M iXj •* "-/^ ir^ '-Í& í» lí.-·^ "•%âêïr;_ ^ -.-3® Cíï""' i^"'" --^ Í'^-W= -Vjr-'fV.Ç'· .Jg¿.: COLLECTION PLACÉE SOUS LE HAUT PATRONAGE DE L'ADMINISTRATION DES BEAUX-ARTS E T COURONNÉE PAR L'ACADÉMIE FRANÇAISE Droits de traduction et de reproduction réservés. Cet ouvrage a été déposé au Ministère de l'Intérieur en octobre 1885. BIBLIOTHÈQDE DE L ' ENSEIGHEMEKT DES BEAUX-ARTS PUBHKE SOUS LA DIRECTION DE il. JULES COMTE LA COMPOSITION DÉCOR ATIVE TEXTE ET DESSINS HENRI MAYEUX ARCHITECTE DU GOUVERNEMENT, PROFESSEUR D'ART DÉCORATIF DANS LES ÉCOLES DE LA VILLE DE PARIS PARIS A. QUANTIN, IMPRIMEUR-ÉDITEUR 7, RUE SAINT-BENOIT R. ah PRÉFACE Les importantes questions que soulève un titre aussi vaste que celui de la Composition décorative exigeraient, pour être toutes traitées complètement, un format de dimensions bien supérieures à celui de ce volume et un nombre considérable de planches en couleur. G^est donc seulement un abrégé, une sorte de. manuel, que nous avons essayé de créer pour les artistes industriels, des- sinateurs, sculpteurs et décorateurs, et même aussi pour les jeunes architectes; ils y trouveront, résumées aussi clairement que possible, certaines coniiaissances que l'expérience seule peut donner, et qui leur auraient coûté, pour être réunies, de longues et pénibles recher- ches. Aussi ne faut-il pas demander à un tel travail le charme qui s'attache aux ouvrages de pure esthétique, non plus qu'y chercher les dessins finis des grandes publications d'art; notre but est essentiellement prati- que et c'est une sorte de Cours au tableau, avec simples figures de démonstration, que nous présentons au public. Notre plan comporte deux parties distinctes : la pre- mière, toute de théorie, a trait à la composition déco- rative envisagée en dehors de toute idée d'exécution; la seconde, au contraire, exclusivement pratique, met en ceuvre la matière fabriquée et comprend la technique des industries d'art; elle est ainsi le complément logi- que et la conclusion inséparable de la première. préface. On nous reprochera peut-être de nous être montré trop positif et de ne pas avoir tenu assez compte des qualités natives : du goût, de Poriginalité, de Timagi- nation. A cela nous répondrons que ces qualités ne s'enseignent pas, et qu'il est seulement possible de les développer chez ceux qui les possèdent; voilà pourquoi nous nous sommes surtout efforcé de parler à la raison et au bon sens, seules bases sur lesquelles on puisse s'appuyer en matière d'enseignement. A ceux qui demanderaient, d'autre part, à quoi bon tout un volume pour expliquer ce que chacun doit sen- tir naturellement, et qui craindraient de voir tant de principes gêner l'artiste et entraver sa liberté, nous di- rons que la conception la plus originale et la plus har- die a toujours besoin, pour être rendue propre à l'ap- plication pratique, d'être analysée et étudiée sous toutes ses formes; et à ce propos nous rappelons le mot de Descartes : Ce n'est pas asse^ d'avoir l'esprit bon, le principal est de l'appliquer bien. Conçu en ce sens, ce livre n'a pas la prétention d'être autre chose qu'un guide; nous espérons qu'ainsi compris, il pourra ren- dre quelques services, et nous comptons sur l'indul- gence de nos lecteurs pour excuser des faiblesses et des lacunes difficiles à éviter dans le développement d'un pareil sujet. Henri Mayeux. 1884 LA COMPOSITION DÉCORATIVE PRÉLIMINAIRES I l'art décoratif et la composition décorative On est souvent porté à considérer l'Art décoratif^ comme occupant un rang inférieur dans la hiérarchie des beaux-arts et n'ayant'même de commun avec eux que ses apparences, ses dehors superficiels et plastiques, en quelque sorte. Il y a dans cette opinion, trop légè- rement acceptée, une erreur contre laquelle il importe de réagir ; l'épithète de décoratif s'applique à tous les arts, quels qu'ils soient, dès le moment oii leurs pro- duits sont conçus ou exécutés en vue de satisfaire à des conditions spéciales d'utilité, d'entourage ou de desti- nation. I. Appelé aussi art ornemental. 8 LA COMPOSITION DECORATIVE. Pour les arts appliqués à Pindustrie^, comme ceux du bronze, du meuble, de la ferronnerie, de la céra- mique, des émaux, de la mosaïque, de la tapisserie, des vitraux, etc., il n^ a généralement pas d'hésitation et l'on s'accorde volontiers à les faire relever de l'art déco- ratif; de même pour l'architecture, qu'on accepte aisé- ment comme une de ses expressions les plus élevées. C'est à propos des œuvres de peinture et de sculpture que subsiste le plus souvent l'équivoque : on a peine à les ranger dans l'art décoratif, alors même qu'elles y rentrent avec le plus d'évidence. Les fresques, par exemple, qui font partie des murs, les trumeaux, les dessus de porte, sont de l'art décoratif, de même que les bas-reliefs, médaillons, bustes ou statues, associés à un ensemble d'architecture et qui font corps avec lui. C'est là une condition essentielle qui ne saurait s'ap- pliquer à des œuvres d'art conçues en dehors de toute préoccupation d'entourage, et susceptibles, par con- séquent, d'être déplacées à volonté. Il est cependant des œuvres qu'on est convenu d'appeler décoratives, sans qu'elles aient pour cela une destination absolument précisée : c'est qu'alors elles possèdent des qualités spéciales qui impliquent la facilité de les introduire dans un décor d'ensemble ; de même qu'on verra, au contraire, des œuvre conçues I. L'expression : arts industriels, critiquée aujourd'hui sous le prétexte que c'est abaisser l'art de prétendre qu'il peut être industriel, a été remplacée par celle à''industries d'art, qui n'est guère plus logique. Nous ne nous attarderons pas à discuter ces questions de mots : l'important est qu'en employant indiffé- remment l'un ou l'autre de ces termes, nous soyons toujours compris. PRÉLIMINAIRES, en vue d'un emplacement déterminé manquer de ces mêmes qualités et demeurer ainsi au-dessous de leur rôle, La Composition décorative a donc pour but princi- pal l'étude de ces qualités^, c'est-à-dire la recherche de l'accord nécessaire entre les divers éléments d'une œuvre,/orme et décor, de façon à constituer un tout qui soit à la fois agréable en lui-même et en harmonie avec le milieu auquel on l'associe. Mais avant d'aborder ces questions complexes, il est indispensable de préciser quelques points. Il y a tout d'abord, pour ce [qui relève à un titre quelconque de l'industrie, des nécessités pratiques de commodité et de convenance usuelle qu'il importe de ne pas perdre de vue, bien qu'elles soient, en fait, étrangères à l'idée d'art. N'est-on pas en droit, par exemple, d'exiger que le bec d'un vase déverse bien, et que ses anses se ma- nient aisément, que les différentes ouvertures d'un meuble soient bien disposées en vue de son emploi ? Les exceptions s'admettront tout naturellement pour les cas oil ces objets ne conserveront de leur but d'utilité que l'aspect extérieur, comme les plats décoratifs et les vases d'orfèvrerie fine, exécutés en dehors de toute préoccupation d'usage réel, pour le seul plaisir des yeux. Ces mérites pratiques sont d'ailleurs toujours insuf- lisants, s'ils ne sont relevés par le prestige de la beauté, qui seule distingue l'œuvre d'art du produit commercial. Or on s'imagine volontiers que la recherche de la beauté consiste à compliquer les formes et à les cou- vrir d'une riche ornementation ; c'est là une grave lo LA COMPOSITION DÉCORATIVE. erreur, dont un exemple des plus simples suffit à faire justice. Voici (fig. i) deux récipients de même hauteur, fa- briqués avec une terre semblable et comportant le même soin d'exécution; ils sont munis chacun de deux anses et de plus décorés tous deux d'un nombre égal de filets bruns peints sur leur surface : l'un, A, est le travail d'un simple potier qui n'a pas reçu d'éducation artistique; l'autre, B, est l'œuvre d'un de ces céramistes grecs dont on sait le goût fin et délicat. Il n'est assurément per- sonne qui ne sente la supériorité évidente du vase B sur son voisin : la pureté du profil, l'attache des anses ainsi que la division calculée des filets, établissent im- médiatement une différence considérable de valeur ar- tistique entre les deux objets. On le voit donc, les lois de la forme, combinées PRÉLIMINAIRES. avec celles du décor, suffisent pour élever le niveau d'une œuvre et la faire passer des plus bas échelons de l'industrie au faîte de l'art le plus élevé. Dans notre étude sur la composition décorative, nous aurons également à parler d'une autre qualité non moins importante : la clarté. La clarté relève surtout du bon sens; dans une com- position, c'est la vision facile et sans confusion, même à distance; ce sont les motifs se lisant, quelle que soit leur complication, d'un seul coup d'œil et sans effort. L'indécision dans le parti adopté, l'abus des détails, le manque de franchise dans le rôle assigné à l'objet d'art, c'est-à-dire tous les défauts opposés à la clarté, ne se retrouvent, hélas! que trop souvent dans les produc- tions courantes ; aussi n'hésiterons-nous pas à revenir par toutes sortes d'exemples sur ces erreurs de compo- sition que la routine perpétue indéfiniment dans les ateliers et contre lesquels c'est un devoir de réagir, si on veut voir se relever le niveau de nos industries d'art. II LES REPRÉSENTATIONS PAR LE DESSIN Avant d'aborder les lois de la composition décorative, il est essentiel de parler des différentes manières de repré- senter les objets par le dessin, c'est-à-dire de la nécessité de traduire, aussi exactement que possible, les formes ou les motifs de décor que l'imagination a conçus. L'exécution en relief (maquette ou modèle définitif) 12 LA COMPOSITION DECORATIVE. est évidemment l'idéal de la représentation pour les ob- jets d'épaisseur ; mais tous les artistes ne savent pas modeler et le Sauraient-ils, que beaucoup de compo- sitions ne pourraient facilement s'exprimer de cette manière, même à une échelle réduite. Il est donc essentiel de savoir se rendre compte de tous les aspects de la forme, aussi un dessinateur doit-il s'habituer à compter avec les trois dimensions : hauteur, largeur et épaisseur, c'est-à-dire ne pas se contenter des deux premières, exprimées naturellement dans le dessin quel qu'il soit, mais penser surtout à la troisième, c'est-à-dire à l'épaisseur, au relief ou à la profondeur, dont l'apparence dissimulée exige un effort d'esprit pour être comprise. Les sculpteurs, habitués au modelage en terre ou en cire, comprennent généralement bien cette troisième dimension ; aussi leurs dessins, quoique souvent inha- biles, possèdent-ils un charme particulier de sincérité très apprécié des artistes. Les dessinateurs en meu- bles, bronzes ou formes céramiques ne la sentent pas toujours et cette négligence devient une source d'em- barras pour les exécutants ; aussi arrive-t-il souvent à ceux-ci de passer outre, en interprétant à leur manière un dessin incomplet, à moins qu'ils n'en sortent à l'aide de concessions et de tricheries qui déprécient considé- rablement la composition primitive. Il n'y a que deux manières de représenter les objets : en projection et en pef^spective^. La projection, appelée aussi géométral, consiste à I. La projection et la perspective nécessiteraient chacune un volume spécial pour l'étude de leur tracé. PRELIMINAIRES. déterminer sur une surface plane les traces des per- pendiculaires abaissées de chacun des points de Pobjet que ron veut représenter. Cette vue conventionnelle est la seule qui puisse rendre exactement les formes, soit en grandeur d'exé- cution, soit à une échelle réduite, mais en conser- vant aux dimensions leurs proportions relatives. Nous donnons comme exemple un coffret à tiroirs, muni de poignées et décoré de marqueteries, représenté sous divers aspects par la projection (fig. 2). li LA COMPOSITION DÉCORATIVE. Lorsque la projection est droite, c'est-à-dire verti- cale et parallèle à la face principale, on l'appelle élé- vation ou facade principale (a). Quand c'est le côté qui se présente, c'est Vélévation ou facade latérale (b); si l'objet se montre oblique- ment, c'est une projection oblique; si l'objet possède disposi- • tions intérieu- res, on est supposé le trancher par une ou plu- sieurs sec- tions vertica- les qui déter- minent des projections appelées cou- pes (c); ces FI G. 3. coupes sont longitudina- les ou transversales suivant qu'elles passent dans le sens de la longueur ou de la largeur. Enfin, si l'objet est projeté en dessus, avec ou sans coupe horizontale laissant voir l'intérieur, on appelle cette projection leplan^ (d). La perspective consiste à exprimer les objets tels qu'on les voit ou qu'on pourrait les voir. C'est une vue naturelle qui, si elle ne renseigne pas exactement I. On disait autrefois : plan par terre. PRELIMINAIRES. IS sur les formes et sur leurs dimensions, permet en retour d'en concevoir une idée plus générale et souvent plus nette par des vues en tous sens ; aussi son application est-elle de tous les instants dans la composition décora- tive. Telle la per- spective du coffret déjà donné en pro- jection (fig. 3). Nous signalerons à ce propos un pro- cédé de représenta- tion très défectueux et fort employé dans la première moitié de ce siècle, c'est le des- sin ail trait seul. Le dessin à trait égal ou aux traits de force est insuffisant pour faire apprécier le relief des corps. Les formes à plans courbes, les surfaces de révolution et à FIG. pans exigent, lors- qu'elles sont indiquées en projection, un modelé com- plémentaire sous peine d'amener au moment de l'exécu- tion des surprises désagréables. Les formes à plan carré ou rectangulaire, unies à des plans courbes, nécessitent à leur tour, en sus de la projection droite, une projection oblique ou une per- i6 LA COMPOSITION DECORATIVE. spective de côté, à cause de Peffet différent qui en résulte dès que Poeil n^est plus exactement placé au milieu. La figure 4 indique la différence dfimpression donnée par un même motif vu de face et sur l'angle ^ D'autre part, les formes à plan triangu- laire, comme les trépieds, présentent, lorsqu'elles sont vues sur un certain côté, une sorte de de- ve7~s dont il faut se méfier, les projections ré- gulières sur la face ou sur l'angle n'en rendant aucun compte. Aussi est-il toujours bon de prévoir cet aspect particulier avant d'arrêter l'exécution (fig. 5). Une autre mauvaise habitude, fréquente parmi les des- sinateurs et les architectes, est d'indiquer seulement des fractions de dessins, soit pour présenter deux partis dif- férents réunis sur le même axe, soit pour éviter l'ennui I. Les ébénistes, les bronziers, sans parler des architectes, connaissent bien l'efFet de l'exécution de ces formes comparées à celui de leur dessin. PRÉLIMINAIRES. 17 OU la longueur d'une répétition symétrique. Le temps passé à compléter un dessin n'est jamais perdu, il est même' bien gagné par l'idée exacte que l'on obtient de l'aspect général. L'artiste le mieux exercé ne pourra jamais juger de l'effet d'un ensemble par une fraction, pas plus qu'on ne saurait apprécier un portrait de face par une moitié de visage. Il est donc nécessaire de des- siner, ne fût-ce qu'en esquisse, la composition tout entière. Par conséquent, pas de demi-vases, de demi- meubles et de demi-façades, non plus que des quarts de plafonds ou des huitièmes de rosaces : ce sont là des procédés insuffisants pour donner l'idée nette d'un ensemble décoratif^ Ce conseil pourrait s'appliquer également aux com- positions dans lesquelles la couleur joue un rôle essen- tiel ; ici il est indispensable d'exprimer, tout au moins à défaut d'une coloration complète, les valeurs des teintes. Possédant ainsi tous les éléments nécessaires pour s'engager dans une exécution définitive, on n'a plus à craindre à la dernière heure des mécomptes si faciles à éviter avec un peu de patience et de réflexion. I. On voit bien, il est vrai, dans nombre de recueils anciens, des suites de dessins tronqués au milieu ou au quart; l'écono- mie de la gravure, le manque de place dans le format excusent, dans une certaine mesure, cette manière de procéder, qui n'en enlève pas moins de l'intérêt et de la clarté aux compositions présentées. COMP. DÉCOR. 2 m >> > i'·í s- - 14 r 2 í^nv rtj^ i.^."^v>n'fcJ«¿^; ^ÍS**JS5S»'¿ / X r ?(í^; ™" -fe xlVv, «V X> A. s ÊM i ''^«l\ yJrf^ ;iv -jft, fp. **■ pi^ '' i' t / ■v' í«í ^ fi í > ^íàV ("••jf-f ft à6ft{ieíi \ut,v^^ /'Wftt .r à·P· fel iSS r-' -r , At KaT/ .}!,m-é^ „s>s»' ; - ü - *: M - iSí?-) í4s '-Kt" ^ •V íü#5! . - ^ PREMIÈRE PARTIE LA THÉORIE CHAPITRE PREMIER DE LA FORME SEULE La forme, dans le sujet qui nous occupe, c'est l'en- semble des surfaces apparentes qui définissent les objets d'art; ceux-ci se composent d'une forme servant de fond ou de noyau, sur laquelle on vient ensuite appli- quer le decor peint ou en relief; et, bien qu'il arrive souvent que le décor soit conçu en même temps que la forme, nous étudierons séparément chacun d'eux, afin d'établir plus clairement les principes de la composi- tion. 11 est un axiome général en fait d'art décoratif : c'est qu'une forme doit être belle en elle-même et qu'on ne doit jamais compter sur le décor appliqué pour en sauver les imperfections. Cette erreur explique la réserve pro- fessée longtemps à l'égard des arts industriels, où trop souvent l'on a vu un décor de bon goût appliqué sur des formes mal construites ou insuffisamment étudiées. Théoriquement nous distinguerons les formes à t7~ois dimensions apparentes (hauteur, largeur et épais- seur), de celles à deux dimensions (hauteur et largeur), dans lesquelles l'épaisseur n'a pas d'intérêt précis. 20 LA COMPOSITION DECORATIVE. Parmi les formes à trois dimensions appliquées aux objets d'art, nous citerons les pièces tournées à plan circulaire, telles que les vases ^ et leurs dérivés, puis les meubles et objets mobiliers de tout genre jusqidaux oeuvres de l'architecture; et parmi les formes à deux dimensions : les panneaux décoratifs, les écrans, cais- sons et compartiments, cadres et bordures, frontons et couronnements, appliques, lambrequins, plats, éven- tails, etc., etc. g I. — des formes a trois dimensions Dans les objets d'art à trois dimensions, la forme doit satisfaire à deux conditions essentielles : un'e bonne proportion et un bon profil. Propo7'tion. — On nomme proportion le rapport de grandeur entre les divers éléments de la forme et la forme elle-même i. Le VASE apparaîtra souvent comme exemple, à cause de son rôle important dans les arts décoratifs, bien moins en tant que récipient que comme point de départ d'innombrables dérivés. Car, en outre des vases proprement dits comprenant aussi bien le menu coquetier que les aiguières, calices et brûle-par- fums, les industries du fer et du bois, du bronze et de la céra- mique y trouveront le principe des formes des piédouches, colonnettes, coussinets, culs-de-lampe, candélabres, chenets, lan- ternes, etc.; la bijouterie, ses culots et pendeloques; l'architecture, ses balustres, vasques, cuves de chaires, dômes étages, etc., etc. L'étude détaillée du vase , c'est-à-dire non seulement de ses élé- ments constitutifs comme \2i panse, le pied, le col et le couvercle, mais encore de ses accessoires habituels : les anses, bec ou gou- lot, a cet avantage de s'appliquer, sous un volume restreint, à un ensemble complet, sorte d'édicule pouvant offrir à l'artiste indus- triel le même profit d'étude que le monument à l'architecte. LA THÉORIE. 21 Le premier principe d'une bonne proportion est que l'un des éléments de la forme soit franchement dominant, en volume, en largeur ou en hauteur. De cette sorte, l'œil, au lieu de rechercher avec hésitation quelle part d'intérêt il doit accorder aux différentes parties de A a At Ls. FIG. 6. l'œuvre, se portera instinctivement sur l'élément domi- nant, ce qui simplifie l'impression et la rend plus nette^. La figure 6 présente une suite d'objets dans lesquels domine un élément quelconque de la forme. ÏÍ j\0 1I FIG. 7. On doit donc éviter, dans les différentes parties de la forme, les égalités de hauteiu^, quand les saillies, pro- fils et silhouettes sont dissemblables; ainsi les objets représentés dans la figure 7 sont tous défectueux à I. L'architecture nous oiFre de nombreux exemples de com- paraisons sur ce sujet : dans l'art égyptien, dans l'art grec et dans 22 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. cause de l'égalité apparente donnée à des éléments qui ne semblent pas la réclamer. On devra éviter, pour une raison analogue, Yégalité de saillie lorsque les profils seront différents. Si, au contraire, l'artiste avait conçu, dans une pensée de répétition symétrique, les parties d'une forme iden- tiques de profil, c'est-à-dire remplissant le même office, quel que soit le sens de leur position, il devrait dans ce cas donner à chacun de ces éléments répétés une égalité rigoureuse de hauteur ou de saillie (fig. 8). En résumé, la différence ou la parité des profils doit être suivie de la différence ou de la parité des hauteurs et des saillies et le choix, une fois adopté dans un sens ou dans l'autre, doit être ensuite affirmé franchement et sans hésitation. Ces principes de la proportion sont également ap- plicables aux supports appropriés définitivement aux l'art romain, l'élément dominant est très accentué; le moyen âge et la Renaissance italienne nous présentent aussi, mais plus iné- gaiement, des exemples de ce principe trop souvent délaissé par la Renaissance française. LA THÉORIE. 23 objets d'art, tels que piédestaux, colonnettes, gaines, socles, etc., par rapport à ces objets mêmes, en ayant soin surtout d'éviter l'analogie des formes (fig. 9). Profil. — Le profil est le complément obligé de toute Co.i)So! \ -.a 5om!na.n.tC j liOO. ■ Tnaiivcus FIG. 9. proportion, c'est lui qui imprime à la forme son cachet définitif de grâce ou de caractère. Chacun sait la place importante qu'occupe l'art de profiler dans l'architec- ture comme dans les industries d'art et, sans vouloir aborder cette étude dans toutes ces subtilités, nous essayerons d'en éclaircir les points essentiels. LA COMPOSITION DECORATIVE. On distingue deux sortes de profils : le galbe ou profil d'ensemble et les moulures ou profils de détails En principe, chaque courbe d'un profil possède deux sens de raccord avec la courbe qui précède ou qui suit, soit en continuant le mouvement déjà imprimé : d'oti le raccord continu; soit en l'interrompant pour re- prendre une direction nouvelle : d'oti le raccord con- trasté (fig. lo). I. Le galbe est parfois le seul élément de la forme, celle.-ci ne comportant pâs nécessairement de moulures. LA THÉORIE. 25 Dans les raccords continus, chacune des courbes doit conserver, par rapport à celle qui lui est contiguë, une ^ * tj-i/iuiic e-n i e mî» le unité de direction et dhnflexion, abstraction faite des petits éléments intermédiaires à plans droits comme les 26 LA COMPOSITION DECORATIVE. filets et listels, tandis que dans les raccords contrastés chacune des rencontres se fera aussi normalement que possible. On évite ainsi les profils désarticulés et sans liaison. Le galbe, étant un profil d'en- semble, doit se bâtir absolument comme dans le FI G. la. dessin d'une figu- re, 0Ü l'on procède par grandes lignes de silhouette avant de s'attacher aux détails (fig. II). On devra, d'autre part, se garder des galbes plats et camards, c'est-à-dire timides et dépourvus d'accent (fig. 12.), comme des galbes secs et raides dans les- quels la ligne droite est en excès (fig. i3) Par con- tre, on rejettera FIG. 13, les profils mous, composés exclusivement de courbes dénuées de rac- cords rectilignes (fig. 14.). Ces mêmes lois du profil pourront s'appliquer aux I. Ces deux genres de galbes ont été en grande faveur sous le second empire, où, sous le nom de style étrusque ou prétendait faire néo-grec, on revivre la pureté antique; mais leur raideur pelle plutôt les formes rap- de la tôlerie, de la ferblanterie et du cartonnage où l'industriel est obligé d'opérer avec des surfaces ' planes développables. LA THEORIE. 27 parties accessoires et définitives d'un objet d'art : anses, poignées, pieds, supports, dans lesquels la recherche d'une silhouette est exigible au même degré (fig. i5). Moulures. — Les moulures appliquées sur la forme ont des profils extrêmement variés, qui prennent des dénominations devenues classi- ques; nous les in- diquerons dans un tableau géné- ral (fig. i6). Tou- tes les moulures de ce tableau sont à profil découvert, parce qu'en projection elles appa- FIG. 15. raissent dans leur complet développement^; tandis que les moulures k profil rentrant (fig. 17) offrent des par- I. La moulure dite cymaise n'a pas de profil particulier, mais exprime un couronnement; aussi n'est-elle pas indiquée dans ce tableau. MOULURES A PROFIL DECOUVERT FI G. l6. [a/imi Yno ties cachées en projection dont Pefîet, nul en dessin, est très apparent en réalité (fig. i8) et qui demandent •mauvais ¿.AJIUL· •mailvous] FIG, ip. à être établies avec une attention toute particulière, si Ton ne veut pas avoir de mécomptes à Texécution. 30 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. Mais quelle relation doit-on conserver entre les moulures et la forme? Il faut tout d'abord, conformé- ment à la règle que nous avons posée plus haut, faire dominer certaines d'entre elles, soit en hauteur, soit en saillie et par suite éviter les égalités quand les pro- fils sont différents, sous peine d'obtenir un aspect com- mun et sans caractère (fig. 19). Si au contraire l'ar- tiste avait cherché à répéter symétriquement, suivant un axe, une ou plusieurs moulures, chacune d'elles devrait être iden- tique aux moulures cor- fílotiluics respondantes (fig. 20)^. iTihe-cise-s En ce qui concerne les moulures, il faut se garder, comme pour le galbe, des profils dont la forme indécise ou le relief insuffisant impliquent un manque d'effet (fig. 21) 1. Ce principe s'applique aussi bien aux bordures, cadres et montants moulurés qu'au vase ou à ses dérivés. 2. Ces sortes de moulures appartiennent naturellement a ces pseudo-styles du deuxième empire dont on a déjà parlé. LA THÉORIE. 31 Les arêtes aiguës et tranchantes doivent être égale- ment rejetées pour leur sécheresse et leur fragilité, et à cause des difficultés >, y qu'elles présentent d'or- V dinaire à la fabrication (fig. 22); aussi faut-il moiilures faire en sorte que de a.L^u&s petits plans de transi- tion, filets ou tarabis- cots, délimitent bien le raccord des moulures et ajoutent un fond aux angles ren- trants, de manière à éviter les juxtapositions tangentes semblant pro- voquerun glis- sementdessur- faces; comme dans le vase A corrigé en B (fig. 23). Il est enfin excellent de faire corres- pondre de dis- tance en dis- tance les nus de quelques moulures; ce rappel simplifie la forme et donne de l'unité à l'en- semble (fig. 24). Nous terminerons cet exposé par un dernier conseil : celui de tracer le moins possible les parties courbes des 32 LA COMPOSITION DECORATIVE. profils à l'aide de raccords d'arcs de cercle décrits au compas, mais de les dessiner de préférence à la main^. Le profil est un élément de forme aussi délicat, dans son genre, qu'une fi- gure, une fleur ou un rinceau, et la recherche de ses contours est incom- patible avec des procédés plus ou moins ingénieux que les « Vignoles » indiquent comme les solutions in- variables de l'art de profiler. La main guidée par le sentirnent peut seule, et suivant l'occasion, imprimer au profil la grâce ou le caractère. On trouvera pour l'étude du pro- fil les plus excellents modèles dans les œuvres d'architecture grecque et romaine, dans les meubles de la Re- naissance française et italienne, dans les récipients orientaux et surtout dans les vases corinthiens dont le galbe et les moulures restent des FIG. 24. types accomplis de grâce, de sou- plesse et de simplicité. II. DES FORMES A DEUX DIMENSIONS La forme, n'ayant plus à compter ici avec l'épaisseur I. Il peut être fait exception pour certaines baguettes, tores ou gorges à profils circulaires, dont la disposition implique parfois la nécessité de se raccorder à des centres donnés. LA THEORIE. 31 OU la profondeur, n'exige plus qu'une seule condition : celle d'un contour agréable. Contour. — Le contour relève naturellement des lois du profil et demande encore ici à être franchement accusé dans toutes ses parties. Nous dirons même, bien que cette affirmation puisse sembler puérile, qu'un con- tour carré doit posséder ses côtés bien égaux et ses angles bien droits, qu'un rectangle, au contraire, doit avoir ses dimensions de longueur et de largeur bien différentes, qu'un losange ne doit pas être confondu avec un carré sur l'angle, qu'un cercle doit n'avoir qu'un centre et un ovale être franchement plus long que large. Ce principe, plus que banal, est pourtant bien souvent méconnu; de là ces contours bâtards et indécis présentés journellement dans l'architecture et dans les industries d'art (fig. 25). Aussi les contours détaillés comme les angles à cros- settes, lobes arrondis, bordures festonnées, arcatures orientales, lambrequins, etc., demanderont-ils des profils franchement accusés sous peine de manquer de caractère et d'effet. On devra également avoir soin d'évi- ter les égalités de saillies et d'intervalles, de pleins et COMP. DÉCOR. ï 34 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. d^échancrures, en même temps que réserver des parties bien dominantes (fig. 26). Nous retrouverons encore ici la nécessité d'une ré- pétition complète dans les contours symétriques par rapport à un axe, quel qu'en soit le sens, et par suite le rejet des fausses symétries, c'est-à-dire des contours répétés identiquement, malgré l'absence d'un axe. On fera bien aussi d'éviter les angles trop aigus, rentrants ou sortants, car à l'âpreté et à la sécheresse des contours viennent s'adjoindre les difficultés d'exécu- tion, toute exagération de ténuité dénotant une faiblesse réelle ou apparente du plus mauvais effet (fig. 27) ; par contre, les contours mous, veules, trop ondoyants, c'est-à-dire composés uniquement de courbes, sont également à rejeter (fig. 27 bis). Il faudra encore se défier des contours à bords dé- chiquetés qui ne présentent qu'une confusion de profils sans liaison, comme on l'observe dans un grand FIG. 2 (5. LA THÉORIE, 35 nombre de cartels de la Renaissance en Flandre et en r<^ FIG. 27. Allemagne, notamment dans ceux de l'école de Diet- terlin (fig. 28). Enfin dans le contour, comme dans la proportion, la franchise doit être complète et le principe de l'égalité FIG. 27 btr. LA COMPOSITION DÉCORATIVE. OU de l'inégalité, une fois choisi, doit être poursuivi et appliqué sans aucune hésita- tion. L'antiquité, l'art arabe et la Renaissance nous offrent dans les ar- FIG. 2a. catures, frontons, lambrequins, consoles, acrotères, tables, écussons et cartels les meilleurs modèles de contours à la fois francs et varies. g III. — DE LA STABILITÉ Une qualité complémentaire et essentielle dans l'é- tude des formes, c'est la stabilité, c'est-à-dire cet aplomb, qui non seulement doit prévenir la chute d'un objet, mais encore lui assurer cette tenue d'aspect sans laquelle une œuvre d'art ne saurait être parfaite. Il ne suffit donc pas qu'un objet soit stable, il faut encore qu'il le paraisse et que l'œil soit pleinement rassuré. Les formes symétriques à trois dimensions impli- quent naturellement la stabilité, aussi sont-elles à peu près hors de cause dans cette étude. Les formes irré- gulières exigent, lorsqu'elles sont montées sur un pied étroit, une recherche plus particulière de l'équilibre, c'est-à-dire une juste répartition des masses par rapport à l'embase. Tels sont les récipients pédiculés en forme de nef ou de vaisseau, si fréquents dans l'orfèvrerie du XVI® siècle, les vases de Caravage, de Lepautre LA THÉORIE. J7 et des maîtres de la rocaille, les aiguières, cafetières, théières de tous styles comportant une anse en regard d'un bec, et ceux [dont une corne couchée forme l'élé- 38 LA COMPOSITION DECORATIVE. ment principal, comme les rhytons antiques et les horns du moyen âge (fig. 2g). Il ne suffira donc pas de recourir à des épaisseurs de matière qui, en alourdissant certaines parties de Tobjet, en préviendraient la chute; ces subtilités échappent au regard et si Pœil est tant soit peu inquiété par la mauvaise répartition des masses, Pœuvre sera défectueuse. Les objets à plan triangulaire comme les trépieds, les vases à trois anses, les socles à trois figures, etc., nécessitent généralement sur les parties opposées aux angles, autrement dit sur le milieu des faces, un motif en relief qui, sans rétablir la symétrie sous tous les aspects, accuse néanmoins une sorte de FIG. 30. contrepoids né- cessaire (voir fig, 5). Les formes irrégulières à deux dimensions récla- ment aussi, lorsqu'elles sont suspendues, une sorte de stabilité du même genre; tels sont ces cartels motive- mentés en si grande faveur au xviii® siècle ifig. 3ol. Ici ce n'est plus l'équilibre de station, mais celui de suspension qu'on sera requis de donner à ces formes retenues par h à m ■ r "í i; -^=i, í- . 'Í V^.iHP LA THEORIE. 39 un lien invisible en un point supérieur de leur con- tour^. Ainsi, par exemple (fig. 3i), un écusson A pa- raîtra mieux ordonné qu^en B, bien que le lion héral- dique qui les décore soit maintenu dans le même aplomb. Indispensable dans les objets qui ont une destina- tion pratique, la stabilité n'est plus aussi nécessaire dans les représentations de ces mêmes objets figu- rées décorativement, en peinture, bas-relief, faïence, marqueterie, ta- pisserie.ou mo- saïque ; ainsi les compositions orientales et celles de la Re- naissance nous montrent sou- vent des vases de départ de FIG. 31. gerbes feuillées d'une fragilité de formes et d'une ténuité de support que n'accepterait pas la réalité, mais qu'explique ici l'uni- que recherche d'un effet décoratif (fig. 32). Enfin l'on remarquera que nous n'avons en aucune façon rappelé dans ce chapitre ces prétendus rapports de proportion avec lesquels on a cherché à régler Rs formes, soit en les renfermant dans des figures géomé- I. Ce qu'on obtient en faisant passer par le point supposé de suspension une verticale dont le prolongement partage la surface en deux portions ayant 1 apparence d un poids égal, comme on procéderait en physique pour la détermination du centre de gravité d'un corps. ■Aï' 40 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. triques rigoureuses, comme le carré et ses diagonales ou le triangle équilatéral, soit en leur imposant des rap- ports exactement mathématiques. Nous répugnons à croire que les Egyptiens, les Grecs et les architectes du moyen âge aient eu recours à ces procédés fatidiques dans la composition de leurs oeuvres plastiques et nous pensons que l'artiste aurait tort d'accepter des lois aussi absolues, étrangères d'ailleurs à la logique et à la raison. CHAPITRE II du décor et des sources de l'ornement Avant d^essayer l'application du décor sur la forme, il nous faut étudier le décor en lui-même, c'est-à-dire l'assemblage des motifs variés, connus sous la dénomi- nation générique ornements, dont la fonction est d'embellir l'objet qui doit les recevoir. Le but de l'or- nement étant ainsi défini, il devient évident qu'il vaut mieux laisser à une forme sa nudité, que de la recou- vrir d'un luxe qui ne lui ajoute aucun intérêt. Le décor tire ses éléments de plusieurs sources qui peuvent se résumer en trois : la nature, l'invention et la géométrie ; chacune d'elles donne naissance à d'in- nombrables motifs. Mais comme les éléments fournis par la nature peu- vent être exprimés de façons bien diverses, depuis la copie exacte, pour ne pas dire photographique, pour les sujets peints, et le moulage sur nature pour les sujets sculptés, jusqu'à l'interprétation la plus convention- nelle, nous partagerons en trois modes les différentes représentations décoratives, en prenant comme limites 43 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. extrêmes, d'une part la Nature, et de l'autre la Conven- tion 1. § I. — DES TROIS MODES DE R E PR É S E xV T A T I O N S DÉCORATIVES Premier mode. — Le premier mode consiste dans la représentation pure et simple des éléments décoratifs, tels qu'ils existent dans la nature ou tels que l'ar- tiste croit sincèrement les voir. Nous y retrouvons donc le modelé des formes, la couleur locale, les hori- zons, ciels, paysages et fonds d'architecture avec la perspective exacte des plans, en un mot tous les élé- ments ordinaires du tableau. Mais à cette copie textuelle viendra s'ajouter l'artifice de Varrangement dans la place des motifs principaux, dans le balancement des lignes de silhouette et la pondération générale des masses; préoccupation d'ordinaire peu habituelle aux peintres et sculpteurs non décorateurs. D'autre part, la coloration des sujets peints pourra être atténuée ou avivée suivant l'éclairage ou l'emplacement prévu, la distance du spectateur, etc.; enfin, d'une manière gé- nérale, s'affirmera une franchise d'aspect indispensable à toute œuvre décorative. C'est donc bien plus d'un choix et d'un arrangement qu'il s'agit que d'une interpréta- tion. Tel est ce panneau Louis XIV (fig. 33). I. Cette division en trois modes n'a évidemment rien d'absolu. On pourrait tout aussi bien en trouver quatre, cinq et même davantage; nous l'avons adoptée pour la simplification de notre exposé. Un grand nombre de compositions décoratives peuvent enfin être mixtes, c'est-à-dire comporter dans leurs différentes parties des modes différents. 4+ LA COMPOSITION DÉCORATIVE. Nous citerons comme exemples de ce premier mode les peintures murales, plafonds et fresques décoratives de la Renaissance, à partir de Giotto jusqu'aux temps modernes, dans lesquels l'expression du décor confine au tableau par les sujets, les fonds, le modelé, la lumière et la couleur^, et en sculpture les bas-reliefs des artistes qui depuis la même époque ont recherché la réalité des fonds perspectifs ^ ; enfin, parmi les industries d'art ; les vitraux, les émaux, les mosaïques, les tapis- series exprimés suivant les mêmes effets. Deuxième mode. — Le second mode comporte encore les éléments naturels, mais introduits, cette fois, dans un milieu conventionnel. Ici, par exemple, les motifs se détacheront sur des fonds d'or ou de cou- leur ; l'architecture et le paysage pourront être expri- més en perspective, mais sans viser aux effets du tableau. Les lois de la pesanteur continuent à être en partie respectées, les guirlandes se courbent, les lam- brequins pendent, les figures, à moins de voler, repo- sent sur un sol ou sur des supports de convention, en accusant même parfois sur ces derniers un équilibre des plus instables. Enfin, les motifs quels qu'ils soient, fixés, suspendus ou abandonnés dans l'espace, conser- veront toujours leur modelé et leur coloration natu- relies. C'est, au résumé, une transition entre la nature et la convention. Tel est ce panneau de la Régence (fig. 34). 1. Certaines peintures antiques sont traitées avec une inten- tien de vérité qui les fait classer dans ce mode. 2. Beaucoup de bas-reliefs du Bernin, de TAlgarde et de Puget y rentrent également. ^6 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. A ce deuxième mode se rattachent les peintures mo- delées gréco-romaines, de la Renaissance et des temps modernes, à fonds d'or pu de couleur, de même que les panneaux, faïences, émaux, vitraux, tapisseries, dans lesquels les motifs modelés et colorés naturelle- ment s'enlèvent sur des fonds conventionnels. De même aussi les sculptures dont les fonds ne visent pas à l'effet pittoresque h Troisième mode. — Le troisième mode ne conserve plus dans l'expression des motifs que le caractère ty- pique de la forme, dont le détail et la couleur se modi- fient suivant les exigences du décor. Aussi le modelé est-il réduit à de simples clairs sur les reliefs ou atténué au point de disparaître parfois totalement, une seule silhouette remplie d'une teinte suffisant à Fexpres- sion; dans ce cas, les motifs semblent fixés et cloués sur le fond avec ou sans relief apparent, enfin la cou- leur locale est le plus souvent avivée, amoindrie ou modifiée dans des proportions notables. C'est ici la convention pleine et entière, et disons-le, la décoration par excellence. Tel est ce panneau byzantin (fig. 35). Parmi les innombrables exemples de l'application de ce troisième mode, il faut citer les décorations peintes et sculptées des peuples primitifs de l'Égypte, de l'Assyrie, de la Grèce archaïque et de l'Étrurie, les mosaïques byzantines, les peintures et les vitraux du moyen âge jusqu'au xv® siècle, enfin les arts décoratifs arabe, persan, indien, chinois et japonais. A ce propos nous dirons qu'il faut assurément attri- I. Tels sont beaucoup de bas-reliefs de Ghiberti, de Dona- tello et des sculpteurs de la Renaissance italienne. 48 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. buer à rignorance, plus qu'au choix, une grande part dans l'interprétation conventionnelle des peuples que nous citons ; mais que ce soit par le fait de leur impuis- sanee à rendre fidèlement la nature, ou par celui de leur volonté, il n'en résulte pas moins dans la plupart de leurs compositions un caractère décoratif que la copie servile de la nature eût été seule impuissante à exprimer. Enfin nous donnons (fig. 36) un exemple de mode mixte, style Louis XIII, où l'on voit un panneau du premier mode inséré au milieu d'une composition du deuxième. Ceci posé, nous allons étudier en détail chacune des sources de l'ornement suivant les modes divers auxquels elles s'appliquent. § II. — DE LA NATURE La Flore. — La flore fournit à la composition dé- corative tous les végétaux, depuis les arbres, arbris- seaux et plantes entières jusqu'atix fragments isolés de leur structure, tels que les troncs, branches, tiges, ra- meaux et ramuscules, bourgeons et feuilles, boutons et fleurs, fruits, graines, racines, bulbes, etc. ; et par suite les motifs dérivés, tels que les rinceaux feuillés, culots, guirlandes, chutes, couronnes, gerbes, fleurons, si fré- quemment employés dans l'art ornemental. En ce qui concerne le premier et le deuxième mode où l'expression doit être celle de la nature même, la flore ne demandera qu'à être bien copiée avec ses ac- so LA COMPOSITION DÉCORATIVE. cents réels, son modelé et sa couleur locale; mais cette exactitude réclamera en outre, pour produire Teffet dé- coratif, un certain arrangement dans Tassemblage, un choix judicieux et une mise en valeur des plus beaux éléments. C'est ainsi qu'ont été comprises les compositions florales de la Renaissance, de Baptiste Monnoyer, de Vassé, de Ranson et de l'école lyonnaise. Si l'on passe au troisième mode, on voit la copie sincère devenir insuffisante et même déplacée, car, en insistant trop sur les détails, elle détourne l'attention de l'ensemble et amoindrit le résultat général. Il ne faut donc pas craindre de se lancer dans les modiflca- tions, en négligeant les détails pour exagérer ce qu'il y a de caractéristique dans la plante choisie. La flore devient alors ornementale. C'est d'ailleurs l'allure même des végétaux qui indi- quera le sens oti l'artiste doit s'engager; ainsi on accen- tuera la symétrie et même la rigidité, si la plante Tex- • prime déjà, ou au contraire la souplesse et la flexibilité si la nature présente cette tendance (fig. 3/). En un mot, il s'agit d'affirmer le mouvement déjà ébauché par la nature même et de remplacer l'attrait de la vérité dans le dessin et la couleur par le caractère de la silhouette et la simplicité de la façture. Conséquemment, il ne faut donc pas hésiter de sim- plifier les végétaux dont les détails trop multiples ou trop délicats pourraient nuire à la clarté du décor, licence souvent employée par les Persans, ces maîtres de la flore décorative. C'est pourquoi les plantes sim- pies se prêteront mieux que les autres à ce rôle con- LA THÉORIE. S* ventioniiel, et tandis que la rose, fleur à pétales mul- tiples et variés, restera toujours plus attrayante dans FIG. 37. sa beauté naturelle que dans toutes les interpréta- tions, ^d^autres fleurs comme la tulipe, Toeillet, le lis, 52 LA COMPOSITION DECORATIVE. la primevère, donneront avec le troisième mode un excellent résultat. Les fleurs, feuilles et fruits n'ont pas seuls l'avan- tage de fournir des motifs au décor; les modestes raves, bulbes, oignons et racines sont à même de rendre de réels services, notamment comme culots de départ pour des gerbes de rinceaux (fig. 38). En somme, tous les éléments de la flore ont ici leur FIG. 38. emploi, mais ceux qui possèdent naturellement une sil- houette caractérisée nécessiteront moins que les autres la modification exigée par la convention. Les seuls élé- ments à écarter sont ceux qui ne se rencontrent qu'à l'état d'exception, comme les végétations monstrueuses et les déformations accidentelles, particularités qui pourraient être intéressantes dans un recueil de bota- nique, mais qui deviendraient ici incompréhensibles. A moins pourtant que certains accidents ne se prêtent à l'arrangement décoratif, comme ces tiges brisées avec Si- LA COMPOSITION DECORATIVE. tant d'élégance et d'à propos observées dans les corn- positions persanes (fig. 67). L'habitude prise par l'ornemaniste de copier fré- quemment et avec sincérité les végétaux d'après nature finit parle dégager des banalités de Vacanthe classique, qui, malgré sa réelle beauté, a peine à sembler intéres- santé, quand elle n'est pas rajeunie par un accent vi- vant et naturel. On trouvera les plus beaux exemples de la flore conventionnelle dans le décor des Égyp- tiens, des Grecs, des Persans, des Japonais et dans l'ornementation virile et monumentale de l'époque go- thique (fig. 3g). La Faune. — La faune, de son côté, offre à la com- position décorative toutes les classes d'êtres vivants, depuis l'homme et les mammifères Jusqu'aux insectes, mollusques et zoophytes, en passant par les oiseaux, les reptiles et les poissons, l'art ne connaissant pas de vulgarités d'espèces qui puissent être rejetées. Le principe de la représentation de la faune dans le premier et le deuxième mode est le même que pour la flore ; la nature fait encore tous les frais et l'indica- tion sincère est à peu près tout ce que l'on peut exiger de l'artiste. Celui-ci devra néanmoins insister sur le caractère plastique de l'animal choisi, sur sa démarche majestueuse ou souple, sa noblesse ou sa grâce féline. Les sculptures et les peintures romaines, celles de la Renaissance et un grand nombre de décorations mo- dernes offrent des exemples nombreux de la faune ainsi interprétée (fig. 40). Le troisième mode réclamera plus de transforma- tions; ici l'être vivant ne conserve plus que sa silhouette LA THEORIE. S3 caractéristique et son allure typique, les détails secon- daires étant atténués et même supprimés. Ainsi un ani- mal sera souvent représenté par un simple profil rempli d\me seule teinte ou parfois même garni d'ornements fantaisistes; et, bien que dénués de l'accent de la vie, ces simulacres conserveront encore une tournure facile- ment reconnaissable (fig. 41). Les éperviers et ureus de l'Egypte (fig. m), les lions majestueux de l'Assyrie (fig, 42), les chevaux élégants des vases grecs, les bêtes apocalyptiques du Bas-Empire ont été ainsi traités, de même que les animaux héraldiques des écus sarrasins et des ar- s<5 la composition décorative. moiries du moyen âge; la Perse, Plnde, la Chine et le Japon ont, de leur côté, parsemé leurs œuvres des représentations de la faune la plus convention- nelle (fig. 4.3). Parlerons-nous aussi de ces assemblages d'espèces vivantes, résultat des conceptions mythologiques de l'an- tiqtiité, sphinx, griffons, chimères, centaures, tritons et dauphins, génies à corps feuillés dont la beauté rivalise parfois avec ce que la nature a créé de plus parfait (fig. 44)? Et ces monstres étranges de l'Orient, marti- chores arabes et simorgs persans, moins beaux, mais non moins curieux, dont les formes transportées en Europe produisirent ces stryges et ces bestioles du moyen âge (fig. 45), et plus tard ces grotesques de la Renaissance (fig. 46)? Nous essayerons d'autant moins de les décrire qu'il faudrait aussi parler des monstruosités fantastiques de l'Inde et de la Chine, dont les formes bizarres et LA THÉORIE. 57 l'expression outrée confinent trop souvent au grotesque. La figure humaine a subi, suivant les peuples % les JJ^unnis * ^ I. Les Arabes seuls ont très rarement employé la figure hu- maine, le Coran défendant toute reproduction d'être vivant. 58 LA COMPOSITION DECORATIVE. plus diverses interprétations. Ainsi nous la verrons rigide et compassée dans les bas-reliefs et les pein- tures de l'Égypte et de l'Assyrie, tandis que chez les Grecs elle se traduira sur les vases par de gracieuses FI G» 44.* silhouettes, teintées à plat et rehaussées seulement de quelques traits, sans aucune recherche de modelé. Uart byzantin, dans ses mosaïques, nous présentera des figures figées, suspendues dans l'espace, et modelées d'une façon sommaire (fig. 35 et i25). Le moyen âge expri- mera, dans le même ordre d'idées, les personnages LA THEORIE. des vitraux, des peintures et des tapisseries, jusqu'au xv« siècle OÜ, la convention commençant à disparaître, et le peintre de portraits ou le sta~ tuaire empiétant sur le domaine du décorateur, on cherchera l'expres- sion dans le mo- delé fini et la cou- leur réelle. Ajoutons qu'à toutes les époques les artistes se sont efforcés à''immobiliser la figure humaine dans la déco- . ration, en la tronçonnant d'une infinité de manières, FIG, 46, soit par la seule suppression des bras, comme dans les cariatides, soit en renfermant les jambes dans une gaine, 6o LA COMPOSITION DÉCORATIVE. puis en buste avec ou sans piédouche, jusqu^au mas- caron et camée rendus dans les médailles, non comme des portraits interrompus par un cadre, mais comme des têtes décapitées, dont la section du cou reste appa- rente ou voilée par un ingénieux détail (fig. 47). Les corps et les phénomènes célestes et terrestres. — La nature offre encore, en dehors de la flore et de la faune, des éléments d'un emploi fréquent dans l'art ornemen- tal. Ainsi, outre le soleil, la lune, les planètes et les étoi- les, elle donne aussi la l'arc-en- FIG. 47. foudre, ciel, les nuages, les fumées et les vapeurs, la mer, les lacs et les rivières. Tout naturellement, ces éléments seront exprimés, dans le premier mode, suivant leur aspect solide ou vapo- reux, tout comme dans un paysage, en simplifiant toute- fois quelque peu les effets. Dans le deuxième mode, Tapplication est déjà plus réservée, bien que les représentations rappellent encore assez exactement la nature, comme par exemple, ces nuages et rayons solaires dont on a tant abusé depuis la Renaissance, autant dans les apothéoses mytholo- giques que dans les gloires des églises chrétiennes. Cet abus s'explique aisément par la facilité qu'avait l'artiste de faire intervenir à propos un nuage pour voiler les difficultés d'attache ou d'arrangement des motifs; ces éléments peu sérieux, en sculpture surtout, LA THÉORIE. 6i sont heureusement passés de mode, et l'on ne peut guère les regretter, car leur aspect vaporeux devenait facilement mou et ballonné sous la main d'un artiste secondaire. Quant aux représentations de ces phéno- mènes dans le troisième mode, elles ne consistent plus qu'en motifs purement silhouettés, comme sur les bla- sons, ou en étoiles régulières dont le tracé appartient plus à la géométrie qu'au monde sidéral; à moins de devenir de purs emblèmes comme le soleil à face hu- maine servant d'effigie à Louis XIV, ou les trois crois- sants entrelacés ornant le chiffre de Diane de Poitiers. g III. —• DE L'invention L'invention a fourni une quantité considérable de motifs dérivés, soit de l'habitation, du mobilier ou du vêtement, du commerce et de l'industrie, soit de la guerre sur terre et sur mer, des arts, des sciences, etc. Ainsi l'architecture, c'est-à-dire l'expression la plus élevée de l'habitation humaine, tiendra une place impor- tante dans les représentations décoratives; le mobilier fournira les tentures, draperies, rubans, lambrequins, sièges, vases, candélabres et meubles de tout genre; le vêtement, les costumes, coiffures, couronnes, etc. D'autre part, le commerce et l'industrie apporteront les outils de métiers et les machines de fabrication; et la guerre les armures de toutes sortes, casques, épées, boucliers et engins divers; la marine fournira les proues et les poupes de navires, les ancres, harpons et cordages; enfin les arts et les sciences leurs instruments spéciaux ou leurs emblèmes acceptés. (52 LA COMPOSITION DECORATIVE. Cette abondance de motifs mis à la disposition de Partiste lui permet de composer des trophées, groupes, chutes, frises, sans compter les écussons, cartels, tablet- tes, banderoles à devises et inscriptions calligraphiques. Si l'on agit avec le premier et le deuxième mode, la représentation se réduira à la pure copie, en ayant soin toutefois de choisir les éléments de l'aspect le plus simple et le plus franc. A ce sujet, l'on remarquera que les objets simples à contours précis sont toujours mieux appropriés au décor que ceux qui offrent une compli- cation quelconque; ainsi s'explique le succès de la lyre, du violon, de la trompette et du tambour de basque dans les emblèmes musicaux, succès qu'obtiendraient diffi- cilement l'ophicléide et le cor d'harmonie avec leurs nombreux tubes entrelacés et leurs touches multiples. Il en est de même des armes et du costume militaire des anciens comparés à nos engins et fourniments com- pliqués. Il ne faudrait pas en conclure que les éléments modernes soient interdits dans le décor, il est seulement nécessaire de les présenter suivant leur expression la plus simple et la plus synthétique. Quant à l'interprétation du troisième mode, elle est toute de convention, et tel objet ou instrument ne sera souvent rendu que par une silhouette remplie d'une coloration plus ou moins fantaisiste (fig. 48). En ce qui concerne Varchitecture, nous la retrou- verons exprimée, dans l'antiquité et le moyen âge, avec une fantaisie bien appropriée au sujet. Tels sont ces édicules figurés dans les peintures égyptiennes, dans les bas-reliefs gréco-romains et dans les décorations de Pompéi et d'Herculanum; les mosaïques et ivoires LA THÉORIE. byzantins, les sculptures et peintures du moyen âge, les manuscrits arabes, persans, indiens et chinois, nous offrent aussi des exemples bien compris de Parchitec- ture figure'e dans la décoration. Aussi Paimons-nous moins lorsqu'elle est rendue avec une vérité inopportune, comme dans ces châsses et monstrances du xv" siècle, repré- sentant des portails de cathédrales, garnies de leurs tours et clochers, contreforts, arcs- boutants et gar- gouilles. Nous la repousserons éga- lement dans nom- bre d'objets d'art de la Renaissance italienne, lanter- nés, candélabres et encensoirs, oii, sans nécessité au- cune, on retrouve des portiques et arcades flanqués d'ordres complets^. Il faut être pénétré de cette vérité que l'architecture n'a aucunement besoin de conserver son aspect monu- mental dès qu'elle cesse d'appartenir à un véritable I. Cet emploi irrationnel est à relever dans le mobilier du premier empire, où l'on trouve des imitations parfois grotesques de temples grecs et romains. 64. LA COMPOSITION DÉCORATIVE. édifice. Les édicules des peintures de Pompéi sont charmants parce qu'ils expriment bien une architecture légère, toute de fantaisie et non la copie d'une con- struction en matériaux lourds et solides (fig. 213); cette tradition mérite d'être reprise, car elle est excellente de tous points', § IV. — DE LA GÉOMÉTRIE La géométrie vient à son tour apporter son appoint, quand elle n'a pas déjà servi de base à la structure même de la composition, en fournissant les lignes de cadres ou le tracé des axes; la nature et la convention ne sont plus ici en lutte avec cette science toute d'exac- titude et l'on sait combien,les motifs abstraits et pure- ment mathématiques peuvent fournir de combinaisons variées ; on connaît notamment le parti curieux et peut- être excessif que les Arabes et les Maures ont tiré d'elle dans leurs compositions. La géométrie sert aussi de base à une multitude d'ornements qui ne la rappellent plus que par la structure générale et se rattachent en même temps à la flore et à d'autres, sources décoratives. Nous résumerons en diagrammes les arrangements les plus typiques concernant la ligne droite et la ligne courbe dans les deux tableaux (fig. 49 et 49 bis] de l'or- nement géométrique. I. On peut citer aussi l 'architecture rocailleuse des maîtres du xvin® siècle (Lajoue et Meissonier); car, à défaut de finesse, elle conserve du moins l'avantage d'une extrême fantaisie. LA THÉORIE. (¡S g V. — CONSEILS RELATIFS A L'EXPRESSION DU DECOR Quel que soit le mode adopté, le modelé et la cou- leur doivent être autant que possible appropriés au dessin; ainsi une fleur, un animal, ou un instrument, dessinés d'une façon concise et rudimentaire s'accom- moderont mal d'un modelé précieux et d'une couleur trop réelle; tandis que, d'autre part, ces motifs, dessinés avec le sentiment précis de la nature et le modelé qu'elle comporte, seraient mal venus avec une colora- tion toute de fantaisie. Nous ajouterons que, pour arriver à conserver une expression attachante aux motifs dérivés de la nature ou de l'invention, il faut que le caractère primitif, même dans le troisième mode, ne soit jamais aban- 4pnné; la modification i?-qp forcée ou l'exécution trojp sommaire finit par lasser, et l'intérêt s'évanouit. ■ D'ailleurs, en ce qui concerne spécialement les élé- ments de la nature, plus ils en conserveront les accents intimes et plus ils intéresseront. C'est là l'explication du charme qui s'attache aux œuvres de l'art grec, du moyen âge, de la Renaissance, et aussi à cet art du Japon qui nous a été révélé si tard et qui possède au plus haut degré cette sincérité de l'expression. Aussi, quand on compare les compositions ornementales des Albert Dürer, des Holbein, des Du Cerceau, des Etienne de Laune et des artistes japonais à celles de la plupart des décorateurs du xvii® et du xviii® siè- de tels que Lepautre, Bérain, Salembier ou Delafosse, COM p. DÉCOR. S iriussoL¿ y\y\CyüoLcie.*^^' 7^ Sp'\riU ^ Î&W. iònòr/ Voiufé iontoue Ttince^iiK Enroiilement¿ ^reco- romaines ÍMorcieconlta¿lesi 68 LA COMPOSITION DECORATIVE. on sent combien ces derniers paraissent comparative- ment froids, malgré leurs réelles qualités de tenue d'arrangement; c'est qu'on se désintéresse bien vite ou de ces fleurs, de ces feuillages ou de ces animaux exé- cutés de pratique, sans conviction et sans sincérité. Un artiste décorateur, peintre, sculpteur, architecte, graveur, ornemaniste ou dessinateur, devra dofic, s'il veut s'élever dans son art, s'habituer à la copie fréquente de la plante, de l'animal et de la figure humaine, en serrant du plus près possible l'expression de la nature; expression qu'il sera toujours libre de conserver ou d'atténuer suivant le mode de décor qu'il aura choisi. Il cherchera en outre à enrichir ses albums de nom- breux croquis d'objets inventés, croquis pris autant les mêmes que possible directement sur objets plutôt que d'après des dessins d'autres artistes ; enfin il aura le courage d'étudier les tracés géométriques dont les services lui sont indispensables. Cette collection de copies sincères et de croquis ébauchés sera surtout nécessaire, non pas tant au point de vue du nombre des documents et des matériaux accumulés, qu'à celui du sentiment acquis de la forme et de la couleur, le plus sûr des conseillers lors de la conception. Dessiner, dessiner sans cesse et en cherchant à ana- lyser le caractère des œuvres dont on fait la copie, tel est le vrai moyen de faire de réels progrès ; c'est d'ail- leurs le seul qu'aient employé les artistes dont la vie nous est connue. CHAPITRE III DE L'APPLICATION DU DIîCOR SUR LA FORME Nous avons passé en revue ce qui se rapporte à la forme et au décor, envisagés chacun isolément; nous pouvons maintenant étudier l'application du décor sur la forme choisie et arrêtée, et suivre pas à pas sa marche progressive, en allant de l'ordonnance générale des lignes d'ensemble jusqu'aux détails de la composition. g I. — DU PARTI DÉCORATIF Deux manières d'ordonner l'ensemble d'une déco- ration se présentent tout d'abord au choix de l'artiste : le Parti symétrique et le Parti irrégulier. Le parti symétrique peut être absolu ou relatif. Absolu, il comprendra des motifs rigoureusement semblables, disposés inversement de chaque côté d'une ligne imaginaire, nommée axe^ (fig. 5o). Le parti symé- trique est relatif lorsque la similitude des motifs I. Un parti peut avoir un, deux ou plusieurs axes, suivant la forme choisie. 70 LA COMPOSITION DECORATIVE. n'existe que dans l'ensemble et non dans les détails ; tel un panneau décoratif qui comporterait des figures, cariatides, draperies ou guirlandes, variées de pose ou d'ajustement, òil- tout en conser- vant la symé- trie de l'aspect général. La diffé- rence entre les détails d'une CO mposition symétrique peut même par- fois devenir considérable: il suffit de dispo- ser habilement le décor de ma- nière à conser- ver de chaque >jiC î". C^tG cl G 1. S^CG cI g S FIO." masses bien 50. équilibrées et des espacements similaires offrant de prime abord l'ap- parence d'une répétition; arrangement délicat qui exige beaucoup de subtilité (fig. 5i). Dans le parti irrégulier, au contraire, les motifs sont disposés sans ordre apparent ; la tenue correcte du parti symétrique étant remplacée par une sorte de liberté capricieuse qui n'est pas sans charme (fig. Sa). Il ne fau- LA THÉORIE. 7i drait pas cependant croire que le parti irrégulier laisse FIG. S le champ libre à toutes les licences ; la confusion et le dé FIG. 5a. sordre seraient les plus sûrs résultats d^un tel abandon 72 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. aussi devra-t-on s'attacher à disposer les motifs d-e ma- nière à ne pas charger uniquement un seul côté, en laissant l'autre absolument vide ; et faudra-t-il au moins qu'un détail, peut-être restreint, mais bien choisi, vienne en garnir quelque peu la nudité si l'on ne veut pas laisser croire à un oubli (fig. 53). Souvent encore on règle une composition irrégu- Hère en disposant, sur un axe invisible, quelques détails caractéristiques dont le rappel apportera une sorte de stabilité du meilleur effet (fig. 54). Nous dirons, à ce propos, que l'afiluence récente des productions de l'extrême Orient a rendu à notre art occidental de réels services en le forçant à sortir de cette éternelle symétrie qui, depuis le xvii® siècle, sem- blait s'imposer à ses productions,. La recherche du par- fait équilibre ne doit pas être le fait d'un parti pris, mais celui de la nécessité; aussi dans les composi- 'LA THÉORIE. 73 tions oü la fantaisie a sa place marque'^, la don- née des axes cesse d^être absolument indispensable. Néanmoins nous dirons que la manière de procéder des Japonais n'est pas exempte d'é- cueils et qu'il ne faut l'ac- cepter qu'a- vec réserves; sans chercher à faire le pro- cès de leur art si char- mant et si fin, il faut dire aussi qu'une partie de son prestige et de sa valeur est due bien plus au sen- timent déli- cat de la na- ture etàl'exé- cution hors 54- ligne qu'aux mérites delà composition^. Cette manière I. On pourrait appliquer cette critique à Vart rocaille du règne de Louis XV qui, sans ressembler plastiquement à l'art ja- ponáis, procède souvent comme lui avec un sans-gêne sauvé par la verve et l'habileté de la facture. 74 LA COMPOSITION DÉCORATIVE, libre de procéder, en semant au hasard sur les formes des fleurs, des fruits, des oiseaux ou des figures, sans tenir compte, le plus souvent, ni de la courbure des surfaces, ni des arêtes limitant les plans, accuse une absence de parti que ne saurait remplacer la facture la plus brillante^ Aussi combien perdent les imitations de cet art spirituel aussitôt que l'exécution en est seulement médiocre! Si l'on supporte un décorateur du XVII® siècle lourd et banal, grâce à la science avec laquelle il sait régler ses compositions, on ne sau- rait admettre un artiste japonais sans le diable au corps, Gonséquemment, pour apprendre à composer, il faut étudier de préférence les œuvres des peuples qui ont cherché dans la composition la règle et l'ordon- nance; c'est pourquoi les arts classiques de l'Orient et de l'Occident sont préférables pour le début des études, à condition d'en chercher le complément dans les arts de l'extrême Orient qui, à leur tour, fourniront les éléments d'audace, de fantaisie et de liberté inconnus à d'autres régions. Procéder inversement serait subor- donner la règle aux exceptions. Enfin, en dehors de la symétrie et de l'irrégularité, on trouvera encore le choix entre le grand parti et le -parti divisé, surtout quand la décoration est détaillée et se développe suivant une certaine étendue. Le grand parti, dans'une composition, comprend une ou plusieurs divisions principales embrassant d'autres I. Notamment ces bordures incomplètes où les motifs tron- qués viennent heurter le cadre et semblent avoir été taillés au hasard dans des sujets plus grands. LA THEORIE. divisions secondaires, subdivisées à leur tour par des détails. Le parti divisé, au contraire, partage tout d'abord la composition en divisions grand succès- parti parti divisé sives possédant chacune leurs détails particu- liers. La figure 55 représente deux travées de fa- çades de mêmes dimensions et percées de baies semblables, sui- vaut une même disposition dans lesquelles on trouve l'ap- plication de ces deux partis. En dehors de l'architecture, les grands bas- reliefs, peintures murales, tapisseries, mosaïques, vi- traux, dallages, en un mot tout décor de vaste dimension pourrait également être composé suivant l'un ou l'autre parti. Le grand parti décoratif, par la gradation du détail à l'ensemble, accusera toujours une impression plus ■jG LA COMPOSITION DÉCORATIVE. frappante que le parti divisé; aussi est-il recherché lorsqu'on veut donner de l'importance à une cornposi- tionh On ne peut pourtant pas dire que l'un soit pré- férable à l'autre, chacun d'eux ayant, suivant les cir- constances, son intérêt particulier ; ce qui importe avant tout, c'est d'affirmer franchement la pensée qui a présidé à leur choix. g II. — DE LA DIVISION DES SURFACES Une fois le parti adopté, il s'agit ensuite de déter- miner sur la forme les limites du décor, autrement dit, de diviser les surfaces; opération qui devient surtout obligatoire lorsque celles-ci offrent un assez grand développement pour nécessiter des subdivisions de détail. Cette délimitation du décor, à plat ou en relief, se fait généralement au moyen d'un canevas de filets, galons ou bordures ou seulement d'axes ou de / I. L'architecture nous oiFre des exemples frappants du choix des partis chez les différents peuples ; en Egypte, en Grèce, à Rome, le grand parti domine, ainsi qu'au moyen âge, dans l'architecture gothique, en Perse et dans la seconde période de la Renaissance jusqu'à la fin du dernier siècle. Le parti divisé s'affirmera, au contraire, dans la première période de la Renais- sanee en Italie et en France; l'art monumental de l'Inde et de la Chine l'ont également recherché. En peinture ou en mosaïque la décoration murale offre le parti divisé dans l'art byzantin de Saint-Marc de Venise, de Montréal à Palerme, et dans celui de la première période de la Renaissance italienne, tandis qu'à partir du xvi* siècle jusqu'à l'hémicycle de Paul Delaroche à l'École des beaux-arts, le grand parti semble avoir été en faveur. LA THEORIE. 77 lignes fictives, qui maintiennent les masses ornemen- tales^. Chaque surface à décorer possède un sens particulier se prêtant au tracé des divisions et qui est ordinaire- ment celui des directrices et des génératrices de la forme, celle-ci pouvant être plane, concave ou convexe. Ainsi les divisions générales du décor d'un pa\nuneiaSufons en hiuteu-í^ rectangulaire se construiront par des lignes horizon- taies et verticales; celles des pièces tournées, comme les vases, flambeaux, colonnettes, etc., se traceront suivant I. Il est entendu que les formes et contours irréguliers sont ici hors de cause; le décor ne pouvant se régler sur un noyau qui lui-même n'est pas régulier, nous ne devons donc nous occuper que des formes symétriques ou simplement régulières. A la fantaisie de la forme il faut laisser la fantaisie du décor. fiG. 56. 78 LA COMPOSITION DÉCORATIVE, la coupe du profil ou calibre de tournage, ou par des sec- tions horizontales circulaires; enfin les formes planes à contour courbe, tels que les plats, disques, rondaches, éventails même, comporteront des divisions rayon- nantes et concentriques (fig. 56). Pour la clarté du sujet nous conviendrons d'appe- 1er divisions en hauteur les intervalles séparant les sections ou coupures horizontales et concentriques, tandis que nous dénommerons divisions en largeur les intervalles compris entre les sections ou coupures verticales et rayonnantes. Connaissant la direction des divisions principales du décor, il s'agit de savoir quelle relation de distance on devra leur appliquer pour obtenir une distribution claire et se prêtant bien à l'ornementation. Les prin- cipes régissant cette relation ont d'ailleurs un rapport direct avec ceux que nous avons déjà posés à propos de la proportion dans les formes. Ainsi les divisions en hauteur ne peuvent êtrefacul- tatives que si elles se répartissent sur des formes ou por- tions de formes régulières, prismatique, cylindrique. FIG. 57. LA THEORIE. 79 OU sur des surfaces à contours rectangulaires, chaque section possédant un semblable développement (fig. 5y). Si, au contraire, la forme affectait un profil s^élargis- FIG. 58. sant et se rétrécissant tour à tour ou une surface à con- tour circulaire ou varié, les divisions en hauteur devraient dans ce cas être inégales, Tune d'elles étant réservee comme dominante (fig. 58). Il serait donc fâcheux de disposer sur les formes en question des coupures également distantes, cette redite ne pouvant être qu'en désaccord avec l'inégalité du profil correspondant (fig. Sq). FIG. 59. 8o LA COMPOSITION DECORATIVE. C'est ainsi que (fig. 60) telle coupure faite au milieu de la hauteur sur une forme en baril syiñétrique (A) deviendra mauvaise si la partie supérieure s'élargit, suivant un vase (B). ^ ^ Quand la dimi- nution s'opère régu- lièrement, comme dans les formes ovoï- des, coniques, si fré- quentes dans les pan- ses de vases ou dans les contours angu- laires des gaines, cor- FIG. 60. nés, tympans, etc., on peut, sans y être contraint, disposer les divisions en hauteur, syivant une proportionnelle à celle du profil (fig. 61). Quant aux divisions en largeur, elles peuvent être facultatives lorsqu'elles s'appliquent sur des formes à profil continu ou sur des surfaces à contours régu- liers dans le sens de la hauteur, chacune de ces divi- LA THÉORIE. 8i sions représentant encore une section de même nature; tel est le cas du décor sur les pièces tournées, les dis- ques circulaires, les panneaux rectangulaires, etc. (fig. 62). pondant, autant que possible, aux variations de la forme (fig. 63). Enfin, il est fait emploi, dans certains cas, de divi- sions obliques régulières, comme les torsades, spirales, hélices, appliquées aussi bien sur des formes tournées et calibrées que sur des surfaces planes. Ces coupures, COMP. DÉCOR 6 Tandis que si les surfaces possédaient des hauteurs variées ou des contours découpés, il faudrait, dans ce cas, tenir les divisions en largeur inégales et corres- FIG. 63. 82 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. par leur position mixte, participent à la fois des sec- tions verticales et horizontales, et peuvent être, par suite, traitées librement, à la condition de conserver, par exemple dans les spirales, une convergence régu- lière vers le centre commun, et dans les obliques et tor- sades, un parallélisme constant (fig. 64). Mais, ne manquera-t-on pas de dire, qui donc a fait ces lois, qui les impose? La raison, répondrons-nous. qu'on peut seule invoquer quand on ne peut faire appel à la nature et lui demander des modèles indis- entables. N'est-ce pas, en effet, le bon sens qui dira que le décor appliqué ne doit pas être en contradiction avec la-forme qui le reçoit, mais, au contraire, la suivre et la compléter dans le sens indiqué par elle ? C'est ainsi qu'une simple division de filets, bien dis- tribués sur une forrrie de vase, suffira pour en accen- tuer le caractère, ce qu'il est facile de Juger par l'ob- servation du décor dans les vases grecs et, notamment FI G. 64. LA THÉORIE. 8j ici, par la comparaison des deux récipients donnés en exemple dans notre figure i. Les Chinois et les Japonais, voués à Tétrangeté et à la fantaisie, semblent avoir fait peu de cas des divi- sions, même sur les formes régulières, leur décor s'étendant d'ordinaire sur la totalité de la surface. Il est évident que si la forme d'un vase ne possède qu'un seul mouvement de profil, le sectionnement n'est pas absolument nécessaire; mais quand le galbe possède FIG. 65. 84 LA COMPOSITION DECORATIVE. des courbures accentuées et variées, le besoin d'une délimitation se fait aussitôt sentir aux points d'in- flexion des courbes. Beaucoup de récipients sino-japo- nais gagneraient certainement à posséder quelques ceintures, bandelettes ou colliers venant sectionner le décor, comme, par exemple, dans la potiche chinoise A, corrigée en B (fig. 65). En résumé, quel que soit le mode de division adopté, il faut éviter l'incertitude dans l'égalité comme dans l'inégalité, dans la répétition comme dans Palter- nance et accuser franchement par l'expression d'une similitude parfaite ou d'une différence notable la divi- sion des surfaces. § III. — DU SENS DOMINANT S'il est une influence de premier ordre dans l'appli- cation du décor, c'est assurément celle du sens domi- nant de la forme. En effet, il est difficile de comprendre qu'un motif, supposé même de haut goût, puisse être indifféremment adapté sur la première forme venue: plane ou tournée, concave ou convexe. Aussi tel orne- ment, parfait dans un carré, ne peut-il être également bien logé dans un rectangle ou un contour elliptique, et encore moins passer d'une surface plane à une panse de vase conique ou ovoïde, sans qu'une partie de son I. L'alternance est, on le sait, la répétition de deux en deux d'une division intercalée dans une suite de divisions différentes et répétées. LA THÉORIE. 85 charme s^évanouisse par le fait de ce seul changement. Tout décor, en principe, doit être composé et étudié spécialement pour une forme et rien que pour elle. Parlons d'abord des surfaces planes dont le con- A B FI G. 66. tour seul est variable; soit un panneau rectangulaire,' (fig. 66) où l'une des dimensions est dominante dans le sens vertical, il devient alors essentiel de disposer les lignes principales de la composition et les tendances générales du décor suivant la direction en hauteur, comme en A, tout autre disposition, B, dans le sens de 8(5 LA COMPOSITION DECORATIVE. la largeur étant défectueuse. Dans un panneau horizon- tal le contraire aurait tout naturellement lieu h Quand les surfaces planes se définissent par des courbes, le décor doit également suivre le mouvement qu'elles impriment, ou tout au moins ne pas l'entraver. Ainsi dans le décor d'un disque, circulaire ou ovale, il faut faire en sorte que les lignes principales ne ren- contrent pas maladroitement les bords, mais que, par I. Un panneau carré n'a pas de sens dominant particulier, par suite de l'égalité de ses côtés. LA THEORIE. 87 des inflexions habiles, elles en évitent l'approche en glissant dans un sens de tangence ou de parallélisme aux contours; à moins, au contraire, qu'elles ne surgis- sent normalement et coupent les bords avec franchise, c'est-à-dire en suivant les directions concentrique ou rayonnante. Les Persans, décorateurs exquis, non seulement au point de vue de l'inter- prétation ornementale de la fleur, mais à celui de la composition, nous ont laissé dans leurs plats céramiques des arrangements qui peuvent passer pour les types du genre (flg. 67); tandis que l'on verra souvent les Japonais méconnaître ou tout au moins né- gliger l'accord si indis- pensable de la forme et del'ornementqui, sans FIG. 68. rien ôter à leur exécu- tion spirituelle empreinte du plus charmant réalisme, mettrait leurs œuvres à l'abri de toute critique. Mais tous les sujets ne se prêtent pas avec autant de facilité que la flore aux exigences de la forme, et l'on ne peut, par exemple, demander aux figures humaines ou aux animaux des modifications aussi pro- fondes; le principe pourtant n'en subsiste pas moins, 88 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. et l'on peut toujours éviter un heiu^t disgracieux contre les bords, recherche observée dans ce miroir antique (fig. 68 et fig. 128). A ce propos, c'est surtout dans les plats possédant des bords, qu'une étude intelligente est nécessaire pour ménager à la fois le contour du creux et la zone con- centrique du marli (fig. 69). Des céramistes célèbres de la Renaissance italienne n'ont cependant pas cru devoir s'astreindre à ce principe raisonnable et n'ont pas hésité parfois à faire courir leur décor indistincte- ment sur le creux et le marli de leurs plats, sans souci de Vai-êie limitant les surfaces; ce n'est là, disons-le, FI G. 69. LA THÉORIE. qu'une hardiesse maladroite que ne parvient pas à sauver un dessin de style ou une coloration puissante, et qu'en tout cas il serait absurde d'imiter h Il n'est pas enfin Jusqu'aux sujets rustiques et pitto- resques qui ne doivent, dans une certaine mesure, suivre le sens domi- nant de la for- me, du moment qu'ils sont appe- lés à Jouer un rôle décoratif (figv7o)- Ce que nous disons des plats s'appliquerait aussi bien à des boucliers, cou- verdes, médail- Ions, rosaces, tympans, écoin- çons et même aux éventails, qui ne sont, en FI G. 70. somme, que des panneaux décoratifs à portion de zone circulaire, dans lesquels le sens dominant doit toujours être maintenu (fig. 71 et 53). Passons maintenant aux formes en relief tournées et courbées en tous sens. La forme cylindrique, la plus I. Voir 2® partie, § XV ; Terre cuite décorée en couleur. 90 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. simple de toutes et la plus développable, se prête à une grande liberté d'ornementation, les déformations sé- rieuses étant peu à craindre, surtout avec un fort diamètre; aussi voyons-nous d'ordinaire les fûts de colonnes, les socles en tambours, recevoir les motifs les plus variés avec un égal succès. Les surfaces à double courbure simple, concave ou convexe, se prê- tent encore assez facilement à la variété du décor; mais la liberté du choix tendra à se restreindre suivant le degré de l'inflexion, car si l'on envi- sage les formes à profils tour à tour pincés et renflés, comme celles des FIG. vases 71. et piédouches, il deviendra dès lors nécessaire d'opérer une sélection sérieuse dans le choix des motifs. Expliquons-nous : voici (fig. 72) une panse tournée à profil de talon, sur laquelle on veut appliquer un jeu de rinceaux à spirales (A) ; il est facile de voir à quelles déformations l'ornement sera soumis, celui-ci n'ayant aucune concordance directe avec le galbe, tandis que si l'on choisissait des motifs spéciaux représentant dans LA THÉORIE. 91 leur contour une analogie évidente avec la section du profil recouvert (B), l'application s'opérerait naturelle- ment. Il en serait de même des motifs dirigés dans le sens de la section des génératrices verticales qui s'ar- Tn CLU-vais rangent toujours fort bien (C), car ils se ploient préci- sèment dans la direction du calibre et font ainsi valoir le profil. Il existe enfin un dernier moyen qui consiste à subdiviser la forme par des zones de peu de hau- teur (D) ; le décor se développant alors sur des surfaces 92 LA COMPOSITION DECORATIVE. restreintes, les déformations sérieuses ne sont plus à craindre. Telle est la donnée ordinaire du décor des vases antiques à zones horizontales. A ce propos il est bon de rappeler que les Grecs eux-mêmes sont tombés dans Terreur lorsqu'ils ont placé sur leurs amphores panathénaïques, à col en gorge et à panse rebondie, des figures passant sur la courbe d'inflexion du récipient et su- bissant par suite une anamor- phose ridicule (fig. y3]. Une application subtile et bien personnelle de ces lois se retrouve dans certains produits céramiques de la Renaissance française, oîi l'on voit l'orne- ment, composé de galonnages et d'arabesques, courir surtoute la surface d'un vase à profil varié, depuis le pied jusqu'au col, en suivant pas à pas toutes les inflexions du profil (fig. 74). Une étude d'un grand inté- rêt dérive directement de la même question, c'est le décor appliqué aux moulures. Sait-on pourquoi, par exemple, les ornements des moulures antiques, grecques et romaines ; ove, rais de cœur, double spire et antispire, ont conservé jusqu'à nos jours une universelle réputation et sont ainsi devenus classiques? C'est qu'en dehors d'une de question style, ces ornements répondent parfaitement à la LA THEORIE. 93 forme du profil recouvert. En effet, l'ove s^adapte à mer- veille sur le quart de rond, le rais de cœur sur le talon; la double spire, d'autre part, se ploiera parfaitement sur le cavet et la gorge et l'antispire sur la doucine, les contours princi- paux de l'orne- ment correspon- dant aux profils des moulures cor- respondantes (fig. 75). Quant aux mo- tifs à sections verticales, rainu- res, canaux, go- drons, oves pla- tes, etc., ils s'ar- rangent indistinc- tement sur toutes Içs moulures quelles qu'elles soient (fig. 76). Il arrive aussi parfois de comp- ter avec le souve- FI G. 74. nir d'arrangé- ments observés, soit dans la nature, soit dans les habi- tudes des peuples, et dont le rappel est toujours bien accueilli parce qu'il est aisément compris; ce choix explique le succès des guirlandes de feuilles ou de fruits formant les tores et gros cordons d'architecture. LA COMPOSITION DÉCORATIVE. de même que celui des tiges nouées en fais- ceaux, des nat- tes et torons de cordelettes, des chapelets d''olives et de perles pour les baguettes et colliers, et en- fin des lambre- quins simulant l'étoffe décou- pée et pendante sur les profils retombants (fig- 77)- Le feuil- lage, grâce à sa souplesse DOUBLE SPIRE naturelle, s'ap- pliquera faci- lementsurtou- tes les surfaces, et cette qualité d'adaptation excuse l'em- ploi quelque peu abusif de FIG. l'acanthe, du 75. LA THEORIE. laurier, du chêne et du persil dans l'ornementation des moulures de l'antiquité romaine et des temps mo- dernes Cette même influence du souvenir se retrouve encore dans l'emploi de bandes déco- rées d'un dessin ferme, placées à certaines parties d'une pièce tournée, surtout aux portions de la surface confluant au cy- lindre (fig. 78). La nécessité de maintenir et de cercler la forme, comme le ferait une ceinture ou une bride de FIG. 77. cuir et de métal, semble être ici la raison de ce choix; placées sur les parties fuyantes de la surface, ces bandes I. Nous parlerons plus loin, à la fin du § VII,'des moulures unies et ornées. 96 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. paraîtraient glisser et deviendraient incompréhensibles. Par contre, on sentira le besoin de supporter les TiifmnHn. ¿<1 rSŒiasB:- parties inférieures d^une forme, comme la panse, le culot d'un récipient, par des sortes de réseaux simu- FXG. 79. lant la corbeille tressée ou le calice de la fleur, données dont l'expression peut être variée à l'infini. C'est ce qui motive l'emploi fréquent des feuilles imbriquées, LA THÉORIE. 97 écailles, entrelacs de vannerie, côtes et godrons, dans la partie inférieure des vases, des culs-de-lampe et de leurs dérivés (fig. 79). En somme, ce dont il importe de se bien pénétrer, c^est que, si l'artiste possède une complète liberté d'in- vention dans le choix des motifs de décor, et si toute recherche personnelle lui est permise, il ne doit cependant pas violenter la forme par une ornementa- tion en désaccord avec elle, mais au contraire la suivre dans tous ses mouvements et accentuer son carac- tère. § IV. — DES APPARENCES L'œil, même parfaitement sain, est sujet à des er- reurs de vision, connues sous la dénomination ordi- naire d'illusions d'optique, et dont il faut tenir compte incidemment dans la composition décorative, Chacun a pu, en effet, remarquer l'impression diffé- remment ressentie en face d'une même forme garnie tour à tour dlîori:{ontales ou de verticales répétées parallèlement, ou d'obiiques croisées suivant ces mêmes directions ; cette forme paraissant soit plus aplatie, soit plus élancée. L'on sait même, à ce propos, combien les tapissiers savent tirer parti des rayures sur les étoffes et papiers de tenture, car, suivant le sens vertical ou hori- zontal choisi, la pièce qu'ils décorent paraîtra haussée ou écrasée. Ces apparences ne doivent pas être seulement un jeu de curiosité, mais doivent servir l'artiste en lui fournis- COMP. DÉCOR. 7 LA COMPOSITION DECORATIVE. sant les moyens d'atténuer ou d'affirmer le sens d'une forme décorative (fig. 55). Si les horizontales ou les verticales aplatissent ou haussent les formes, les obliques répétées ou parallèles les inclinent et les déversent, effet que l'on peut obser- ver en compa- rant les trois vases de la fi- gure 80 1. d'ailleurs, est un élément voyant qui for- ce l'attention par sa position FIG. 80. instable; aussi ne doit - on l'employer qu'avec discrétion, sous peine d'enlever du calme et de la sérénité au décor; aussi les torsades, hélices, spirales, chevrons et bâtons rompus, trop de fois répétés, deviennent-ils facilement insuppor- tables. L'oblique prolongée demande d'ailleurs à ne pas être abandonnée à elle-même, et il est généralement nécessaire d'en maintenir le dévers par une ligne ferme, de tendance verticale ou horizontale, placée à la nais- sanee ou à la chute, ou par un détail qui Joue un rôle analogue. Les Grecs et les Romains ont parfai- I. On pourrait aussi en juger dans les constructions pseudo- orientales, telles que les dômes bulbeux et godronnés en spirale d'églises russes et les clochers torses de la Roumanie. LA THÉORIE. tement compris ce principe dans la fonction des acrotères et antéfixes des frontons, et les Arabes dans les angles retroussés de leurs couronnements. Cet appoint manque à la plupart des gables et des pignons du moyen âge et leur laisse un aspect mal défini; la Re- naissance ita- ^ lienne a su eviter ® cet écueil dans ses frontons aigus ^^romai.T, Le ressaut ° presque obligé jl ■ ^ H"- ■. que Ton place aux i~' points de départ et d'arrivée d'une rampe prend sa raison d'être dans ce même principe. On comprend aisément tout ce qu'on peut tirer des apparences pour atténuer en partie le mauvais effet d'une forme disproportionnée; soit, par exemple, en multipliant les horizontales pour raccourcir un galbe trop élancé, soit, au contraire, les verticales si le profil est trop lourd. Une apparence, curieuse aussi, s'observe dans la différence d'aspect qu'offrent certaines figures, sui- varit leur situation par rapport à": l'aplomb normal; loo LA COMPOSITION DÉCORATIVE. et souvent des semis, jeux de fonds ou réseaux iden- tiques deviendront méconnaissables par le seul effet d'une attitude différemment présentée (fig. 82). Les Arabes, subtils entre tous, ont fort usé de ce stra- tagème pour varier à peu de frais leur décoration. Voici maintenant une conséquence plus sérieuse, c'est que si l'on tient expressément à conserver à un K FIG. 83. contour son aspect bien déterminé, on doit s'abs- tenir d'employer, dans l'ornementation qui la garnit intérieurement, des lignes importantes qui en déna- turent l'aspect. Si l'on désire, par exemple, qu'un caisson ou compartiment carré paraisse toujours bien LA THÉORIE. lOI carré, c^est-à-dire donne clairement la sensation d'une surface possédant quatre côtés égaux et quatre angles droits, sans nécessiter une vérification du compas, on devra éviter les motifs de remplissage A, B ou C de la figure 83, bien mieux logés dans un rectangle, et choisir préférablement les motifs F, G ou H, plus conformes au carré Cette influence se fera sentir au même degré par les détails extérieurs de l'encadrement; ainsi les crossettes, échancrures, boutons, agrafes répétés aux quatre angles d'un panneau carré accentuent son con- tour particulier, tandis que, placées seulement à deux des angles, ils en détruiront le caractère et conviendraient mieux à un rectangle (fig. 83 FI G. 83 bis. bis] ; l'inégalité des di- mensions s'accordant bien avec l'inégalité de l'enca- drement. Ce principe n'entrave en rien la liberté du décor, mais il en fait voir les conséquences immédiates. On en arriverait même à conclure, si l'on poussait la théorie à l'extrême, qu'une forme ornée n'est jamais absolue et ne possède jamais, au point de vue artis- tique, que les proportions qu'elle semble avoir, tant l'influence du décor intérieur ou extérieur est parfois susceptible d'en modifier l'apparence. Sans rien exagérer, I. Dans la répétition de contours identiques disposés en con- tiguïté comme des caissons de voûte ou des panneaux de lambris, la diversité du remplissage a peu d'action, les formes s'aiBr- mant les unes les autres. 102 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. nous dirons qu'il faut en retenir le principe, c'est-à- dire faire valoir par tous les moyens en jeu la forme choisie et arrêtée. ?V. — DES DROITES ET DES COURBES La ligne droite et la ligne courbe étant les deux seuls éléments du déco7~, nous allons essayer de définir la mesure de leur intervention dans la composition déco- [ij~LrLrLrLr rative. En principe, il est difficile de se servir de Tune à l'exclusion complète de l'autre; l'emploi de la seule ligne droite, par exemple, entraînant, non seulement la monotonie, mais encore la raideur et la sécheresse, comme d'autre part, la courbe seule engendrerait la mollesse et le manque de tenue. Si donc une composition présente une succession de lignes droites parallèles et prolongées, tel qu'un enta- blement d'architecture, un encadrement mouluré ou fileté, il sera bon d'en rompre, en certains points, l'uni- formité par quelques détails courbes dont l'intervention apportera nécessairement de la variété et de la sou- plesse (fig. 84). L'emploi de petites droites dirigées LA THÉORIE. 103 dans un sens contraire (perpendiculaires ou obliques) atténuerait bien, il est vrai, la monotonie, mais en lais- serait subsister la sécheresse ( Al de la même figure). Si, au contraire, le décor comportait une suite de li- gnes courbes parallèles et concentriques, comme des archivoltes d'arcades,des frontons et cadres circulaires, l'élément rectiligne, intervenant à propos, pourrait pro- duire ici un excellent contraste (fig. 85). Les portes gothiques et celles de l'époque romane surtout seraient inacceptables par la multiplicité de leurs archivoltes concentriques, si des motifs contrastés, peints ou sculptés modillons, redents, crochets, da- miers, rinceaux et mascarons ne venaient le plus sou- vent apporter la diversion nécessaire. En principe, dans une composition décorative, la ligne droite sera généralement chargée de la structure générale; c'est elle qui fournira, en sus des axes, les montants, supports, cadres, traverses, socles et com- partiments, sur lesquels la ligne courbe, plus gracieuse et plus souple, pourra venir reposer et s'appuyer sous forme d'arcatures, de frontons circulaires, de couron- nements, culs-de-lampe, médaillons, consoles et rin- ceaux de tout genre. I04 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. Voici, par exemple (fig. 86), le double programme d'un miroir suspendu, formé d'une glace sertie d'un cadre de contour ovale, inséré dans un fond limité à la partie haute par un couronnement garni de cartels et de rinceaux et terminé dans le bas par un cul-de-lampe à consoles. Nous supposerons l'un, A, conçu dans le goût de la Régence, c'est-à-dire composé presque uni- quement d'éléments curvilignes, tandis que l'autre, B, s'inspirant de la Renaissance, fera intervenir des élé- ments rectilignes sur lesquels les courbes trouveront un soutien et un appui. On conviendra aisément que cette dernière composition est, au point de vue de la struc- ture, supérieure à la première, toute réserve faite du goût particulier à chacun de ces styles. Ce principe pourrait s'appliquer à une infinité d'ob- FI G. 8(i. LA THÉORIE. jets d^art, aux meubles, bronzes, panneaux décoratifs dont les détails, souvent excellents, n^ont d'autre défaut que d^étre mal soutenus^. Cette qualité de structure qui manque à la déco- ration rocaille du règne de Louis XV se retrouve dans celle de Louis XVI, remarquable, au contraire, par la tenue de ses lignes de support et d'encadrement; aussi, malgré quelque fadeur dans le 'détail^ l'ensemble bien construit est-il toujours d'un bon aspect. La Renais- sanee italienne, en Toscane surtout, a beaucoup usé des encadrements rectilignes enserrant les détails dans une armature bien accusée. Les panneaux des portes de Ghiberti en sont un exemple. L'art persan a fait grand emploi des cadres, peut-être même avec excès dans l'architecture extérieure. Les Arabes, d'autre part, ont souvent abusé de la ligne droite dans certaines compositions de plafonds, lambris, portes de bois ou de bronze. Encore cette monotonie est-elle souvent atténuée par l'effet de polygones et d'étoiles dont la multiplicité des pans donne, à distance, l'impression du cercle; ces compositions, en tout cas, n'ont pas la valeur de celles oti quelques rosaces, rin- ceaux et inscriptions calligraphiques viennent complé- ter l'effet par leurs courbures souples et élégantes. Nous conclurons de tout ceci que, pour être inté- ressante, une décoration exige avant tout la variété ; une grande partie du charme attaché aux productions de I. Les bois sculptés et les bronzes traités dans le genre rus- tique manquent de caractère, à cause de cette absence d'un dessous rectiligne maintenant les courbes des branchages et des tiges flexibles. io6 LA COMPOSITION DECORATIVE. Tantiquité, du moyen âge et de la Renaissance pro- vient de la diversité des éléments choisis. Cest égale- ment pour cela que la figure humaine s'alliera toujours si heureusement avec l'architecture ; la flore avec les lignes de cadres et les arabesques fleuries avec les en- trelacs géométriques ; la raison en est uniquement dans le contraste des silhouettes souples et flexibles des unes opposées aux montants et traverses rectilignes des autres. L'œil est un organe exigeant, qui se fatigue vite de la monotonie et réclame incessamment l'excitation des contrastes modérés. g VI. — DE l'échelle décorative Nous touchons ici à une question fondamentale dont l'analyse mérite une attention suivie. En premier lieu, il ne faut pas confondre l'échelle décorativeSi^ec l'échelle de proportion, qui représente une opération mathématique permettant de réduire ou d'agrandir un modèle en conservant rigoureusement le rapport des dimensions, opération qui doit être fami- lière à tout artiste, vu son emploi constant dans tous les arts du dessin h L'échelle décorative, de nature plus insaisissable, comme tout ce qui est du domaine exclusif de l'art, I. Ainsi on peut réduire soit à moitié d'exécution ou autre- ment dit à 5o centimètres par mètre; soit au quart, ou à iò centi- mètres par mètre ; au cinquième ou à 20 centimètres, et ainsi de suite. On peut, en outre, faire des réductions ou des agrandisse- ments en les subordonnant à une échelle indépendante des divi- sions métriques. LA THÉORIE. 107 exprime une unité de mesure choisie particulièrement pour une composition et doit satisfaire à quatre condi- tions distinctes, la stature humaine, la dimension des matériaux, la vision d'^ensemble, le milieu décoratif. La stature de Phomme, le développement de ses organes et sa force moyenne créent certaines obliga- tions auxquelles doivent satisfaire les œuvres d'art ayant une relation con- stante avec lui. L'architecture, notamment, nous offre des exemples frappants de ces rapports ; ainsi, quelles que soient les dimen- sions d'un édifice, temple ou pavil- Ion, cathédrale ou oratoire, certains éléments devront toujours conserver la même hauteur fixe, comme les marches, bancs, tables, appuis, béni- tiers, l'homme devant toujours atteindre facilement à ces divers niveaux. Il résulte de ce principe que la relation bien exprimée des détails par rapport à l'en- semble suffit pour déterminer, dans un dessin ou une maquette, la dimension approximative de l'œuvre. Ainsi nous voyons (fig. 87), sous une apparence de hauteur égale, deux arcades dans lesquelles la relation des balustrades indique une différence notable dans les dimensions réelles. io8 LA COMPOSITION DECORATIVE. Nous trouverons également dans beaucoup d'objets usuels l'influence directe de Véchelle humaine; ainsi l'anse d'une aiguière, le manche d'un miroir ou d'un écran et ceux d'un soufflet, la poignée d'une épée, etc., doivent être calculés en vue de la grandeur de la main, la place ménagée suffisant pour faire apprécier la di- mension, comme dans la figure 88 oü les objets les \ plus grands, volontai- rement représentés les plus petits, conser- vent, malgré cette in- version, leur supério- 88. rité de FI G. grandeur. La dimension des matériaux influe aussi, dans une certaine limite, sur la mesure de l'échelle. Ainsi, sachant que deux édifices sont construits en .briques apparentes, il sera facile de déterminer, par l'observation du nombre des assises, leur rapport de grandeur; de même pour des meubles, des portes ou des lambris dans lesquels le nombre des panneaux accusera, malgré la latitude variée des bois en œuvre, la mesure probable de leurs dimensions ; l'espacement des barreaux et l'épaisseur des fers d'une grille pourraient également renseigner sur son impor- tance par le seul aspect du dessin. LA THÉORIE. La nécessité d'envisager l'échelle suivant ces deux premières conditions s'impose à toutes les compositions de dessins et de maquettes destinées aux objets ayant une fonction pratique. La condition de satisfaire à la vision d'ensemble est moins positive, mais peut se régler encore sur l'obliga- tion de la lecture nette de l'ensemble et des détails; l'échelle décorative doit donc être proportionnelle à l'éloignement oti d'ordinaire on apprécie une composi- tion, c'est-à-dire à la distance minima nécessaire pour l'embrasser d'un seul coup d'œil : distance que nous appellerons distance normale, parce que, se trouvant réglée par l'ouverture de l'angle visuel, tout spectateur la recherche d'instinct L De sorte que, si pour bien voir, il ne faut pas être contraint de se rapprocher ou de se reculer sans cesse pour lire les détails et apprécier l'en- semble, l'amplitude de l'échelle sera non proportion- née à la dimension de l'œuvre, mais à la distance nor- male. L'échelle est donc variable suivant la nature des compositions Ainsi les bijoux, les bonbonnières, les enluminures de manuscrits et d'éventails, exécutés pour être appréciés de très près, ne réclameront qu'une échelle 1. C'est-à-dire qu'en deçà on se voit obligé de tourner plusieurs fois la tête pour percevoir les motifs, tandis qu'au delà certaines parties deviennent indistinctes. Il est inutile de dire que les aber- rations de la vue (presbytie ou myopie) n'apportent aucune exception à la règle, les personnes qui en sont affectées en corri- géant les erreurs par les verres. 2. De là les expressions petite échelle et grande échelle, si fré- quemment employées dans le langage des arts; comme on nomme hors d'échelle les motifs ne semblant pas posséder la mesure commune au reste d'une composition. no LA COMPOSITION DÉCORATIVE. réduite, tandis qu'on l'agrandira dans les panneaux, vases, meubles faits pour être observés de plus loin. Une assiette à dessert, par exemple, n'exigera pas une échelle aussi grande qu'un plat décoratif de même di- mension destiné à être suspendu à la muraille. Enfin, l'échelle grandira proportionnellement dans les tapisse- ries, vitraux, retables, et surtout dans les décors de théâtre et dans l'architecture qui obligent, pour être appréciés, à un recul de plus en plus considérable. C'est pourquoi l'échelle des intérieurs est toujours plus réduite que celle des extérieurs, comme pourquoi dans les monuments élevés l'échelle doit croître de la base au faîte, les détails des parties supérieures ne pou- vaut être perçus qu'à une très grande distance; tels sont, par exemple, les trophées décorant la couverture du dôme des Invalides, Certaines particularités peuvent être observées à propos de cette question; ainsi, dans une composition, la multiplicité des divisions, moulures, lignes de ca- dres et la profusion des détails impliquent très souvent, lorsque l'échelle humaine n'est pas en jeu, une certaine importance dans la dimension, comme on peut en juger dans la figure 89 oii les formes compliquées ou détail- lées présument certainement plus de grandeur que les autres. Il ne faudrait pourtant pas conclure de là que toute composition étendue doive être forcément compli- quée, et les détails s'accumuler à mesure que la forme grandit; celle-ci peut être au contraire conçue avec sobriété; encore faut-il qu'en vue de remplir quand même les surfaces, les détails ne soient pas exprimés hors d'échelle (fig. 90). LA THÉORIE. m Uéchelle doit enfin satisfaire à la condition du milieu décora- cfest-à-dire W /Thh conserver les f J1] ÎF^Cm^^tov^^ relations de [ grandeurexis- m M tant dans la nature et ^ qu'on exige FIG. 89. a1bs1olument dans un tableau et un bas-relief où les figures humaines, 'bt& tfíAHlDOj les animaux, les fleurs et les instruments sont LA COMPOSITION DECORATIVE. tenus d'être représentés avec leurs dimensions rela- tives. Quand une composition ne possède qu'un seul mi- lieu décoratif, comme un panneau non encadré, un vase FIG. 91. dMne seule venue, la bordure d'un champ uni, etc., le maintien de l'unité se fait naturellement; mais si l'en- semble est divisé en compartiments distincts, comme un meuble à montants, frises et volets décorés, un vase à zones multiples, un panneau à bordure, champ et mé- daillon, chacune de ces parties pourra nécessiter une LA THÉORIE. échelle spéciale (fig. 91). Cette variété existera surtout si la composition comporte un mode mixte comme la plupart des tapisseries à larges bordures (fig. 36et2o3). Il en serait de même pour la diversité des matières en œuvre entrant dans la confection d'^un même objet, les parties en broiize permettant une échelle différente de celles en bois et en ivoire. Enfin, les re- présentations en ca- maïeu ou en gri- saille pourront dif- férer d'échelle avec les représentations colorées naturelle- m·è· ment, comme en- core les sujets tron- qnés ; bustes, gai- nés, termes, mufles de lion ou de bé- liers, chimères, mascarons, fleurons, culots peints ou sculptés ne nécessiteront point la même mesure que les personnages entiers et la flore vivante placés dans le même rnilieu décoratif (fig. 92). Pour concilier la diversité des mesures avec la net- teté que réclame la vision, c'est-à-dire pour conserver l'unité d'aspect à l'ensemble, il suffira de simplifier les GÜMP. DÉCOR. 8 la composition décorative. 114 éléments petits d'échelle, tandis qu'on donnera aux motifs grands d'échelle une expression relativement détaillée. C'est-à-dire qu'il faut simplifier le décor à mesure que l'échelle s''amoindrit^. Licences d'échelle. —Ici, comme dans toute règle, il existe des exceptions motivées. Ainsi, une réduction d'échelle importante sera parfois appliquée à certains éléments décoratifs de grandeur considérable par suite l'impossibilité de les faire entrer dans une com- de Sans parler du soleil, de la lune et des position. astres, il en est comme les proues, poupes et mâts de vaisseaux, qu'on n'indique jamais, dans un assemblage d'emblèmes maritimes, qu'à une échelle réduite, par rapport aux ancres, poulies, harpons et cordages qui les accompagnent; de même pour les canons, rarement indiqués à leur échelle dans les trophées militaires, comme on verra d'autre part, sur le champ d'un blason, une tour fortifiée exprimée de la même grandeur qu'une simple merlette. Le symbole excuse facilement cette manière de procéder, à condition que les motifs réduits soient simplifiés en conséquence. La réduction n'est pas d'ailleurs la seule licence permise, Vagrandissemetit pouvant être aussi motivé par des raisons d'un autre genre; ainsi, comme le décor de très petits objets entraînerait souvent à des difficultés d'exécution ou tout au moins à des minuties puériles dire I. Il ne faut veut pas confondre Vexpression détaillée, qui multiplication des détails, avec la minutie qui en est la facture la finie et ultra délicate. Une expression détaillée peut avoir une facture simple. LA THEORIE. IIS de facture, on agrandit alors l'échelle de certains détails pour rendre le sujet plus clair; ce qu'on observe dans nombre de monnaies et de médailles antiques dans lesquelles on voit certains attributs considérable- ment développés par rapport aux personnages (fig. gS). On remarquera d'ailleurs que ces emblèmes sont isolés des figures ; rattachés à elles, leurs dimensions devien- draient inacceptables. Cette licence a même été poussée très loin par les anciens dans leur glyptique, où l'on sait que les têtes des figures sont généralement tenues plus grandes que ne le comporte la proportion réelle, afin de rendre plus distincts les traits du visage. A un autre point de vue, on trouvera encore dans l'antiquité la licence d'une échelle agrandie FI G. 9J. appliquée aux personnages prin- cipaux des compositions décoratives. Ainsi qui n'a remarqué, dans les bas-reliefs gravés sur les pylônes égyptiens, des chasses et des combats dans lesquels un Séti ou un Ramsès dépasse des deux tiers du corps les autres personnages de la scène? N'est-ce pas là la recherche évidente d'une mesure spéciale pour le sujet que l'on veut mettre en vue? Chez les Grecs on verra avec moins d'excès, dans le groupe de Laocoon, le père doué d'une taille exagérée comparée à celle de ses fils, modelés comme des hommes faits, et dans les Niobi- des, la mère dépassant de beaucoup, non seulement le plus grand de ses enfants, mais le précepteur barbu qui les accompagne; relation choisie pour conserver 116 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. à ces deux groupes une silhouette pyramidale répon- dant à une nécessité décorative. L^art antique est d'ailleurs plein de ces libertés; les Amours qui accompagnent les Vénus, le T.élesphore d'Esculape, les dauphins des médailles de Syracuse sont exprimés très réduits, en vue d'avantager la figure prin- cipale. Plus tard enfin, on retrouvera cette préoccupa- tion chez les Byzantins qui donneront à leurs Christs une taille de beaucoup supérieure à celle des anges et des adorants. Ce n'est pas dire qu'il soit nécessaire de renouveler ces hardiesses, il faut faire la part de son temps, et notre à les art, épris de naturalisme, aurait peine accep- le en ter ; on peut néanmoins en conserver principe, accordant toujours au sujet principal une importance relative, ce qu'il est facile d'observer dans un grand nombre de décorations de la Renaissance et des temps modernes^. L'échelle réduite, appliquée aux détails secondaires, est parfois un moyen d'accuser la grandeur d'un sujet ; ainsi, pour faire valoir une figure de grande dimension, mais isolée et manquant par suite de points de compa- raison, l'artiste aura soin de maintenir les ornements de sa coiffure ou les motifs de la bordure de son man- teau suivant une échelle réduite, contraste qui aura pour effet de rendre l'œuvre d'une grandeur encore I. On peut juger de la justesse de ce principe en comparant les deux panneaux de Limosin, dits émaux de la Sainte-Chapelle, au actuellement placés dans les vitrines de la galerie d'Apollon Louvre l'un, la Résurrection, étant d'un effet bien : supérieur à l'autre, le Calvaire, grâce à l'importance de la figure centrale du Christ triomphant. LA THÉORIE. 117 plus saisissante. C'est ainsi que Phidias a procédé quand, dans sa Minerve colossale, il n'a pas craint de représenter sur l'épaisseur de la semelle des sandales, non les joints d'une simple superposition de cuirs, mais toute une frise représentant la lutte des Gen- taures et des Lapithes^. Il ressort de tout ceci que l'on ne peut agrandir ou réduire considérablement un sujet décoratif, quel qu'il soit, sans lui enlever une partie de son caractère; encore faut-il au moins apporter à chaque changement d'échelle une modification de détails que motive l'agrandisse- ment ou la réduction. C'est ce qui explique, pour les statues et objets d'art, l'effet douteux des réductions par des procédés mécaniques, certains détails devenant illisibles; un agrandissement aurait un résultat inverse ; en étendant les détails trop sommaires, il ne produi- rait plus qu'une composition vide et nue. Mais nous avons hâte d'arriver à un exemple précis de l'application de l'unité d'échelle aux diverses parties d'une composition. Supposons qu'on ait à décorer d'une manière quel- conque, en peinture ou en sculpture, en faïence, en mar- queterie ou en mosaïque, le lambris d'une grande salle, composé d'une série de panneaux de même hauteur, mais ayant tous une largeur différente (fig. 94). L'harmonie générale de la pièce exigeant une unité d'échelle dans le décor de tous ces panneaux, nous allons rechercher méthodiquement le moyen d'y donner satisfaction. I. L'Apollon d'Amyclée, le Jupiter Olympien et autres figures colossales des Grecs ont comporté également dans leurs accès- soires, couronnes, trônes, sceptres et escabeaux, des détails d'échelle réduite par rapport à l'entourage. i8 LA COMPOSITIO N DECORATIVE. En premier lieu, nous choisirons un panneau qui, par ses proportions modérées, se trouve à même de présenter un cadre favorable à un ar- rangement décoratif des- tiné à servir de type : soit Wle palnlnllelaluilln"llli2llldlleijíllaíllllillliilllilll m série, dont la forme rectangulaire est une moyenne entre les au- tres. Nous composerons ensuite un motiIf Mde dé- ¿ cor, composé d'un galiolni'illliill ó entrelacé formant deux ^ demi-cercles et deux bou- des, d'une fleur de lis ornemanisée au centre, d'un lacet à crossettes au pourtour, etc. Il s'agit maintenant d'adapter ce a!motif aux autres pan- neaux de manière à con- server le caractère à l'en- semble et surtout l'unité d'échelle. gi Si nous essayons l'ar- —~r rangement du panneau II ni°·i,inioaus vioiyioinsiKque ílen motif-type ne peut se lo- M ■Jiiiiiii.il 1111= ' r a) f ^ : .2^ : ) il: ==^ill 1 itlIliilIlflillIlilllliilJililil g ■lifiiiiiiiiiiiiiii llp LA THÉORIE. IIP ger convenablement dans Pespace qui lui est dévolu, sans risquer de toucher les bords du cadre, c'est-à-dire de paraître étriqué et d'interrompre le fond sur les côtés. En réduisant le motif de grandeur, on résoudrait certaine- ment le problème; mais comme l'échelle serait immédia- tement changée, il faut y renoncer. Que faire alors? Pro- céder suppression et ne pas craindre de retrancher par au motif-type les deux demi-cercles, pour l'insérer à l'aise dans le cadre, en ayant soin toutefois d'en con- server les détails caractéristiques, comme le galon de même largeur, la même ouverture de boucles, la même fleur de lis,"etc. Passons au panneau n° Cette fois le motif-type se trouve trop à l'aise et les vides désagréables des côtés du cadre ne peuvent être suffisamment remplis par le fond. Aussi n'hésiterons-nous pas, non à grandir le motif, ce qui changerait l'échelle, mais à le doubler en conservant les mêmes détails et en ajoutant un bouton central. Vient ensuite le panneau n° 3, d'une largeur beaucoup plus importante; ici, le motif précédent, bien que déjà développé, est insuffisant à garnir la surface; on essayera donc un arrangement spécial reliant les deux motifs et conservant le caractère d'ensemble, en ajoutant sur l'axe quelques détails intéressants, cartel, couronne, bande- role, etc. Mais un dernier arrangement reste encore à cher- cher, c'est celui du petit panneau n° 5, dont la largeur exiguë semble se prêter difficilement à l'unité requise. En effet, on essayerait vainement d'y introduire le motif-type, même réduit à la simple expression du 120 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. panneau n® i. Qu'indiquer alors dans un champ aussi restreint? Rien serait déjà une solution convenable, la nudité étant souvent une excellente excuse en fait d'art; cependant en essayant d'y loger quelques-uns des élé- ments typiques, comme la fleur de lis, par exemple, et une partie du lacet, on parviendra à conserver au décor de ce panneau minuscule un reflet du reste de la composition. La méthode à suivre pour le maintien de l'échelle consiste donc à simplifier ou à multiplier les motifs, et non pas à les réduire ou à les agrandir. ( moKf-type ) FIG. 95. Le décor uniquement composé de motifs abstraits se prête, il est vrai, plus facilement aux transforma- tions que les éléments de la flore, de la faune et sur- tout que la figure humaine, qui nécessite certains ménagements pour ne pas devenir ridicule. Nous prendrons donc, cette fois, quatre panneaux de largeur différente, comportant dans leur décor des masques, des guirlandes, des feuillages, des consoles, lauriers et mascarons coiffés d'aigrettes (flg. g5). On choisira encore un panneau possédant une proportion moyenne et, une fois le motif-type adopté, il sera facile de retrouver dans les panneaux, à l'aide de la méthode LA THÉORIE. 121 précédemment décxdte, les mêmes éléments décoratifs simplifiés ou multipliés, sans aucune réduction ni agran- dissement. Ainsi les masques conserveront la même ampleur de traits; les consoles, des volutes et ressauts semblables, l'aigrette la même dimension de palmes ; quant aux feuilles de laurier, elles resteront de surface analogue et seront seulement nombreuses ou clairse- mées. Il est évident que rien n'oblige à traiter le même décor dans une suite de panneaux contigus et d'égale largeur, car c'est souvent à cause de l'égalité de la forme que la variété des détails sera requise; mais pour que l'unité d'échelle ne soit pas violée, il faut avoir soin de retrouver dans les détails, dont le rôle est le même, des analogies de dimensions et de saillie, demé- FI G. 96. 122 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. nager des espacements analogues sur le fond, et enfin de disposer les motifs principaux à des emplacements identiques (fig. 96). En ce qui concerne particulièrement la figure humaine, il faut se garder, si son introduction dans un décor est obligatoire, de la réduire maladroitement, quand même remplacement à remplir serait trop res- treint ; il est alors préférable de la tronquer en buste ou en camée; si pourtant l'on voulait la conserver en motif donné pied, on modifierait l'âge en remplaçant Yadiilte par l'adolescent, ou au besoin par l'enfant, dont les formes, dans une hauteur semblable, accusent un agrandisse- ment d'échelle. On pourrait, pour la même raison, remplacer un oiseau par un papillon et même par un moucheron, pour contenter l'échelle décorative dans une composition fleurie. Comme conséquence de l'unité de l'échelle, on devra se garder, dans deux bordures de largeur diffé- rente appartenant à la même composition, de répéter exactement un décor semblable, mais modifier, par des FIG. 97. 124 la composition décorative. Les Grecs et les Italiotes nous donnent un exemple excellent du maintien de Téchelle dans Pornementa- tion de leurs vases : ainsi, ayant pris le parti d^orner le col de rinceaux fleuris très délicats et désirant pro- céder de même pour la panse, ils ont préféré conserver à leurs rinceaux leur finesse, quitte à les multiplier, plutôt'que de les épaissir maladroitement pour mieux garnir les surfaces (fig. 98). Il faut enfin prévoir le cas où Pornement se trou- verait placé dans un milieu subissant une augmenta- tion ou une diminution régulières, comme une gaine, un écoinçon triangulaire ou circulaire, un fuseau de forme conique ou ovoïde, etc.; ici l'on pourra, tout en réduisant les détails à mesure, leur conserver les mêmes éléments, en ayant soin toutefois de ne pas pousser à l'extrême cette réduction qui doit avoir une limite, mais de simplifier à mesure Pornement dès qu'il devient confus, ou bien encore de le transformer, plutôt que de perdre l'unité de l'échelle (fig. 99). Cette importante question est une des plus mécon- nues, et si le hors d'échelle est fréquent dans Parchitec- ture, il existe dans les industries d'art à l'état chronique et permanent. Ainsi l'on voit journellement des fiam- beaux dont l'échelle différera de l'horloge ou des coupes d'une même garniture; des chaises possédant des moulures d'échelle autre que celle des fauteuils de la même, pièce et la table en comportant parfois une autre encore; d'autre part, les pièces d'un même ser- vice varieront d'échelle, de la théière au sucrier et du sucrier à la tasse, et ainsi de suite ; quand il serait si facile, avec un peu d'attention, d'éviter ces défauts cho- LA THÉORIE. quants. En principe donc, chacune des pièces dMne même composition doit posséder la même échelle; une aiguière et son plateau, une tasse et sa soucoupe récla- meront l'unité aussi bien que le fauteuil, la chaise, le tabouret, la table et le buffet d'un même amen- blement; et les divers bi- joux d'une parure, col- lier, pendants, broche et bracelet, devront possé- der des détails de forme identique, que l'on ac- compagnera, s'il est nécessaire, de nouveaux motifs, mais sans chan- ger leurs dimensions. On agirait encore ainsi pour la reliure de volumes de formats divers, par exemple, le texte et l'atlas d'un même ouvrage. En procédant de cette sorte, il devient dès lors aisé d'obtenir cette harmonie d'ensemble indispensable à toute composition décorative. g VII. — DK LA VARIÉTÉ ET DE LA SIMILITUDE DES DÉTAILS Si l'on pouvait prendre successivement tous les dé- tails d'une composition, on retrouverait pour chacun d'eux un rappel des principes dé) à signalés aux chapitres de la proportion, du profil et du contour, les détails i2(í LA COMPOSITION DÉCORATIVE. ayant aussi leur forme particulière et par suite étant sujets aux mêmes lois; nous nous bornerons simple- ment à envisager les rapports respectifs des détails et tout d'abord de savoir dans quelle mesure on doit les varier ou les répéter dans une même composition. Ainsi, quand on répète un ornement à des distances semblables, il se produit des intervalles vides ou garnis qui doivent, autant que possible, différer de grandeur avec les détails, aucune raison ne motivant une éga- lité. Conséquemment, les cannelures, godrons, doivent être franchement différents de leurs intervalles ; les denticules antiques rapprochés et les modillons ro- mains espacés à de grandes distances sont de meilleur aspect que les denticules et modillons byzantins dans lesquels l'espacement égale généralement la largeur des motifs (fig. loo). Ce principe s'applique aux bandes ornées par rapport aux bandes unies qui les alternent (fig. 100 bis] h Il ressort de ceci qu'aucune similitude, ni même analogie d'aspect ne doit exister entre des détails de nature différente, l'artiste étant tenu de caractériser les motifs qu'il a choisis afin d'éviter, à distance, toute équivoque (fig. loi). On se gardera aussi de superposer à un contour un autre contour analogue, à moins que la forme n'en- cadre parallèlement la première et ne lui soit, pour ainsi dire, concentrique. Dans un panneau à un axe vertical, la répétition d'un même motif doit être également évitée dans le sens non exigé par la symétrie, c'est-à- I. De là l'insignifiance et la monotonie des dessins d'étoft'es à rayures égales, à damiers de carreaux semblables, etc. LA THÉORIE. 127 dire haut et bas; tandis qu^un panneau à deux axes la comportera naturellement (fig. 102). Par une raison du même genre, un décor symétri- que haut et bas, appliqué sur une forme tournée, ne bon mauvais ¡lliiiiiíOiiíiíl'fiiii FI G. 100 bis. pourrait trouver sa place que si cette forme était elle- même symétrique, c'est-à-dire offrait la même surface de fond aux motifs semblables (voir au chapitre de la Forme seule, fig. 8). En principe, d'ailleurs, il faut s'abstenir, dans une même composition, de placer un semblable détail sur deux surfaces différentes de forme et de modelé; comme 128 LA COMPOSITION DECORATIVE. sur le creux et le marli d^un plat, le col et la panse d'un vase, le cadre et le manche dMn miroir, le pied eferta nle etc. tandis cette répétition se atureldlemoesntsie d'un surrles parties fauteuil, (fig. io3) ; que semblables de la surface, comme tout autour du marli d'un plat, du col, du pied ou de la panse d'un vase, ou encore sur certaines formes symétriques dans le sens FIG. lOI. vertical (fig. 104). bon mauvais bon FIG. I02. LA THEORIE. 129 Si pourtant la composition présentait des pièces isolées, comme une aiguière et son plat, ou les frac- tions d'un même service et d'un même ameublement. FIG. iOj. on pourrait alors disposer sur chacune d'elles un ou plusieurs motifs communs, afin d'unifier l'ensemble : la répétition, en ce cas, ne contredirait en rien le prin- cipe. Les analogies et les fausses ressemblances ont d'ail- leurs ce désavantage de révéler un manque d'imagina- tion et de rendre une composition monotone; ainsi serait un panneau décoratif encadré oü l'on trouverait à- la fois, dans le champ et sur le cadre, des répétitions d'enroulements, de rinceaux ou postes, différents peut- COMP. DÉCOR. 9 IJO LA COMPOSITION DÉCORATIVE. être par le détail, mais d'impression trop semblable (fig. io5)K Ce grave défaut des analogies mal comprises est, il faut le dire, très fréquent, et Ton a pu voir souvent des superpositions d'ordres semblables, de cariatides ou de chimères d'attitude presque identique, aussi bien dans des façades monumentales que sur des buffets à deux corps de l'époque de la Renaissance. Le besoin de la variété du contour se fait encore FIG* sentir jusque dans les différentes parties d'un même lorsque celui-ci ne réclame pas, par sa nature détail, même, une continuité de largeur; ainsi des guirlandes, des rubans flottants, des rinceaux, composés d'éléments végétaux ou tissés, essentiellement variés de silhouette, demanderont des compressions et des renflements suc- cessifs. Telle est (fig. io6) la raison de la lourdeur des On pourrait, à mentionner l'abus des terminaisons I. ce propos, les consoles, chapiteaux, cuirs, rinceaux, etc. La volutées dans volute ou spirale est un élément décoratif à la fois élégant et facile, mais qui, pour rester intéressant, doit être d'un emploi modéré. LA THEORIE. 131 motifs B par rapport aux motifs A, bien que la moyenne des largeurs ne soit pas augmente'e. Le relief lui-meme participe à ces lois de la variété ou de la similitude. Dans les détails de nature diverse, le relief, vrai, comme en sculpture, ou figuré en peinture, doit suivre les inflexions des contours et c'est par des saillies disposées avec ordre et appelant l'attention en certains points, soit sur les axes, soit aux angles, qu'une composition acquerra ce que l'on ap- pelle une expression colorée; qualité que l'on retrouve dans les motifs A de la meme flgure io6. L'art de la Renaissance a développé ce principe avec une grande évidence dans ses sculptures ornementales comme dans ses peintures modelées, oti l'on voit des rinceaux, rubans, guirlandes, chutes de feuillages et de fruits, figures, palmettes, écussons, dont les plans s'en- LA COMPOS IT ION DECORATIVE. foncent doucement sur le fond, pour ressortir et sur- gir par un relief vigou- reux, puis s'aplanir de non- veau et reparaître plus loin, dans une série d'ondula- tions du plus brillant effet (fig. 107). C'est ce qui explique le manque d'expression de beau- coup de bas-reliefs et terres cuitesdela décadence romaine, de l'art byzantin et roman, dans lesquels les rinceaux, fleurs, animaux et figures, souvent d'un excellent carac- tère, sont ordinairement mo- delées suivant un relief trop égal (voir fig. 5o) ^ Si nous appliquons ce prin- cipe à une simple feuille vé- gétale, nous remarquerons qu'elle est autrement inté- ressante quand ses lobes, re- levés et gaufrés, viennent se fondre en nervures s'en- I. On peut en juger par la plu- part des pièces de la collection Cam- pana, au Louvre, si intéressantes au point de vue de l'arrangement, mais où manque l'appoint de quelques FIG. 107. saillies bien placées. LA THÉORIE. 133 fonçant dans les masses et que les dentelures et les boucles offrent des reliefs variés, que lorsqu'elle est rendue méplate et comme découpée à la scie. L'acanthe grecque, romaine et de la Renaissance, ainsi que les feuilles de figuier, d'ache, de rumex ou de chélidoine du moyen âge montrent, à ce point de vue, une variété d'aspect que l'on ne retrouve pas dans la flore byzantine et gallo-romaine. Les tiges et branches des rinceaux peuvent à leur tour offrir, comme la nature l'indique souvent d'ailleurs, la plus grande variété de sections : planes, cylindriques, triangulaires, quadrangulaires, et de plus cannelées, rainées, godronnées en longueur ou en torsade, etc. Il en sera de même de la diver- sité d'attitude choisie pour une même fleur, suivant qu'on la présente soit aplatie ou détachée du fond, soit inclinée ou relevée sur un bord, au lieu de cette répétition monotone de fleurs symétriques constam- ment vues de face ou de profil. Les rinceaux grecs offrent encore les plus excellents modèles de tiges -à sections variées et de fleurons différemment présentés (fig. 108). 134- LA COMPOSITION DÉCORATIVE, Les sculpteurs habiles connaissent d'ailleurs bien la valeur du principe qui consiste à savoir opposer des parties calmes à des parties fouillées (fig. 109), le calme FÍG. 109. exclusif engendrant forcément la froideur, autant que le relief ou le creux, répartis également, conduisent à la confusion et au manque d'effeth I. L'art japonais a su tirer parti, dans ses bronzes et ses incrustations, du contraste d'un détail poli et de ciselure soignée se détachant sur un îonà fruste et inégal. LA THEORIE. Cependant il existe des exceptions pour les galons, feuilles plates, entrelacs, découpures métalliques, etc., pour lesquels l'égalité de contour réclame l'égalité de relief. Leur emploi, habilement associé à des motifs FIG. m. saillants et modelés, est du meilleur effet (fig. iio). D'autre part, la recherche d'une impression de calme et de durée, ainsi que la difficulté du travail dans une matière dure^, motiveront chez certains peuples, tels I. Voir deuxième partie, g I : du granit taillé. 136 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. que les Egyptiens, remploi de reliefs extrêmement mé- plats, et même renfoncés jusqu'au nu avoisinant (fig. 111). Nous retrouverons plus tard, à un autre point de vue, les bas-reliefs des tympans ou des panneaux de remplissage, exécutés par Jean Goujon ou son école, souvent traités avec une saillie extrêmement réduite, FIG. 112. pour mieux faire valoir la structure architecturale. Il existe encore une manière subtile d'interpréter les reliefs décoratifs et qu'un peuple raffiné, comme les Byzantins, était seul capable de trouver; ainsi, pour parvenir à donner à une sculpture ornementale très méplate une certaine variété d'aspect, ils ont sou- vent fait intervenir un dessous renflé, suivant une sorte de boursouflure qui, accrochant la lumière LA THÉORIE. 137 force ainsi l'attention sur certains points choisis (fig. 112). L'art arabe et celui de la Renaissance ont repris cette donnée au service de l'armurerie et de l'orfèvrerie où l'on retrouve des renflements ornés et des mamelons re- levés en bosse d'un modelé bien approprié au travail du martelage (fig. 161). On en trouve encore l'applica- tion dans les anciens bronzes chinois et dans les cuivres repoussés de l'art indo-persan. FIG. 113. 138 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. . Plusieurs moyens, d'ailleurs, peuvent être mis en jeu pour varier une riche décoration sculptée; soit en relevant un fond très méplat par des détails de fort relief, ou, au contraire, en ménageant, sur un fond mouvementé, des détails unis que leur simplicité fera nécessairement ressortir (fig. 113). Ce jeu brillant du contraste se retrouve à tout Iiist tant dans les arts décoratifs, et tel bouclier en métal à champ simple et nu, mais garni d'un ombilic saillant et de quelques rares reliefs savamment disposés sur la bordure, produira souvent plus d'effet que ceux dont la surface est couverte de bas-reliefs, combats, figures allégoriques, rinceaux, mascarons et trophées traités avec une égale saillie, et dont la richesse et l'abon- dance ne sauvent pas la monotonie. Défaut facile à constater dans les pièces d'orfèvrerie de Benvenuto Cellini et de son école. On peut citer, comme exemples d'une belle répar- tition des reliefs, les frises d'encadrement des portes de Ghiberti, au Baptistère de Florence, celles de San- sovino au Baptistère de Saint-Marc ; leur compa- raison avec les portes lombardes, non au point de vue du goût des détails pris isolément, mais à celui de l'effet d'ensemble, sera tout à l'avantage des pre- mières. Parmi les œuvres exquises, de la Renaissance française, on peut mentionner aussi les admirables portes, dites de Jean Goujon à Saint-Maclou de Rouen, si malheureusement mutilées lors de la Révolution. Enfin tout ce qui vient d'être dit à propos du con- traste du relief et du modelé dans les détails peut s'ap- pliquer absolument à celui des teintes et des valeurs. 140 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. si on oppose des détails monochromes et d'à plat à d'autres multicolores ombrés et modelés (fig. ii5). Ces moyens d'expression découlent tous de la même source ; la variété, c'est à elle qu'ont eu recours tous les peuples quand ils ont voulu apporter de l'éclat et de la vie à leurs compositions décoratives. Mais, si le principe de l'opposition des nus et des reliefs est excellent à connaître, son emploi est, en somme, banal et, pour ainsi dire, à la portée de tout le monde; la difficulté est plus sérieuse quand il s'agit de décorer avec richesse une surface de grande étendue. Les Arabes et les Maures d'Espagne sont restés, à cet égard, les maîtres du genre et, dans le décor de leurs murailles garnies de stucs colorés, ils ont su, grâce au goût inséparable chez eux de l'imagination la plus féconde, éviter le désordre aussi bien que la mo- notonie. Leur procédé ordinaire consiste à superposer, sur un jeu de rinceaux compliqués et de relief très méplat, un galonnage plus saillant, à méandres variés; puis ils font courir sur le tout un entrelac uni, large et voyant, dont l'effet simplifie l'ensemble et règle la composÁi- ra ío- petsctn^ TP.av^f^sr^. y tion; enfin, par quelques boutons, pommes de gre- FIG. I 15. LA THÉORIE. '41 nade, fleurons ou écus disposés avec ordre en des points choisis, ils complètent un décor à la fois d^une richesse merveilleuse et d'une clarté saisissante (fig. 114). FIG. 116 Beaucoup de compositions multiflores indo-persanes présentent des applications intéressantes de ce même LA COMPOSITION DÉCORATIVE. 1^2 principe; nombre de reliures de la Renaissance com- portent aussi des mélanges de galonnages et d^arabes- ques à la fois compliqués et facilement lisibles. Par contre, on verra Part indien, le gothique flam- boyant, la Renaissance flamande et espagnole ^ appor- ter trop souvent dans leur ornementation une exubé- ranee exagérée de détails et ne pas toujours arriver au résultat qui semblerait devoir être le prix de tant d'ef- forts pour plaire. La répartition des moulures unies et ornées participe à ces mêmes lois des contrastes En principe, dans Parchitecture comme dans le mobilier, on évitera de faire suivre immédiatement deux moulures décorées, mais en ayant soin dflntercaler entre elles des parties lisses dont la sobriété aidera à la lecture à distance ; ces parties lisses ne comprennent pas seulement des filets, listels ou tarabiscots, dont la largeur restreinte se prêterait d^ailleurs mal àPornementation, mais aussi des champs et des moulures d'un certain développement. Si néanmoins une riche composition exigeait que des moulures contigües fussent ornées, il faudrait alors en varier visiblement les reliefs. Ce contraste peut s'obser- ver dans certains groupes de moulures de l'époque byzantine traitées tour à tour gravées, méplates et vigou- reuses (fig. ii6). Dans les styles modernes nous trouverons, notam- 1. Ce style espagnol du xvi® siècle, appelé aussi plateresque (de plateros, orfèvre), donne bien l'idée de la fièvre de luxe qui envahit l'Espagne et le Portugal, à la suite de la découverte des mines d'or du Brésil. 2. Voir chapitre I, § II, et chapitre III, g III, ce qui a déjà été dit au sujet des moulures. LA THÉORIE. ment sous Louis XVI,une répartition très bien calculée des moulures ornées ; aussi Pimpression résultante est- elle claire et distincte, nul effort n'étant nécessaire pour apprécier les corniches et les cadres les plus com- pliqués h g VIII. — DE LA CONTIGUÏTÉ DES MOTIFS Avant d'étudier les rapports de contiguïté entre les divers motifs du décor, il est essentiel de préciser les trois expressions figurées de l'ornement (fig. 117). ^ oocx L'ornement est dit linéaire, quand il est rendu par de simples traits sans épaisseur (A) ; mep/íií, s'il est indi- qué par deux traits espacés limitant une surface plane (B), et enfin modelé, quand il possède des reliefs variés en tout sens, vrais ou figurés (G). Un même détail peut d'ailleurs passer par ces trois expressions à la fois. I. Les Romains des derniers temps de l'empire ne semblent pas avoir tenu compte, dans leurs moulures, de cette alternance si bien comprise par leurs prédécesseurs, et surtout par les Grecs FIG. 117. 1^4. la composition décorative. Le souvenir d'arrangements entrevus dans la nature ou dans la vie réelle est d'une influence très directe dans cette question, un ornement n'étant jamais com- plètement. abstrait, mais rappelant presque toujours à l'esprit une matière dont les propriétés physiques' sem- blent concorder avec son apparence. Ainsi un détail linéaire reportera inconsciemment le souvenir vers un fil, un lacet de soutache, ou encore une barre ou tringle métallique tordue et assouplie; d'autre part, un détail méplat rappellera plutôt un ruban plat, un galon d'é- toffe, une lanière de cuir, ou encore une plaque de car- ton, de bois ou de métal découpés; tandis que par ses expressions multiples l'ornement modelé reportera la pensée vers une infinité d'objets de matières diver- ses. A l'aide de cette influence du souvenir, il sera cer- tainement plus facile de régler les rapports entre les divers motifs en jeu, que de laisser à la fantaisie seule le soin de procéder à leurs multiples arrangements. Ces rapports sont de trois genres ; 1° Le rapprochement avec une liaison intermé- diaire ; 2° La tangence avec ou sans entrelacement; 3° Le croisement direct. Rapprochement. — Le rapprochement s'effectue, pour les détails linéaires et méplats, par analogie avec les élé- ments qu'ils rappellent, c'est-à-dire par des liaisons se raccordant suivant la normale on la tangente. Le sens normal simulera les assemblages ordinairement choisis dans la ferronnerie, dans les découpures de bois ou de métal, tandis que le sens tangent exprimera mieux le LA THÉORIE. 145 jeu des soutaches et des galonnages (fig. ir8). Aussi les attaches biaises, gauches et indécises sont-elles défec- tueuses, le souvenir ne retrouvant dans leur emploi aucun écho de la réalité. Tangence. — La question devient plus délicate avec la tangence; pour les détails linéaires, le raccord s^effectuera avec facilité, grâce à l'aspect d^entrelacement qui résulte du peu d'épaisseur de l'ornement; cepen- dant, comme la liaison paraîtrait faible et introduit maigre, on parfois une petite bride de renfort ou un remplissage d'angle rappellant ceux qui sont journelle- ment en usage dans la jonction des fers forgés (fig. Par 119). contre, la tangence réussit généralement assez CQMP. DÉCOR, JO FIG. 119. 1^6 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. mal avec les de'tails méplats et modelés, Tabsence d'at- tache rendant pour ainsi dire le glissement inévitable, comme cela d'ailleurs existerait dans des plaques décou- pées ou dans des formes solides qui ne se toucheraient qu'en un point. Il est donc presque indispensable, si on n'entrelace ni ne fond ensemble les détails, de les rattacher ou d'en voiler la jonction par des liens iso- lés tels que ces embrasses, feuilles, culots, cuirs, FIG. 120. agrafes, boutons et clous si fréquemment associés au décor depuis le xvi® siècle (même fig. 119). La transformation de la tangence en entrelacement est, d'ailleurs, excellente dans la contiguïté des détails méplats de même nature, à cause du procédé spécial observé dans les galonnages d'étoffes. On trouvera dans la figure 120 une comparaison de divers arrangements d'une bordure composée d'un galon varié approchant un cadre. On aura le choix entre les jonctions A, B ou G, mais non D, le contact en un seul point étant ici défectueux. Une conséquence immédiate du défaut de la tan- gence mal comprise se retrouve dans la butée mala- LA THEORIE. 147 droite d'ornements venant toucher le cadre ou la bor- dure en un-point; coïncidence fâcheuse dénotant la gêne et le manque de place. Mieux vaudrait, dans le cas oh l'on ne pourrait maintenir les motifs à distance, les faire passer franchement par-dessus la bordure ou les perdre en dessous. Pourtant, si la nature des motifs méplats ne rap- pelait à l'esprit ni le ruban, ni la plaque découpée, mais semblait exprimer plutôt un assemblage ajusté et FiG. 121. fixé en plein sur un fond, comme dans la mosaï([ue, la marqueterie ou le dallage, la tangence pourrait écre acceptée sans réserve, puis- 0*10156 m en fs' neis e/L claies ^ td.- erryoâtés e.t connus qu'on n'aurait plus à redouter l'apparence du glisse- ment ou de la rupture (fig. 121). Croisement. — Enfin, lorsqu'on a jugé opportun de 148 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. faire passer l'un sur l'autre deux motifs, il faut avoir soin d'en disposer les croisements aussi normalement que possible, c'est-à-dire suivant une direction appro- chant de l'angle droit; de cette manière, les intersec- tions sont nettes et bien précisées; les rencontres aiguës, les fausses tangences empâtent les angles et rendent les prolongements incertains (fig. 122). C'est surtout quand les croisements sont multiples et compliqués, qu'il faut avoir soin d'espacer convena- blement les intersections, de manière à permettre à l'œil de suivre sans effort le jeu des méandres; obliga- tion très bien comprise parles Orientaux dans les nattés et entrelacs décorant leurs bronzes, stucs, faïences et verreries émaillées, qui restent, malgré leur complica- tion, d'une clarté parfaite (fig. 114 et i23), tandis que FiG. laj. LA THÉORIE. l'on verra les entrelacs celtiques et saxons, plus bar- bares, offrir une certaine confusion dans Ja plupart de leurs croisements. La Renaissance a donne' d'excellents modèles d'entrelacs variés et de lecture facile, dans ses nielles et plaques de reliure (fig. 167 et 261). En principe, il est de toute nécessité, dans les entre- lacements, de faire recouvrir alternativement les lacs de manière à les nouer, comme on procéderait, en réalité, dans la confection des nattes et tresses de passemente- rie ou dans les épissures de cordages. Tout ce qui vient d'être dit pourrait s'appliquer à des ornements moins précis, tels que les damassés de rin- ceaux, les verdures à branchages, les jeux d'arabesques filiformes, enfin à tous les éléments déliés où se re- trouve le cas d'une rencontre, d'une superposition ou d'un entre-croisement. On peut l'étendre enfin aux détails modelés, quels qu'ils soient, rubans plissés, dra- ISO LA COMPOSITION DÉCORATIVE. peries volantes, palmes, guirlandes, cartels découpés, armures et instruments, et même aux animaux et aux figures humaines, du moment qufils se rapprochent, se touchent, se groupent ou se confondent d^une manière quelconque dans une composition décorative (fig 124). I IX. — DE LA VRAISEJIBLANCE DU DECOR La vraisemblance dont nous parlons ici n'est que la part de vérité nécessaire à la satisfaction du bon sens, la fantaisie la plus audacieuse ayant besoin, pour être comprise, de se rattacher, au moins en quelques points, à la réalité. Ainsi l'on admettra aisément qu'une figure volante de Pompéi ou d'Herculanum se maintienne sans ailes dans l'espace, la supposition d'un pouvoir surna- turel étant rendue vraisemblable par son attitude enle- vée; tandis qu'on comprendra moins l'isolement de certaines figures byzantines suspendues, parce qu'elles comportent une attitude de repos absolument en désac- cord avec leur situation, beaucoup de ces personnages étant représentés hanchés et portant sur une jambe, comme s'ils s'appuyaient sur le sol. Ne posséderait-on que l'indication d'une ligne de terre, comme dans les peintures antiques, ou un, petit rectangle de dallage figuré dans d'autres représentations du Bas-Empire, que cette concession serait suffisante pour satisfaire la vraisemblance (fig. izS). Voici maintenant un plat décoratif dont le sens vertí- cal est marqué par le sujet du centre ; tout autour sont dis- posés des enfants portant des guirlandes rattachées à des LA THÉORIE. 151 cartels (fig. 126). Si ces motifs de décor sont traités con- ventionnellement, en grisaille ou en camaïeu, personne ne songera à la situation anormale des enfants placés la tête en bas, non plus qu'à la courbure des guirlandes remontant à l'inverse des lois de la pesanteur ; mais si l'on prête à ces enfants et à ces guirlandes un modelé excessif et une couleur réelle, semblant les doter d'une sorte de vie, le décor deviendra aussitôt invraisemblable. Prenons encore un sujet décoratif fréquemment em- ployé à la Renaissance et dans les temps modernes, et dont l'arrangement banal est excellent pour la démons- tration (fig. 127), soit un de ces panneaux conçus dans le deuxième mode, comportant une figure centrale repo- sant sur un cul-de-lampe, maintenu par deux consoles 152 LA COMPOSITION DECORATIVE. . feuillées, sur lesquelles viennent reposer des colon- nettes servant de support à un baldaquin de couronne- ment. Il est certain que personne ne recherchera de quelle matière est composé cet échafaudage et quelle sera la mesure de sa solidité; néanmoins on sentira fort bien, malgré la fantaisie du sujet, que l'invraisemblance pourrait s'y in- troduire sous beaucoup d'as- pects, si l'on n'avait soin de retrouver dans la proportion des motifs un souvenir afîai- bli des exigen- ces de la réa- lité Le cul- de-lampe, par exemple, est-il très étroit {a], aussitôt la fi- gure paraîtra gênée et contrainte dans son allure; est-il très large (¿»), le personnage trop à l'aise n'aura plus sa place marquée. Les consoles, dessinées très menues (c'|, par rapport à des colonnettes trop grosses, sembleront ployer sous le poids qu'elles supportent; inverse- ment (d), elles paraîtront lourdes et d'une solidité exa- gérée par rapport à l'objet supporté. Si la retombée des I. Nous avons déjà parlé, au chapitre I®'' (g III, de la Stabilité) de la fantaisie permise aux représentations décoratives. LA THEORIE. 153 colonnettes est normale à la courbe des volutes, en même temps que prolongée d^une petite chute de rappel à la partie inférieure, comme dans ladite figure, Tappui sera excellent; placée sur la pente, elle paraîtrait glisser FIG. 127. et Téquilibre serait menacé, enfin une constante relation devrait encore exister entre les colonnettes et le balda- quin, celui-ci ne devant être ni trop lourd (e), ni trop mesquin (/"), par rapport à la figure, toutes précautions nécessaires, pour arriver à contenter entièrement la vrai- semblance. Mais, demandera-t-on, quelle est la mesure à garder, 154 LA COMPOSITION DECORATIVE. quelle épaisseur doit-on donner aux détails? On corn- prendra qu^il n'y a ni mesure ni épaisseur à préciser, puisqu'il n'y a pas de matière en œuvre. Ce que nous voulons, c'est avertir l'artiste de la part faite à l'appré- ciation, dont la mesure, si elle ne peut être calculée, est en somme fournie par la raison. N'est-ce pas, d'ailleurs, Michel-Ange qui a parlé du compas dans l'œil? Lui ou un autre, peu importe; tou- jours est-il que l'artiste n'obtient la possession de cet instrument immatériel que par la raison, appuyée sur la comparaison incessante des belles œuvres. X. — DU FOND DÉCORATIF Il est une partie du décor qui mérite d'autant plus d'être étudiée que l'on y apporte généralement peu d'attention; nous voulons parler áufond, surface sur laquelle sont juxtaposés les motifs d'ornement dans les décorations des deuxième et troisième modes. On appelle même souvent les parties du fond les vides, et les ornements les pleins; ce qui caractérise bien la signification habituelle de l'ornement considéré comme étant seul digne d'intérêt. Parmi les différents rapports du fond avec l'orne- ment juxtaposé, il faut envisager d'abord Vintensité des valeurs, puis Vétendue relative. On comprendra aisé- ment que, si l'on doit traiter une décoration dans laquelle les tons et les teintes ^ entrent en jeu, il ne doit I. On sait que le ton est la valeur d'intensité de lumière variant du noir au blanc; la teinte est la coloration, quelle qu'elle soit. LA THEORIE. pas être indifférent de savoir, au moment de la concep- tion, quel sera le rapport des valeurs entre le fond et l'ornement; si, par exemple, celui-ci se détachera en sombre et en vigueur sur un fond clair, ou vice versa; l'interversion des tonalités ne pouvant avoir lieu sans modifier profondément le dessin même de la composi- tion, surtout quand celui-ci comprend des éléments déliés. D'ailleurs, chacun sait qu'à largeur égale, un détail blanc sur fond noir paraîtra plus large que noir sur fond blanc; cette illusion d'optique avertit qu'une ornementation conçue suivant l'une de ces manières ne pourra être intervertie sans présenter immédiatement des maigreurs ou des lourdeurs imprévues. Ainsi les industriels en papiers peints, étoffes et toiles impri- mées possèdent un collaborateur précieux appelé dispo- siteur^ dont le rôle consiste à modifier les couleurs d'une même planche, - pour permettre d'en tirer des repro ductions variées ; or on conviendra que, quel que soit le talent d'adaptation du dispositeur, il est impossible que tous les résultats qu'il obtient soient également heureux, certains détails devant forcément se refuser à satisfaire des tonalités contraires. En principe, le détail sombre sur fond clair est net et franc, les caractères d'imprimerie en noir sur papier blanc en sont la preuve, la lecture de caractères blancs sur fond noir étant, comme on sait, très pénible. Aussi les Persans, dans leurs faïences décoratives, ont-ils fait grand emploi du fond blanc, sur lequel se détachent en vigueur des rinceaux, des entrelacs ou des inscriptions calligraphiques. Au xvi® siècle, nous voyons beaucoup de nielles sur argent et ivoire, des sgraffiti sur enduit 15(5 - LA COMPOSITION DÉCORATIVE. blanc rentrer dans cet ordre dddées; enfin il faut citer aussi le décor noir des poteries à fonds pâles, comme celui des vases grecs primitifs. Le détail clair sur fond sombre, plus brillant, devient facilement confus, s'il est traité très délicat. Certaines majoliques italiennes à décor pâle sur fond noir ou bleu intense présentent, à défaut de netteté, une richesse excessive d'aspect. Les damasquines en argent sur mé- tal noir, les incrustations de nacre sur ébéne, les nielles métalliques sur fond émaillé noir ou bleu d'outremer accusent une sorte d'éclat presque fantastique, effet très recherché par les Indiens dans leurs rinceaux et semis multiflores. En somme, si le choix des valeurs est facultatif, il importe qu'une opposition franche, accusée entre le fond et le détail, définisse clairement à distance les contours de l'un sur l'autre. Aussi, sans entrer dans la nomenclature de tous les procédés mis en jeu, 'depuis l'antiquité, pour détacher les sujets du fond, mentionnons l'emploi des cernures foncées, à l'aide desquelles on parvient aisément à imprimer de la netteté aux contours,, surtout quand il existe peu de différence dans la valeur respective des tona- lités. On emploie aussi les cernures claires, lorsque le fond et les détails sont également foncés; il importe pourtant de savoir que la cernure claire est un peu enva- hissante et écrase parfois le motif qu'elle sertit, surtout quand elle est large et éclatante. Les émaux cloisonnés et champlevés sur métal brillant en fournissent la preuve; il en est de même du décor à réserves, dans LA THEORIE. 157 lequel le fond est réservé aux approches de Pornement et cerne tous ses contours. Pourtant, si la nature de la composition exigeait une opposition violente entre le fond et le décor, il faudrait, afin d^éviter aux contours la dureté et la sécheresse, avoir recours à d'habiles transitions. Ainsi le modeste filet noir côtoyant une large bordure également noire, formant le cadre d'un champ clair, est l'exemple le plus rudimentaire d'une transition destinée à amortiria dureté du contraste. Les incrustations de métal clair dans l'ébène ou l'écaillé foncée sont, par ce fait, ordinairement gar- nies d'un trait gravé sur les bords. Pour la môme raison, on verra, dans les dentelles blanches appli- quées sur des étoffes sombres, les bords festonnés, relevés de picots détachés, donnant toujours un excel- lent résultat. Mais l'art décoratif nous fournit maints exemples de ces transitions, dans ces coupes de Faënza, oü les figures claires s'enlèvent sur un fond noir ou bleu intense, et dans lesquelles l'artiste a eu soin d'adoucir les contours par des éléments délicats, rubans, phy- lactères, rameaux et mèches de cheveux (fig. 128). On retrouve dans les peintures antiques ce même souci des silhouettes; leurs charmantes figures, détachées en lumière sur un fond vigoureux, noir ou brun rouge, étant d'ordinaire pourvues d'accessoires variés, scep- tres, thyrses, oiseaux, serpents, herbages, rubans, ailes déployées, draperies volantes, etc., tous détails chargés d'atténuer la sécheresse et de rompre l'unifor- mité (fig. 129 et 12 5). N'est-ce pas d'ailleurs une raison 158 LA COMPOSITION DÉCORATIVE. du même genre qui a conduit les architectes du moyen âge à garnir le faîtage de leurs combles et de leurs flèches par des crêtes ajourées, et, comme à Notre- Dame de Paris, les arêtes verticales des tours de crochets espacés dans la partie supérieure se déta- chant sur le ciel? Examinons maintenant les rapports d'étendue en- tre le fond et le décor , c'est-à-dire la iprédominance en surface des vides sur les pleins ou des pleins sur les vides. La prédo- minance des vides sur les pleins produit naturellement le décor fin et léger, devenant à l'excès facilement maigre et grêle ; citons, par exemple, l'ornementation des vases grecs, les décorations de Pompéi, les arabesques, les nielles de la Renaissance italienne et française et les motifs délicats du style Louis XVÍ, inspirés d'ailleurs des pein- tures antiques. La prédominance des pleins sur les vides produira, au contraire, un décor ample, d'une richesse abon- ï6o LA COMPOSITION DECORATIVE. deur et la confusion ; c'est ainsi que sont traités beau- coup de rinceaux sculptés de la fin de l'empire romain, et ceux des époques modernes qui s'en sont le plus inspirées, sous Louis XIpar exemple. Nous trouvons également cette prédominance dans les entrelacs celti- FIG» 130. ques, dans les rinceaux arabes et mauresques, et sur- tout dans le décor indien^. Bien que l'artiste soit libre de faire prédominer le fond ou le décor, il tera bien, en général, d'accuser une prédominance quelconque pour éviter la monoto- nie d'impression^, à moins qu'il ne désire disperser ï. Les décorations de tapisseries dites «verdures» appartien- aussi à ' nent ce genre. 2. Les dallages en damier à carreaux égaux noirs et blancs en sont la preuve, ainsi que les étoffes à rayures d'intervalles égaux dont il a été déjà parlé au | VIL LA THÉORIE. lóí rattention sur toute la surface à la fois, expression souvent recherchée dans les jeux de fond et les damassés d^étoifes. Enfin les pleins prédominent parfois au point de couvrir totalement le fond, comme dans certains nattés dont les superpoysitionstet les emntrelacements, simulant le travail d'un tissu, laissent à peine voir le vide • % • aux points d'intersection (fig. i3o). jÊ # Le fond n'a d'ailleurs pas toujours été considéré comme la surface visible résultant des intervalles du décor, et les artistes byzantins semblent les premiers s'être préoccupés de lui faire jouer rôle f JC , f un à part en COMP. DÉCOR. gjk J ili ,1, Il uni,mil íF