps de statues. Toutes sont véridiques. Grâce à Ghirlandajo, nous avons sous les yeux sa ville, son temps, les êtres auprès desquels il vivait, ce qu'il a connu, aimé, et qu'il a prolongé par son art distingué, souple, où il a la grâce et l'enguirlande- ment qui lui ont valu le surnom de peintre devenu son nom. D'autres artistes ont décoré les murs de Santa Maria Novella. Filippino Lippi (1460-1505) s'y montre épris des décorations, des trophées, des statues de l'art antique, et ses compositions de Saint Philippe exorcisant un dragon, du Martyre de saint Jean VEvangétiste, du Martyre de saint Philippe, sont curieuses, déchiquetées et remuantes. 11 achève de révéler son ingéniosité, sa force de décorateur, en peignant les figures de patriarches encadrées aux voussures par une abondance harmonieuse d'or- nements. Au cloître, sont des fresques de Paolo Uccello, et du cloître, on va à la Chapelle des Espagnols où triomphe l'enseignement de Giotto avec de très belles fresques que l'on ne sait à qui attribuer, Taddeo Gaddi, ou Simone Martini, ou Andrea da Firenze. La décoration comprend deux grandes compositions : le Triomphe de saint Thomas sur la muraille de gauche : l'Eglise triomphante — et militante sur la muraille de droite ; puis les quatre compartí- — 116 ments du plafond : Saint Pierre sur tes eaux, ta Résurrection, ta Descente du Saint Esprit, VAscension. Le tout forme une œuvre collective splendide dont on peut faire honneur à la fois aux écoles de Florence et de Sienne. Photo Alinuri. Andrea della Robbia. Loggia di S. Paolo. Rencontre de saint François et de saint Dominique. VIII. ^ GALERIE DES OFFICES § I. — LES PEINTRES DE FLORENCE : SIMONE MARTINI. — GIOTTINO. — LORENZO MONACO. — FRA ANGELICO. — FRA FILIPPO LIPPI. — VERROCCHIO. — LORENZO DI CREDI. — ROTTICELLI. — CHIRLAN- DAJO. — MARIOTTO ALBERTINELLI. — MICHEL-ANGE. — FRA BARTOLOMMEO. — BRONZING. — VASARI. Parmi les musées de Florence, le plus important, le plus célèbre, est la Galerie des Offices, — les Uffizi. Cela n'empêche ni la valeur, ni la renommée des collections rassemblées au Palais Pitti, à l'Académie, au Bargello, et la description de celles-ci viendra com- I pléter la revue des œuvres es- sentielles qui vont figurer dans ce chapitre. Peu à — peu s'établira 118 ainsi l'histoire résumée de l'art de Florence pro- prement dit, et des trésors d'art amassés par les chefs du pouvoir qui menèrent de front les occupa- tions du gouver- nement, guerres au dehors et au dedans, les exac- tions et les spé- dilations, les débauches et les cruautés, — et r , n/ l'activité de La G^ alerie des Offrices. p^ ro- tecteurs des lettres et des arts, d'amateurs sagaces, qu'ils furent presque tous. C'est en 1560 que la construction de la Galerie des Offices a été commencée, par Vasari, architecte, sculpteur, peintre, surtout architecte, bien que son principal titre de survie est d'avoir été le biographe des artistes de son temps et le chroniqueur des époques d'art précédentes dont il recueillit les faits, les traditions. les on-dit. Les Uffizi,oùfuttout d'abord logée l'administration, et qui contien- nent encore, — 119 — avec le Musée, la Bibliothèque, les Archives et la Poste, repré- sentent digne- ment et noble- ment l'art de l'architecte, et le double portique à colonnes, qui déploie jusqu'à l'Arno ses arca- des surmontées de trois étages, a fort grand air avec le profil à la fois massif et élancé du Pa- lazzo Vecchio Photo A UnarL Giottino. La Déposition de croix. qui commande son entrée. Les dispositions sont également très belles à l'inté- rieur, par les larges escaliers et les vastes couloirs dallés de marbre, les salles aux nombreuses fenêtres, le salon octogonal de la Tribune où les chefs-d'œuvre de la collection sont rassem- dlés, en même temps ♦ qu'un cercle de marbres antiques : le — 120 — Hfwto Atinan. Lorenzo Monaco. L'Adoration des Mages. Rémouleur, Ies Lutteurs, la Vénus de Médicis, le Satyre, Apollon, complète le caractère de beauté de ce lieu de sélection construit en si justes proportions par Buontalenti, et richement décoré sans excès par Foccetti et Alfonso Parigi, continuateurs de l'œuvre de Vasari. Il faut seulement indiquer le plaisir de la promenade et de la contemplation au long des salles et des galeries, et les richesses de sculpture, d'objets précieux, de dessins, qui abondent aux Offices, pour tracer le à l'aide parcours de l'art de la peinture, — 121 — Fra Angélico da Fiesole. Noces de la Vierge. des tableaux réunis. Ils ne font pas oublier les fresques qui consti- tuent la grande histoire de l'art italien, histoire qui va malheureu- sement s'effaçant par tant de places, ils la continuent, ils la corn- mentent, ils l'expliquent, et ils l'augmentent aussi par l'étude plus particulière de genres différents qui s'aperçoivent bien dans les grands ensembles des fresques, le paysage, le portrait, la scène de mœurs, — que le tableau reprend et isole. Que l'art perde ainsi de sa grandeur, nul n'y contredira, mais que l'on ait gagné des chefs-d'œuvre d'un ordre rare par le tableau, cela est aussi hors de contestation. Au début, le tableau, quelle que soit sa taille, est une miniature encadrée, et il se présente aussi comme un objet d'orfèvrerie, à corn- partiments, à colonnettes, à niches et à ogives. Qu'importe, si la sensibilité d'un artiste se fait jour à travers les arrangements voulus par la discipline religieuse. Souvent, il n'y a que des corps Photo Alinari. gauchement formulés, des visages inertes, des étoffes et des dorures, des madones aussi mortes que des momies, des crucifiements où les détails de la Passion sont exhibés de manière enfantine. Il en est ainsi chez nombre de Trecenttistes et de Quatrocenttistes, mais que le brûlant éclair de l'esprit vienne illuminer tout 17 à coup l'un de ces personnages, la scène se trans- figure. Voici un exemple de cette transformation — 122 — soudaine avec l'Annonciation sur fond d'or des deux pein- tres de Sienne, Simone Martini (1285-1344) et Lippo Memmi, son beau-frère. La figure de la Vierge, drapée d'une robe rouge et d'un manteau bleu, l'attitude effrayée, tout le corps en retrait, les mains visible- ment tremblan- tes, le visage em- preint de tris- Fra Angelico~da Fiesole. La Vierge et l'enfant Jésus. teSSe, de COnster- nation même, est d'une conception véritablement forte, qui dépasse ce qui l'entoure. Ce n'est pas la modestie qu'elle exprime, à l'imitation de nombre d'Annonciations, c'est véritablement l'épouvante. Ce T i I — 123 — Photo Alinari. Fra Angélico da Fiesole. Couronnement de la Vierge. Simone Martini, qui fut l'ami de Pétrarque et l'élève de Duccio, fut aussi l'élève de Giotto, qu'il suivit à Rome pour l'aider dans ses travaux, et il montre ici qu'il était digne de recevoir l'enseignement de ces maîtres, puisqu'il a su créera son tour une figure d'une telle émotion. L'influence de Giotto s'est exercée aussi sur son petit-fils, Giotto di maestro Ste- phano, dit Giottino (1324-1368), dont la Déposition de croix est une œuvre complète, — d'un — groupement de 124 personnages très diffé- rents et d'une variété d'expressions qui s'uni- fient en une admirable scène de mort et de douleur ; autour d'un Christ inanimé, au vi- sage sévère, Joseph d'Arimathie et Nico- dème conversent et s'apitoient, Jean se penche atterré, les Attribué à Masaccio. Le Portier des Chartreux. f0nimes prennent et baisent les mains du mort, sa mère le saisit par la tête et les épaules, Madeleine songe et pleure à l'écart, un évêque et un moine se tiennent debout derrière des enfants agenouillés. La scène de l'Adoration des Mages, de Don Lorenzo Monaco, religieux camal- dule, qui vivait pendant la première partie du xv® siècle, est une superbe enluminure où la Vierge en manteau bleu, les rois d'Orient et leur suite de personnages à bonnets pointus, à turbans et à yatagans, décèlent, à travers leur convenu et leur raideur, des recherches patientes d'expressions. Mais quel pas immense est accompli lorsque l'on passe du camal- dule Lorenzo Monaco à un autre religieux, le dominicain Fra Ange- lico da Fiesole, dont nous avons vu le doux et frais génie se déployer à travers le clair- obscur des cou- loirs et des cellu- les du couvent de San Marco ! C'est l'exemple qui fait — 125 — le mieux aperce- voir et compren- dre la renais- sanee de l'art par la découverte des formes savantes - ^ i I et achevées de ^ ~''9Ê l'antiquité, suc- J cédant à l'igno- ^ ranee des temps obscurs, eux té- nèbres des pre- miers âges, aux ; JH symboles im- J ^ i I^H muables de By- I Jfl| zance. Fra Ange- lico, à la suite de ^ 1 ' Giotto et des giot- tesques, a romp^ u Photo Atinan. avec ce sommeil Fra Filippo Lippi. La Vierge adorant Venjant Jésus. de l'art, ou si l'on veut, ce rêve où revenaient toujours les mêmes images immobiles. Il accepte de toute l'ardeur qu'il a en lui l'effort sublime du M oyen-Age pour vaincre le sortilège des dogmes et rejoindre la nature. Ce chrétien, ce mystique, s'il continue à s'inspi- rer des thèmes de l'Eglise, s'éprend de la vie multiple qui s'offre à T i — 126 — Photo Alinari. Alessio Baldovinetti. La Vierge, l'enfant Jésus ei des Saints. lui de toutes parts. S'il n'en avait pas été ainsi, pour l'Angelico et pour les autres, il n'y aurait pas eu d'art italien. L'art ne vit pas d'abstractions. Pour naître, se développer, grandir et atteindre au sublime de la forme et de la pensée, il lui faut la représentation de — 127 — rlwto A ¿man. Andrea Verrocchio. La Vierge, l'enfant Jésus et des Saints. l'existence variée et profonde que mènent les hommes en proie aux instincts, aux sentiments, aux passions, et parfois élevés au-dessus d'eux-mêmes par la force de la pensée, le sacrifice à un idéal, tout ce qui compose la vie de l'esprit. L'art peut exprimer tout cela, mais il ne peut l'exprimer que par la science du visible. Fra — Angélico est un 128 des ouvriers de cette recherche de la destinée supérieure de l'art. Ici, comme à San Marco, les preuves abon- dent de la péné- tration de son intelligence, de son discerne- ment des nuan- ces, de son amour des aspects sans nombre de la vie. L oiœnzo di C redi. L'Annonciation. Voyez les per- sonnages du Mariage de la Vierge^ la jeune fille et l'époux, les femmes recueillies, les prétendants encore furieux, et ceux qui les écartent et les apaisent. Et la Vierge avec son Fils, sous un dais entouré d'anges, la Vierge devenue maternelle, l'enfant mignon vêtu d'une robe de petite fille. On n'a pas de peine à trouver encore, dans la foule qui assiste au Couronnemenl de la Vierge dans le Paradis, des types individuels, moines au crâne rasé, évêques barbus, anges gracieux qui semblent figurer une danse sacrée, saintes aux cheveux nattés ou épars, tous réunis autour du Christ souriant qui couronne sa mère, rede- venue aussi jeune, aussi charmante qu'au jour printanier de l'Annoncia- tion. Ils sont assis sur les nuages, parmi les anges, les encensoirs et les trompettes, au centre d'un astre — — d'or, et 129 l'on croirait, à revoir ainsi le crucifié du Calvaire et sa mère douloureuse, au milieu de cette foule de figurants émus et adorants, les acteurs désor- mais sacrés et immortels d'un drame poignant, réapparus dans la gloire d'une apothéose. On ne peut, à propos de la tête de vieillard dite le Portier des Chartreux^ et qui est seulement attribuée à Ma- saccio ( 1401-1427) pour l'ampleur de la forme et l'intensité de l'expression, dire le rôle d'émancipateur que l'artiste vint prendre à son tour pendant les quelques années de sa brève existence données à la peinture. C'est à l'église lorenzo m C redi . vénas. du Carmine que l'on essayera de déchiffrer les preuves de son génie. Pour Fra Filippo Lippi (1406-1469), dont on sait la vie aventureuse de moine enlevant une nonne, Lucrezia Buti, qui sera la mère de Filippino Lippi, son tableau de la Madone adorant son fits le montre savant peintre, coloriste harmonieux, paysagiste précis, et en même temps artiste respectueux du sentiment religieux et du sentiment maternel, avec cette Madone aux mains jointes, au pur visage, qui est une femme éprise de l'enfant, porté par des anges, qui tend les bras vers elle. 18 — i;ío Le même sentiment d'adoration est exprimé aux traits de la Madone entourée de saints, en avant d'un jardin de palmiers, de cyprès et d'orangers, peinte par Alessio Baldovinetti (1422-1499), qui fut l'élève de Paolo Uccello et le maître de Ghirlandajo. Le goût du détail précieux, 1'apreté de la forme, la sécheresse expressive de l'orfèvrerie et de la sculpture d'Andréa Verrocchio (1435-ld88) se retrouvent dans les personna- ges qui entourent la Madone, assise sur un trône de marbre, mais celle-ci, par contre, est infi- — 131 — niment douce et tendre, gentiment naïve et maternelle pour le gros poupon qu'elle allaite. Verrocchio eut pour élèves le Vinci, le Pé- rugin, que nous reverrons aux groupes des artistes de la Lom- hardie et de l'Omhrie, et il donna aussi son enseignement à Lorenzo di Gredi, né à Florence en 1459, mort à Venise en 1537. Les per- PkotoAnnarï: sonnages de celui-ci qui figurent Sandro Botticelli. Portrait. la scène de VAnnonciation sont maniérés et vulgaires, et le plus plaisant de l'œuvre est le jardin aperçu par les ouvertures cintrées du portique, mais on peut marquer l'identité du modèle qui a servi pour la Vierge Marie et pour une Vénus, attribuée à Lorenzo di Gredi, qui est bien de sa vision et de sa manière. G'est un des faits que commentent les dénonciations et les anathèmes de Savonarole, irrité de l'invasion grandissante de l'art « païen » sur le territoire consacré de'l'art religieux. Il est bien d'autres exemples à citer que celui de Lorenzo di Gredi, et le plus célèbre, le plus typique, serait certainement celui de Filipepi, dit Sandro Botticelli (1447-1500), qui fut le fidèle ami de Savonarole, au point de tomber dans la tristesse noire, tragique et irrémédiable, lorsque le dominicain périt dans les flammes sur le bûcher élevé au milieu de la place de la r — 132 — 1'h.oto Alinari. Sandro Botticelli . La Vierge et l'enfant Jésus. (Le Magnificat.) Seigneurie. Botticelli mourut deux ans après celui qu'il con- sidérait comme son maître inspiré, et l'on dit qu'il ne toucha plus à ses pinceaux après l'événement qui bouleversa son esprit et sa destinée. Ce trait de caractère et de sensibilité suffirait à faire resplendir dans toute sa pu- reté la bonne foi, la candeur même d'un si grand — — artiste 133 qui repré- sentait, lui aussi, la Madone et Vénus sous les mêmes traits, la même bouche en accent cir- conflexe, les mê- mes yeux meur- tris et pensifs, les mêmes mains, la même ex- pression, et l'on peut dire le même corps, car il n'est pas diffi- cile d'apercevoir, chez ce maître de la forme élégante et nerveuse, les Photo Alinan. mêmes formes Filippino Lippi. LaVlerge, Venfant Jésus et quatre saints. SOUS la robe et le manteau d'azur et de pourpre de la Vierge que dresse dans sa nudité la Vénus marine conduite à la plage par un coquillage nacré voguant comme une barque, sous le souffle de Zéphyre apportant avec lui l'Amour. Mais l'un et l'autre ne sont-ils pas des anges aux ailes étendues, aux dra- ! i — 134 — Domenico Ghirlandajo. L'Adoration des Mages. peries flottantes, et cette suivante de Vénus à la robe semée de fleurs comme celles que nous verrons éclore dans l'allégorie du Printemps, n'est-elle pas semblable à l'archange Gabriel qui s'avance vers la Vierge dans les Annonciations italiennes ? La Vénus elle-même, douce et craintive, délicieusement chaste, le visage et le corps à demi enveloppés de sa chevelure blonde, n'est-elle pas une figure de Vierge de l'Annonciation, frémis- santé aussi de son destin, et c'est comme une conception chré- tienne que Botticelli ajoute au mythe éternel de la Vénus retrouvée, en la — représentant émue et — pensive à l'annonce qu'elle 135 a été choisie pour être la mère du genre humain promis à l'agonie et à la mort qui sont les conditions imposées à la vie par le destin. L'œuvre née d'une telle conception, la Naissance de Vénus, est en même temps triomphale et triste, naïve et pensive, et il n'y faut chercher, car on ne l'y découvrirait pas, aucune trace d'esprit rusé ou pervers. C'est le printemps mélancolique de l'année qui connaîtra l'automne et l'hiver, l'apparition délicieuse de la vie déjà assombrie par le pressentiment des larmes et du malheur. J'ai déjà noté cette loyauté, cette gravité, cette ardeur, devant les œuvres de Botticelli, à Paris, Londres, à Berlin. L'unité de la pensée, du génie et du caractère de l'artiste, parfois défiguré par les ingéniosités de la critique et sottises de la mode, surgit à Florence avec un rayonnement incomparable. va plus avant ^ que la plupart de ceux qui l'ont précédé, précisément par son in- génuité païenne, plus marquée, et même, d'une certaine manière, infiniment nouvelle. La même passion, un peu fiévreuse et HBHHHIHHHBHHIIHH 1 A ■] I A • nrulante 1 Photn .Minori. meme, anime les anges andrea del sarto. son portrait. réunis autour de la Madone, si dolente, et de son fils, si éveillé, qui donne l'exemple delà force vivace, — 136 — de la joie enfan- tine devant la lu- mière et devant les choses. Les mouvements de ces anges appor- tant la couronne et le livre sont prestes et déli- cats, leurs re- gards qui obser- vent sont acérés en même temps que réfléchis. Andrea Sarto. Madone dcll' deí. Arpie. Botticelli a vu ces ainsi les jeunes Florentins, s'est vu lui-même, et il nous a laissé l'ombre du images témoigner de son ardeur qui scrute pour désenchantement, de son désir qui vient se briser à la tristesse du réel. Il n'est pas d'œuvre plus significative et plus humaine. Auprès d'elle, la Calomnie est un jeu d'artiste, imitation d'Apelle d'Ephèse, dont une œuvre est décrite par Lucien au chapitre LIX ». de ses Œuvres : « Qu'il ne faut pas croire légèrement à la délation été Presque toutes les figures du tableau antique disparu ont évoquées par Botticelli : le Juge, la Délation, l'Ignorance, la Suspi- n'est cion, la Fourberie, la Perfidie, le Repentir, la Vérité, laquelle m — 138 — Photo Alinari. Bronzing. Jeune homme inconnu. Bronzing. Baiiolomeo Snncialichi. pas sans analogie avec la Vénus marine. Sur le soubassement du trône du juge, une autre œuvre de l'antiquité, la Famille du Gen- taure, de Zeuxis, également décrite par Lucien, au chapitre XXII : « Zeuxis ou Antiochus », est traduite en un bas-relief grisaille et or. L'œuvre de Botticelli est d'une ingéniosité surprenante, d'un mouvement rapide, d'une ornementation architecturale pré- cise et délicate. C'est une interprétation de l'Antiquité par la Renaissance, commentaire subtil d'une image évanouie, transpo- sition bizarre où la Délation apparaît sous la forme et les traits d'une créature délicieuse qui pourrait plutôt figurer une Eumé- nide indignée et charmante. L'artiste serait encore présent à la galerie des Offices avec une Judith où l'on ne rencontre pas sa fière et nerveuse tournure, et par un portrait qui semble bien devoir lui être attribué et que l'on a cru être Pic de la Mirándole ou Pierre de Médicis ; que l'on a donné aussi comme un artiste graveur, Pierre Razzanti, sans doute pour le motif qu'il tient - 139 de ses deux mains une large médaille d'or de Cosme le Vieux. Domenico Ghir- landajo (1449- 1494), que nous avons admiré dans son œuvre de fresquiste à Santa Maria No- vella,concentre sa souple précision en un tableau de forme ronde AUnan. Vasari. Laurent de Médicis. qui enferme mer- veilleusement les détails d'une Adoration des Mages, évoquée par une imagination pittoresque, jeune mère, enfant dont le geste esquisse innocemment une bénédiction, rois attentifs et respec- tueux, groupe de chevaux superbes, guerriers disciplinés, humbles animaux d'une étable rustique installée entre les pilastres finement ornés d'une loggia à travers laquelle se voient la ville, la rivière et les barques. De Filippino Lippi (1457-1504), un tableau d'autel rassemble correctement quatre saints autour de la Madone. De Mariotto Albertinelli (1474-1515) il y a son chef-d'œuvre qui est un chef-d'œuvre, une Visitation, Elisabeth inch- née vers Marie, l'hôtesse rece- vant la voy a- — 140 — geuse sous un portique sculpté de festons et d'amours qui en- cadre un beau ciel profond où errent les nuages argentés. C'est, dans un autre sentiment, une œuvre aussi tou- chante que la rencontre de saint François et de saint Domi- Photo Alinari. Bronzino. Eléonore de Tolède. nique d'Andréa délia Robbia. Ici aussi, les corps penchés, les mains qui se joignent, les regards qui se contemplent, les bouches qui vont se parler, tout apparaît grave et éloquent dans le silence de ces deux femmes, qui ont à se confier leurs craintes, leurs espoirs, leurs larmes, leurs secrets. Soudain, luit le grand nom de Michel-Ange, mort à Rome en 1564, mais né à Florence en 1475, élève de Ghirlandajo, et resté florentin à travers sa vie mouvementée. Cette Sainte Famille^ qu'il aurait peinte en 1504, est la plus belle de ses rares pein- tures de chevalet, un groupe véritablement splendide des trois personnages, Marie, Joseph et Jésus, un assemblage harmonieux des corps en un groupe sculptural, la mère assise sur le sol, belle et puissante comme les sibylles de la Sixtine, l'enfant pareil à un jeune dieu de la mythologie antique, Joseph réfléchi et cons- cient. Au fond, Jean-Baptiste s'approche, et sur une terrasse — — d'où l'on domine 141 un vaste paysage, des jeunes athlètes vont groupés. Le sujet n'est qu'un prétexte à une réunion de formes savantes, et le sublime de l'œuvre, c'est le visage de la mère renversé vers son fils, et son regard chargé d'inquiet amour. Auprès d'une telle œuvre. Fra Bartolommeo (1475-1517) paraîtra sagement convenu, mais il ne faut pas oublier, devant sa Madone entourée de saints et de saintes^ qu'il est un des créateurs, ou si l'on veut, un perfectionneur de ces assemblées équilibrées que Baphaël projettera à leur plus haut point de pathétique ordonné. Andrea del Sarto (1480-1531), s'il a été l'élève de Piero di Gosimo, a imité Fra Bartolommeo pour ses ordonnancements de spectacles religieux, mais sa peinture acquiert un accent particulier d'ampleur et de tendresse, qu'il représente Jésus et ta Madeteine, la Sainte Famitte, la fière Madone detV Arpie portant son enfant leste et rieur, ou son propre portrait à l'expression mélancolique, même un peu hagarde. Et l'école de Florence se clôt, aux Offices, avec les por- traits de grande allure, seigneurs aux magnifiques vêtements noirs, Éléonore de Tolède à la robe brochée d'ornements de velours et de torsades de perles, peints par Bronzino (1502-1572), et la si curieuse effigie sarcastique peinte par Vasari (1511-1574), oeuvre appuyée et patiente où revit Laurent de Médicis, dit le Magnifique. §11. —L'ÉCOLE DE L'OMBRIE. —PIERO DELLA FRANCESCA. —MELOZZO — DA FORLI. — LE PÉRUGIN. RAPHAEL. L'influence florentine se heurta aux rochers d'Assise et de — 142 — PlERO DELEA FRANCESGA. PlERO DELLÀ FRANCESCA . Baltisía Sforza, duchesse d'Urhino. Federigo da Montefellro, duc d'Urbino. Pérouse, mais s'exerça sur la partie de l'Ombrie voisine de la Tos- cane par les vallées des Apennins. Là, elle fut acceptée d'emblée par un artiste d'une individualité rare, Piero délia Francesca (1423-1492), né à Borgo San Sepulcro, celui que l'on aurait pu désigner, si son nom s'était perdu, comme le maître des portraits de profil. Il y en a au Louvre, à la National Gallery, et il y en a deux à Florence, Federigo da Montefeltro et Battista Sforza, duc et duchesse d'Urbin, le duc en tunique et bonnet rouges, la duchesse en corsage noir à manches jaunes et rouges, un léger bonnet blanc accroché à sa chevelure blonde par des bijoux, d'autres bijoux et des perles au col. L'art de ces peintures, frappées comme des médailles, est d'une vérité passionnée, aucun signe particulier n'est omis de cette duchesse au nez fin et long, au petit œil bombé, au front — 143 — Photo Alinari. Photo Alinnri. Melozzo da Forli. L'Ange annonciateur. Melozzo da Forli. La Vierge. largement découvert, de ce duc à l'encolure énorme, au menton étonnamment rond, au nez étrangement échancré et bossu, visages singuliers reproduits d'un art impeccable qui est chez les Van Eyck, qui sera chez Holbein et les Glouet, mais qui revêt spéciale- ment, chez Piero délia Francesca, une parure de coloris et de modelé de la nacre la plus délicate. Un air transparent enveloppe ces apparences vivantes, le même qui emplit légèrement l'étendue ouverte derrière les personnages par l'artiste qui sut créer ces — 144 — même à espaces avant Pérugin et Léonard, et s'appliqua composer traité de géométrie et de perspective à l'appui de son art. un Parmi les élèves qu'il forma, Melozzo da Forli (1438-1494) est l'un des plus remarquables. Il aurait fréquenté aussi l'atelier de Squarcione, et sa parenté avec Mantegna se trouverait ainsi expliquée. Ceci dit, il n'est qu'insuffisamment représenté aux Offices un Ange et une Vierge d'Annonciation, qui ne par dépassent pas la moyenne de la peinture religieuse italienne. Le maître de Pérouse, Pietro Vanucci, dit le Pérugin (1446-1524), rassemble les figures familières de la Madone, de Jésus enfant, des saints Jean-Baptiste et Sébastien, et ici, il faut admirer la richesse du coloris, l'aisance des figures, le juste accent de l'expression. Le Pérugin, que l'on admet comme un esprit irréligieux (même son biographe ecclésiastique, le savant et subtil abbé Broussolle) a vraiment apporté une gravité et une pureté sans pareilles à la Aliñar i. Photo Alinari. Photo Raphaël. Son Portrait. Le Pérugix. Portrait d'un inconnu. représentation des types consacrés par l'Église. Il n'est pas un mystique, il est un observateur réfléchi, acharné à la possession du réel. Il le montre bien encore avec le portrait d'un jeune inconnu, sorte de gracieux page, et surtout avec l'image robuste et fine de Francesco dell' Opere, en pourpoint rouge et noir, dont le visage volontaire et inquiet se détache avec une intensité extra- — 146 — ordinaire sur le paysage de la campagne d'Assise, permanent chez le Pérugin, et si délicieux avec ses plans de collines, sa vallée largement ouverte, ses arbres espacés. L'élève du Pérugin, Raphaël Sanzio (né à Urbin en 1483, mort à Rome en 1520), touche encore à son maître par la Vierge au char- donneret (peinte de 1504 à 1510), où l'enfant debout contre sa mère ressemble par le visage et le mouvement de tête à l'enfant assis sur le genou droit de la Madone du Pérugin contemplée tout à l'heure. Il y a chez Raphaël un mouvement délicieusement naturel, le pied nu de l'enfant posé sur le pied nu de sa mère, mais chez Pérugin, la mère tenant le pied droit de son fds dans sa main gauche offre aussi l'exemple d'une observation attentive et charmante. Ce qu'il y a chez Raphaël, c'est un alliage étonnant, dans toutes les parties de l'œuvre, de la familiarité et de la gravité. Le Pérugin est plus uniformément grave, ou, si l'on veut, immobile. Chez Raphaël, lorsqu'il est arrivé à la plénitude de son génie, tous les accents de la forme, toutes les manifestations expressives, témoignent de la vie surprise par le regard le plus perspicace, fixée par la main la plus patiente et la plus souple. Cette Vierge au chardonneret est une mère paisible, une dame bien coiffée qui interrompt sa lecture pour accueillir le petit Jean-Baptiste tout riant, animé du mouvement de la course. Il vient de prendre un chardonneret qu'il apporte à Jésus, appuyé contre sa mère et qui se retourne pour regarder à la fois l'oiseau et celui qui le lui donne. Rien de religieux, de dogmatique, de I Photo Alinari. Raphaël. La Mère de Raphaël (?) mystique, dans cette scène, mais, en revanche, cette solennité simple par laquelle Raphaël a ajouté, ce qui est différent, un caractère religieux à la maternité. Le Saint Jean, dont il y a un double au Louvre, est aussi bien un jeune Bacchus ou un agile Mercure, et il est difficile de désigner le tableau de Florence comme un original de Raphaël. Et voici — 148 — le peintre lui-même, son portrait à vingt-trois ans, qu'il aurait laissé à ses parents lors de son séjour à Urbin en 1506, et sur lequel on n'élève aucun doute d'authenticité. Nous pouvons donc voir ici Raphaël tel qu'il fut, et tel qu'il se vit lui-même, sérieux, ardent, une flamme aux yeux noirs, la bouche éloquente et sen- suelle. Il est impossible, après ce portrait, de ne pas être frappé de sa ressemblance avec celui de la Femme inconnue, en cor- vert bordé d'un ruban de pourpre, aux manches brunes sage bouffantes, au tablier blanc à cordon rouge, portrait admirable par l'attitude penchée, la courbe des épaules nues, la pose des mains, l'air de retenue plus que de sévérité, de modestie et d'attention : jamais visage n'a mieux dit la résignation, ou plutôt l'acceptation. On a désigné autrefois cette magnifique et sérieuse image comme le portrait de la mère de Raphaël. Pourquoi pas ? La ressemblance est extraordinaire, non seulement avec le portrait des Offices, mais avec le portrait de Raphaël, auprès du Pérugin, dans VEcole d'Athènes du Vatican, et l'on aime à se représenter ainsi, digne, réservée et fière, la mère de ce jeune homme au destin lumineux. Cette effigie suffirait à prouver que Raphaël fut un portraitiste égal aux plus grands. En voici une autre, page de pourpre qui est un tableau d'histoire, le portrait du pape Jules II, que l'on retrouvera au palais Pitti. Mes pré- férences vont à celui des Offices, plus large, plus étoffé, d'un modelé plus chaud, d'une vie, pour tout dire, plus complète. Toutefois, on dispute trop sur les attributions lorsque l'on est GALERIE DES OFFICES Photo Alinari LE SODOMA SAINT SÉBASTIEN en présence de chefs-d'œuvre de ce genre. Le Jules 11 des Offices est un peu plus restreint, plus sec que l'autre, quoique tous deux peuvent fort bien être de Raphaël, recommençant, per- fectionnant son travail, l'amenant au plus haut point de la forme et de l'expression. Le caractère du portrait des Offices est plus violent, donne mieux l'image du pape guerrier, de l'homme qui fut un pontife chef d'armée, chevauchant par les champs de bataille, entrant par la brèche des villes prises. Passionné jusqu'à la violence, passant d'un parti à un autre avec une fougue toujours pareille, adversaire des Borgia, puis protecteur de César, appe- lant les Français en 1494, criant contre eux la guerre, les rem- plaçant par les Allemands et les Espagnols, s'alliant à Louis XI1 et Maximilien contre Venise, puis à Venise contre ses alliés de la veille, apportant à l'art autant d'ardeur combative qu'à la poli- tique, bâtissant Saint-Pierre, discernant Michel-Ange et Raphaël. Celui-ci a superbement payé sa dette par ce portrait à la barbe neigeuse de prophète, au regard ferme et profond, aux nerveuses mains couvertes de bagues, bonnet rouge sur la tète, camail rouge sur les épaules, personnage dont l'apparat ne diminue pas la force farouche, dont la tranquillité est agitée, et qui est resté paisible devant son peintre à la façon d'un lion au repos. § III. — l'école lombarde. — léonard de vinci. — le sodoma. — l'École de rologne. — Francesco francia. — l'école de padoue. — mantegna. — l'école de parme. — le corrège. Léonard de Vinci n'a pas le génie abondant de Rapha 1. Il appa- raît comme un artiste rare, qui n'a pas fait de l'art l'occupation principale et absorbante de sa vie. Il est vrai que des œuvres im- portantes de lui ne sont pas arrivées jusqu'à nous, la Bataille d'Anchiari, la statue de Sforza, et même un mauvais sort atteint — 150 — les œuvres qui ont survécu au temps, la Cène détériorée, presque détruite, la Joconde volée. Malgré tout, l'esprit du Vinci subsiste, sa gloire rayonne, il reste debout au seuil des temps nouveaux comme le magicien de la Renaissance, celui qui a le mieux senti et scruté le mystère de la vie, et tant qu'il subsistera une œuvre, une peinture, un dessin de lui, on y cherchera la preuve de la haute intelligence qui fut son don précieux, de la science des choses dont il fut jusqu'à la fin le studieux adepte. Une œuvre de sa jeunesse est aux Offices, une Annonciation conçue selon la tra- dition, exécutée avec un charme ingénu. Par contre, une œuvre que l'on croit avoir été commandée en 1478 pour la chapelle du Palais-Vieux est une saisissante évocation dont le prétexte est l'Adoration des Mages. Jamais les rois d'Orient n'avaient été repré- sentés aussi respectueux, aussi humbles, aussi accroupis, les mains à terre, et le front aussi, apportant leurs présents à l'Enfant peint et modelé avec un relief de sculpture, à la Mère dont la forme et la grâce à peine indiquées rayonnent sur le panneau où se mêlent les parties teLrméinoéensaertdesdqueissé\eisn. cToi.ut autour, c'est la L'Annonciation. . GALERIE DES OFFICES Photo Alinari LA VIERGE ADORANT L'ENFANT JÉSUS — 151 — Photo Alinari. Léonard de Vinci. L'Adoration des Rois Mages. foule avide, têtes penchées, mains gesticulantes, une cavalcade qui fait songer à une bataille, une agitation qui ajoute à l'attrait mystérieux de cette œuvre incomplète et débordante. Giovanni Antonio Bazzi, dit le Sodoma (1479-1554), dont les œuvres sont surtout à Monte Oliveto Maggiore, à Sienne, et à la Farnésine de Rome, a continué l'école de Léonard, qui lui transmit son enseigne- ment par Giove- none. Le Saint Sé- hastien des Offi- ces ne d onne qu'un aspect de — 152 — cette œuvre, l'aspect noble, gracieux, même efféminé, avec une expression de douleur com- plaisamment marquée, et comme cruelle- ment soulignée par la flèche qui traverse le col du martyr. A jou- tons que ce Saint Sébas tien avait i-noTO .liman. ¿té peiut pOUC Francesco Francia. Portrait d'Evangelista Scappi. . ^ une bannie re d'église et que son revers montre, dans un beau paysage, une apparition de la Vierge à une assemblée de saints. La première école de Bologne se réclame d'un beau portrait d'homme, celui d'Evangelista Scappi, par Francesco Raibolini, dit le Francia (1450-1517). Le modèle est vêtu de noir, manteau, pourpoint et toque, la chevelure et les yeux sont noirs aussi et forment une riche harmonie avec le visage et les mains de couleur brune. L'une de ces mains tient une lettre où peut se lire la suscrip- — 153 — tion : S. Evange- lista Scappi in Bolo. Le visage est attentif. On aperçoit, aux replis du paysage qui fait le fond de la figure, des maisons et des arbres aux ver- dures légères. L'école de Pa- doue est visible par une Madone de son grand maître Mantegna, peinte à Rome en 1449, dans un site de route tournante sur- montée de ro- chers aigus et de collin es arron- dies, peuplé par des ouvriers fouillant une carrière, par des passants sur la route. De Mantegna, il est aussi un beau triptyque aux Offices : une Adoration des Mages, accompagnée d'une Circoncision et d'une Résurrection. La gloire de Parme rayonne et sourit par le doux génie d'Antonio Allegri, dit le Gorrège (1494-1534). La Sainte Famille de son Repos en Egypte, perdue dans une forêt, forme un tableau bien composé, avec saint François en adoration et saint Joseph 21 apportant des dattes à Jésus. Mais la Vierge adorant son fils^ délicieuse ma- man en robe — 154 — rouge, en man- teau bleu et vert, agenouillée et agitant ses belles mains avant de prendre le non- veau-né qu'elle adore de tout son être, est une des plus touchantes, des plus jolies, des plus parfaites f/ioio ALinari. inspirations cor- Le CoRRÈGE, Le Repos en Egypte. régicnnCS. Lc Gorrège est un peintre rare qui attire des predilections profondes. Il montre en même temps très singulièrement une force, une puissance qui ne peuvent être niées, car elles procèdent directement de la vérité de la nature, et une grâce infinie, où il y a parfois, comme dans ce tableau des Offices, un brin d'afféterie, une gentillesse féminine et enfantine. Il a peint cette mère charmante, d'une grâce villageoise si fine, qui est comme un sourire ingénu de l'art parmi les chefs- d'œuvre de la Tribune de Florence, et le nu de l'Antiope, qui allonge et replie sa forme de déesse au Salon carré du Louvre. §IV. — VENISE. —GIO- VANNI BELLINI. — GIORGIONE. — TI- TIEN. — TINTORET. L'un des fondateurs, * avec son frère Gentile, — 155 — de l'école de Venise, Giovanni Bellini (1427- 1516),se présente,peint par lui-même, à la manière des portraits d'Antonello de Mes- sine, en pourpoint bleu et en calotte bleue aussi sur ses cheveux roux. Déjà, la richesse des colorations est ré- vélée par ce visage au ' ' *1 Photo Alinari. sang généreux, ce ciel Giovanni BeL·lini. Son portrait. OÙ roulent des vapeurs. Mais on ne sait si le beau tableau de VAllégorie religieuse est de Giovanni Bellini ou de son élève Marco Basaïti, ou peut-être encore de Giorgione. Beau tableau, mais tableau sans coordination, fait comme au hasard pour ce qui concerne sa signification, assemblage d'aspects et d'êtres de tous genres à la façon des figures d'un rébus : un magnifique paysage, un lac, des rochers, des maisons, des verdures, et bâtie au-dessus de l'eau, une terrasse dallée de carrés et de losanges de marbre, que domine la Vierge, sur un trône orné et sculpté, ayant auprès d'elle une sainte ; puis saint Paul et saint Joseph en dehors de la balustrade, sur le rebord qui sur- plombe le lac ; un Sébastien nu, percé de flèches, accompagné d'un vieillard, nu comme lui, les mains jointes ; et encore, quatre en- fants nus occu- — pés 156 aux jeux de l'enfance ; enfin, une j eune et svelte femme drapée d'un châle noir exactement comme les filles et les femmes de la Venise d'au- jourd'hui. Telle est la réunion qui anime arbi- trairement ce bel aspect de nature aux eaux verdâ- Photo Alinnri. tres, à l'atmos- Giorgione. Poiirail d'un Chevalier de Malte. pbère dorée. Giovanni Bellini vécut assez longtemps pour connaître la force et l'éclat de Giorgione (1478-1511), et il eut assez de grandeur d'esprit pour découvrir chez son jeune successeur les éléments d'une évolution de sa manière. Giorgione méritait cet hommage du vieux maître qui avait commencé l'illustration de Venise par son art. Ses œuvres sont rares, et encore y a-t-il parfois des hésitations à leur propos, et sans doute des erreurs, car il n'y a rien de plus fragile que les jugements de l'érudition lorsqu'elle est livrée à ses propres forces, et se trouve arrêtée et embarrassée devant le GALERIE DES OFFICES Photo Alinari TITIEN PORTRAIT DE FEMME, DITE LA FLORA — 157 — Photo Alinari. Photo Alinari. Titien. La duchesse d'Urbin. Titien. Caterina Cornaro, reine de Chypre. néant des documents. Il semble toutefois qu'il n'y ait pas de contestation possible pour ce Chevalier de Malte., hautaine figure de soldat moine, le collier de l'ordre au col, la plaque en croix sur le cœur, le chapelet à la main, visage qui a pu servir de modèle pour un Christ dans toute sa force, — n'est-il pas sem- blable au Christ du Baiser de Judas peint par Titien ? Aucun doute non plus n'effleure celui qui contemple et admire le Moïse enfant subissant l'épreuve du feu, splendide assemblée de Vénitiens et de Vénitiennes, de Turcs en turbans, de guerriers casqués, groupés autour d'une estrade où siège une sorte de mufti des Mille et une Nuits qui préside à l'épreuve, en avant d'un paysage d'une réalité magique, arbres sombres et élancés, colline abrupte, château fort et maisons abritées par une montée rocheuse, au delà de laquelle, sous le ciel nuageux, se mamelon nent des mouvements de montagnes. Ensuite, le doute reprend — 158 — Titien. La Vierge et l'enfant Jésus. devant le Jugement de Salomon., d'ailleurs mollement attribué à Giorgione. Après Giorgione, le Titien (1477-1576) règne aux Offices avec son portrait ; celui de Jacopo Sansovino ; du duc et de la duchesse d'Urbin ; de Caterina Gornaro, reine de Chypre ; de Jean des Bandes Noires ; du prélat Beccadelli ; de la femme dite la Flora ; de deux autres femmes, l'une dite la Vénus au petit chien, l'autre, la Vénus à l'amour ; deux Madones avec l'enfant Jésus ; une autre, avec l'enfant Jésus et sainte Catherine ; une autre encore, avec l'enfant Jésus et saint Antoine ; enfin, la bataille de Cadore. Il n'est pas de plus grand peintre que le patriarche de Venise, puisqu'il est la peinture même, qu'il est impeccable pour la mise en place des per- sonnages isolés, des groupes, des objets, des paysages ; pour le mise en relief des corps qu'il revêt fastueusement de costu- mes ou qu'il dénude avec la — 159 — tranquillité superbe et sereine des maîtres de la statuaire ; pour une beauté des chairs qui ferait évoquer la plénitude du marbre si elle ne se présentait pas avec la dorure du soleil, et l'on croi- rait même avec la chaleur de la vie. D'autres ont plus d'inat- tendu, ou plus de pensée, et ces autres sont aussi des grands Sebastiano del Piombo " (?) Portrait d'une dame inconnue. noms de la peinture que tout le monde révéré, mais ce qu'ils possèdent de particulier, de grandiose, de sublime, n'empêche pas Titien d'avoir, lui aussi, un don suprême qui anime chaque création de son génie, expression d'une région et d'une race par ses femmes opu- lentes, ses vieillards patriciens, ses amples étoffes, ses colora- tions profondes et sourdes comme celles des riches métaux, des pierres précieuses, des nuées orageuses, des verdures de l'été, des ombres des montagnes. C'est le souvenir que l'on emporte des Offices, comme de tous les musées où resplendit l'or bruni du Titien, avec cette image de la duchesse d'Urbin à la robe de velours broché ; de cette reine de Chypre resplendissante de broderies et lumineuse de perles ; de ses chaleureuses réunions de Madones, de Jésus et de Saints, où la physionomie des femmes, des enfants et des vieillards sourit, s'attendrit et réfléchit à l'ombre de lourdes draperies qui s'écartent pour laisser apercevoir l'espace bleu d'un paysage. Et puis, c'est la Flora, presque nue, son corps somptueux jaillissant d'une chemise légère à peine fixée sur une épaule, la chevelure crespelée répandue sur le dos, la nacre de la chair ombrée de rousseurs d'or, les mains admirables retenant une étoffe de brocart et tendant des fleurs, et le visage le plus paisible, non pas même souriant, mais empreint de la tranquillité animale, de l'inconscience d'une beauté qui n'a pas à connaître d'artifices. La Vénus avec l'Amour, grande, forte, grasse autant qu'une déesse de Rubens, a ce même épanouissement tranquille, et la Vénus d'Urbin, dite la Vénus au petit chien, de forme plus parfaite, de chair plus dense, étendue sur son lit où dort un petit chien, pendant que ses chambrières sont occupées à ranger des linges et des vêtements dans des coffres, celle-là est la reine incontestée, la Vénus suprême de toutes ces Vénus splendides. Fdle est l'harmonie même avec son fluide allongement, son attitude de repos, accoudée aux oreillers, une main serrant une touffe de feuilles — sombres, l'autre faisant machinalement — l'un 161 des gestes de sa sœur Vénus de Médicis, et le rayonnement de ce corps divin éclaire la chambre où vit toujours, aussi jeune, aussi belle, cette belle Vénitienne d'il y a plus de trois cent cin- quante ans, et elle éclaire aussi la salle de musée où la contemplent les passants d'un jour. Que regarder encore après ces chefs-d'œuvre ? Un éblouissant portrait de femme, attribué à Sébastien del Piombo, après avoir été attribué à Raphaël, et une grande et souple Léda d'un autre grand maître de Venise, Jacopo Robusti, dit le Tintoret. § V. — ÉCOLES ÉTRANGÈRES. — ALRERT DURER. — JAN SCHAUFFE- LEIN. — HOLBEIN. — ROGIER VAN DER \\EYDEN. — HANS MEMLING. — HUGO VAN DER GOES. — PIERRE-PAUL RUBENS. — VAN DYCK. — JAN STEEN. — NICOLAS FROMENT. — PIERRE MIGNARD. — PORTRAITS DE PEINTRES PAR EUX-MÊMES. Le Musée des Offices contient surtout des œuvres italiennes, et parmi elles, les œuvres de Florence sont les plus nombreuses. C'est vraiment le musée de la ville, qui vient terminer cet autre musée fixé aux murailles des couvents, des églises, des palais. Néanmoins, on peut discerner ici de belles œuvres'et même des chefs-d'œuvre des écoles étrangères, à défaut d'ensembles comme on en voit à Paris, à Londres, à Madrid, à Dresde, à Berlin, dont les musées ne rassemblent pas seulement les œuvres des écoles indigènes. Et même, Dresde et Berlin n'ont pas des musées abondants en œuvres allemandes, mais en œuvres italiennes, flamandes. hollandaises. Londres, avec l'école anglaise, présente égale- ment des séries — — importantes de 162 a l'Italie et de la Hollande. Ma- drid, où l'école espagnole tient la grande place, est riche d'œuvres de la Flandre et de l'Italie. C'est à Paris, sans con- tredit, que l'on trouve l'histoire la plus complète de la peinture. Mais, cela établi, Photo Alinari. feStOUS Ù FlO- Albert Durer. Portrait de son père. rence pour y ad- mirer quelques tableaux de l'Allemagne, de la Flandre, de la Hol- lande, et aussi de la France. D'Albert Dürer (147I-I528), bien signée du fameux mono- gramme et datée de 1490, une œuvre de jeunesse nous donne à examiner le portrait du père de l'artiste, un visage réfléchi, fané, où l'ancienne jeunesse est encore perceptible, œuvre allemande à coup sûr, et paraissant encore plus allemande parmi les œuvres italiennes qui l'entourent. Dürer n'a pas encore fait son voyage d'Italie et de Venise, et il était d'ailleurs de ceux, comme Rubens, qui sa- vent voir, com- prendre, accep- ter, mais qui re- viennent chez eux, après le spec- — 163 tacle des plus belles féeries d'art, aussi affir- més qu'au départ dans leur race et leur individua- lité. C'est encore une œuvre aile- mande que r.ddo- ration des Rois Mages, où la scène est d'une bonhomie char- mante par le groupe de la mère retenant son enfant qui s'avance d'un si Albert Durer. La Vierge et son fils. joli mouvement vers le Mage barbu agenouille devant lui. A ce groupe. Durer a ajouté un étonnant personnage, le Mage, plus aile- mand que jamais, couvert de broderies et d'ornements d'or, qui porte un ciboire si précieux et tourne sa tête aux longs cheveux, à la barbe inculte, vers les présents du roi nègre qui l'accompagne. Un autre tableau, qui devrait être désigné la Vierge à la poire, est parent, par les types si particuliers de la mère et de l'enfant. de la Madone au serin du mu- sée de Berlin. Jean Schauffe- lein (1492-1539) appauvrit et des- — 164 — sèche les types de Dürer, et le Christ au crâne allongé du Saini Pierre marchant sur les eaux a le caractère d'un dégénéré, tandis que l'apôtre Pierre, qui ne marche pas sur les eaux, mais qui est empêtré dans la vase, est un personnage simplement ba- Photo Alinari. ScHAUFFEi.EiN. Saint Pierre marchant sur les'eaux. vers la simplicité sereine, la force équilibrée d'Holbein le Jeune (1497-1543), et parmi les beaux portraits, de Zwingle, d'un homme et d'une femme inconnus, au portrait le plus beau de tous, de Richard Southwell, conseiller du roi Plenri VIII. Tout y est peint, tout y est rendu avec la réalité, la substance de l'objet, la manche de soie, le revers de velours, la chaîne d'or à gros maillons, les boutons du pourpoint, les lacets de la chemise, mais tout est Photo Álinari RUBENS SON PORTRAIT tellement tenu à son plan, telle- ment unifié par les harmonies sombres et clai- — res du — coloris, 165 que les mains et la face gardent l'importanc e à laquelle elles ont droit. On n'oublie plus ce visage de South- well aux yeux lar- gement ouverts, à la bouche bien dessinée et bien close, figure pai- sibl e, joviale peut-être, que le photoMman. Rogier van der Weyden. Le Christ au tombeau. voisinage du ter- rible monarque a scellée de prudence, et que le regard d'Holbein a rendue attentive. Avec les peintres flamands du xv® siècle, surtout Rogier van der Weyden (1400-1464), la peinture religieuse revêt un autre aspect qu'avec les peintres italiens. Chez les Italiens, les scènes les plus cruelles se parent d'un caractère de pathétique noble, d'un aspect de spectacle où les personnages, si profondément émus qu'ils doivent être, conservent des attitudes, des poses, des exprès- sions d'acteurs qui savent concourir à un effet général d'ordre et de beauté. L'Italie, en ce sens, s'exprimait instinctivement, retrou- vait sa tradition perdue, celle de l'antiquité ro- maine, et par delà, celle de l'antiquité — 166 — grecque. Chez un Rogier van der Weyden, qui a été en Italie vers 1449, qui a vu les fres- ques de Giotto et d'Orcagna, il y a bien une influence italienne, mais qui se confond, pour la mise en scène, avec les tableaux vivants des mystè- res de la Passion. Ce qu'il y a en propre à l'artiste, c'est une âpreté Photo Alinari. . . , , . , Hans Memling . La Vierge et ll''enf!antiJJééssus. IHipitoyablc daUS la représentation du martyre et de la mort, la torture atroce, l'agonie convulsionnée, la roideur cadavérique, et chez ceux qui assistent au supplice ou qui recueillent le corps du supplicié, un effondrement, un délabre- ment, parfois une effrayante décomposition de la vie atteinte en ses sources vives par le coup de couteau de la douleur. Le drame n'est pas à ce point d'épouvante, dans le Christ au tombeau des Offices, pour les personnages qui entourent le crucifié, mais celui- photo Alinari. Photo Alinari. Van Dyck. Son portrait. Van Dyck. Portrait de Jean de Montfort. ci, épuisé, perdant son sang par les blessures des clous et du coup de lance, est touchant et lamentable comme le voulait le peintre ardemment pénétré de son sujet si patiemment exécuté. Chez Hans Memling (1435-1494), élève de Rogier, on ne souffre pas de ces affres dramatiques, mais il y a une tendresse, presque une langueur, que les Italiens n'ont pas eue de cette pure et tranquille manière, dans la réunion de la Vierge, un peu molle et endormie, de son enfant, chétif, et de deux anges, l'un harpiste, l'autre violoniste, celui-ci qui suspend sa mélodie pour offrir une pomme à Jésus. L'harmonie des costumes, robe grise, manteau rouge, chasuble bleue, robe bleuâtre, l'arrangement du trône de Marie enguirlandé et ramagé sous le cintre qui laisse voir la cam- pagne, la chaumière et le château, font de cette Vierge de Memling une apparition délicieusement conçue par un doux virtuose de — 168 — Photo Alinari. Jan Steen. Le Repas. la peinture. La grande toile de Hugo van der Goes, VAdoration des Bergers^ trop encombrée de personnages de toutes dimensions, est d'attribution douteuse, et de fait, cette toile qui semble de morceaux différents, semble aussi de mains différentes. Pour Rubens (1577-1640), qui a vécu neuf années en Italie, et qui a su y trouver l'aliment de son génie sans abdiquer sa forte person- nalité flamande, il est aux Offices, avec deux admirables esquisses d'Henri IV à la Bataille d'ivry et de VEnlrée de Henri IV à Paris, les Trois Grâces, Vénus et Adonis, un portrait d'Isabelle Brandi, sa première femme, et deux portraits de lui-même, l'un nu-tête. Photo Alinari REYNOLDS SON PORTRAIT l'autre au large chapeau, ce dernier resté comme l'effigie définitive du maître d'Anvers. Non loin de ce beau seigneur, à la moustache blonde relevée, à l'œil fin et bienveillant, à l'air élégant et cordial, voici un autre seigneur de la peinture, l'élève distingué et préféré, Antoine Van Dyck (1599-1641), en pourpoint de velours noir, la chaîne d'or sur les épaules, retournant son visage où brille un œil — 169 — noir, où la moustache et la royale donnent au peintre l'air cava- lier qu'on imagine aisément au lieutenant de Rubens, Avec ce portrait, il en est d'autres, Jean de Montfort, gros et gras seigneur au visage perspicace, aux mains fines, et encore Marguerite de Lorraine, Charles et une Femme inconnue. La Hollande se manifeste avec un dramatique paysage attribué autrefois à Rembrandt, et que l'on a accordé depuis à Hercules Seghers ; une Dame que l'on dit de Terborch et qui pourrait être de Metsu ; un Repas de Jan Steen, celui-là incontestable, superbe d'aisance, de joie, de comédie, et aussi de forme savante et de juste coloris. La France est surtout présente par un triptyque de Nicolas Froment : une Résurrection de Lazare, d'esprit flamand, macabre comme il convient au sujet, et richement ornée comme il le fallait pour un tableau d'église ; un François 7®^, de François Glouet, dit Janet, fin, subtil et puissant, dont le Louvre possède un double en miniature ; une Comtesse de Grignan, de Pierre Mignard, au regard un peu divergent, mais de joli apparat. La promenade à travers la galerie des Offices se terminera par la revue des salles où figurent, un peu pêle-mêle, les portraits de peintres de tous les pays et de presque tous les temps, collec- tion commencée par le cardinal Léopold de Médicis. Il y a dans cette foule beaucoup d'artistes italiens, cela va sans dire, mais l'hospitalité a été généreuse pour tous, trop généreuse même, et il y a quelque surprise à voir figurer ici, au détriment de bien 23 d'autres, des artistes vivants qui ne sont pas encore entrés dans l'immortalité. Il n'y a qu'à passer en saluant Vinci, Michel- Ange, André del Sarto, Raphaël, Titien, Véronèse, Tintoret, Palma, Albert Dürer, Holbein, Rembrandt, Velasquez, Ribera, Rubens, Van Dyck, Jordaëns, Reynolds, Canova, Vigée-Lebrun, David, Ingres, Corot, Fantin-Latour, Puvis de Chavannes... — 170 — Pierre Mignard. La Comtesse de Grignan. I l'hoto Alinari. PiETRO Tacca. Loggia du Marché Neuf. Le Sanglier de bronze, d'après le marbre des Offices TABLES TABLE DES ILLUSTRATIONS HORS TEXTE le baptistère 1. Lorenzo Ghiberti. — La Porte de l'Est en regard du titre. la ville 2. M ichelozzi. —■ La Cour du Palazzo Vecchio en regard de la page 6 3. Attribuée à O rcagna. — La Loggia dei Lanzi » » 12 4. Taddeo Gaddi. — Le Ponte Vecchio » » 14 5. G iovanni Battista del Tasso. — La Loge du Marché neuf . . » » 16 le baptistère 6. Arnolfo di Cambio. —■ Aspect extérieur » » 18 la cathédrale 7. Arnolfo di Cambio, B runelleschi et G iotto. — Vue d'ensemble. » » 36 8. Donatello. — Génies dansant » » 44 9. M ichelozzo Michelozzi. — Statue de Saint Jean-Baptiste ... » » 50 10. Luca della Robbia. — Enfants chantant » » 52 le campanile 11. G iotto. — Le Campanile » » 54 12. Attribué à G iotto. — Phidias, ou la Sculpture » » 62 13. Giotto et Andrea P isano. — La Création de la femme » » 64 14. Luca della Robbia. — Donat, ou la Grammaire » » 66 santa croce 15. Donatello. — L'Annonciation » » 74 16. G iotto. — La Naissance de Jean-Baptiste » » 76 la vie de la Vierge en regard de la page 80 17. Taddeo Gaddi. — Scènes de san marco » » 90 18 Fra Angélico. — L'Annoncialion » " . 19_ — La Communion » » 96 20. Le Christ et la Madeleine — , 2i] L'Annonciation et l'Adoration des Mages » » 100 . . » » 104 22! Benedetto da Majano. — Monument de Philippe Sirozzi. ... s.anta maria novel·la ' » » 106 23. CiMABUE. — La Vierge et l'Enfant » » 108 24. DomenicoGhirlandajo.—aoiya/sscrncedela vierge — » » 110 172 — 25. Le Mariage de la — Vierge galerie des offices Martini et Lippo Memmi. » » 122 — 26. Simone L'Annonciation » » 130 27. S.andro Botticelli.— La Naissance de Vénus » 28. — La Calomnie » 132 Famille » » Sainte 136 29. ÎNIichel-Ange. — » » 140 30. Bronzino. — Portrait de Lucrezia Panciatichi » » 146 31. Raphael. — Le Pape Jules II » » 32. Le Sodoma. — Saint Sébastien 148 » 33. Le CoRRÈGE. — La Vierge adorant l'Enfant Jésus » 150 Allégorie religieuse » » 152 34. Artiste inconnu. —• 35. Giorgione. — Moïse enfant subissant l'épreuve du feu. » » 154 ..... » » 156 36. Titien. — La Flora 37. — La Vénus d'Urbin » » 158 38. Albert Durer.— L'Adoration des Rois Mages » » 160 39. Holbein le jeune.— Portrait du Richard Southwell » » 162 40. Rubens. — Son portrait » » 164 Froment d'Avignon. La Résurrection de Lazare ... » » —■ 166 41. Nicolas Son portrait » » 168 42. Reynolds. — Photo Alinari. Lanterne du Palais Strozzi. Photo Alinari. Ammannati et Jean de Bologne. La Fonlaine de Neptune Place de la Seigneurie. TABLE DES ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE Pages Yue de Florence . . . i Loggia dei Lanzi. — Lion {Sculpture antique) ii — Lion [Sculpture florentine) m Andrea Verrocchio. — L'Enfant au Dauphin iv LA VILLE Place de la Seigneurie, avec le Palazzo Vecchio, la Loggia dei Lanzi, la statue de Cosme F'. 1 Place de la Seigneurie, avec le Supplice de Savonarole et de ses compagnons [Tableau du musée de Saint-Marc, par un artiste inconnu du XVF siècle) 3 Jean de Bologne. — L'Enlèvement des Sabines 4 — Statue de Cosme 7®'' • 5 Benvenuto Cellini. —• Persée tenant la tête de Méduse 7 Pages Jupiter, statuette du piédestal du Perséc 8 Mercure, statuette du piédestal du Persée 9 Minerve, statuette du piédestal du Persée 10 Danaé et Persée enfant, groupe du piédestal du Persée 11 Palais Strozzi [Benedetto da Majano et le Cronaca, architectes) 12 Loge de Sainte-Marie de la Miséricorde, dite le Bigallo [Place du Dôme) 13 Le Vieux Pont, vue intérieure 14 Le centre de la vieille cité de Florence : La Place du vieux marché aux poissons et la statue — — de rAbondance 17 174 LE BAPTISTÈRE Andromède, bas-relief du Persée 18 Lorenzo Ghiberti. —■ Fragment de Varchitrave de la Porte de l'Est du Baptistère 19 — Angle de la Porte de l'Est du Baptistère 20 Andrea Pisano. — La Porte du Sud du Baptistère [Encadrement de Lorenzo et Vittorio Ghiberti, et de Pollajuolo) 21 Lorenzo Ghiberti. — Détail d'un montant de la Porte de l'Est du Baptistère 22 — Détait d'un montant de la Porte de l'Est du Baptistère 22 — La Création d'Adam et Eve [ Premier panneau de la Porte de l'Est du Baptistère) 23 — Caln et Abel [Deuxième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère) . 23 — Détail d'un montant de la Porte de l'Est du Baptistère 24 — Détail d'un montant de la Porte de l'Est du Baptistère 24 — Le Déluge et Noé [Troisième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère) 25 —- Abraham et Isaac [Quatrième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère) 25 — Figure d'un montant de la Porte du Sud du Baptistère. 26 — Figure d'un montant de la Porte du Sud du Baptistère 26 — Jacob et Esaii [Cinquième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère) 27 — Joseph et ses frères [Sixième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère) 27 — Aloïse au Sinai [Septième panneau de la Porte de l'Est du Baptistère). 29 — Passage du Jourdain et Prise de Jéricho [Huitième panneau delà porte de l'Est du Baptistère) 29 — Saiil combattant les Ammonites. — David et Goliath [Neuvième pan- neau de la Porte de l'Est du Baptistère) 31 — Salomon et la reine de Saba [Dixième et dernier panneau de la Porte de l'Est du Baptistère) 31 Andrea Gontuggi et Innogente Spinazzi. — Le Baptême de Jésus-Christ par Jean- Baptiste [ Groupe surmontant la Porte de l'Est du Baptistère) 33 Donatello. — Marie-Madeleine [Statue à l'intérieur du Baptistère) 35 Lorenzo Ghiberti. — Fragment d'un montant de la Porte de l'Est du Baptistère 36 LA CATHÉDRALE Donatello. — Enfants dansant [Alusée de Santa Alaria del Flore) 37 La Façade de la Cathédrale [refaite de 1875 à 1887 par l'architecte Emilio de Fabris).... 39 La Porte Canoniale 40 Brunellesghi. — Le Dôme de la Cathédrale 41 Giovanni Pages d'Ambrogio et Nigcolo d'Arezzo d'Ambrogio. — La Porte des Servi, dite aussi de la Mandarla 43 Luga dellà Robbia. — Enfants musiciens et danseurs {Musée de Santa Maria del Fiare) . 44 — Joueurs de guitares {Musée de Santa Maria del Fiare) 45 Détails de la seconde Parte du Nord, dite des Servi, au de la Mandarla 47 Luga dellà Robbia. — Joueurs de cymbales {Musée de Santa Maria del Fiare) 48 Arnolfo di Cambio. — L'Intérieur de la Cathédrale ; 49 Luga della Robbia. — Ronde d'enfants {Musée de Santa Maria del Fiare) 50 — — La Partie gauche du retable d'argent de San 175 Giovanni, Danse de Salomé et Décaltatian de Saint Jean-Baptiste {Musée de Santa Maria del Fiare) 51 Domenigo di Frangesgo Mighelino. — Dante et son poème {Cathédrale) 52 Donatello. — Statue du Pagge 53 Détail de la seconde Porte du Nord 54 LE CAMPANILE Giotto et Andrea Pisano. — La Science qui gouverne 55 — La Tempérance 55 — La Valeur militaire ou la Force 56 — Le Baptême 56 — La Peine du travail 57 — Le Pasteur Jubal 57 — Ptolémée, ou l'Astronomie 58 — L'Art de dresser les chevaux 59 — L'Art de tisser 60 — L'Art de Vagriculture 60 — L'Art de la céramique 61 — L'Invention du métal 61 — Apelle, ou la Peinture 62 — Le Commerce 63 Luga della Robbia. — Platon et Aristote, ou la Philosophie 64 — Orphée, ou la Musique 64 — Pythagore, ou V Arithmétique 65 — Tubalcain, ou la Musique 65 Donatello. — Le roi David, dit le Zuccone 66 — Le roi Salomon, dit aussi Jérémie 67 Giotto et Andrea Pisano. — L'Art de la navigation 68 SANTA CROCE Eglise de Santa Croce, édifiée par Arnolfo di Cambio, campanile de Baccani, façade de N. Matas. A droite, la chapelle des Pazzi 69 Vasari. — Tombeau de Michel-Ange 70 Foggini. — Monument de Galilée 71 Bernardo Rossellino. — Tombeau de Léonardo Bruni 72 Desiderio da Settignano. — Tombeau de Carlo Marsuppini 73 Giotto. — La Danse de Salomé, et la tête du Baptiste présentée à Hérodiade 74 — Ascension de saint Jean l'Fvangéliste 75 — Saint François traversant la flamme devant le Sultan 76 — Mort de saint François 77 — Saint Jean l'Fvangéliste ressuscite Drusiana 78 Pages Taddeo Gaddi. — La Naissance de la Vierge . 79 80 • • — La Vierge présentée au Temple Le Mariage de la Vierge 81 — La Visite des Rois Mages 82 83 Giovanni da Milano. — La Naissance de la Vierge 84 , Brunelleschi et Michelazzi (?). — Le troisième Cloître de Sania Croce | ' 85 f Brunelleschi. — Chapelle des Pazzi 86 Benedetto da Majano. — La chaire de l'église de Santa-Croce ^ — 176 — , SAN MARCO 87 Place et Eglise de Saint-Marc Michelozzo Michelozzi. — Le premier Cloître 88 Jésus á l'hospice des Dominicains 89 Fra Angélico. — reçu — La Nativité 90 —• Jésus au Jardin des Oliviers 91 92 — Jésus au Prétoire 93 — Le Crucifiement , — Jésus 94 au Sépulcre — La Résurrection 95 — Le Couronnement de la Vierge 96 — Le Couronnement de la Vierge 97 98 Domenico Ghirlandajo. — La Cène Fra Bartolommeo. — La Madone entourée de Saints 99 Cosme II de Médicis 100 pontormo. — La Cellule de Savonarole 101 Fr.'s. Bartolommeo. — Savonarole 102 ^ SANTA MARIA NOVELLA Place et Eglise de Santa Maria Novella 103 .\ndre.a Orcagn.\. — Les Elus (Fragment du Jugement dernier] 104 — Les Réprouvés (Fragment du Jugement dernier) 105 — Saint Jean-Baptiste et six Apôtres. 106 — Le Jugement dernier. Le Sauveur et les Anges 106 — La Vierge e.i six Apôtres 106 — La Gloire du Paradis 107 Domenico Ghirlandajo. — Joachim chassé du Temple 108 — Présentation de la Vierge au Temple 109 — Le Patriarche Zacharie au Temple 110 — La Visitation 111 — La Naissance de Jean-Baptiste 112 Le Banquet d'Hérode et la Danse de Salomé 113 — Filippino Lippi. — Le Patriarche Adam 114 Andrea della Robbia. — Loggia di S. Paolo. Rencontre de saint François et de saint 116 Dominique GALERIE DES OFFICES La Tribune, 117 G. Vasari. — La Galerie des Offices 118 Pages Giottino. — La Deposition de croix 119 Lorenzo Monaco. — L'Adoration des Mages 120 Fra Angélico da Fiesole. — Noces de la Vierge 121 — La Vierge et Venfant Jésus 122 — Couronnement de la Vierge 123 Attribué à Masaccio. — Le Portier des Chartreux 124 Fra Filippo Lippi. — La Vierge adorant Venfant Jésus 125 Alessio Baldovinetti. — La Vierge, Cenfant Jésus et des Saints 126 Andrea Verrocciiio. — La Vierge, l'enfant Jésus et des Saints — 127 177 — Lorenzo di Credi. — L'Annonciation 128 — Vénus 129 Sandro Botticelli. — La Vierge et l'enfant Jésus 130 — Portrait 131 — La Vierge et l'enfant Jésus [Le Magnificat) 132 Fii.ippino Lippi. — La Vierge, l'enfant Jésus et quatre saints 133 Domenico Giiirlandajo. — L'Adoration des Mages 134 Andrea del Sarto. — Son portrait 135 — La Madone delVArpie 136 Fra Bartolommeo. — La Madone entourée de saints et de saintes 137 Bronzino. —• Jeune homme inconnu 138 — Bartolomeo Sanciatichi 138 Vasari. — Laurent de Médicis 139 Bronzino. — Eléonore de Tolède 140 Fiero della Francesca. —• Battista Sforza, duchesse d'Urbino 142 — Federigo da Montefeltro, duc d'Urbino 142 Melozzo da Forli. — L'Ange annonciateur 143 ' — La Vierge 143 Le Perugin — Portrait d'un inconnu 144 Raphaël. — Son portrait 144 —■ La Vierge au Chardonneret 145 — La Mère de Raphaël [1] 147 Léonard de Vinci. — L'Annonciation 150 —■ L' Adoration des Rois Mages 151 Francesco Francia. — Portrait d'Evangelista Scappi 152 .Mantegna.. — La Vierge et son fils 153 Le Corrège. — Le Repos en Egijpte 154 Giovanni Bellini. —■ Son portrait 155 Le Giorgione. —■ Portrait d'un Chevalier ele Malte 156 Titien. — Portrait de la duchesse d'Urbin 157 — Caterina Cornaro, reine de Chypre 157 —■ La Vierge et l'enfant Jésus 158 Sebastiano del Piombo (?)— Portrait d'une dame inconnue 159 Le Tintoret. — Léda 160 Albert Dürer. — Portrait de son père 162 — La Vierge et son fils 163 Schauffp;lein. — Saint Pierre marchant sur les eaux 164 Rogier van der Weyden. — Le Christ au tombeau 165 H.\ns Memling. — La Vierge et l'enfant Jésus 166 Van Dyck. — Son portrait 167 — Portrait de Jean de Montfort. 167 Jan Steen — Le Repas 168 24 Pages Pierre Mignard. — La Comtesse de Grignan 170 pietro Tacga. — Le Sanglier de bronze, d'après le marbre des Offices 171 Lanterne du Palais Strozzi 172 Ammannati et Jean de Bologne. — La Fontaine de Neptune 173 Donatello. — Enfants musiciens 178 Lorenzo Ghiberti.—-Détail de la Porte de l'Est du Baptistère 179 Brunellesghi. — Chapiteau du Palais Quaratesi 180 — 178 — Photo Alinari. Donatello. Enfants musiciens. [Musée de Santa Maria del Plore). Photo Alinari. Lorenzo Ghiberti. Détail de la Parle de l'Esl du Baplislère. TABLE DES CHAPITRES I. — LA VILLE, LA RUE, LES MONUMENTS L'Histoire racontée Pai/es par la pierre, le marbre et le bronze. — La Place de la Seigneurie. — Le Palazzo Vecchio. — La loggia dei Lanzi. — Benvenuto Cellini. — Le Palais Strozzi. — Le Bigallo. — Le Ponte Vecchio. — Le Vieux Marché. — Le Marché neuf II. — LE BAPTISTÈRE Les Portes d'Andréa Pisano et de Lorenzo Ghiberti. — La Vie et l'Œuvre de Ghiberti. — Les statues de Gontucci, Spinazzi, Dantî. — La Marie- Madeleine Rustici, de Donatello 19 III. — LA CATHÉDRALE L'Architecture florentine. — L'Ornementation de marbre. — Arnolfo di Cambio. —^^Brunelleschi et Donatello a Rome. — Le congrès des architectes. — Le Dôme de Brunelleschi. — Donatello. — Luca della Robbia. — Les enfants chanteurs, musiciens, d.vnseurs. — Le Dante. — Le Pogge 37 IV. LE CAMPANILE Giotto, architecte et sculpteur. —Vie obscure, œuvre éclatante. — la Construe- TioN du Campanile. — Les bas-reliefs en losanges et en hexagones. — Andrea Pisano. — Luca della Robbia.—^ Les statues. — Donatello. — Le Zuccone . . . 55 V. — SANTA CROCE L'église. — Les tombeaux et les monuments funèbres. — Bernardo Rossellino et Desiderio da Settignano. — L'Annonciation de Donatello.—• Les fresques de Giotto, de Taddeo Gaddi, de Giovanni da Milano. — Le cloître. — La chapelle des Pa ZZI . 69 VI. — SAN MARCO L'église et le couvent de Saint-Marc. — Fra Angélico da Fiesole. — Les salles, les cellules, les couloirs. La cène de domenico Gh IRLANDAJO . La Madone de Fra Bartolommeo. — Cosme l'Ancien. — La cellule de Savonarole 87 VII. — SANTA xMARIA NOVELLA Pages — La les deux obélisques. — L.a i.oggia di San Paolo. L.a Rencontre de place et Saint François et de Saint Dominique, par Andrea della Róbela. — L'eglise. — tombeaux. Les fresques. Ci.mabue. — Andre.a Orc.agn.a. — Domenico Les — 9o jo. — Filippino Lippi. — Paolo Ucgello. L Fcole de Giotto. . . . VIII. — GALERIE DES OFFICES Les peintres de Florence : Simone jM.artini. — Giottino. — Lorenzo g i. Angélico. Fra Filippo Lippi. — Verrocchio. — Lorenzo di — Monaco. — Fra Ghirland.ajo. — Mariotto Ai.bertinelli. — Michel- — — Gredi. — Botticelli. —• 180 — 116 Fra Bartolomaíeo. — Ange. B ronzing. Vasari — §11. L'École de jl'Ombrie. — Piero della Francesca. — Melozzo da Forli. 141 Le Pérugin. — R.aphaël — § III. — L'École de lombarde. — Léonard de Vinci. Le Sodoma. —L'École — Bologne. — F r.ancesco Fr.anci.a. L'Écoi.e de Padoue. — M.antegn.a.—■ L'École 151 — de Parme. Le Corrège — § IV. — Venise. — Giov.anni Bellini. — Giorgione. — Titien. Tintoret 153 — § V. — Ecoles étrangères. Albert Durer. — Jean Schauffelein. Holbein. — Bogier —■ van der Weyden. Hans Memling. — Hugo v.an der Goes. — Pierre- — PaulBubens. Van Dyciî. — .Fan Steen.— Nicolas Froment. — Pierre Mignard. — — Portraits 162 de peintres par eux-.mêaies Brunelleschi Chapiteau du Palais Qiiaralesi. imprimerie kapp paris vanves FD BIBLIOTECA '-í--VvS_i. V j£^ <\.-Ís.'s¿," - ' i* - Trr'-\ Cs-^ -Íi4 r* ^ ' <» « Î-. ' ^ '^H a?Wfc p» :;l^ -SW,' -^j^'jÇí^V '^é:^-^jr "(c."^ï->' mM^M mmm .Víj^->í.¿ COL·LEGI D'ARQUITECTES DE CATALUNYA Biblioteca 3330167782 GALERIE DES OFFICES — 140 un chef-d'œuvre, une Visitation^ Elisabeth inch- née vers Marie, l'hôtesse rece- vant la voy a- geuse sous un portique sculpté de festons et d'amours qui en- RronzinüI les rega apparaîl à se cor Soudi 1564, ir florentii tures d Photo Alinari PORTRAIT DE LUCREZIA PANCIATICHI